21 décembre 2010

Homélie du 12 décembre 2010

3ème DIMANCHE DE L’AVENT – ANNEE




12 DECEMBRE 2010



Le psaume 89 pose la question : « Quel est le nombre de nos années ? Soixante-dix, quatre-vingts, peut-être ? Leur plus grand nombre n’est que peine et misère. »

Il est vrai que, si l’on écoute la conversation des gens, il sera beaucoup question de maladies, de chômage, d’accidents, de verglas, de divorces et de deuils, beaucoup plus que de nouvelles heureuses, comme les naissances ou les succès aux examens.

Or la première lecture, du Livre d’Isaïe, ne nous parle que de bonheur et de joie.

« Que le pays aride exulte et fleurisse ! Qu’il crie de joie ! On verra la gloire du Seigneur, la splendeur de notre Dieu. » Les yeux des aveugles verront, les oreilles des sourds entendront. Douleur et plainte s’enfuiront.

N’est-ce pas vivre dans le rêve et se laisser bercer dans de douces illusions ? La Parole du Seigneur, il est vrai, nous place sur un autre plan que celui de nos préoccupations journalières et de nos activités concrètes de toutes sortes.

Quand Saint Paul écrit aux Philippiens : « Soyez dans la joie du Seigneur, soyez toujours dans la joie, » il ajoute : « Le seigneur est proche. » L’Apôtre ne néglige aucunement les souffrances des personnes auxquelles il s’adresse. Il sait, par son expérience personnelle, combien la vie peut être éprouvante, dramatique parfois. Mais il faut découvrir le sens de ces épreuves sous l’éclairage de la foi.

Les versets du psaume cité tout à l’heure, de tonalité très sombre, sont suivis d’autres remplis d’espérance et de confiance : « Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ? Rassasie-nous de ton amour au matin, que nous passions nos jours dans la joie et les chants. »

Les lectures de ce troisième dimanche de l’Avent nous invitent à préparer nos cœurs à la venue du Sauveur. Il ne s’agit pas d’une attente passive et paresseuse. Le Seigneur est proche, il vient… encore faut-il que nous le laissions entrer, que nous lui demandions sincèrement d’enlever, de nous faire enlever, les pierres qui sur nos chemins risquent de nous faire tomber.

Nous nous désolons souvent de voir des proches, des amis, dévier de la bonne route. Que faisons-nous par l’exemple et la prière pour les aider à rectifier ce qui est faussé ?

Saint Jacques nous conseille en ce domaine la patience et la persévérance. « En attendant la venue du Seigneur, écrit-il, ayez de la patience. » Regardez le cultivateur. « Ayez de la patience vous aussi, et soyez ferme, car la venue du Seigneur est proche. »

Comme modèle d’endurance et de patience, l’Evangile nous présente la grande figure de Jean-Baptiste, prophète du Très-Haut.

Il est celui qui reconnaît en Jésus le Messie. Les signes qui lui sont donnés sont indubitables : « les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. »

Quoi de commun entre la façon de vivre de Jean-Baptiste et la nôtre ? A peu près rien, pour ce qui est de l’extérieur, du visible.

Mais, comme nous, il a dû se préparer à accueillir le Sauveur. Il a su rendre témoignage à la Lumière. Il était en prison, nous précise le début de l’Evangile, quand il apprit ce que faisait le Christ. Il n’avait pas manqué de dire la vérité au roi Hérode, ce qui lui valut d’être enfermé, puis décapité. Mais il est entré ainsi dans le Royaume des Cieux.

« Si vous observez mes commandements, dira Jésus, vous demeurerez dans mon amour… Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. »

Que la Vierge Marie, dont nous avons fêté l’Immaculée Conception mercredi, nous guide vers la joie de Noël.



Amen.

Père Jean Rouillard

08 décembre 2010

Homélie du 05 décembre 2010-le curé nous raconte des salades !!!

Homélie du premier dimanche de l'Avent- Année A

Cela fait un bon moment que je voulais vous raconter l’histoire de la salade … mais oui ! Un jour, un jeune homme vient voir un Père du désert et lui dit : « Père, j’ai un bon souvenir de notre conversation d’hier, mais je dois vous avouer que j’ai tout oublié de ce que vous m’avez dit, c’est grave ? –pas du tout, lui répond le vieil homme, ton cœur est comme une salade ; imagine qu’elle est sale et qu’il faille la laver ; tu la plonges dans l’eau et tu l’en ressort ; eh bien, même lorsque l’eau est complètement partie, la salade est propre ; ton cœur est purifié par la Parole de Dieu, ça n’est pas grave si l’eau s’en va, autrement dit si tu oublies, puisque l’enseignement t’a purifié !!

Dieu façonne nos cœurs par sa parole : Parole écrite (la Bible), Parole transmise dans l’homélie (la Tradition) … soyez attentifs à ce que Dieu pourrait vous apporter dans sa parole, plutôt que de vous focaliser sur le personnage qui fait la lecture ou celui qui donne l’homélie ; invoquez l’Esprit Saint au début de la Liturgie de la parole et recommencez au moment de l’homélie !

Car en effet, ceux qui portent la parole de Dieu ne peuvent pas avoir tous les charismes :

Isaïe : a le charisme de la Consolation et de l’intuition du Messie :
Consolation d’Israël (qui connaîtra l’exil et d’autres souffrances), consolation de tous ceux qui souffrent (nous aussi, recourons à cette consolation), consolation du messie dont il pressent les souffrance, ce qui ne manque pas de nous faire penser à Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, qui voulait par ses mortifications et ses sacrifices (les pétales de rose) adoucir la Passion et la croix ; et puis il y a cette incroyable intuition (700 ans avant JC) qui lui fait anticiper la figure de Jésus avec une précision redoutable.

David : lui, a le charisme de la confiance inébranlable en Dieu ; c’est cette confiance qui guide notre réponse à la première lecture (on l’appelle d’ailleurs psaume « responsorial »), les psaumes sont une véritable école de prière (et d’ailleurs, les antiennes de la forme ordinaire du rite romain ou les graduels de la forme extraordinaire sont pratiquement toujours tirées des psaumes)

St Paul : , de son côté, a un charisme bien connu d’enseignement, mais aussi de paternité spirituelle ; il a fondé nombre des communautés chrétiennes du bassin méditerranéen, il les « entretient » dans la foi et les fait grandir encore grâce aux magnifiques lettres qu’il nous a laissées.

Jean-Baptiste : , de son côté, a un beau mais difficile charisme, celui de la conversion ! Nous avons tellement tendance à nous endormir spirituellement il nous faut des Jean-Baptiste !!!

Certes, l’Avent a une tonalité moins pénitentielle que le carême, mais tout de même : il comporte une nuance de conversion, un appel à la conversion pour se préparer à l’Avent de Jésus, à l’Adventum de Jésus, à l’avènement de Jésus (ce sont des synonymes !) : il est très profitable et très nécessaire
de se confesser avant Noël. Bonne nouvelle ! Le 15 décembre prochain , journée continue de confession à sainte-Bernadette, de 10h à 22h, sans interruption …

il nous faut des Jean-Baptiste !!! Il nous faut aussi des David, des Paul, des Isaïe … personne ne cumule tous les charismes, hormis, bien entendu, Dieu lui-même, Dieu le Père, le Fils, et le Saint-Esprit.

C’est un peu comme si chacun de nous était une tesselle, qui compose avec des centaines d’autres les mosaïques. Une tesselle est généralement un petit cube de pierre, de marbre, d’émail, de verre, un galet, d’un centimètre de côté.

Ne demandez pas à une personne seule d’avoir tous les charismes, ne demandez pas à une tesselle d’être la mosaïque a elle toute seulet ne vous affligez pas, réjouissez-vous, de ce que vous n’êtes pas à vous tout seul
la mosaïque. Réjouissez-vous de faire partie d’une communauté !

