27 décembre 2011

Homélie du 25 décembre 2011-les yeux matériels et la vision spirituelle

Homélie du matin de Noël 

Pour bien comprendre la suite de mon homélie, il est nécessaire de faire un rappel un peu technique sur l’anatomie humaine et plus précisément sur l’oeil.

En effet, nous avons dans les yeux des « photorécepteurs » (récepteurs de lumière) qui nous permettent de bien voir le jour (les cônes, 5 à 7 millions d’exemplaire dans chaque oeil) et les bâtonnets (130 millions d’exemplaires par oeil) qui en raison de leur extrême sensibilité à la lumière attrapent n’importe quelle source lumineuse et donc nous aident à bien voir la nuit.

Je pourrais me reposer sur ce détail et bien d’autres de l’extraordinaire anatomie de l’être humain pour nous mettre sur la voie de l’affirmation de l’existence de Dieu … mais l’existence des bâtonnets et des cônes dans les yeux nous permet aussi une méditation sur la vie spirituelle … et spécialement le jour de Noël !  Vous allez voir pourquoi.

C’est dans la nuit et dans la pauvreté que Jésus a vu le jour ; c’est dans la nuit et la nudité que Jésus a sauvé le monde sur la croix … et ceux qui ont vu ces deux scènes -la première crèche et la première croix (7 avril 30)- ont eu tendance, et c’est bien compréhensible, à regarder la chose avec seulement les yeux matériels, qui voient un bébé menacé et pauvre qui n’a pas d’avenir ou alors un crucifié qui a prétendu être le fils de Dieu et qui meurt …

Et puis il y a ceux qui ont développé les yeux du coeur : « l’essentiel est invisible pour les yeux, on ne voit bien qu’avec le coeur » a écrit Saint-Exupéry (le Petit Prince) ;  ceux qui regardent Dieu avec le coeur découvrent qu’il existe deux sortes de nuits et deux sortes de jour, la nuit et le jour matériel, la nuit et le jour spirituel ; et de même que nous avons des cônes et des bâtonnets matériels, nous avons des « cônes » et des « bâtonnets » spirituels …

Il se trouve que c’est souvent quand il y a la nuit matérielle ou psychologique que l’on développe nos « bâtonnets » spirituels, nous développons alors une forme de « vision nocturne » qui nous permet de saisir où se trouve la vraie lumière, la lumière divine, « celle qui éclaire tout homme en venant dans le monde », comme vient de le dire saint Jean dans l’Evangile.

Saint Jean de la croix, c’est bien connu, a au 16ème siècle écrit un poème très célèbre « O noche che guiaste … o noche amable (ô nuit qui m’a guidé, ô nuit aimable …)». Il voulait réformer le carmel, mais le carmel ne le voulait pas : il a donc subi une véritable persécution, enfermé par exemple dans une cage d’escalier par ses propres confrères ( !) ; et dans cette nuit matérielle et psychologique, il a eu le temps de développer sa « vision intérieure », et il nous permet d’aller plus loin que la belle phrase de Saint-Exupéry …

Il décrit le progrès spirituel en trois étapes : le crépuscule, la nuit noire et l’aube, où le chrétien avance, en fait, vers le vrai jour : l’Eternité ; il développe alors l’amour et le désir de Dieu dans « la nuit de la foi » ; on parle de nuit, parce que nous ne voyons pas Dieu avec nos yeux de chair, tant que nous sommes ici-bas.

« O noche que juntaste amado con amada »
O nuit qui fait se rejoindre l’aimé et sa bien-aimée

N’est-ce pas vrai que c’est la nuit que se rejoignent ceux qui s’aiment ?

Et ça n’est qu’au Ciel que nous nous servirons de nos « cônes »  spirituels.

Alors, le jour de Noël, le petit bébé menacé et pauvre devient le début de la renaissance du monde, le Fils de Dieu fait homme qui a la puissance  de sauver l’homme du péché et de la mort

Et la croix est la plus belle définition de l’amour qu’on puisse donner (« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime » dit Jésus) ; sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la sainte face a décrit la venue du Fils de Dieu dans la chair par ces mots admirables : « aimer, c’est tout donner et se donner soi-même » … c’est exactement ce que Dieu fait dans l’Incarnation.

Alors bien sûr, nous n’en resterons pas là, à regarder ce que Dieu fait, même avec les yeux du coeur, nous allons tâcher d’avancer dans la nuit de la foi.

Et là, à ce sujet, il se trouve que Benoît XVI nous a fait un beau cadeau, le 19 décembre dernier : il a déclaré vénérable le Père Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus (c’est la rampe de lancement pour la béatification, si Dieu le veut !).

Eh bien, je vous suggère de vous renseigner sur cet homme, de lire son oeuvre, et d’apprendre de lui comment on avance dans la nuit. Je veux voir Dieu, son chef d’oeuvre, est un pavé, mais une mine de renseignements !

Mais s’il devient bienheureux ou saint, ce sera aussi et surtout un compagnon de route, pour avancer dans la vie et pour avancer vers la Vie éternelle, amen.

P. Emmanuel d'Andigné

26 décembre 2011

Homélie du 24 décembre au soir-messe de 23h

Pour m’adresser à vous ce soir, je vais demander à deux personnes de venir m’aider (là, les personnes du premier rang s’inquiètent : il est bien capable de venir chercher l’un de nous…). Rassurez-vous, les deux personnes sont déjà désignées, et elles sont au Ciel. L’un est né à Angers et il nous a quittés en 1988, l’autre vient de l’Aveyron et nous a quittés en 1967 …

A priori rien ne les unit, ou pas grand’chose, ce sont deux personnalités très différentes, deux parcours très différents, mais ça m’amuse assez de les réunir devant vous ce soir !

Le premier se nomme Joseph Wresinsky (récemment surnommé « l’insoumis » au cinéma), et l’autre Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus (Henri Grialou), un carme fondateur de l’Institut ND de Vie. Ils ont un point commun, outre la foi, le sacerdoce, le baptême … qui n’est autre que l’image du pont.

Cette image convient bien à Noël, vous allez voir pourquoi et comment. En tous les cas, il me paraît évident que le goût que l’un et l’autre avaient pour cette image vient directement du Christ, qui est le pontife par excellence (pontife, en français vient de « pontifex » en latin, qui signifie « celui qui fait des ponts) …

Joseph Wresinsky considérait que le monde des riches et celui des pauvres étaient séparés l’un de l’autre comme le continent est séparé d’une île ; durant l’histoire, bien souvent des riches ont eu la bonne idée de venir en aide aux pauvres, mais de telle manière que, seuls à bâtir le pont, la « jonction » entre les deux monde se faisait toujours mal ; inversement, lorsque ce sont les pauvres qui veulent construire le pont par eux-mêmes et sans les riches, c’est l’échec qui les attend, par manque de moyens … l’idée du Père Wresinsky est de confier la construction du pont aux deux « mondes » conjointement et par conséquent, son intuition comporte l’idée que les pauvres aident les pauvres avec l’aide des riches, et que les pauvres se prennent en main, plutôt que de tout attendre du « continent ».

Tout le monde comprend bien la pertinence d’un tel propos à Noël … nous devons lutter contre la misère (le Père Wresinsky est le fondateur d’ATD Quart-Monde).

Mais il est tout aussi évident que nous devons lutter contre la misère spirituelle, et c’est là qu’intervient le père marie-Eugène (mais attention, vous verrez que les deux hommes se rejoindront bientôt !) : l’image du pont permet à celui-ci de décrire le mystère de l’Incarnation (Dieu se fait homme en Jésus-Christ) et sa conséquence pour la vie chrétienne, en particulier dans le domaine de la prière.

Il y a un abîme, évidemment, entre Dieu et sa création, tant celui-ci est parfait et celle-là imparfaite …

Il fallait bien sûr que Dieu lance un pont qui tienne à la fois de Dieu et de l’homme, et ce pont ou ce pontife (qui fait le pont), c’est le Fils de Dieu fait homme, qui se fait pauvre au milieu des pauvres, pour que l’humanité, certes, trouve en Dieu son salut, mais puisse participer à son propre salut.

