Homélie du 18ème dimanche du temps ordinaire C - 05 août 2007
« Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence », voilà qui sonne comme une invitation aux vacances … mais aussitôt après cette citation hédoniste, Jésus dénonce la vanité, l’erreur (assez grossière) de ce raisonnement un peu court … Jésus serait-il contre le repos ? Serait-il contre les vacances ?
Et pourtant, ailleurs dans l’Evangile, Jésus dit :« Venez à l’écart dans un endroit désert et reposez-vous un peu ». Il faut sans doute prendre la phrase au sens premier, certes …mais je voudrais partager avec vous à ce propos, car il m’a beaucoup éclairé, un enseignement de Mgr Barbarin, reçu lors d’une retraite de jeunes prêtres il y a quelques années…
Au début de la retraite, celui-ci nous a dit : « re-posez-vous (en deux mots !), posez différemment sur vos épaules votre charge habituelle, déséquilibrée à cause du temps, re-posez-vous SOUS SON REGARD, afin que sa lumière éclaire les déséquilibres qui se sont installés peu à peu …
J’ai pris conscience, ce jour-là, que je me reposait comme un païen, et non comme un chrétien ! En effet, pour le païen, le repos est seulement la cessation d’activité, mais pour le chrétien, la notion de repos est transformée par l’exemple de Dieu : le livre de la Genèse nous dit que Dieu s’est reposé le 7ème jour … mais ne dit pas qu’il était fatigué (ce qui serait absurde) ; et comment Dieu se repose-t-il ? « Dieu vit toute l’œuvre qu’il avait accomplie, c’était très bon ». Se reposer, pour Dieu, consiste donc à se « retourner » sur son œuvre, et à voir qu’elle est bonne. Se reposer, au sens chrétien du terme, consistera donc à imiter Dieu, en re-posant sous notre regard et sous le sien ce qui fut bon …et ce qui fut mauvais –c’est la petite différence avec Dieu !
Se reposer ne doit pas signifier pour nous « cesser d’être celui que je suis tout le reste du temps ». Imaginez un père ou une mère de famille qui déclarerait « pendant les vacances, je ne suis plus parent » … absurde ! La question est : comment comprendre l’invitation de Jésus à se reposer ?
Le sens premier est important. Jésus, on le sait, avait cette délicatesse de veiller ce qu’une foule qu’il voulait enseigner connaisse le minimum de soin avant de songer à son apostolat : « il vont défaillir » ; « il eut pitié d’eux » … « reposez-vous » signifie donc d’abord tout simplement « prenez du repos ».
Cependant, le sens second de reposez-vous (re-posez-vous) nous évitera de tomber dans une certaine schizophrénie selon laquelle deux hommes cohabitent dans le même homme : l’homme du travail et l’homme des vacances. C’est en effet une maladie moderne que celle qui consiste à travailler pour se reposer et non à se reposer pour améliorer le travail ; nous avons laissé s’installer une véritable inversion des valeurs, en inventant une « société des loisirs », c’est La « Rttologie »… cette inversion creuse l'écart entre l'homme du travail et l'homme des loisirs.
Une dernière question : comment allons-nous faire pour nous re-poser ? Je vous propose une action en trois points concrets.
1) me pencher sur ce que fut ma vie durant l’année écoulée, ce qui m’a pris le plus de temps, là où j’ai perdu mon temps, les expériences qui m’ont rendu heureux ou au contraire triste, mais bien sûr, je ferai cet « exercice » SOUS SON REGARD, sans quoi, je risque de rester dans mes ténèbres et de ne pas réussir à y voir vraiment clair.
2) profiter du temps libre pour prier davantage, et en particulier le Saint-Esprit, afin qu’il guide ma réflexion et même la façon dont je vais prendre du repos.
3) prendre des décisions : le mieux est d’en prendre peu mais de les cibler, comme par exemple 15 minutes de prière chaque dimanche ou un chapelet chaque samedi … mais alors, me direz-vous, tout le monde sait bien qu’on ne tient pas ses résolutions, ou alors très peu de temps ! En effet, c’est la condition humaine … Nous devons chaque jour, chaque semaine recommencer à nous battre, à vivre. Montaigne l’avait bien dit « vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, polissez-le sans cesse et le repolissez »…
Cette thérapie spirituelle que je vous propose, associée à une saine pratique de la chaise longue, ne pourra que nous re–poser, et alors nous nous serons reposés pour mieux travailler. Notre satisfaction, en effet, est plus grande d’avoir bien travaillé que d’avoir la sensation d’avoir été inutile, n’est-il pas ?