Je suis de ma génération, je suis allé voir sur Internet ce qui concerne les mosaïques : on peut lire sur les sites spécialisés dans ce sujet que les tesselles peuvent être également « des assiettes cassées, des petits cailloux, des coquillages, de l’ardoise, un miroir cassé, du bois. »

Cela signifie, pour nous, que même si nous sommes blessés, imparfaits, fissurés, pas impeccables … nous pouvons entrer dans la mosaïque et cette mosaïque représente le Christ (j’ai connu un animateur de l’Arche qui disait : « Heureux les fêlés, ils laisseront passer la lumière »)

Je termine en évoquant un fait historique des plus intéressants : à l’époque de Jean-Baptiste, c’est-à-dire à l’époque du Christ, puisqu’ils avaient six mois de différence, il s’est produit en Israël un phénomène comparable à ce qui se passe un peu avant Noël dans une effervescence et une fébrilité annonciatrice du grand moment. En effet, vous avez entendu parler de Qumran, la communauté des Esséniens, qui pressentaient que le Messie allait bientôt venir ; mais avez-vous entendu parler aussi des zélotes, ces juifs qui ont investi la forteresse de Massada, dans une lutte armée contre les romains, précisément parce qu’ils sentaient que les temps messianiques arrivaient et que seule une solution militaire déroulerait le tapis rouge au Messie …

Ainsi donc, que cela soit de façon mystique, « monastique » si on peut dire ou de façon politique et militaire, le judaïsme a senti que son Sauveur venait !

Je prie pour qu’un tel enthousiasme, une telle joie de la venue du Christ à la fin des temps gagne nos cœurs et nos esprits, dans une suite profonde et réelle du Christ.

 P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 28 novembre 2010-le pape a-t-il changé d'avis ?

Homélie du premier dimanche de l'Avent - Année A

Lorsqu’une information parvient à vos oreilles sur France info’ dans la voiture ou au journal télévisé, sachez qu’elle provient généralement d’une dépêche de l’AFP (Agence France Presse) ; on note, dans cette agence, des qualités et des défauts ; parmi les qualités (on peut en prendre de la graine !), on notera l’efficacité, le sens de la pédagogie … et puis on peut noter trois défauts :
- la rapidité (qui est aussi une qualité, mais), qui comporte un risque d’erreur important … c’est le défaut du siècle …
- l’anticléricalisme (qui n’est pas mort à la fin du XIXème siècle !!!)
- et surtout une très grande ignorance religieuse, de sorte qu’ils ignorent ce que vous n’ignorez pas, à savoir que lorsque le Pape s’exprime, il peut le faire solennellement (c’est alors un acte dit de « Magistère », donc d’enseignement officiel, au nom du Seigneur) ou alors confidentiellement, comme il l’a fait dans son dernier livre « Lumière du monde ».

Dans le Magistère, Dieu se révèle à l’homme, il révèle l’homme à lui-même, et ce qu’il veut pour l’homme. Dieu se révèle également dans l’Ecriture Sainte (la Bible) et la Tradition (dont l’homélie, en principe, est une manifestation).

Or, que nous révèle Dieu aujourd’hui ? Vous l’avez entendu : Jour / nuit ; lumière / ténèbre … quelle simplicité ! On a même envie de dire « quel simplisme !!! » ; comme si c’était si simple dans la vie ! Dieu nous révèle par là que en matière de morale, il n’y a que deux réalités, fixes : le bien ou le mal (Xavier Lacroix a été un peu rapide en écrivant l’autre jour qu’il existait un principe « classique » du moindre mal … classique dans son discours, peut-être, mais pas dans celui de l’Eglise). Ainsi, Dieu nous donne des repères clairs, et l’Eglise ne fait rien d’autre que de s’en faire l’écho.

En revanche, lorsqu’un Pape publie un livre d’entretiens, il dévoile son cœur de Père, de Pasteur (ne l’appelle-t-on pas le « Saint-Père » ?) et il mesure le chemin que quelqu’un doit parcourir pour s’éloigner du mal et choisir le bien

Autrement dit : le Pape n’a pas fait de « revirement » sur la question qu’on sait, il n’a pas « changé d’avis », il nous apprend simplement à distinguer le principe (qui est intangible …) et la compréhension de la complexité des situations, qui fait que, bien que le cap ne change pas d’une virgule, le Pasteur d’âme accompagne les chrétiens sur le « chemin de la perfection » (comme disait sainte Thérèse d’Avila), chemin sur lequel il se trouve lui aussi …

Beaucoup de journalistes se sont focalisés sur 5 lignes du livre d’entretien, moi j’attends le 03 décembre prochain avec impatience pour nourrir mon cœur et mon intelligence grâce aux 270 pages de  « Lumière du Monde ».

P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 21 novembre 2010-Un roi couronné d'épines ?

Homélie du 34ème dimanche du temps de l’Église, C (Christ Roi)

2 S 5, 1-3   /   Ps 121   /   Col 1, 12-20   /   Lc 23, 35-43

Il peut paraître surprenant que l’Église ait choisi cet extrait de l’évangile écrit par saint Luc pour nous parler de la royauté de Jésus.

Nous sommes à la fin d’un combat entre Jésus et les dirigeants de son peuple : les hauts dignitaires du peuple juif et les romains qui administraient le pays.

En d’autres lieux, en d’autres temps, lorsqu’un roi, un président ou un responsable politique termine sa vie, à la suite d’une révolution ou d’un coup d’état, en prison ou sur l’échafaud, dans une ambiance de violence, on parle de fin de règne.

Or pour Jésus, c’est tout le contraire : son règne se poursuit ! Alors de quoi parle-t-on ?

Il se passe un évènement terrible : Jésus est en train de mourir sur la croix et il ne dit rien. « … et le peuple restait là à regarder. » Il s’agit du peuple juif, des juifs qui ont suivi Jésus jusqu’au bout, et non de la foule qui a sauvé Barabas. Mais, aucune réaction. Ils ne disent rien. Ils ne comprennent pas. Ils attendaient qu’on les délivre des romains. Sont-ils interloqués, simplement curieux ou dépassés par ce qui se passe ? On ne sait pas.

Les chefs, eux, se moquent de lui. Il est vrai qu’ils triomphent sans aucun mal vu la situation. Les soldats approuvent et font de même. Si vraiment il était roi, il pourrait se sauver lui-même sans problème.

Et l’un des malfaiteurs y va aussi de son couplet méprisant : « N’es-tu pas le Messie ? [Et bien,] Sauve-toi toi-même, et nous avec ! »

Jésus est toujours silencieux. Il pourrait se sauver, il ne le fait pas. Il pourrait montrer sa force et son pouvoir, il ne le fait pas.

S’il est roi, ce n’est pas pour dominer, ce n’est pas pour délivrer Israël comme le pensaient encore les disciples sur la route d’Emmaüs, ce n’est pas pour lui-même, ce n’est pas pour en tirer un avantage personnel.

Il ne se défend même pas et ne cherche pas à s’abriter derrière une immunité liée à son rang.

Mais de quelle royauté nous parle-t-il ?

C’est alors que le second malfaiteur prend la défense de Jésus en lui demandant de ne pas l’oublier et de l’accueillir dans son royaume.

Il n’en connaît rien, mais dans un dernier sursaut avant de mourir, il s’offre à Jésus. Il est au bout du bout. Il ne demande même pas pardon. Il sait très bien qu’il a mal agit. Mais peut-il vraiment analyser sa situation, mais peut-il encore discerner … ? De toute façon, il est trop tard, il va mourir. Il s’abandonne totalement et fait confiance à Jésus qui le reçoit. Il a osé franchir le pas, et le peuple, lui, ne dit toujours rien …

Et là, Jésus prononce enfin quelques mots : « Amen, je te le déclare : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »

On n’en sait guère plus sur le Royaume, si ce n’est qu’aujourd’hui le brigand y sera avec Jésus. Il a ce pouvoir d’accueillir auprès de lui le dernier des derniers, celui qui s’abandonne à lui totalement.

Sa royauté est vraiment mystérieuse.

Elle ne domine pas les hommes, elle ne leur impose rien, elle les laisse libres. Elle ne répond pas aux attaques, aux coups, aux blessures. Elle donne une raison d’être, une raison de vivre à ceux qui vont passer la mort.

Saint Paul nous en dit un peu plus dans sa lettre aux Colossiens.