Pour que nous soyons sauvés, il faut la grâce ! Entendez : il faut que Dieu fasse l’essentiel du pont ; mais pour que ce salut soit humain et non extra-terrestre, il faut de l’humain, et Jésus est tout ce qu’il y a de plus humain.

Le Père Marie-Eugène parle souvent du pont, mais à vrai dire d’avantage pour décrire l’Annonciation, qui est le moment exact (il  y a neuf mois exactement nous le fêtions, évidemment) où se produit l’Incarnation, dans le sein de Marie.

Noël n’est que le moment de la visibilité de l’Enfant-Dieu, de l’épiphanie de l’Enfant-Dieu, Noël et l’Epiphanie sont une seule et même fête, en fait …

Mais un pont ne sert pas à faire beau, ni dans les discours du père Wresinsky, ni dans ceux de son confrère Carme … il sert à l’homme pour s’avancer vers Dieu et à Dieu pour s’avancer vers l’homme.

J’ai donc deux propositions à vous faire : je vous invite à faire de ce Noël 2011 une véritable naissance, ou plutôt peut-être une renaissance : faites comme si c’était votre premier Noël, plutôt que de le vivre comme un Noël de plus, en attendant le prochain qui devrait en principe avoir lieu le 25 décembre 2012, selon toute probabilité …

Et alors, et c’est ma deuxième proposition, demandez au Père Marie-Eugène de vous accompagner ;  il existe pour cela deux moyens concrets : lire ses enseignements et le prier ; l’Eglise, en effet, nous encourage à le prier, car depuis le 19 décembre dernier, il a été déclaré vénérable par Benoît XVI (la prochaine étape, si Dieu le veut, c’est la béatification) !

Vous découvrirez dans ces ouvrages que le signe d’une vraie prière, son fruit, c’est le désir de servir (la prière produit naturellement l’apostolat), la qualité d’une oraison se vérifie au désir que nous avons de servir tout homme, et spécialement les plus pauvres …

Joyeux Noël !

P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 24 décembre au soir-messe de 20h

Homélie de la nuit de Noël (20h)


Je vous propose que nous partions d’une scène d’un film bien connu : le monde de Némo ; il s’agit plus précisément du récit du retour de Némo de son père et de Doris à la maison ; je vous fais remarquer tout d’abord que ce passage est encadré par deux exclamations du Père de Némo qui ne sont autre que « Dieu soit loué ! » …

Regardez cet extrait, il dure 4 minutes et ensuite, reprenez le cours du texte …


Comment ne pas penser à la Trinité, lorsque l’on voit un père, un fils et une « femme » -sachant que dans l’Ecriture, le mot qui désigne l’Esprit de Dieu (rouah) est un mot féminin !

Evidemment, comparer l’Esprit Saint à Doris, ce n’est pas très flatteur pour Dieu … mais tout le monde sait bien que dans une comparaison ou une analogie, la différence entre l’image et à la réalité est toujours plus importante que la ressemblance (« major dissimilitudo », dit la tradition).

Ce que Némo a fait dans le ban de poissons, Jésus l’a fait dans l’humanité : lui qui qui est vraiment Dieu (en dehors du filet de l’humanité), il s’est fait homme, et il a rompu le filet du péché et de la mort.

Et Doris entre dans le filet aussi : l’Esprit de Dieu a été envoyé au milieu des hommes, comme le Fils ; le Père envoie son Fils et son Esprit, pour arracher les hommes au péché et à la mort.

Le Père qui envoie son Fils, c’est ce que l’on désigne par le mot d’Incarnation. Là où l’image est faible, c’est que le Fils de Dieu était d’une tout autre nature que celle des hommes et il s’est fait homme, tandis que Némo est un poisson dès l’origine et il demeure lui-même.

Voilà pourquoi on peut dire que Jésus est vraiment Dieu et vraiment homme, complètement Dieu et complètement homme, Dieu à cent pour cent, homme à cent pour cent.

Mais comme Némo, Jésus a contribué à une libération, qui s’est produite lors de la passion, de la mort et de la résurrection. En effet, à la fin, Némo est laissé pour mort, sous le filet … mais il se relève : j’y vois le mystère de Pâques !

Et puis à la fin de cette aventure, le ban de poissons qui a été sauvé ne reste pas autour du Père, du Fils et de Doris, tout le monde s’en va …

Et malheureusement, il faut bien constater que c’est difficile de rester avec Dieu qui nous a sauvés, d’être fidèles à Dieu, quand on se rend compte qu’il s’est fait homme pour nous sauver et que nous avons l’Espérance d’une vie éternelle grâce à lui.

Il n’y a rien de plus beau que la fidélité …

Voilà pourquoi je vous propose de faire à partir d’aujourd’hui ce que les américains appellent « reboot », u si vous préférez, réinitialiser (opération qui consiste à démarrer votre  … box, comme si elle n’avait jamais fonctionné).

Pour mieux saisir ce dont je suis en train de parler, vous pouvez regarder cette courte vidéo, mais si savez exactement ce qu’est le « reboot », alors, continuez la lecture …


Comment « réinitialiser » notre âme, notre vie ? Eh bien il suffit peut-être de vous poser quelques questions essentielles, à frais nouveau, aujourd’hui et non pas sur la base de vos souvenirs ou avec le poids du passé.

Je pose cinq questions, je vous donne mes réponses, à vous de donner les vôtres

1)      D’où vient le monde ? de Dieu
2)      où va le monde ? à Dieu
3)      qui est Jésus ? Le fils de Dieu qui s’est incarné pour devenir l’un de nous et nous prendre par la main afin de nous arracher au péché et à la mort 
4)      comment puis-je le remercier ? En allant à la messe
5)      quand ça ? Dimanche prochain

P. Emmanuel d'Andigné

23 décembre 2011

Homélie du 18 décembre 2011-Dieu nous enseigne l'art de la prière (IV)

Homélie du 4ème dimanche de l'Avent - Année B



Je vous propose de terminer aujourd’hui cette méditation faite pendant chaque dimanche de l’Avent sur l’art de la prière, tel qu’il nous est enseigné par Dieu au fil des textes que nous recevons de la liturgie

Quatrième dimanche de l’Avent - Acte IV ...

Acte IV - scène 1 : Marie reçoit la visite de l’Ange …

Je vous suggère de regarder cet Evangile de loin, plutôt que de près, pour une fois, car il y a des choses que l’on voit mieux de loin que de près !

Et quand on regarde de loin ce passage de l’Evangile, on pense à ce qui s’est passé avant (et après), mais cette fois, pas d’un point de vue historique ou théologique, mais d’un point de vue mystique, c’est-à-dire sur la question de la prière.

Pour avoir ainsi une conversation avec l’Ange, il a fallu que Marie prie régulièrement et développe un « esprit de prière », et sans que cela soit extraordinaire au moment-même de prier. Elle a veillé dans la prière, et la plupart du temps, quand elle priait, rien ne se passait, rien de croustillant, du moins …

Et c’est parce qu’elle a veillé qu’elle n’est pas surprise de recevoir une visite du Ciel. Vous l’avez entendu, il n’y a que deux choses qui la surprennent : le titre que l’Ange lui donne (« pleine de grâce ») et le fait de mettre au monde un enfant alors qu’elle ne connaît point d’homme…

La prière, donc, c’est une période de semailles, c’est une plante qui pousse lentement, invisiblement, sans aucun bruit, et ça n’est qu’après que l’arbre nous semble évident.

Il est donc bon de veiller longuement, dans la prière, sans rechercher des sensations extraordinaires, ni même des apparitions, des locutions, des lumières, mais surtout se mettre à la disposition de Dieu pour ce qu’il veut : « qu’il me soit fait selon ta parole ».

Je ne veux pas dire que locutions, apparitions et faveurs spirituelles particulières sont mauvaises, bien au contraire, d’ailleurs Jésus a jugé bon de réaliser des miracles, c’est-à-dire des phénomènes extraordinaires … mais ces choses extraordinaires ne sont données par Dieu que si cela est utile, au moment où cela est bon, dans une vie de prière en général ordinaire et fidèle.

