02 août 2007

Homélies

Homélie du 16ème dimanche du temps ordinaire C - 22 juillet 2007

Avec vous j’essaie de comprendre ce que Jésus veut dire quand il dit « elle a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée » … mais auparavant, il me semble nécessaire, c’est l’expérience de la confession qui m’y conduit, il me semble nécessaire de noter ce que j’appellerai volontiers « le drame de la comparaison »

Ce qui rend Marthe amère et ce qui nous rend malheureux, c’est le drame de la comparaison : quel dommage de passer tant de temps à regarder ce que les autres ont et que je n’ai pas, ou à regarder ce qu’ils devraient faire, d’autant plus qu’en passant ce temps à dénoncer les manques des autres, on cesse de faire ce qui pourrait faire notre fierté et notre supposée supériorité.

Avant l’éclairage évangélique, cette philosophie élémentaire du bonheur ne nous fait pas de mal … à entendre Jésus, « la meilleure part » semble bien signifier : « ce qu’il y a de supérieur, c’est de passer des heures à prier, ceux qui agissent font du bien, mais ceux qui prient font encore mieux »

Mais justement Jésus a prévenu de plusieurs manières que ses disciples ne doivent pas, ne peuvent pas acheter le ciel à coup de prières, il a même carrément dit que la prière du pharisien était mauvaise, sans compter que depuis longtemps l’Ecriture dénonce la prière sans amour. Cela veut donc dire que « la meilleure part » dont parle Jésus, ce n’est pas de passer du temps avec lui (je pense à la prière) mais surtout de passer ce temps avec lui par amour, et principalement pour cette raison.

Voilà ce qui unit l’hospitalité de Marthe et celle de Marie, voilà ce qui fait que l’une et l’autre part sont bonnes : l’amour, l’amour de Jésus, recevoir Jésus … et la part de Marie est meilleure, car son action principale consiste à aimer, elle ne fait qu’aimer, et c’est ce qui donne un sens non seulement à la vie mais aussi et surtout à la religion. Au fond, Marie rend un grand service à sa sœur : elle lui révèle, sans rien lui dire, que l’amour est le plus important et qu’il est l’essence de l’action, du bien que l’on fait

Jésus a dit qu’il recherchait des adorateurs « en esprit et en vérité », cela veut dire que ni la quantité ni la visibilité de nos prières ne produisent quoi que ce soit de bon sans l’amour

La première lecture, que nous connaissons par cœur, et dont nous avons une image célèbre dans l’icône de la Trinité de Roublev donne à l’Evangile d’aujourd’hui une coloration particulière : de la même façon qu’en accueillant ces trois personnages mystérieux, Abraham reçoit en fait Dieu lui-même, de même, Marthe et Marie reçoivent Dieu chez elles. Elles reçoivent Dieu parce que Jésus est Dieu, le Fils de Dieu par nature, mais aussi parce que recevoir quelqu’un, même quelqu’un d’autre que Jésus, c’est recevoir celui qui est à l’image de Dieu, et c’est honorer Dieu dans sa créature

Voici ce que dit la Règle de Sain Benoît, au n° 53 : « Tous les hôtes qui arrivent seront reçus comme le Christ. En effet, lui-même dira : « J'étais un hôte et vous m'avez reçu » (Matthieu 25, 35) ».

Ce que saint Benoît indique dans sa règle, c’est que l’hospitalité, avant d’être une question extérieure, est une question intérieure, on reçoit quelqu’un d’abord dans son cœur (c’est la meilleure part ) on aime sa présence, on accepte la différence qu’il représente, qu’on considère comme un enrichissement et ensuite seulement vient l’accueil extérieur, l’hospitalité visible … et ce qui est encore plus beau, c’est la suite, telle qu’elle est décrite par Jésus lui-même, dans l’Evangile selon saint Luc : « Le maître (il s’agit du Père) prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira chacun à son tour » Autrement dit, l’hospitalité que nous pratiquons ici-bas est non seulement une bonne action vis-à-vis de ceux que nous reconnaissons comme des icônes de Dieu, mais elle est comme le reflet de celle qui nous attend au soir de notre vie

Plus l’accueil ici-bas sera vrai et bienveillant, plus l’accueil là-haut sera une récompense

L’Evangélisation consiste sûrement à faire beaucoup de choses, mais en tous les cas, c’est sûr, elle consiste à vivre l’hospitalité intérieure et extérieure : l’hospitalité intérieure qui revient à aimer les autres, à leur faire une place dans notre cœur … l’hospitalité extérieure, qui elle revient à traduire par des actes cette disposition fondamentale du cœur

Et en vivant tout cela à l’intérieur de la communauté chrétienne, nous serons amenés à faire découvrir non seulement notre propre hospitalité, mais aussi et surtout l’hospitalité de Dieu, celle qui se révèlera à la fin des temps.

C’est dans la pratique de la meilleure part que nous nous exercerons à tout cela, prenons exemple sur Marie, afin de pouvoir ensuite prendre exemple sur Marthe.
P. Emmanuel d'Andigné

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