Si Jésus est roi, c’est parce que, avec son Père et l’Esprit qui les anime, il est à l’origine de tout ce qui a été créé dans les cieux et sur la terre, les êtres visibles et les puissances invisibles : tout est créé par lui et pour lui.

Il est ce roi qui s’est fait chair pour vivre notre condition, pour nous sauver et nous accueillir dans son Paradis, dans son Royaume.

Seigneur, au terme de cette année liturgique, aide-moi à mieux te connaître, et de ce fait à mieux me connaître et à mieux comprendre à quelle vie tu m’appelles auprès de toi. Seigneur, aide-moi à m’abandonner à toi, à vivre avec toi en toute confiance, dès aujourd’hui, sans attendre le terme de ma vie. Ainsi soit-il.

23 novembre 2010

Homélies

33ème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE   ANNEE C

14  NOVEMBRE   2010

Cette page d’Evangile ne semble pas réjouissante…  « Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom !... » Pénible perspective ! Et pourtant nous avons chanté au début de la messe, « Jubilez, criez de joie ! Acclamez le Dieu trois fois saint ! »
Pourquoi ces lectures aujourd’hui ? Quelles sont les raisons de leur choix ?
Nous approchons de la fin de l’année liturgique, qui nous fait revivre tous les ans l’histoire du salut du monde, depuis l’attente du Messie, dans l’Ancien Testament, la venue de Jésus sauveur, crucifié et ressuscité, vingt siècles de la vie de l’Eglise, notre temps actuel, et l’attente du retour du Christ glorieux à la fin des temps.
Dimanche prochain, la fête de Jésus Christ Roi de l’Univers nous fera anticiper le règne final du Seigneur. Et dans quinze jours commencera la nouvelle année liturgique, avec le premier dimanche de l’Avent, nous orientant vers la fête de Noël.
La lecture du Livre du Prophète Malachie nous ramène plus de quatre siècles avant notre ère. « Le Jour du Seigneur », que l’auteur inspiré voit venir, se présente tout à la fois comme redoutable et désirable. Il sera « brûlant comme une fournaise », détruisant les arrogants, les orgueilleux et les impies, purifiant tout jusqu’à la racine.
Mais pour ceux qui craignent le Seigneur, pour les fidèles, il sera « le Soleil de justice », c’est le Messie tant attendu.
La Parole de Jésus dans l’Evangile se situe dans un tout autre contexte. Nous sommes au XXIème chapitre de Saint Luc. Et le XXIIème commence par le complot de Judas contre Jésus et se termine par le reniement de Pierre.
Jésus prépare ses Apôtres à des épreuves dramatiques et déconcertantes. Il ne leur cache rien de la réalité. Le Temple de Jérusalem, si magnifique, sera détruit. Il y aura des bouleversements et des persécutions, qui pourront même venir de parents, de frères et d’amis ; persécutions qui aboutiront à la mort de certains.
En plus des guerres, la nature elle-même participera au désastre par de grands tremblements de terre, des épidémies et des famines, le tout accompagné de signes terrifiants dans le ciel. Mais, malgré ces annonces épouvantables, ceux qui font confiance à Jésus ne doivent pas se décourager. « Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu – leur dit-il – c’est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie. »
Vous vous dites peut-être : tout cela est bien lointain et ne nous concerne pas…
Détrompons-nous ! Cette histoire du monde se transpose dans la vie personnelle de chacun d’entre nous. « Le Jour du Seigneur », c’est déjà le jour de notre baptême, qui nous fait entrer dans la communauté des disciples du Christ. L’éducation chrétienne nous apprend à accueillir le Soleil de justice qui va bruler comme de la paille ce qu’il y a d’orgueil et d’égoïsme en nous, pour que nous rayonnions de la lumière du Seigneur. « C’est un bonheur durable et profond – disions-nous dans la première prière – de servir constamment le créateur de tout bien. »
Toute vie humaine comporte ou rencontre de multiples épreuves, deuils, maladies, souffrances, échecs, parfois même des catastrophes. Les moyens modernes de communication nous renseignent aussitôt sur tous les évènements mondiaux, le plus souvent pénibles, et ils nous rappellent ceux du passé, de la Grande guerre jusqu’aux tueries de Bagdad et d’ailleurs, en passant par l’assassinat des moines de Tibhirine, sans oublier les inondations et famines.
Et il y a des drames personnels ou familiaux, plus discrets et intimes, mais non moins douloureux. C’est le Jour du Seigneur chaque fois que nous nous tournons vers Lui pour lui présenter notre pauvreté et lui demander sa lumière et sa force.
C’est ce à quoi nous invite l’apôtre Saint Paul
 Lui qui a parcouru des distances énormes et affronté des mers par tous les temps, aujourd’hui s’adressant aux Thessaloniciens, il leur conseille de « travailler dans le calme pour manger le pain qu’ils auront gagné. »
Il appartient à chacun d’accomplir humblement son devoir. « Acclamez le Seigneur, car il vient pour gouverner la terre – chantait le psaume 97 – pour gouverner le monde avec justice, et les peuples avec droiture. »
Que le Seigneur gouverne notre cœur pour qu’il nous prépare à son Jour, celui de notre rencontre avec Lui, lorsque notre route sur cette terre sera arrivée à son terme.
Par l’exhortation apostolique que le Pape vient de publier, sur « la Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Eglise », Benoît XVI invite fortement les catholiques à témoigner d’une Parole vivante et actuelle, « surtout dans les pays où l’Evangile a été oublié ou souffre de l’indifférence. »
Ne restons pas sourds à cet appel, qui a pour but le bonheur de l’humanité.
Amen.
Père Jean Rouillard

12 novembre 2010

homélie du 07 novembre 2010-se marie-t-on au Ciel ?

Homélie du 32ème dimanche du Temps ordinaire- Année C

S’il y a bien un enseignement du Christ qui pose problème, c’est bien celui-là !!! A vrai dire, il y a deux problèmes : y a-t-il résurrection ou non ? Le mariage a-t-il de la valeur ?

Jésus, vous le voyez, fait remonter à Moïse la foi en la résurrection. Des scientifiques, spécialistes de la Bible, ont creusé la question et ce sont aperçu que, bien entendu, la chose était vraie, mais que, manifestement, Moïse a prêché alors dans le désert (des psaumes, bien des années après, dénotent une absence totale de foi en la résurrection). A l’époque d’Ezéchiel, entre 600 et 500 ans avant Jésus-Christ, la foi en la résurrection est à nouveau annoncée clairement à Israël (on pense au fameux chapitre 37), mais est bien souvent comprise comme une résurrection nationale, en raison du contexte de l’exil. A l’époque des Martyrs d’Israël (qu’on appelle aussi « macchabées », dont la première lecture d’aujourd’hui est un extrait), on a le témoignage très clair que de l’idée de résurrection collective on est passé à une résurrection personnelle ; nous sommes alors entre 200 et 100 années avant Jésus-Christ. La « dernière étape » avant le Christ est mentionnée par Saint Jean, dans l’épisode ou Marthe (Jn 11) affirme sa foi en la résurrection de son frère, bien avant celle de Jésus.

Quant au mariage, lorsque l’on écoute cet Evangile, on se demande vraiment si Jésus lui confère une quelconque valeur … on me pose souvent douloureusement cette question de savoir si l’on va retrouver son conjoint au ciel, et comment ?

Commençons par réaffirmer une évidence : Dieu tient le mariage en haute estime, et nous en avons une preuve surprenante et très belle dans le Cantique des cantiques …  en effet, dans ce livre, le mot « Dieu » n’est jamais prononcé, et pourtant, il a toujours été très clair tant pour le juifs que pour les chrétiens que ce livre est réellement inspiré. Or il se trouve que les huit chapitres qui le composent ne racontent qu’une seule chose : l’amour entre un homme et une femme ! Dieu se manifeste certainement dans l’amour des époux et même –pourrait-on dire- se « retranche » devant cet amour, au point qu’il devient inutile de prononcer son nom. Par ailleurs, c’est en toute logique (tel Père, tel Fils !) que Jésus déclare « ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ».