Et pour aller plus loin encore, la prière nous fait entrer dans le « temps de Dieu »

Je m’explique : nous autres, ici-bas, faisons l’expérience de deux formes de temps : le temps chronologique (secondes, minutes, heures …) et le temps psychologique (la façon dont nous percevons le temps selon que nous sommes vieux, jeunes, fatigué, en forme, pressé par un rendez-vous …)

Eh bien le temps de Dieu lui est une question de plénitude, on pourrait dire aussi de maturité : Dieu peut se montrer très lent ou très rapide (du moins pour un regard humain), afin d’agir au moment où il le faut, au moment où c’est le meilleur.

Deux passages de l’Ecriture sont éclairants à ce sujet, avec deux mots grecs différents

Galates 4,4 : « lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils ; il est né d'une femme, il a été sous la domination de la loi de Moïse, pour racheter ceux qui étaient sous la domination de la Loi et pour faire de nous des fils. » Le terme utilisé par saint Paul est bien connu : il s’agit de « chronos ». Le texte original dit « quand vint la plénitude du temps ».

En 2, Corinthiens 6, 2, le mot grec utilisé pour désigner le temps n’est pas chronos, mais « chairos » : « voici le temps favorable, voici le temps du Salut » ; ce terme « chairos » désigne non une durée mais plutôt une bonne occasion, un moment idoine, un contexte favorable … ce qui est intraduisible correctement en français ; la liturgie le traduit par « temps favorable ».

La prière nous fait entrer dans le « temps de Dieu », elle nous initie à un autre rapport au temps, qui fait que nous pouvons être pressés d’agir ou au contraire patients pour que vienne le chairos, le temps favorable…

Mais finalement, nous faisons aussi cette expérience lorsque nous devons annoncer une mauvaise nouvelle, une grande nouvelle, faire une demande en mariage, demander pardon … n’est-ce pas ?

Et ainsi, en nous initiant au « temps de Dieu », nous devenons de plus en plus proches de Dieu, sensibles aux mêmes choses que lui, sensibles au chairos, agissant pour Lui et avec Lui, et c’est ce que l’on appelle la communion avec Lui.

Acte IV scène 2 - La prière est trinitaire

Restons loin du texte et observons : le passage de saint Luc qu’on appelle l’annonciation est une conversation visiblement trinitaire. Une conversation –ça c’est manifeste- mais cette conversation est à caractère trinitaire : c’est ce qui différencie la prière chrétienne de toutes les autres

Le Père est à l’origine de la conversation ; l’Esprit Saint réalise ce que le Père demande et ce que Marie la créature accepte ; le Fils est conçu. La prière, c’est concevoir Jésus en nous par l’opération du Saint-Esprit, en réponse à l’initiative du Père.

Une fois conçu, Jésus naît en nous comme il est né en Marie, puis il grandit en nous, comme il l’a fait à l’ombre de sa mère, puis il souffre en nous et avec nous quand nous souffrons, comme il l’a fait avec sa mère, puis sa mort et sa résurrection font leur entrée en nous, jusqu’à ce que notre foi parvenue à maturité nous conduise à la vie éternelle (« or, la vie éternelle, c’est qu’il te connaissent, toi le seul vrai Dieu et Jésus-Christ que tu as envoyé » Jn 17,3).

C’est pour cela qu’un saint Paul peut dire : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » Gal 2,20. Ce qui est arrivé à la Vierge Marie, cela doit nous arriver à nous aussi, chacun selon sa grâce propre…

Acte IV scène 3 – scène finale

Je voudrais terminer avec le psaume ; ce type de littérature est très précieux pour qui veut s’initier à la prière, on le sait bien. Il se trouve que le nôtre, aujourd’hui, à deux reprises prononce les mots « alliance » et « fidélité », sans compter le mot « amour » qui signifie en fait exactement la même chose.

La prière nous est ainsi présentée comme une affaire d’amoureux ; et la façon de prouver que l’on aime vraiment, c’est de s’engager et de rester fidèle. La vie chrétienne est essentiellement une alliance, et la prière est le moyen d’entretenir cette alliance amoureuse.

P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 11 décembre 2011-Dieu nous enseigne l'art de la prière (III)

Homélie du 3ème dimanche de l'Avent (gaudete) - Année B


On continue notre périple au milieu des textes de l’Avent, pour approfondir l’art de la prière tel que Dieu nous l’enseigne

Jean-Baptiste, souvenez-vous, dimanche dernier, nous a conduits définir la prière comme une conversion, dans les deux sens du terme (se tourner vers Dieu et changer de vie pour Lui)

C’est le même « personnage » que l’Evangile nous présente aujourd’hui ; et l’évangéliste nous dit qu’il « opérait » en Transjordanie : ce détail montre que les évangélistes se sont renseignés avec précision sur les faits. « Messieurs dames, les évangélistes connaissaient leur géographie », disait Michel Sultan, guide en Israël à des pèlerins de RCF (il y a à notre époque –cette maladie date du 19ème siècle- un soupçon de barbarie et d’ignorance sur les époques lointaines, et une illusion de grande science et de civilisation aujourd’hui …).

Mais donner des précisions géographiques est loin d’être systématique, il y a donc une intention : la Transjordanie est le lieu où les Hébreux ont séjourné juste avant d’entrer en Terre promise … Jésus est présenté comme le nouveau Moïse, qui nous arrache au péché et à la mort, symbolisés par l’Egypte.

Aujourd’hui, pour nous concrètement, la terre promise, c’est le Ciel, et le baptême est cette eau qui nous passer d’une citoyenneté à une autre …

La prière, quant à elle, ressemble à ce qui s’est passé juste avant l’entrée en terre sainte : des éclaireurs (des scouts !) sont allés voir Canaan, la Terre promise, et ont rapporté des fruits à Moïse (des raisins, des grenades et des figues ; Nb 13)

La prière nous fait faire un voyage au Ciel, pour savoir ce qui nous y attend et déjà en goûter quelques fruits.

Il faut simplement ajouter un fait important : les envoyés de Moïse ont rapporté des fruits qui n’étaient pas complètement inconnus des Hébreux ; « Le Ciel » sera sans doute différent de notre séjour sur la terre, mais il aura des accents familiers !

Jean-Baptiste présente Jésus comme le nouveau Josué (car c’est lui qui fit finalement traverser le Jourdain au Peuple), et d’ailleurs les pères de l’Eglise ont souvent fait le jeu de mot entre Jésus et Josué …

Dimanche dernier, déjà, nous étions accompagnés de deux prophètes, Isaïe et jean le Baptiste … Isaïe décrit fort bien ce qui se produit dans l’âme de celui qui reçoit l’Esprit Saint -Joie et exultation, et du coup, il donne deux précisions, de taille :

La première est ce qui permet de savoir que c’est bien l’Esprit saint qu’on a reçu et pas autre chose, à savoir le soin des pauvres, des blessés, des prisonniers … les maîtres spirituels (surtout au Carmel) sont unanimes pour dire que la prière, normalement, débouche sur l’apostolat : celui qui se remplit de la présence de Dieu peu à peu est envahi de la charité-même de Dieu, et il finit par élargir les dimensions de son cœur, ce qui produit en lui des réflexes divins, parmi lesquels se trouve la préférence pour les pauvres et les petits.

C’est peut-être ça qui permet de distinguer la joie du plaisir : le plaisir en lui-même est une chose bonne mais éphémère et qui ne débouche pas sur la charité.

La joie, elle, est sans doute ce qu’il y a de plus pur dans le plaisir, ce qui correspond à Dieu dans le plaisir, et qui ne peut pas ne pas produire du fruit, car c’est divin …

La deuxième précision concerne la personne elle-même, celle qui prie : Dieu la « couvre d’innocence » … étrange, non ??? L’innocence ne nous paraît-elle pas innée ? Par définition, l’âge nous fait perdre l’innocence, à des degrés divers, non ? Eh bien le don de l’Esprit la fait recouvrer ! Une belle prière du Missel dit : Dieu qui aime l’innocence et la fais recouvrer, oriente vers toi le cœur de tes fidèles: tu les as libérés des ténèbres de l’incroyance, fais qu’ils n’abandonnent jamais la lumière de ta vérité.