P. Emmanuel d'Andigné
« Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence », voilà qui sonne comme une invitation aux vacances … mais aussitôt après cette citation hédoniste, Jésus dénonce la vanité, l’erreur (assez grossière) de ce raisonnement un peu court … Jésus serait-il contre le repos ? Serait-il contre les vacances ?
Et pourtant, ailleurs dans l’Evangile, Jésus dit :« Venez à l’écart dans un endroit désert et reposez-vous un peu ». Il faut sans doute prendre la phrase au sens premier, certes …mais je voudrais partager avec vous à ce propos, car il m’a beaucoup éclairé, un enseignement de Mgr Barbarin, reçu lors d’une retraite de jeunes prêtres il y a quelques années…
Au début de la retraite, celui-ci nous a dit : « re-posez-vous (en deux mots !), posez différemment sur vos épaules votre charge habituelle, déséquilibrée à cause du temps, re-posez-vous SOUS SON REGARD, afin que sa lumière éclaire les déséquilibres qui se sont installés peu à peu …
J’ai pris conscience, ce jour-là, que je me reposait comme un païen, et non comme un chrétien ! En effet, pour le païen, le repos est seulement la cessation d’activité, mais pour le chrétien, la notion de repos est transformée par l’exemple de Dieu : le livre de la Genèse nous dit que Dieu s’est reposé le 7ème jour … mais ne dit pas qu’il était fatigué (ce qui serait absurde) ; et comment Dieu se repose-t-il ? « Dieu vit toute l’œuvre qu’il avait accomplie, c’était très bon ». Se reposer, pour Dieu, consiste donc à se « retourner » sur son œuvre, et à voir qu’elle est bonne. Se reposer, au sens chrétien du terme, consistera donc à imiter Dieu, en re-posant sous notre regard et sous le sien ce qui fut bon …et ce qui fut mauvais –c’est la petite différence avec Dieu !
Se reposer ne doit pas signifier pour nous « cesser d’être celui que je suis tout le reste du temps ». Imaginez un père ou une mère de famille qui déclarerait « pendant les vacances, je ne suis plus parent » … absurde ! La question est : comment comprendre l’invitation de Jésus à se reposer ?
Le sens premier est important. Jésus, on le sait, avait cette délicatesse de veiller ce qu’une foule qu’il voulait enseigner connaisse le minimum de soin avant de songer à son apostolat : « il vont défaillir » ; « il eut pitié d’eux » … « reposez-vous » signifie donc d’abord tout simplement « prenez du repos ».
Cependant, le sens second de reposez-vous (re-posez-vous) nous évitera de tomber dans une certaine schizophrénie selon laquelle deux hommes cohabitent dans le même homme : l’homme du travail et l’homme des vacances. C’est en effet une maladie moderne que celle qui consiste à travailler pour se reposer et non à se reposer pour améliorer le travail ; nous avons laissé s’installer une véritable inversion des valeurs, en inventant une « société des loisirs », c’est La « Rttologie »… cette inversion creuse l'écart entre l'homme du travail et l'homme des loisirs.
Une dernière question : comment allons-nous faire pour nous re-poser ? Je vous propose une action en trois points concrets.
1) me pencher sur ce que fut ma vie durant l’année écoulée, ce qui m’a pris le plus de temps, là où j’ai perdu mon temps, les expériences qui m’ont rendu heureux ou au contraire triste, mais bien sûr, je ferai cet « exercice » SOUS SON REGARD, sans quoi, je risque de rester dans mes ténèbres et de ne pas réussir à y voir vraiment clair.
2) profiter du temps libre pour prier davantage, et en particulier le Saint-Esprit, afin qu’il guide ma réflexion et même la façon dont je vais prendre du repos.
3) prendre des décisions : le mieux est d’en prendre peu mais de les cibler, comme par exemple 15 minutes de prière chaque dimanche ou un chapelet chaque samedi … mais alors, me direz-vous, tout le monde sait bien qu’on ne tient pas ses résolutions, ou alors très peu de temps ! En effet, c’est la condition humaine … Nous devons chaque jour, chaque semaine recommencer à nous battre, à vivre. Montaigne l’avait bien dit « vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, polissez-le sans cesse et le repolissez »…
Cette thérapie spirituelle que je vous propose, associée à une saine pratique de la chaise longue, ne pourra que nous re–poser, et alors nous nous serons reposés pour mieux travailler. Notre satisfaction, en effet, est plus grande d’avoir bien travaillé que d’avoir la sensation d’avoir été inutile, n’est-il pas ?