Revenons au discours de Jésus : « Les enfants de ce monde se marient. Mais ceux qui ont été jugés dignes d'avoir part au monde à venir et à la résurrection d'entre les morts ne se marient pas, car ils ne peuvent plus mourir »

Soyons honnêtes, on a l’impression que Jésus méprise le mariage, et met la vie consacrée sur un piédestal. Et pourtant, il est bien clair qu’une telle chose serait absurde …

Regardez bien le texte : « les enfants de ce monde se marient ». Observons, voulez-vous, le principe des Pères d’expliquer « l’Ecriture par l’Ecriture », et donc interrogeons le Christ sur ce que signifie « de ce monde ». Jean  17, 15: « Je ne demande pas que tu les retires du monde, mais que tu les gardes du Mauvais. Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. »

« Les enfants de ce monde se marient » signifie donc ceux qui ne renaissent pas d’en-haut, ceux qui s’accrochent uniquement à ce monde, et pour qui la mort est un mur, une fin froide et définitive, pour qui l’au-delà est une hypothèse pieuse d’un petit nombre. Le mariage, dans cette perspective, est une recherche de bien-être, de confort et de jouissance, en attendant le mur. C’est ce que décrit Saint Paul aux Corinthiens (1 Cor 15,32) : « S'il n'y avait eu que de l'humain dans mon combat contre les bêtes à Éphèse, à quoi cela m'aurait-il servi ? Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons, car demain nous mourrons. »

« Les enfants de ce monde se marient. Mais ceux qui ont été jugés dignes d'avoir part au monde à venir et à la résurrection d'entre les morts ne se marient pas, car ils ne peuvent plus mourir »

Lorsque Jésus parle ainsi, il parle de notre condition au Ciel !!! Une fois au Ciel, nous avons « part au monde à venir et à la résurrection des morts », et dès lors « nous ne nous marions plus » … notre passage sur la terre est une belle chose, mais ce n’est pas grand’ chose à côté de ce qui attend les époux dans le Ciel (Saint Paul aux Romains, 8, 18 « J'estime donc qu'il n'y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous. En effet, la création aspire de toutes ses forces à voir cette révélation des fils de Dieu »).

Il faut l’admettre, Jésus enseigne qu’il n’y a plus ni mari ni femme dans le Ciel … et vous allez voir comme c’est beau, finalement et en particulier pour les époux !

Qu’est-ce que cela veut dire ? Je voudrais répondre en trois temps :

1) Vous en conviendrez avec moi, toutes nos affections ici-bas, mari, femme, père, mère, frère, enfant, … sont marqués par le péché. Il ne faudrait pas subitement idéaliser le mariage, sous prétexte que Jésus nous oblige à regarder un peu au-delà de notre expérience sensible …

2) et donc, l’entrée dans le Ciel purifie l’homme des traces du péchés, parfois immédiatement (c’est le cas des saints), parfois avec souffrance (c’est le purgatoire), de sorte que, finalement, ce que Jésus enseigne c’est que, au Ciel, les époux s’aimeront l’un l’autre, ils continueront à s’aimer, mais d’une manière infiniment plus parfaite que tout ce qu’ils auront pu réussir ici-bas.

Et j’ajoute que ceux qui, sur la terre, auront connu souffrance, séparation injuste, blessures ou même plus simplement des égratignures retrouveront cette paix qui procède de la justice, et qui habite le cœur de Dieu.

3) Le cœur de Dieu, voilà la troisième étape du raisonnement : au ciel, la charité de Dieu nous envahira complètement, de sorte que nous serons capables d’aimer toute personne, même parfaitement inconnue, à la manière des Anges, à la manière de Dieu et cet amour purifié du péché,  nous serons capables de l’accorder ainsi à toute personne, comme Dieu le fait à chaque instant.

Cela dit, je vous propose de redescendre sur terre, bien que vous soyez là aussi pour faire un voyage dans le ciel, redescendre sur terre riches de cet enseignement. Donnons une nouvelle fois la parole à Saint Paul (première aux Corinthiens, chapitre 7) : « Dès lors, que ceux qui ont une femme soient comme s'ils n'avaient pas de femme, 30 ceux qui pleurent, comme s'ils ne pleuraient pas, ceux qui sont heureux, comme s'ils n'étaient pas heureux, ceux qui font des achats, comme s'ils ne possédaient rien »

Cela veut dire vivre la terre, pleinement, mais, comme un strapontin du ciel, une préparation de cet amour parfait dont nous serons alors capables

Pour les époux, cela veut dire : « aimez-vous d’une manière bien plus parfaite qu’aujourd’hui, purifiez l’amour que vous avez l’un pour l’autre » ; pour nous tous, cela signifie « purifiez l’amour que vous avez les uns pour les autres » ; pour une paroisse, cela veut dire «  ne soyons pas gentils mais charitables, entraînons-nous à  nous aimer les uns les autres comme les Anges, comme Dieu, plutôt qu’à aimer seulement ceux qu’il est facile d’aimer ». Je serai toujours heureux d’entendre quelqu’un me dire « vous savez, mon Père j’ai été bien accueilli dans cette paroisse » … mais ce qui fera surtout mon bonheur de prêtre, c’est que cet accueil soit une anticipation du Ciel, un accueil surnaturel, et non pas simplement naturel, qui consiste à reconnaître la présence de Dieu en toute personne, que l’on ait ou non une attirance pour elle.

Nous avons mille exemples de sainteté, exemples de ceux qui ont ainsi fait de la vie sur la terre l’apéritif du festin du Ciel, « le festin des noces de l’Agneau », il nous suffit de les imiter …. Ainsi soit-il !

P. Emmanuel d'Andigné

11 novembre 2010

homélie du 31 octobre 2010-l'alliance de la miséricorde et de la puissance

Homélie du 31ème dimanche du Temps Ordinaire - Année C

L’oraison de ce dimanche dit : « Dieu de puissance et de miséricorde, c’est ta grâce qui donne à tes fidèles de pouvoir dignement te servir ; accorde-nous de progresser sans que rien nous arrête vers les biens que tu promets … »

Est-il possible de mettre « dans le même panier » la puissance et la miséricorde ? Notre intelligence est discursive (cela veut dire qu’elle fait des discours pour pouvoir fonctionner), et donc, elle ne peut pas penser en même temps ces deux réalités concernant Dieu ; elle est obligée de penser l’une puis l’autre. Il en va de même pour humanité et divinité du Christ, l’histoire de l’Eglise l’a abondamment prouvé …

Il se trouve, de toutes façons que l’idée même qu’on se fait de Dieu implique la puissance et que l’idée même qu’on se fait de la puissance implique à son tour Dieu, c’est une nécessité logique. Or, qu’y a-t-il de commun entre St Pierre de Rome et ste Bernadette, par exemple ? Eh bien la tentative de représenter la puissance divine, à l’italienne au XVIème siècle ou à la française dans la deuxième moitié du XXème …

Dans les années 50, en France, la puissance divine s’exprime dans l’apparition à Ste Bernadette, tout en même temps, d’ailleurs, que la miséricorde : « qual pregada pecadous (priez pour les pécheurs !) », disait la Vierge à Ste Bernadette. Dans le fond de l’église, à l’époque, une fresque ornait le fond du Chœur. Depuis les années 70 jusqu’à aujourd’hui : la croix est l’unique « décoration » du chœur … c’est aussi la puissance de Dieu qui arrache à la mort, la miséricorde du crucifié qui pardonne les péchés.

Una autre oraison dominicale dit ceci : « Dieu qui montres la preuve suprême de ta puissance lorsque tu patientes et prends pitié … » ; cela signifie par conséquent qu’il y a d’autres preuves, mais que celle-ci se trouve « en haut du panier » ! Puissance et miséricorde font bon ménage, en Dieu.