L’Esprit Saint apparaît ici comme le maître de toute prière, ce qui est d’ailleurs fort logique, puisqu’il est l’amour entre le Père et le Fils et que, une fois déposé en nous, il fait de nous des fils, et la prière devient essentiellement une relation filiale, permanente, qui connaît parfois des moments intenses qu’on appelle « des temps de prière »

C’est la grande différence avec les prières juives et musulmanes, qui sont certainement, du point de vue des croyants, une belle façon de se tourner vers le Créateur, mais qui ne peuvent pas être une relation filiale à la manière d’un enfant qui dit « papa » « Abba », ainsi que Saint Paul le dit dans l’épître aux Romains (Rm 8,15).

Dimanche dernier, le psaume nous est apparu comme un « professeur de prière » ; aujourd’hui, l’Esprit saint nous apparaît comme le maître de toute prière et en guise de psaume, la liturgie nous a fait entendre le magnificat, prière d’une fille d’Israël, prière qui est un modèle du genre !

En se tournant vers Marie, en la priant souvent, en la fréquentant dans notre prière, nous pourrions bien nous mettre à lui ressembler. Or, c’est elle qui a donné ses traits à Jésus : nous emprunterons alors une voie royale pour le suivre lui, le Fils de Dieu, celui qui vient, celui qui nous sauve !

P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 04 décembre 2011-Dieu nous enseigne l'art de la prière (II)

Homélie du 2ème dimanche de l'Avent - Année B (saint Marc)


Dieu nous enseigne l’art de la prière, 2ème partie

Aujourd’hui, la figure de Jean le Baptiste (et celle d’Isaïe, en filigrane) nous met dans une tonalité nouvelle : celle de la conversion. La prière, en effet, est un chemin de conversion.

Celui qui prie se convertit, au sens littéral du terme, d’abord, en ce sens qu’il se tourne vers Dieu (Convertere signifie se tourner complètement). Mais il se convertit aussi au sens figuré, parce qu’il s’aperçoit qu’il s’était détourné de lui, pour mille raisons, et tôt ou tard, il prend conscience de ce phénomène.

Connaissez-vous l’histoire du Père Jérôme, à l’abbaye de Sept fons ? Dans la tourmente des années 70, cette abbaye a connu une époque difficile, où la prière était remplacée, parfois, par des séances de psychologie collective, de sorte que l’Abbé ne savait plus comment faire « revenir » la prière dans son monastère ( !) ; il eut alors l’intelligence de confier un à un les novices au père Jérôme, qui, sans faire de bruit, a retourné cette situation à la faveur de Dieu en commençant par : « je vous demande de faire sept fois par jour un acte d’adoration » ; les novices se conformèrent à cette recommandation et toute la vie du monastère en fut transformée, de sorte qu’aujourd’hui, cette abbaye est florissante, joyeuse, elle recrute et elle fonde (la prochaine fondation est prévue pour le 08 décembre !)

Cet exemple me paraît très transposable, non ? Chacun de nous est capable de cet acte à la fois très rapide, très pur et très profond par lequel on offre à Dieu son adoration pour ne pas l’oublier, tout au long de la journée. Nous pouvons nous aider de la « prière de l’Ange », enseignée aux enfants de Fatima : « mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je vous aime ; je vous demande pardon pour tous ceux qui ne croient pas, n’adorent pas, n’espèrent pas et ne vous aiment pas ».

Ajoutons tout de même que ce n’est pas seulement par les actes d’adoration que le Père Jérôme a « remonté » l’Abbaye, mais aussi, par deux autres dispositions fondamentales : le respect de la règle et la formation intellectuelle. Là encore, il nous faut transposer à notre « cas » : nous devons nous former intellectuellement et vivre pleinement dans la société de notre temps, en respectant ce qui est digne de l’homme dans les règles établies. Prière et vie sont inséparables

L’intérêt de cette histoire est de nous montrer que même lorsque tout va mal, et que tout semble aller à volo, Dieu est là, comme un Père Jérôme, qui allume une flamme, puis une autre, puis une autre, jusqu’à ce que le feu (de l’amour) se déclare !

L’Avent est une période de conversion, la prière est une œuvre de conversion, et c’est bien pourquoi nous sommes en violet en ce moment …

Dans l’Evangile, Saint Jean-Baptiste cite Isaïe (PREMIERE LECTURE) : « il est écrit dans le livre du prophète Isaïe : A travers le désert, une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux deviendront droits, les routes déformées seront aplanies ; et tout homme verra le salut de Dieu. »

Et bien nous avons là les trois aspects de la conversion !

Il est bien évident qu’il s’agit des ravins du cœur, des montagnes du cœur et des sentiers du cœur, le cœur au sens biblique du terme : le centre le plus profond de l’homme, la partie spirituelle de l’âme …

Combler les ravins ? C’est-à-dire ne pas se décourager, ne pas désespérer quand on est dans le creux …

Abaisser les montagnes (collines) ? Il s’agit de ne pas s’enorgueillir, de rechercher l’humilité, qui n’est ni la vanité (s’élever soi-même outre-mesure) ni la pusillanimité (qu’on pourrait illustrer par l’expression « tomber dans le ravin » !)

Rendre droit les sentiers ou aplanir les routes déformées ? Cela revient à dire être droit (que votre oui soit oui, que votre non soit non), éviter les raisonnements compliqués au bout desquels on ne fait finalement pas le bien.

Je termine en soulignant le psaume, qui lui aussi nous instruit sur l’art de la prière : « j’écoute, que dira le Seigneur Dieu ? » ; et puis le Prophète disait : « La bouche du Seigneur a parlé » ; et puis nous disons à la fin d’une lecture « parole du Seigneur » …
Bref, la prière est une écoute convertie de ce que Dieu veut nous dire : nous allons tâcher de ne pas simplement entendre la parole de Dieu, écrite ou transmise, mais de l’écouter, avec un cœur ouvert !


P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 27 novembre-Dieu nous enseigne l'art de la prière (I)

Homélie du 1er dimanche de l'Avent - Année B (Saint Marc)



Cette semaine, à l’aumônerie, des adultes sont venus me voir, un peu catastrophés, en me disant que les lycéens avaient demandé « venez divin messie » comme chant pour une messe prochaine … il était plutôt comique que des adultes qui avaient le double de l’âge des lycéens trouvent « vieillot » un chant réclamé par des jeunes !!!


En tous les cas, dans ce chant, il y a une chose qui est « futée », c’est la répétition de ce beau mot « venez », quatre fois, rien que dans le refrain … En effet, l’Avent c’est « l’avènement » de Jésus, et il y a trois Avents : la venue dans la chair, à Bethléem, il y a deux mille ans ; la venue dans les cœurs, ici, chaque année, ainsi que les enfants nous le rappellent par leur goût des crèches ; la venue de Jésus dans la Gloire, quand il viendra juger les vivants et les morts, et son Règne n’aura pas de fin » .


C’est aussi à quatre reprises que jésus dit « veillez » (sans compter le « prenez garde », qui veut dire la même chose) : l’Avent est par excellence un temps privilégié pour exercer l’art de la prière. Je vous propose, tout au long de l’Avent, une courte « promenade », comme dans un jardin, où les plantes seraient les lectures de chaque dimanche, ainsi j’ai l’espoir que vous arriverez à Noël les bras chargés de fruits et de fleurs, pour votre nourriture et votre joie spirituelle.
Dieu nous enseigne l’art de la prière, 1ère partie

Il faut, me semble-t-il, commencer par l’Evangile, qui est une belle parabole de la prière : Dieu nous fait don de toute sa richesse, il nous la confie (sa richesse, c’est l’Amour), et la gestion de ce bien qu’est l’Amour se fait au moyen de deux autres dons, la Foi et l’Espérance. La Foi fait confiance à son maître sans le voir, l’Espérance attend le maître compte bien le revoir définitivement. Autrement dit, pour reprendre un mot de Saint Augustin (lettre à Proba), la prière est l’exercice de la Foi, de l’Espérance et de la Charité, ou pour le dire autrement : la prière est le développement de la Foi, de l’Espérance et de l’Amour.

