Homélie du 29ème dimanche du Temps Ordinaire - Année C
Un jour, un homme vint me voir au confessionnal et me fit cette étrange demande : « Mon Père, je ne sais pas comment prier ; vous, vous devez savoir … pourriez-vous demander à Jésus qu’il fasse beau samedi, c’est très important pour moi ? » Je comprends alors vite qu’il était inutile de lui faire un discours sur les rapports entre la prière et la météorologie ; alors, le plus sérieusement possible, je vais avec lui devant le saint-sacrement et je m’adresse au Christ « Seigneur, faites qu’il fasse beau samedi, c’est important pour ce Monsieur ». Me croirez-vous, si je vous dis que, le samedi suivant, il faisait un temps magnifique ?!!!
Ce monsieur a-t-il fait un acte de foi ? Puisque Jésus se demande aujourd’hui dans l’Evangile s’il trouvera la foi sur le terre, quand il viendra … et quand je demande la guérison d’un père de famille ou d’une jeune fille de 23 ans atteinte d’un cancer, est-ce que je fais un acte de foi ? Ça n’est pas simple … mais en tous les cas, il faut se garder de réduire la foi à la seule confiance.
Qu’est-ce que la foi ? A quoi cela sert-il de croire en Dieu ? Je me tourne vers saint Paul et il me répond (c’est la deuxième lecture) : « Depuis ton plus jeune âge, tu connais les textes sacrés : ils ont le pouvoir de te communiquer la sagesse, celle qui conduit au salut par la foi que nous avons en Jésus Christ. »
La foi sert donc à obtenir son salut, elle est la voie du Salut. Qu’est-ce que la foi ? Le magistère (l’enseignement des papes et de l’Eglise en général), a précisé l’enseignement de Saint Paul en nous disant que c’est une « vertu théologale ». C’est donc une « force » (virtus en latin) déposée par Dieu pour nous permettre de croire en lui, de la toucher par l’acte de foi. La Foi permet de toucher Dieu (c’est le sens du mot « théologal »), l’Espérance permet de toucher Dieu, la charité permet de toucher Dieu !!!
Tout se passe comme si il y avait deux cercles (c’est une image comme une autre) : le premier cercle serait celui de la confiance, et ce’ cercle est comme un ensemble, en mathématique, qui a une intersection avec le deuxième cercle, celui de la foi. Ces deux cercles se compénètrent, bien sûr, mais ils ne se confondent pas.
Dans la façon dont nous vivons la foi, il y a une attitude psychologique qu’on appelle confiance, et une attitude spirituelle qui recherche Dieu, indépendamment de la santé, de la richesse, du bonheur terrestre qui sont pour nous source de confiance ou de méfiance … Il est certain que la foi fait du bien à la confiance, et que la confiance fait du bien à la foi, mais il ne faut pas faire de notre foi uniquement une affaire de confiance, laissant le second cercle « absorbé » par le premier.
Jésus, dans l’Evangile, fait toujours la même chose : il commence son discours sur un registre très simple, et à vrai dire presque uniquement psychologique : « ayez confiance, demandez avec persévérance … et ensuite, il élève le niveau de son discours et passe de la confiance à la foi (« le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »). A la fin de sa vie publique, Jésus déclare : « or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu et Jésus-Christ, que tu as envoyé » ; nous connaissons Dieu par la Foi , par l’Espérance et par l’Amour.
La liturgie imite le Christ, bien sûr, lorsqu’elle dit que nous espérons « le bonheur que tu promets et l’avènement de Jésus-Christ notre Sauveur ». Il y a un moment où les deux cercles se confondront, dans l’éternité, mais en attendant, nous sommes sur la terre …
Et sur la terre, il y a un troisième cercle : la magie. Cela signifie plus précisément deux choses : une conception magique de la foi et la magie au sens précis et technique du terme.
La conception magique de la foi, c’est de confondre le troisième cercle avec le premier, de prendre Dieu pour une caisse automatique de bonheur, ou de solution des problèmes.
La magie au sens technique, précis du terme, c’est ce que pratiquent les mages, c’est-à-dire non pas les prestidigitateurs que l’on voit dans les émissions de télévision (ça c’est plutôt plaisant), mais je veux parler de ces personnes troubles, qui pactisent avec des forces occultes (diaboliques en fait), pour obtenir surnaturellement des choses qu’on obtient pas naturellement, et qui vous lient à ces puissances spirituelles mauvaises, du moins quand vous les laissez faire …
On sait bien que, au moment de la première évangélisation, les apôtres ont eu à lutter contre la magie au sens précis du terme (le fameux Simon et sa « simonie »), il serait bien étonnant que nous échappions à cette lutte aujourd’hui …
Pas plus tard qu’hier soir, on me parlait d’un charlatan célèbre : ce sulpicien qui profite de son état sacerdotal pour conduire à lui des âmes désemparées et leur faire croire qu’ils vont parler à leurs disparus (et combien d’autres).
Nous avons raison de prier pour la guérison de ceux que nous aimons, nous avons raison de mettre toute notre confiance en Dieu, mais il faut que nous apprenions à demander surtout le plus important : le Salut !
Mon schéma avec des cercles n’est pas terrible, mais il permet de purifier notre foi, en demandant surtout et d’abord le royaume, surtout et d’abord le salut, et ensuite, bien sûr, comme des enfants confiants, tout ce dont nous avons besoin. Ainsi, toute souffrance pourra être comprise comme une occasion originale de nous rapprocher de ce Salut.
L’onction des malades, au départ, il faut bien le dire, est une demande que la maladie, la souffrance, soient allégées … mais à l’arrivée –si on peut dire-, il y a une grâce de paix, et un « turbo » pour le Salut !
Dans le rituel, nous voyons bien les deux aspects présents dans l’Ecriture en général et dans l’Evangile en particulier : N, par cette onction sainte, que le Seigneur, en sa grande bonté, vous réconforte par la grâce de l’Esprit Saint. Ainsi, vous ayant libéré de tous péchés, qu’il vous sauve et vous relève.
Qu’il vous réconforte, qu’il vous sauve !
Nous avons fêté Sainte Thérèse d’Avila vendredi dernier : elle préconise, avec le Carmel, un progrès spirituel sous la forme d’un voyage intérieur, à l’intérieur de nous-mêmes. Elle compare le cœur de l’homme à un château de cristal, Dieu habite dans notre cœur et nous apprenons à l’y rencontrer, à dialoguer avec lui, de sorte que sa volonté et la nôtre s’habituent l’une à l’autre, et nous apprenons ainsi à purifier nos prières, à être concrètement tourmentés du Salut. Quelles que soient les nuits, dès lors, nous sommes attachés de plus en plus à l’unique nécessaire -« quien a Dios tiene, nada le falta” (celui qui a Dieu n’a besoin de rien)-, et nous ne cherchons plus que lui.
P. Emmanuel d'Andigné
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