« Dieu de puissance et de miséricorde, c’est ta grâce qui donne à tes fidèles de pouvoir dignement te servir ; accorde-nous de progresser sans que rien nous arrête vers les biens que tu promets … »

Sans que rien nous arrête : c’est l’occasion de contempler la véritable liberté. L’Eglise est libre car elle s’attache à Dieu plutôt qu’aux hommes, d’abord à Dieu puis aux hommes. Ainsi en témoigne l’exemple donné par Benoît XVI lors de l’audience du 27 octobre dernier, lorsqu’il dit :
« au Jubilé de 1350, mais elle désirait aussi obtenir du Pape l'approbation de la Règle d'un Ordre religieux qu'elle entendait fonder, consacré au Saint Sauveur, et composé de moines et moniales sous l'autorité de l'abbesse. Cela ne doit pas nous surprendre : il existait au Moyen-Age des fondations monastiques avec une branche masculine et une branche féminine, mais pratiquant la même règle monastique, qui prévoyait la direction d'une Abbesse. De fait, dans la grande tradition chrétienne, une dignité propre est reconnue à la femme, et - toujours à l'exemple de Marie, Reine des Apôtres - une place propre dans l'Eglise qui, sans coïncider avec le sacerdoce ordonné, est tout aussi importante pour la croissance spirituelle de la Communauté. En outre, la collaboration d'hommes et de femmes consacrés, toujours dans le respect de leur vocation spécifique, revêt une grande importance dans le monde d'aujourd'hui. »

Alors que l’opinion publique du 14ème siècle refuse toute responsabilité de gouvernement aux femmes l’Eglise avance librement en octroyant cette responsabilité à une femme (comme à Fontevraud !). Alors que, aujourd’hui, l’opinion publique du 21ème siècle voudrait ordonner prêtres les femmes, l’Eglise avance librement et s’en tient à ce que Jésus a mis en place et n’ordonne que des hommes.

Demandons à Dieu la grâce d’être libres aujourd’hui, de penser par nous-mêmes selon l’Esprit de Dieu et non dans une conformité servile à l’esprit du monde ; ainsi nous nous avancerons « vers les biens que Dieu promet » !

P. Emmanuel d'Andigné

03 novembre 2010

homélie du 24 octobre 2010-suis-je pharisien ou publicain ?


Homélie du 30ème dimanche du temps ordinaire-année C


Nous sommes tous pécheurs et nous essayons tant bien que mal de nous convertir. Mais aussi, et c’est très humain, nous avons besoin de nous rassurer, de nous dire que nous progressons malgré tout.

On arrive bien à faire des efforts sur certains points, même si nous retombons parfois et alors on se dit qu’on a mis plus de temps à retomber que la fois précédente et que donc, a priori, nous sommes plutôt sur la bonne voie. « Tu vois, Seigneur, j’ai fait des efforts pour me rapprocher de toi. Je progresse en charité, en fraternité. Je porte plus d’attention aux autres, j’essaye de rendre service à la communauté, à la paroisse ». En fait, on éprouve le besoin de se dire cela pour se rassurer d’être sur le bon chemin.

Les deux personnages de la parabole de l’Évangile vont au temple pour prier et rencontrer le Seigneur. Ils se tiennent à distance l’un de l’autre bien sûr, mais avant tout de Dieu.

Le premier, le pharisien, ne laisse rien au hasard. Un parcours sans faute. 20/20. Il respecte la loi. Il remplit son contrat. Plus il en fait, plus il pense se rapprocher du Seigneur. Un peu comme un plan de carrière.

Il pense que le Seigneur finira bien par reconnaître l’excellente situation dans laquelle il se trouve, en remarquant bien que beaucoup ne lui arrivent même pas à la cheville. « Seigneur, je te rends grâce d’être meilleur que les autres. Merci, mon Dieu, ne m’avoir mis à part des pécheurs ».

Le second, le publicain, lui n’a rien à mettre en valeur. Il se sait profondément pécheur. Il se juge lui-même. Il se sent écrasé par ses fautes. Il pense qu’il n’arrivera pas à se convertir et à devenir meilleur. Il retombe à chaque fois et est tenté de se désespérer. Il se sent abandonné. « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis ».

Si on se regarde bien, on se retrouve parfois dans la peau du pharisien et parfois dans celle du publicain. Mais pas complètement.

Car malgré nos efforts, nous sommes bien incapables d’être aussi vertueux et fidèles que le pharisien (à prier régulièrement, à écouter et à mettre en œuvre ce que nous dit l’Église) et nous sommes bien incapables d’être aussi humbles que le publicain cherchant toujours une excuse à nos manquements d’amour.

Alors faut-il que notre vie et le témoignage que nous pouvons donner oscillent sans cesse entre les attitudes de ces deux personnages ? Le pharisien qui attend sa récompense et le publicain qui se morfond sur son pauvre sort. Et si on essayait de réduire la distance qui nous sépare de Dieu.

En fait, c’est saint Paul qui nous donne le chemin à suivre.

Saint Paul a transformé sa vie avec un véritable élan de générosité et une volonté à toute épreuve pour annoncer l’Évangile, ce que nous essayons de faire tant bien que mal mais sans y parvenir. Un équilibre difficile entre l’investissement total de sa personne dans l’action, et l’abandon total et définitif entre les mains du Seigneur.

Saint Paul ne met pas en avant sa réussite comme pourrait le faire le pharisien. Ce qu’il met en avant c’est l’action du Seigneur qui a pu agir en lui car il s’est totalement abandonné par amour pour servir son Seigneur et son Dieu.

Il ne se compare pas aux autres, il rend grâce non pas de ses mérites, mais de l’action que le Seigneur a faite en lui et de son soutien dans les moments difficiles. Il sait que le Seigneur est toujours à ses côtés et qu’il ne l’abandonne pas.

C’est par une libre obéissance à la volonté de Dieu que notre action est alors non plus tournée vers nous-mêmes, pour notre propre satisfaction, mais transformée et sanctifiée par l’Amour de Dieu pour le service de nos frères.

Le message que le Seigneur nous envoie aujourd’hui au travers des écrits de Luc et de Paul nous est difficile à mettre en œuvre : cela demande à la fois un investissement total de notre personne et un abandon total au Seigneur.

À l’exemple de saint Paul, nous sommes appelés à reconnaître l’œuvre de l’Esprit Saint qui agit en nous et à rendre grâce pour l’œuvre ainsi accomplie, non pas du fait de nos propres mérites mais de la place que nous laissons au Seigneur au fond de notre cœur.

Seigneur, aide-moi à réduire la distance qui me sépare de toi afin que ma vie soit offerte au service de ton Amour. Ainsi soit-il.

Jean-Paul Rousseau, diacre

20 octobre 2010

Homélie du 17 octobre 2010-la foi est-elle confiance ?

Homélie du 29ème dimanche du Temps Ordinaire - Année C

Un jour, un homme vint me voir au confessionnal et me fit cette étrange demande : « Mon Père, je ne sais pas comment prier ; vous, vous devez savoir … pourriez-vous demander à Jésus qu’il fasse beau samedi, c’est très important pour moi ? » Je comprends alors vite qu’il était inutile de lui faire un discours sur les rapports entre la prière et la météorologie ; alors, le plus sérieusement possible, je vais avec lui devant le saint-sacrement et je m’adresse au Christ « Seigneur, faites qu’il fasse beau samedi, c’est important pour ce Monsieur ». Me croirez-vous, si je vous dis que, le samedi suivant, il faisait un temps magnifique ?!!!

Ce monsieur a-t-il fait un acte de foi ? Puisque Jésus se demande aujourd’hui dans l’Evangile s’il trouvera la foi sur le terre, quand il viendra … et quand je demande la guérison d’un père de famille ou d’une jeune fille de 23 ans atteinte d’un cancer, est-ce que je fais un acte de foi ? Ça n’est pas simple … mais en tous les cas, il faut se garder de réduire la foi à la seule confiance.

Qu’est-ce que la foi ? A quoi cela sert-il de croire en Dieu ? Je me tourne vers saint Paul et il me répond (c’est la deuxième lecture) : « Depuis ton plus jeune âge, tu connais les textes sacrés : ils ont le pouvoir de te communiquer la sagesse, celle qui conduit au salut par la foi que nous avons en Jésus Christ. »

La foi sert donc à obtenir son salut, elle est la voie du Salut. Qu’est-ce que la foi ? Le magistère (l’enseignement des papes et de l’Eglise en général), a précisé l’enseignement de Saint Paul en nous disant que c’est une « vertu théologale ». C’est donc une « force » (virtus en latin) déposée par Dieu pour nous permettre de croire en lui, de la toucher par l’acte de foi. La Foi  permet de toucher Dieu (c’est le sens du mot « théologal »), l’Espérance permet de toucher Dieu, la charité permet de toucher Dieu !!!