Et là, il faut bien avouer quelque chose : Dieu se retire, quand on prie sur le long terme ! Dieu nous laisse, c’est un abandon –sensible, certes, il ne cesse pas d’exister-, Dieu est silencieux, comme quelqu’un qui n’est pas là …


Du coup, le silence, dans la prière, est une manière de se retirer du monde, comme Dieu, pour le rejoindre dans son silence (il y a, pourtant, des moments de grâce où l’on sent son « parfum » malgré l’éloignement) : l’art de la prière consiste donc à s’appauvrir de tout ce qui ne vient pas de Dieu et ainsi à être des vrais diamants, de véritables émeraudes, et non pas simplement des émaux, nous qui avons tant de valeur, comme des pierres brutes qu’il faut tailler et polir.


Il y a donc une ascèse dans la prière, non pas malheureusement l’ascèse -64 ou l’ascèse-longue (ce serait trop facile), mais bien « l’askèsis » grecque, cet entraînement parfois rugueux qui permet de l’emporter dans les courses de fond.


Cette « taille « de la pierre peut être comparée aussi -c’est ce que fait Isaïe dans la première lecture- au travail du potier : « nous sommes l’argile, tu es le potier » … voilà un nouveau trésor pour découvrir « l’art de la prière » !


En effet, la prière est une transformation, elle produit une « métamorphose » (selon que vous prenez l’origine latine ou grecque), d’abord intérieure, mais quelque fois même extérieure, pensez, par exemple, à ces visages de moines « rayonnants » -comme on dit- ou alors au visage de Moïse lorsqu’il revenait de la prière.

Dieu nous a façonnés, physiquement, dans le sein de notre mère, et Dieu continue à nous façonner, spirituellement, dans le sein de l’Eglise, notre mère.


Saint Paul, dans la deuxième lecture, prononce le mot le plus précis, le plus théologique : « communion ». Terminons notre « promenade » par ce mot magnifique : il signifie « charge que l’on porte à plusieurs ». N’est-il pas vrai que nous sommes différents de Dieu ? Et pourtant, nous portons la même charge que lui : le Salut du monde (« pour la Gloire de Dieu et le Salut du monde, dit-on à la messe »).


Peu à peu, en effet, celui qui prie sera animé des intentions de Dieu, du projet de Dieu, de la volonté de Dieu, et ainsi se construit la « communion des saints », lien qui unit, du coup, l’Eglise militante ici-bas, l’Eglise souffrante au Purgatoire, et l’Eglise triomphante, celle du Paradis. La prière est une initiation au Paradis, ce « jardin » où Dieu nous invite à nous promener …


P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 20 novembre 2011-Dies solemnis

Homélie du 34ème dimanche du temps ordinaire (Christ Roi) – Année A



Si vous avez l’occasion de visiter l’exposition du « Grand Sacre », à l’abbatiale saint Martin, au centre de la ville, vous aurez une image de la façon dont on honorait la royauté du Christ, dans l’Eucharistie jusqu’au milieu du XXème siècle.

De quoi s’agit-il ? C’est une reconnaissance de la grande procession organisée chaque année, au départ de la cathédrale, à travers les grandes artères de la ville et jusqu’au-delà de la Maine. A la Fête-Dieu, fête du saint Sacrement, une hostie consacrée, exposée dans un ostensoir, était portée solennellement sous un dais. Avec les plus riches ornements, le clergé, les chorales, les musiques et de nombreuses institutions religieuses suivaient, passant devant de très nombreux fidèles. Beaucoup parmi les plus âgés d’entre nous ont connu ces manifestations de foi, caractéristiques d’une époque.

Si l’on remonte encore un peu plus loin, certains se souviendront du Congrès Eucharistique national, à Angers en 1933, avec des arcs de triomphe à différents endroits de la cité. C’était une manière de rendre très publique la vénération à l’égard du Christ d’une population presqu’entièrement baptisée. Qu’on le regrette ou non, on ne verrait guère la possibilité de semblables manifestations aujourd’hui.

Que la piété s’exprime par la beauté, par des signes extérieurs marquants, par des chants et des fêtes, c’est bon et parfois nécessaire, mais il ne faut pas oublier que l’essentiel n’est pas là.

Le Seigneur nous a dit que sa royauté n’était pas de ce monde. Et rappelons-nous le moment où il a dit le plus clairement qu’il était Roi. C’était lorsqu’il comparut devant Pilate. Celui-ci lui demanda : « Es-tu le Roi des Juifs ? » Jésus lui demanda : « Est-ce de toi-même que tu dis cela ? Ou bien parce que d’autres te l’ont dit ? » Puis il ajouta « Tu l’as dit, je suis Roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. »

La royauté du Christ n’est pas celle des hommes, de la richesse, du pouvoir, de la domination. Il est venu établir, selon la préface de la messe, « un règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix. »

Comme le chante l’office des moines aujourd’hui : « Qu’il soit béni, qu’il vienne, le Roi, notre Seigneur. Il vient à nous sans faste, grandeur ni majesté, vêtu comme le pauvre dans son humilité… Il vient nous racheter… Il montre à tous les humbles la face du Sauveur… Il donne aux misérables la paix du bon Pasteur. Il est doux. Il est humble. C’est lui qui nous mène jusqu’à la liberté. »

Que nous disent les textes de la liturgie ? Dans le livre du prophète Ezéchiel : « C’est moi qui ferai paître mon troupeau, c’est moi qui le ferai reposer, déclare le Seigneur ! La brebis perdue, je la chercherai, l’égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la soignerai. Celle qui est faible, je lui rendrai des forces. »

Saint Paul nous invite à rendre grâce : « rendez grâce à Dieu le Père, qui vous a rendus capables d’avoir part, dans la lumière, à l’héritage du peuple saint. Il nous a arrachés au pouvoir des ténèbres, il nous a fait entrer dans le royaume de son Fils bien aimé. »

Mais, nous prévient l’Evangile, pour avoir en héritage le royaume, il faut agir envers le prochain avec beaucoup de bonté. « A propos du règne de Dieu, écrit Origène un théologien grec du 3ème siècle, il faut encore remarquer ceci : comme il n’y a pas d’union entre la justice et l’impiété, entre la lumière et les ténèbres… le règne du péché est inconciliable avec le règne de Dieu. Si donc nous voulons que Dieu règne sur nous, que jamais le péché ne règne dans notre corps mortel. »

« Le vainqueur, dit le Seigneur dans l’Apocalypse, celui qui garde jusqu’à la fin mes œuvres, je lui donnerai pouvoir sur les nations… je lui donnerai de siéger avec moi sur mon trône. » « Il est digne, l’Agneau qui a été immolé, de recevoir puissance, divinité, sagesse, force et honneur. »

Et la prière après la communion exprimera très bien comment nous sommes destinés à participer à cette royauté :

« Nous mettons notre gloire, Seigneur, à obéir au Christ Roi de l’univers. Fais que nous puissions vivre avec lui, éternellement, dans la demeure du Ciel. »

Amen.

Père Jean Rouillard

06 décembre 2011

Homélie du 13 novembre 2011-Le Purgatoire existe bien !

Homélie du 33ème dimanche du Temps Ordinaire - Année A


Quelle définition donneriez-vous de la messe à celui qui vous demanderait ?
Il y a plusieurs niveaux de réponse, comme par exemple « renouvellement non-sanglant du sacrifice de Jésus sur la croix » … mais l’évangile d’aujourd’hui nous fournit une formule qui, évidemment, ne suffit pas pour tout dire, mais qui dit quelque chose d’essentiel, et qui est particulièrement approprié pour la période que nous connaissons, de fin d’année liturgique : la messe c’est « entrer dans la joie de son maître »

Nous anticipons, pendant la messe, ce moment éternel qu’est le Ciel, où Jésus dit « entre dans la joie de ton maître ! » Nous fêtions (ce matin) hier Saint Josaphat, et la prière après la communion disait de l’autel qu’il est « la table du Ciel », c’est-à-dire ce lieu où mystérieusement, le festin des noces de l’Agneau –comme dit l’Apocalypse- nous est enseigné, de sorte que, habitués au dialogue simple et profond avec Dieu dans la liturgie, nous ne soyons pas surpris par le passage de la vie à la Vie …

C’est sans doute la raison pour laquelle, en Orient, on a coutume de dire que la liturgie –entendez la messe- c’est « le Ciel sur la Terre ». Pendant la messe, nous entrons dans le Ciel, nous entrons dans la joie de notre maître … mais évidemment, ceci suppose deux étapes préalables : le don de Dieu et la gestion fidèle que nous faisons de ces dons divins.