Tout se passe comme si il y avait deux cercles (c’est une image comme une autre) : le premier cercle serait celui de la confiance, et ce’ cercle est comme un ensemble, en mathématique, qui a une intersection avec le deuxième cercle, celui de la foi. Ces deux cercles se compénètrent, bien sûr, mais ils ne se confondent pas.

Dans la façon dont nous vivons la foi, il y a une attitude psychologique qu’on appelle confiance, et une attitude spirituelle qui recherche Dieu, indépendamment de la santé, de la richesse, du bonheur terrestre qui sont pour nous source de confiance ou de méfiance … Il est certain que la foi fait du bien à la confiance, et que la confiance fait du bien à la foi, mais il ne faut pas faire de notre foi uniquement une affaire de confiance, laissant le second cercle « absorbé » par le premier.

Jésus, dans l’Evangile, fait toujours la même chose : il commence son discours sur un registre très simple, et à vrai dire presque uniquement psychologique : « ayez confiance, demandez avec persévérance … et ensuite, il élève le niveau de son discours et passe de la confiance à la foi (« le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »). A la fin de sa vie publique, Jésus déclare : « or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu et Jésus-Christ, que tu as envoyé » ; nous connaissons Dieu par la Foi , par l’Espérance et par l’Amour.

La liturgie imite le Christ, bien sûr, lorsqu’elle dit que nous espérons « le bonheur que tu promets et l’avènement de Jésus-Christ notre Sauveur ». Il y a un moment où les deux cercles se confondront, dans l’éternité, mais en attendant, nous sommes sur la terre …

Et sur la terre, il y a un troisième cercle : la magie. Cela signifie plus précisément deux choses : une conception magique de la foi et la magie au sens précis et technique du terme.

La conception magique de la foi, c’est de confondre le troisième cercle avec le premier, de prendre Dieu pour une caisse automatique de bonheur, ou de solution des problèmes.

La magie au sens technique, précis du terme, c’est ce que pratiquent les mages, c’est-à-dire non pas les prestidigitateurs que l’on voit dans les émissions de télévision (ça c’est plutôt plaisant), mais je veux parler de ces personnes troubles, qui pactisent avec des forces occultes (diaboliques en fait), pour obtenir surnaturellement des choses qu’on obtient pas naturellement, et qui vous lient à ces puissances spirituelles mauvaises, du moins quand vous les laissez faire …

On sait bien que, au moment de la première évangélisation, les apôtres ont eu à lutter contre la magie au sens précis du terme (le fameux Simon et sa « simonie »), il serait bien étonnant que nous échappions à cette lutte aujourd’hui …

Pas plus tard qu’hier soir, on me parlait d’un charlatan célèbre : ce sulpicien qui profite de son état sacerdotal pour conduire à lui des âmes désemparées et leur faire croire qu’ils vont parler à leurs disparus (et combien d’autres).
Nous avons raison de prier pour la guérison de ceux que nous aimons, nous avons raison de mettre toute notre confiance en Dieu, mais il faut que nous apprenions à demander surtout le plus important : le Salut !

Mon schéma avec des cercles n’est pas terrible, mais il permet de purifier notre foi, en demandant surtout et d’abord le royaume, surtout et d’abord le salut, et ensuite, bien sûr, comme des enfants confiants, tout ce dont nous avons besoin. Ainsi, toute souffrance pourra être comprise comme une occasion originale de nous rapprocher de ce Salut.

L’onction des malades, au départ, il faut bien le dire, est une demande que la maladie, la souffrance, soient allégées … mais à l’arrivée –si on peut dire-, il y a une grâce de paix, et un « turbo » pour le Salut !

Dans le rituel, nous voyons bien les deux aspects présents dans l’Ecriture en général et dans l’Evangile en particulier : N, par cette onction sainte, que le Seigneur, en sa grande bonté, vous réconforte par la grâce de l’Esprit Saint. Ainsi, vous ayant libéré de tous péchés, qu’il vous sauve et vous relève.

Qu’il vous réconforte, qu’il vous sauve !

Nous avons fêté Sainte Thérèse d’Avila vendredi dernier : elle préconise, avec le Carmel, un progrès spirituel sous la forme d’un voyage intérieur, à l’intérieur de nous-mêmes. Elle compare le cœur de l’homme à un château de cristal, Dieu habite dans notre cœur et nous apprenons à l’y rencontrer, à dialoguer avec lui, de sorte que sa volonté et la nôtre s’habituent l’une à l’autre, et nous apprenons ainsi à purifier nos prières, à être concrètement tourmentés du Salut. Quelles que soient les nuits, dès lors, nous sommes attachés de plus en plus à l’unique nécessaire -« quien a Dios tiene, nada le falta” (celui qui a Dieu n’a besoin de rien)-, et nous ne cherchons plus que lui.

P. Emmanuel d'Andigné

15 octobre 2010

Homélie du 10 octobre 2010-que veut dire "catholique" ?

Homélie du 28ème dimanche du Temps ordinaire - Année C

Le lépreux samaritain de l’Evangile et Naaman le syrien ont deux choses en commun : la lèpre, bien sûr, mais aussi le fait qu’ils sont  étrangers aux juifs. La lèpre, on le sait, provoquait une exclusion communautaire, à l’intérieur des peuples, déjà ; quant à l’étranger, c’est l’évidence, il subissait naturellement une exclusion xénophobe.

Nous sommes au chapitre 17 de l’Evangile selon saint Luc (qui en compte 24). Dans les évangiles, il se produit un basculement, même chez saint Jean qui est pourtant si différent des trois autres et qui consiste en ceci : d’abord Jésus s’intéresse exclusivement aux « brebis perdues de la maison d’Israël » ; puis, peu à peu, toutes les nations vont à lui par tel ou tel de ses représentants, jusqu’au moment où Jésus dit carrément « allez, de toutes les nations faites des disciples …(Mt 28) ». Plus précisément, chez Saint Luc, on peut lire : « il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Écritures. Il conclut : « C'est bien ce qui était annoncé par l'Écriture : les souffrances du Messie, sa résurrection d'entre les morts le troisième jour, et la conversion proclamée en son nom pour le pardon des péchés à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. C'est vous qui en êtes les témoins (Luc 24, 46 et suivants) ».

Ainsi, Jésus est en train de fonder le catholicisme. J’ai bien dit : le catholicisme. Mais il faut bien s’entendre sur la signification du mot. « Catholique » signifie « total ». Et donc, ce mot a deux significations : la totalité des hommes, ce qui a conduit à traduire souvent par le mot « universel », mais aussi la totalité des moyens de salut, que l’on trouve dans cette Eglise ?

Pour ce qui est de l’universel, Jésus respecte une certaine lenteur de ses contemporains, en se tournant d’abord et uniquement vers les juifs, et lorsque l’occasion se présente, il étend le Salut à toutes les Nations, d’abord avec des grincements de dents (les juifs sont furieux) et ensuite, de plus en plus clairement : nous assistons là à une pédagogie très patiente, source d’inspiration pour les parents et éducateurs en général. La Pentecôte sera le sommet de l’ouverture de l’Eglise à toutes les nations …

Pour ce qui est du Salut l’Eglise est dite « catholique », car elle est le corps du Christ, or le Christ est tout ce qu’il nous faut pour être sauvés, la totalité des moyens de Salut (Guilhem reçoit aujourd’hui, lui qui est- baptisé tout ce qu’il lui faut pour être sauvé !). Et puisque l’Eglise est le corps mystique du Christ, la division du corps du Christ est un scandale que nous devons combattre.

Pour ce qui est des lépreux, il faut comprendre ce qui se passait à cette époque : exclure un lépreux, c’était tout simplement protéger la communauté … nous avons beau jeu, au XXIème siècle, de trouver cette exclusion épouvantable, nous qui avons des moyens de protéger et de soigner, alors que et d’une, la lèpre n’est pas morte malgré notre toute-puissance et de deux, nous savons bien exclure nous aussi, et ranger une catégorie de population en dehors de nos maisons pour qu’ils ne perturbent pas notre quotidien …

Quoi qu’il en soit,, il nous faut honorer la dimension de l’accueil, en prenant appui sur l’accueil que nous recevons nous-mêmes de Dieu et l’accueil de lui, pour en venir, surnaturellement à accueillir vraiment tout homme.

Je termine avec une particularité frappante de ce passage d’Evangile : les mouvements …

Jésus marche vers Jérusalem, traverse la Galilée et la Samarie, entre dans un village, les lépreux viennent à sa rencontre. Ils s’arrêtent … « allez vous montrer au prêtre » … en cours de route, ils furent purifiés, l’un d’eux revient sur ses pas … « pourquoi les autres ne sont-ils pas revenus ? » …« va, ta foi t’a sauvé ! »

Bien sûr, ce n’est pas le moment, ici, de détailler tous ces mouvements, mais on y reconnaît les mouvements intérieurs de notre rencontre avec le Christ, pour nous guérir de la lèpre du péché : l’initiative revient au Christ, en l’apercevant même de loin (comme c’est encourageant !), on peut espérer être entendu de lui, on va vers lui … de la rencontre avec lui et la foi vient la guérison … et par suite la gratitude pour la guérison. Nous avons la chance de pouvoir développer en nous par l’Eucharistie cette gratitude si bien illustrée par le lépreux (le mot Eucharistie ne veut-il pas dire « remerciement », action de grâce » ?). La gratitude devient la marque de fabrique de notre foi. Méditons, travaillons ce texte, et vivons une aventure intérieure digne de l’aventure apostolique, et même plus grande encore, « puisque le Christ remonte vers le Père ».

P. Emmanuel d'Andigné

27 septembre 2010

Homélie du 26 septembre 2010-entendre n'est pas écouter !

Homélie du 26ème dimanche du Temps Ordinaire - Année C

Je vous parlais, bien sûr, dimanche dernier, du voyage de Benoît XVI : allez voir sur votre blog préféré (à droite, il vous suffit d’un clic) ! Vous êtes professeurs, instituteurs, regardez le discours du Pape sur l’Education Catholique ; vous êtes un homme politique ou vous vous intéressez à la politique, lisez le discours de Westminster ; si vous souhaitez un regard profond et intelligent sur l’actualité, la conversation dans l’avion vous sera profitable !

Quant à la deuxième lecture, elle convient parfaitement aux serviteurs d’Alpha : en effet, elle contient un encouragement et un horizon. L’encouragement consiste en ce que, en écoutant cette parole, vous vous apercevez que vous mettez en application la Parole de Dieu « Continue à bien te battre pour la foi, et tu obtiendras la vie éternelle ; c'est à elle que tu as été appelé, c'est pour elle que tu as été capable d'une si belle affirmation de ta foi devant de nombreux témoins ». L’horizon nous apparaît alors clairement, c’est d’obtenir la vie éternelle ! En ouvrant le journal vendredi, j’ai appris avec étonnement que j’avais dit que je voulais -je cite- « donner une image conviviale de l’Eglise ». En réalité, il s’agit d’obtenir pour vous et pour vos auditeurs de la vie éternelle !!! Regardez ce que le Saint-Père a déclaré dans l’avion à ce sujet :

Question du journaliste : […]Peut-on faire quelque chose pour rendre l'Eglise, en tant qu'institution, encore plus crédible et attirante pour tous?

Réponse du Pape . : Je dirais qu'une Eglise qui cherche surtout à être attirante ferait déjà fausse route. Parce que l'Eglise ne travaille pas pour elle-même, elle ne travaille pas pour croître en nombre et ainsi augmenter son pouvoir. L'Eglise est au service d'un Autre, elle n’est pas utile pour elle-même, pour être un corps fort, mais pour rendre accessible l'annonce de Jésus Christ, les grandes vérités, les grandes forces d'amour, de réconciliation apparues à travers cette figure et qui viennent toujours de la présence de Jésus Christ. Dans ce sens, l'Eglise ne recherche pas à être attirante, mais elle doit être transparente pour Jésus Christ.

J’en viens maintenant à l’Evangile ou plutôt à l’ensemble cohérent constitué de première lecture, psaume et Evangile … nous continuons la lecture de l’Evangile selon saint Luc, chapitre 15 il y a deux semaines, début du chapitre 16 la semaine dernière, et t aujourd’hui la fin du seizième chapitre. Tout ce chapitre n’est que le commentaire de la phrase suivante : « Vous ne pouvez pas servir Dieu et l’Argent."

Amos était notre instructeur dimanche dernier, il le demeure aujourd’hui, vous l’avez entendu : il stigmatise les « vautrés » !!!
Pour ma part :
1)      je me contente de faire résonner cette parole dans l’église pour qu’elle puisse avoir son efficacité aujourd’hui, le cas échéant
2)      mais je me garderais bien de juger les apparences, et je vous invite à faire de même, car il est probable que, discrètement, sans faire sonner de la trompette, un certain nombre d’entre nous servent les plus pauvres et constatent avec plaisir qu’ils mettent en application la parole de Dieu, et se sentent donc encouragés par ces mots.

L’Evangile, donc, nous offre une parabole, les choses sont bien tranchées, trop bien tranchées, pas comme dans la vie … Jésus durcit le trait pour provoquer une réaction, pour faire peur, pour réveiller notre conscience endormie. Il cherche clairement la conversion (comme Amos) et d’ailleurs le mot est prononcé …

Comme dans les fables de La Fontaine et comme souvent dans l’Evangile, la clé se trouve à la fin : « quelqu’un aura beau ressusciter d’entre les morts, ils ne seront pas convaincus ». Autrement dit, c’est -encore une fois- la mort et la résurrection de Jésus qui est la clé de la compréhension de la parabole. Une fois qu’on a la clé, il suffit d’entrer dans la maison …

Et donc, la première information, c’est que, si les chrétiens doivent servir les pauvres, et faire le bien en général, c’est pour obtenir la vie éternelle, ça n’est pas simplement une affaire de bons sentiments …Il ne faudrait pas que la question de la pauvreté occulte le grand sujet de l’Evangile : le Salut, le Ciel, le Paradis, promis à ceux qui aiment leurs prochains et Dieu. Etant bien entendu que celui qui prétend aimer Dieu sans aimer son prochain et surtout les pauvres révèle en fait qu’il s’aime surtout lui-même au prétexte de Dieu, car amour de Dieu et amour du prochain sont les deux faces d’une même réalité.

Jésus est venu d’abord pour nous ouvrir le Ciel. L’Eglise Catholique aujourd’hui doit parler du Ciel, ouvrir le Ciel à ceux qui regardent la terre et qui n’y voient que leurs pieds. Sommes-nous préoccupés du Ciel ? C’est une bonne question …

Cela dit, je crois que le principal défaut de cet homme riche de la parabole est d’avoir su, mais de n’avoir rien fait. Il entendait parler des pauvres, mais il n’écoutait pas ; autrement dit, il n’écoutait qu’avec ses oreilles, pas avec son cœur.

Et nous-mêmes, quand nous entendons Dieu parler au moment de la liturgie de la Parole, nous l’entendons, mais l’écoutons-nous ?

Souvent, quand il y a des disputes, on demande à l’autre : « tu m’écoutes quand je te parle ? » . Dieu nous pose la même question aujourd’hui : « tu m’écoutes quand je te parle ? »

« j’écoute, que dira le Seigneur Dieu » ; « aujourd’hui, écouterez-vous sa parole, n’endurcissez pas votre cœur », disent les psaumes …

Aujourd’hui, on fait, et c’est très bien, des « formations à l’écoute ». Quand on y pense, c’est curieux … n’est-ce pas pourtant très simple et très évident d’écouter quelqu’un ??? Nous pourrions demander aujourd’hui à Dieu qu’il nous débouche les oreilles, les oreilles du cœur pour Lui et pour les autres.