C’est très important de noter que la parabole commence par un don du maître, 1 talent (plusieurs dizaines de kilos de pièces d’argent !), ou 2 ou 5 talents qui sont le signe d’une grande confiance de la part de Dieu : avant d’exiger quoi que ce soit de l’homme, Dieu lui confie beaucoup de choses et ces choses appartiennent toujours à Dieu.

A vrai dire, il y a deux péchés : celui de ne pas faire fructifier ce que Dieu nous a donné, et l’autre qui consiste à s’imaginer que nous sommes propriétaires de ce que Dieu dépose en nous.

Dans la parabole, il y en a même un troisième : la peur de Dieu … mais il me semble qu’aujourd’hui, le péché moderne n’est pas la peur de Dieu, qui n’est pas à la mode du tout, ce serait plutôt l’oubli de Dieu, et que nous nous considérions propriétaires de notre corps -qui est un don de Dieu, propriétaires des sacrements -qui sont des dons de Dieu, propriétaires de nos richesses intérieures -qui sont des dons de Dieu.

Il y a donc d’abord le don divin (qui continue à appartenir à Dieu), ensuite la gestion de ces dons qui nous est confiée dans un incroyable pari de Dieu et enfin, et enfin seulement, l’entrée dans la joie du maître.

Et Jésus, là comme ailleurs, se montre clair sur les deux conditions que l’on peut connaître au Ciel : le salut et la damnation.

Je trouve très curieux que ce soit développé récemment dans l’Eglise le soupçon à propos du Purgatoire (sous prétexte qu’on ne le trouve pas dans l’Ecriture ; l’Enfer s’y trouve et il est tout aussi évacué que le purgatoire !!!), parce que, comme chacun sait, le Purgatoire se trouve du côté des sauvés, du côté du Salut qt que c’est une manière merveilleuse d’annoncer à tous que même avec un poids de péché il y a de la place pour tout le monde au Ciel ! Ainsi, le monde ne se partage pas entre les purs d’un côté et les impurs de l’autre, mais cette purification progressive qu’on appelle « Purgatoire » est une façon de dire que les impurs seront admis au Ciel … mais avec une purification.

Et donc, en fait, la négation du Purgatoire fait reculer la conscience de la miséricorde divine, car la tendresse de Dieu n’est pas un grand machin mou qui ferait oublier l’Enfer, mais une attitude juste et tendre et le signe de la volonté de Dieu de sauver tous les hommes : en effet, il se « débrouille » pour rattraper les impurs (que nous sommes) ;

Tout l’enjeu de notre vie spirituelle est de trouver dès l’instant de notre mort la joie du maître, sans avoir besoin d’une purification, dont la vie se charge parfois

La sainteté est la seule manière honnête de supprimer le Purgatoire

P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 06 novembre 2011-réveillez les chrétiens endormis !

Homélie du 32ème dimanche du Temps Ordinaire - Année A


Les jours que nous connaissons ont quelque chose de glauque : il pleut souvent, les jours raccourcissent, il recommence à faire froid, et en plus la fête de la Toussaint avec son 02 novembre tout près d’elle, nous rappelle nos défunts, tout ça n’est pas très bon pour le moral …

Et dans ce contexte, une lumière très intense se dégage de la liturgie d’aujourd’hui : la lumière de la Sagesse, dans la première lecture, la lumière du désir de Dieu, dans le psaume, la lumière de l’Espérance pour les défunts, dans la deuxième lecture, et enfin et surtout, la lumière de l’amour, dans cette parabole de Jésus, dont on oublie souvent qu’elle concerne un mariage, une noce.

Nous allons repartir de cette église remplis de lumière, et surtout, après la liturgie de la parole, remplis de la présence de Jésus, reçue dans la communion spirituelle ou dans la communion à l’hostie consacrée. Nous allons repartir de cette église, remplis de lumière …

A cette lumière fondamentale s’ajoutent des lumières particulières sur notre paroisse bien-aimée : Louis, lycéen qui vient de communier pour la première fois et se prépare à la confirmation ; Delphine, une jeune femme adulte se prépare elle aussi à la confirmation ; Bernard et Lény qui se préparent au baptême. C’est toujours bon que la lumière de Dieu prenne un visage humain proche, concret …
« La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée (prologue de St Jean) ». La parabole se passe de nuit et le psaume déclare : « Dans la nuit, je me souviens de toi et je reste des heures à te parler. »

La nuit dont il s’agit peut bien être la souffrance ou le deuil, mais en tous les cas, c’est certain : la nuit représente dans l’Ecriture « le pouvoir des ténèbres » (expression que l’on trouve dans l’Evangile ; exemple : Luc 22,53) :

Nous avons un exemple, en ce moment-même, en ville : des affiches annoncent en toute impunité un salon de l’érotisme ; en réalité, il s’agit d’une promotion de la pornographie, et que font les cathos ? Rien du tout, ils reviennent chez eux, au chaud, prennent leur dose quotidienne de télévisine, afin que, bien shootés, ils ne puissent pas réagir à quoi que ce soit, la seule chose dont ils ont peur étant de se tromper de poubelle quand ils jettent un morceau de plastique …

Car la télévisine contient une puissante morphine spirituelle, mais aussi, curieusement, un autre genre de molécule, stimulante, quant à elle, qui fait du pot d’échappement l’ennemi public numéro 1.

Dans ce salon, qui s’affiche régulièrement à Angers, il se passe la même chose qu’au salon de l’agriculture, sauf qu’à la place des vaches, se sont des femmes qui sont exposées … J’avoue avoir du mal à comprendre pourquoi cela ne révolte pas les femmes …

Mais je crois qu’il y a encore plus grave : c’est que par notre faute, les ténèbres, la nuit, s’installent sur un mot magnifique par lequel on définit Dieu : l’ Amour ! Nous laissons défigurer l’amour devant les enfants et les adolescents, simplement parce que nous sommes paresseux et anesthésiés par la télévisine.

Quelle conception de l’amour vos enfants ou vos petits-enfants vont-ils avoir dans une dizaine d’années ? Et d’ailleurs, quelle conception de l’amour conjugal ont-ils aujourd’hui ? Sans compter que cette banalisation affecte aussi la qualité de l’amour conjugal, la noblesse de l’amour conjugal, la pureté de l’amour conjugal, à l’intérieur des ménages, en faisant évoluer les comportements intimes, en faisant reculer la dignité de l’être humain …

C’est sans doute là que le problème se noue : nous savons bien que nous ne sommes pas meilleurs que les autres, et alors peut-être avons-nous peur de jouer les petits saints (qui fait l’ange fait la bête) et d’être traités d’hypocrites … mais ça n’est pas parce que nous ne sommes pas purs que nous ne devons pas nous purifier nous-mêmes et faire en sorte que la société dont nous sommes des acteurs responsables respecte la dignité de l’être humain !

Je vous propose, donc, afin que les chrétiens soient à Angers des porteurs d’une vraie lumière qui lutte contre les ténèbres, d’écrire à Monsieur le Maire, pour lui demander de ne plus afficher ce genre de publicité qui salit les yeux de la jeunesse et qui salit l’amour.

L’année scolaire dernière nous étions 4 ou 5 à écrire … cette année 250 ou 500 ? Pensez aux enfants, et aux jeunes, et pas seulement à vous. Vous savez qu’un groupe de jeunes à Paris a fait une intervention musclée dans un théâtre, où –par ailleurs- l’on jetait des excréments sur un portrait du Christ (rien de plus normal, n’est-ce pas ? Si un artiste jetait une demie-crotte de pigeon sur une représentation du prophète Mahomet, notre président interviendrait en personne pour déclarer solennellement que la république ne peut pas tolérer l’intolérable, et que la liberté d’expression a tout de même des limites, mais comme c’est Jésus, c’est moins grave). Si les jeunes en question se sont montrés violents, ce n’est pas bien … mais c’est de notre faute : nous n’empêchons pas la violence (notamment pornographique) d’atteindre la jeunesse, et la jeunesse, désemparée, abandonnée par les adultes, écoute volontiers la violence qui est par là symboliquement entrée en elle … nous savons bien que lorsque nous regardons un spectacle violent, nous subissons symboliquement cette violence, et il faut bien gérer çà, comme on peut …

« La lumière a brillé dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêté » : c’est la tranquille assurance qui nous permet d’aborder tout cela sereinement, mais sereinement ne signifie pas niaisement !

Dieu veut faire alliance avec l’homme, il veut épouser l’humanité (c’est la noce dont parle Jésus) et il a déposé en nous l’huile spirituelle, l’Esprit Saint, et nous demande de veiller, d’être vigilants, de veiller sur l’amour, de préparer son retour (la nuit de noces).

P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 30 octobre 2011-la carotte et le bâton

Homélie du 31ème dimanche du Temps ordinaire-Année A
La première lecture, du livre du prophète Malachie, nous a fait entendre de sévères reproches aux prêtres du temple.

La seconde lecture, de Saint Paul, était pleine de douceur, d’affection et de félicitations.

L’Evangile, par la bouche de Jésus, retrouvait des accents de réprobation à l’égard des scribes et des pharisiens.

Cette alternance de critiques et d’encouragements n’est-elle pas le fait de toute éducation ? La Parole de Dieu est éducatrice. De la première à la dernière page, la Bible relève dans le comportement des hommes ce qui est juste et ce qui dévie, ce qui est droit et ce qui a besoin d’être redressé.

Tout comme les parents agissent envers leurs enfants. Bien souvent ils doivent corriger leur façon d’agir, les mettre en garde contre les dangers, les erreurs, les défauts ; parfois même la punition est nécessaire, mais il ne faut pas manquer d’encourager, de soutenir, de féliciter et de souligner les progrès et tout ce qui est positif.

La Parole du Prophète nous rappelle la grandeur de Dieu : « Je suis le grand roi, dit le Seigneur de l’univers, et mon nom inspire la crainte parmi les nations. » Alors qu’ils devraient de tout cœur glorifier ce grand nom du Seigneur, les prêtres du Temple agissent en accommodant la Loi ; par exemple ils présentent en offrande un animal boiteux ou malade, plutôt que le meilleur du troupeau. Les apparences sont sauves, mais le cœur n’y est pas.

« Vous vous êtes écartés de la route – dit le Seigneur – vous avez fait de la Loi une occasion de chute pour la multitude, vous avez perverti mon alliance avec vous. » « A mon tour, je vous ai déconsidérés, abaissés devant tout le peuple. »

Cinq siècles et demi plus tard, Jésus réagit de la même façon devant les torts des scribes et des pharisiens. Il ne conteste pas les connaissances des scribes, qui appartenaient le plus souvent au parti des pharisiens. Jésus reconnaît leur autorité officielle : « Ils enseignent dans la chaire de Moïse. » Mais Jésus leur reproche de ne pas mettre leurs actions en conformité avec leurs belles paroles. « Ils disent et ne font pas. » Et leurs motivations sont suspectes : « Ils agissent toujours pour être remarqués des hommes. » « Ils portent sur eux des phylactères très larges et des franges très longues. » Voilà des mots étranges… Les « phylactères » sont de petits étuis contenant une reproduction des paroles essentielles de la Loi (comme « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces. ») Les Juifs attachaient ces étuis à leur bras gauche ou à leur front.

Quant aux « franges », tous les Juifs en portaient, donc Jésus aussi. Saint Matthieu a écrit la guérison d’une femme souffrant d’hémorragie depuis douze ans, qui s’approcha de jésus par derrière, et toucha la frange de son vêtement. Elle se disait : « Si j’arrive seulement à toucher son vêtement, je serai sauvée. » Jésus se retournant et la voyant dit : « Confiance ma fille, ta foi t’a sauvée. » Les pharisiens augmentaient la longueur de ces franges par vanité religieuse.

Nous retrouvons toujours la même motivation, la même propension à se mettre en avant, à chercher les places d’honneur, les premiers rangs dans les synagogues, les salutations sur les places publiques. Ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi.

A l’inverse saint Paul écrira aux Philippiens : « Le Christ Jésus, lui qui est de condition divine, s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur… Il s’est abaissé devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix. »

Le même Saint Paul félicite aujourd’hui les Thessaloniciens, auxquels il a annoncé l’Evangile-Dieu. Ces disciples sont ouverts à la Parole de Dieu. Ils se laissent transformer par elle, cette parole qui nous rappelle que nous sommes tous frères. Nous n’avons pas à chercher à dominer notre prochain, à lui imposer notre volonté, à tenter de le contraindre contre son gré. Au contraire, « le plus grand parmi vous – dit le Christ – sera votre serviteur. Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé. »

La raison fondamentale de ce comportement tient au fait que nous n’avons qu’un seul Père, celui qui est aux cieux. Nous n’avons qu’un seul maître, c’est le Christ.

C’est bien dans cet esprit que le pape benoît XVI a réuni jeudi dernier à Assise les représentants des différentes religions, et même des non croyants, comme l’avait fait Jean-Paul II il y a 25 ans.

Quelles que soient les orientations spirituelles des uns et des autres, il est du plus haut intérêt pour l’humanité de chercher à se comprendre, à s’admettre différents, et à vivre dans le respect réciproque.

Aller dans le sens de la paix, c’est tendre vers le Royaume de Dieu. Que l’approche de la Toussaint nous fasse progresser dans ce sens.

Amen.

Père Jean Rouillard

Homélie du 23 octobre 2011-Année A

Homélie du 30ème dimanche du Temps Ordinaire - Année A



Lorsque Jésus répond à cette question qui lui est posée sur « le grand commandement », nous sommes à une période tardive de l’histoire d’Israël, qui a déjà presque deux mille ans … et les commandements aussi, ont eu leur « histoire » !

1ère période : le Sinaï, 1250 environ avant Jésus-Christ : par Moïse, Israël reçoit les 10 commandements)
La 2ème période vient aussitôt après, pour préciser des choses sur la vie quotidienne ; on arrive alors au chiffre de 613 … pas ridicule, quand on songe aux 2532 articles du code civil ou aux 1752 du code de droit canonique !
La 3ème période se situe à la fin des 40 années dans le désert, juste avant la mort de Moïse ; là, il n’y a plus qu’un seul commandement, on l’écoute (Dt 30) : Je te propose aujourd'hui de choisir ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur. Écoute les commandements que je te donne aujourd'hui : aimer le Seigneur ton Dieu, marcher dans ses chemins, garder ses ordres, ses commandements et ses décrets. Alors, tu vivras et te multiplieras […] Mais si tu détournes ton cœur, si tu n'obéis pas, si tu te laisses entraîner à te prosterner devant d'autres dieux et à les servir, je te le déclare aujourd'hui : certainement vous périrez, […] je te propose de choisir entre la vie et la mort, entre la bénédiction et la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance,
Jésus dit : « voilà le grand, le premier commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». C’est alors que commence la 4ème période, cette fois avec deux commandements. La nouveauté, ici, réside dans le fait que l’amour du prochain et de Dieu ne sont plus juxtaposés, comme deux éléments qui s’appellent l’un l’autre, Ils sont les deux faces d’une même réalité.
L’amour de Dieu et l’amour du prochain font l’objet d’une même recherche, d’une même démarche. Il n’y a pas de lutte entre la prière, amour de Dieu et l’action, amour des autres, la prière et l’action sont les deux faces d’un même amour de Dieu, qui se traduit par l’amour des autres.