Je termine avec un témoignage qui je crois illustre un autre grand problème soulevé par cette parabole et qui serait le problème de la fixité des choses. J’ai connu à Jérusalem un dominicain dont l’apparence négligée me rebutait souvent, mais un jour, il prononça cette phrase extraordinaire « je ne me lasse jamais des personnes ». Il avait atteint un tel niveau d’humanité qu’il voyait à l’intérieur des personnes, et pas simplement à l’extérieur, superficiellement, avec cet « abîme » dont parle l’Evangile que nous mettons entre nous et les autres, dans un regard superficiel.

Le pire de tout, c’est de fixer les choses dans son esprit, comme par exemple : « les pauvres sont pauvres, c’est normal » ; « la société fonctionne comme ça, c’est ainsi, on ne peut rien y faire » … et de laisser se creuser un écart entre nous, en écart infranchissable déjà sur la terre entre les riches et les pauvres, de sorte qu’au Ciel l’écart demeure le même, mais dans un rapport inversé !

Demandons à Dieu la grâce d’un cœur blessé d’amour, d’un cœur encore chaud, qui ne se résout pas aux situations, mais veut transformer sa propre personne, et dans une certaine mesure le monde qui l’entoure.

P. Emmanuel d'Andigné

23 septembre 2010

Homélie du 19 septembre 2010-Newman béatifié !!!

Homélie du 25ème dimanche du Temps Ordinaire - Année C

« Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent » . Lorsque Henri VIII , en 1534, a finalement « fondé » l’Eglise d’Angleterre, c’était à cause du refus de son divorce par le Pape, mais aussi pour des raisons financières, car il acceptait difficilement que l’extraordinaire richesse immobilière de l’Eglise ne tombe pas en partie dans les caisses de l’Etat …

Trois siècles plus tard, après que l’Eglise d’Angleterre a connu successivement des périodes « catholiciscantes » et des périodes « protestantisantes  (pardon pour les néoilogismes)», un certain John-Henry Newman naissait, à Londres, en 1801, d’une famille partagée entre l’Evangélisme à l’anglaise du côté de son père et le protestantisme à la française du côté de sa mère. Il sera béatifié aujourd’hui, et voici pourquoi :

Il s’est passé beaucoup de choses durant les 89 ans de sa vie, mais la première chose significative fut sa première conversion à 15 ans. Je parle de la première, car il y en eu deux, à 15 et à 32 ans, d’une manière purement spirituelle la première fois (il dit avoir senti « s’alourdir » « la main de Dieu » sur lui), la seconde, dans des circonstances très particulière, lors d’un voyage en Italie, où il tomba malade et faillit trouver la mort. Il était alors encore anglican, bien sûr.

Il a connu deux conversions de nature différente : la première l’a fait passer d’une religion formelle à une relation vivante à Dieu, la seconde, à cause de la proximité de la mort, a rendu chez lui vitale la recherche de la vérité et la recherche de Dieu.

Nous pouvons déjà mettre une chose dans notre « panier spirituel » d’aujourd’hui : que notre religion ne soit pas une série d’automatismes mais une relation vivante avec Dieu.

Dès sa première conversion (15 ans !), John-Henry se dit : « je suis anglican, mais qu’est-ce que ça veut dire exactement ? » Commence alors une longue recherche de la vérité ; il perçoit les deux courants théologiques majeurs : un courant protestant et donc « naturellement » anti-romain et un courant catholique (quant à la proximité doctrinale avec l’Eglise Catholique), lui aussi anti-romain, aussi étrange que cela puisse paraître. Les règles du jeu outre-manche sont toujours difficiles à comprendre pour qui n’est pas britannique …

Et c’est alors que lui viennent deux idées : la première, c’est que le fondement religieux de l’anglicanisme est proche du zéro, car au fond, c’est une affaire politique, une affaire d’argent et d’infidélité conjugale, mais sans aucune assise spirituelle ou théologique (ce qui explique que l’anglicanisme se soit trouvé balloté entre protestantisme et catholicisme …)

Une deuxième idée lui vient : maintenant qu’il y a des anglicans (la chose existe depuis trois siècles à cette époque) l’anglicanisme ne serait-il pas le juste milieu entre protestantisme et catholicisme, prenant le meilleur entre les deux, et rejetant dans les deux ce qui s’éloigne de l’Eglise primitive ?

Cette idée le séduit pendant plusieurs années (d’ailleurs on est facilement séduit par ses propres idées, isn’t it ? …), jusqu’au jour où il prend conscience que ça n’est qu’une idée et que jamais une idée n’a pu étancher la soif de vérité. En revanche, il constate qu’il y a dans les Eglises protestantes et catholique une réelle religion, alors que toute la structure de l’Eglise d’Angleterre est essentiellement politique, et, que, pour le coup c’est bien là la réalité ! Nouvelle déception, donc, et alors reprend son itinéraire à la recherche de la vérité.

Dans notre panier spirituel, ajoutant donc deux éléments : Il faut toujours mieux épouser une réalité qu’une idée (n’est-ce pas évident dans le mariage, qui ne nous fait pas épouser une femme idéale ou un mari idéal, mais bien plutôt une femme réelle, et un mari réel, ce qui est bien mieux !?) ; en outre, notre religion doit être une recherche constante de la vérité (« je n’ai jamais cherché que la vérité », disait Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de Sainte-Face »).

Benoît XVI est en Angleterre, et il est en train de démontrer magistralement que ce qui caractérise sa venue et la béatification de Newman, c’est la recherche du Christ et de la vérité, et non un racolage pour grappiller des fidèles à l’anglicanisme.

En 1839, Newman est presque au bout de son itinéraire, il étudie en toute honnêteté les quatre notes de l’Eglise (« Une Sainte, Catholique et apostolique ») : sa réflexion fait scandale, il s’éloigne de plus en plus d’une Eglise dont il a désormais la conviction qu’elle est schismatique.

Finalement (je vous passe les détails), le 08 octobre 1845, il tombe à genoux devant un prêtre catholique, se confesse longuement et demande à être reçu dans l’Eglise Catholique, le lendemain.

Il ne découvrira pas le paradis, mais une Eglise réelle, avec ses casseroles, comme par exemple la piètre qualité de l’enseignement de la théologie à Rome. Il a désormais, malgré tout, la conviction que l’Eglise catholique représente la continuité réaliste et crédible de l’Eglise du Christ et des Apôtres. En 1847, il est ordonné prêtre (car l’ordination n’est pas sacramentelle dans l’Eglise Anglicane), il prêche, il enseigne … en 1879, il est créé cardinal par Léon XIII, et lorsqu’il meurt, en 1890, un concert d’hommages salue sa mémoire dans le monde entier.

La consultation de la véritable information (Internet est une bonne nouvelle pour la liberté de penser !) nous permet de constater que Benoît XVI illustre pendant son voyage une phrase du Gloire à Dieu : « pax hominibus bonae voluntatis (paix aux hommes de bonne volonté) ». En effet, il prend soin de rencontrer tous les chefs religieux pour leur demander de collaborer avec lui à la paix et à l’entente mutuelle ; il rencontre les chefs politiques sans avoir peur de leur dire qu’il savent bien débloquer des fonds quand  des places financières s’écroulent et que l’urgence du soin des pauvres vaut bien le soin apporté à la Bourse ; il rencontre les chefs religieux anglicans et leur rappelle que nous sommes tous serviteurs du Christ, que nous recherchons la vérité avant tout ; aux catholiques, il dit d’être eux-mêmes, d’être des saints, et de se tourner loyalement et fraternellement vers les autres confessions chrétiennes (lisez l’homélie du vendredi soir à Glasgow !)

Je vous invite à aller chercher la véritable information, notamment grâce à Internet, n’en restez pas à la petite lorgnette du 20h, ou aux flashs assassins et partisans de France Info’ dans la voiture, résistez à la toute-puissance de l’AFP sur votre information ! Profitez de la béatification pour lire sur Newman ou le lire lui-même !

Dieu nous attend sur le chemin de la sainteté, à l’image du nouveau bienheureux : tâchons de ne pas le décevoir, et de ne pas nous décevoir nous-mêmes.

P. Emmanuel d'Andigné