Tout cela est rendu possible par le don de l’Esprit Saint, qui est répandu dans nos cœurs afin que nous aimions, que nous nous aimions du même amour que Dieu !

Nous avons eu un beau cadeau, dimanche dernier, au week-end jeunes familles : les soeurs du Grand Fougeray ont fait une sorte de "relecture" des commandements, sur le mode du "oui" . Les trois premiers commandement sont un oui à Dieu (Dieu, premier servi, même avant le rugby !), le quatrième est un oui à la famille, le cinquième à la vie, le sixième et le neuvième sont des oui à l'amour, le septième et le dixième sont un oui à la société, le huitième commandement est un oui à la vérité ... mais pour pouvoir dire oui, il faut savoir dire non !

J'ai une suggestion à vous faire : réapprendre les commandements (au cas où ...) et surtout vous demander comment "prendre les devants" de chacun d'eux, plutôt que d'attendre d'être pris en défaut par l'un ou l'autre ; la vie en couple se résumerait-elle à ne pas offenser son épouse ou son époux ? Trouvons au contraire des manières nouvelles d'être encore plus attentifs, tendres, respectueux. Dieu nous a fait don de l'imagination, c'est pour que nous nous en servions dans un but noble !

Les vacances de la Toussaint nous font entrer dans une grande méditation sur la sainteté de Dieu, qui se reflète sur les visage de nos aînés les saints. Tout cela un "goût" céleste, une bonne odeur du Ciel, qui nous met en appétit ... spirituel !
P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 16 octobre 2011-semaine missionnaire

Homélie du 29ème dimanche du Temps ordinaire-Année A

Aujourd’hui commence la semaine missionnaire mondiale. Ce n’est pas une nouveauté car une telle semaine existe tous les ans. Mais il est bon et nécessaire que l’Eglise nous remette périodiquement devant les exigences essentielles de notre vie chrétienne. Or, être missionnaire est l’affaire de chacun et chacune.

Autrefois ce terme était réservé aux prêtres, religieux et religieuses qui partaient dans des pays lointains rencontrer des populations aux langues inconnues, aux coutumes surprenantes, aux mentalités considérées comme peu évoluées, sinon barbares. Ces missionnaires, le plus souvent, surtout les femmes, partaient pour ne plus revenir dans leur pays natal. C’était un adieu définitif à leur famille. On peut s’incliner devant de tels sacrifices acceptés en esprit de foi et pour partager cette foi. On peut leur appliquer ces mots de Saint Paul aux Thessaloniciens : « A tout instant nous rendons grâce à Dieu à cause de vous tous, en faisant mention de vous dans nos prières. Sans cesse nous nous souvenons que votre foi est active, que notre charité se donne de la peine, que notre espérance tient bon en Notre Seigneur Jésus Christ, en présence de Dieu notre Père. »

Avant la guerre de ,1939-1945, la deuxième guerre mondiale, quand on rencontrait dans les rues de la ville d’Angers un noir, on en parlait en famille, car c’était rare, exceptionnel. On pensait alors à ces missionnaires d’Afrique et d’autres continents lointains. Les temps ont bien changé, et dans certains quartiers de la capitale il y a autant de gens colorés que de blancs, sinon plus. C’est une raison de nous rappeler les lignes du prophète Isaïe : « Parole du Seigneur au roi Cyrus : Je suis le Seigneur, il n’y en a pas d’autre ; en dehors de moi, il n’y a pas de Dieu. »

Quelles sont les croyances de tous ces gens que nous côtoyons sans cesse ? Quelle est notre responsabilité à leur égard ? Quel témoignage leur donnons-nous ?

Rendons grâce pour tout ce qui est très heureux. Parmi ces étrangers qui viennent sur notre sol, il se trouve des prêtres devenus chrétiens à la suite de l’évangélisation accomplie par les missionnaires partis de chez nous. Et nous sommes habitués à bénéficier des services de ceux qui maintenant viennent suppléer le manque de prêtres en nos régions. Les efforts et les sacrifices de nos prédécesseurs n’ont pas été vains. Ils portent du fruit d’une façon qui n’était pas prévue il y a seulement un demi-siècle.

Mais cela ne nous dispense aucunement de travailler à la mission de l’Eglise aujourd’hui.

Il se trouve, au cours de l’histoire, des vocations tout à fait remarquables. Je pense à cette laïque lyonnaise, Pauline Jaricot, qui ai 19ème siècle a lancé une organisation de sensibilisation de l’opinion aux questions missionnaires, qui est à la base de l’importante structure actuelles des Œuvres Pontificales Missionnaires.

Cet exemple souligne que l’action en faveur des missions n’est pas réservée aux « gens d’Eglise » comme l’on dit, ou aux personnes capables de s’expatrier plus ou moins longuement. Tout est dans la disposition du cœur.

Jésus interpellait les Pharisiens en leur disant : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Il leur rappelait les exigences de la justice en matière de transactions financières sans doute, mais surtout il éveillait leur conscience au sujet de leur relation à Dieu.

Rendons à Dieu ce qui est à Dieu. Or toute notre vie est à Dieu. Nous avons donc à lui rendre grâce pour tous ses dons, le don de la foi en premier lieu.

Chacun peut être missionnaire là où il est en répondant généreusement aux appels du Seigneur.

L’Eglise fête samedi Sainte Thérèse d’Avila. Tout en restant en Espagne, elle a eu un rayonnement mondial, qui se poursuit par la prière de toutes les carmélites. On sait que l’une d’elles, Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus est devenue patronne des missions. Son témoignage se poursuit même par la vénération de ses reliques de pays en pays.

En ce dimanche c’est aussi la fête de Sainte Hedwige, mère de famille nombreuse très éprouvée, avant de devenir religieuse en Pologne.

C’est également la fête de Sainte Marguerite Marie, que le Seigneur chargeait d’obtenir l’institution d’une fête en l’honneur de son sacré Cœur.

Ces grandes figures de l’Eglise illustrent l’extrême variété des témoignages missionnaires, et des appels du Seigneur, exprimés notamment par le psaume :

« Allez dire aux nations : « Le Seigneur est Roi ! » « Racontez à tous les peuples sa gloire, à toutes les nations ses merveilles ! »

« Au Seigneur notre Dieu tout honneur et toute gloire ! »

Amen.

Père Jean Rouillard

14 novembre 2011

Homélie du 02 octobre 2011-Ecouter et croire Jésus, c'est tout un

Homélie du 27ème dimanche du Temps ordinaire - Année A

Avez-vous entendu parler du gâteau de la Toussaint ? Il s’agit de rechristianiser cette fête, en faisant confectionner par un professionnel qui le commercialise normalement, un gâteau fait uniquement à cette période, chaque part de gâteau achetée donnant droit à un petit feuillet qui donne le sens de cette fête et raconte la vie d’un saint.

Ce n’est plus pour contrer Haloween, Haloween est déjà mort … mais c’est  une proposition positive  sur la sainteté, qui non seulement fait plaisir à Dieu, mais fait du bien aux hommes. Il y a un aspect culturel (savez-vous ce qu’est la Toussaint ?) et un aspect spirituel (Dieu peut et veut déposer sa sainteté en chacun de nous, pour nous faire du bien à nous et pour que l’humanité soit transformée et redonnée au Créateur aussi belle que celui-ci l’a conçue …)

Trois choses sur l’Evangile

Tout d’abord l’introduction de Jésus : il dit « Ecoutez ». Il est rare que Jésus lui-même dise cela au début d’une parabole. Cela ne signifie pas nécessairement que cette parabole surpasse les autres, mais qu’il faut l’écouter, au sens de croire. En effet, derrière ce mot, il y a le « credo » des juifs (le « sh’ma Israël »), écouter et croire n’étant en réalité qu’un seul et même acte. En disant d’écouter, Jésus nous dit « croyez ce que je vais vous dire, il y a là des déclarations aussi importantes que celles de Dieu à travers son serviteur Moïse.

Une véritable communication suppose l’écoute, il n’y a rien de pire que de ne pas sentir écouté. Nous avons tendance, n’est-ce pas, à entendre ce que nous voulons, à écouter ce qui nous plaît et non le reste : c’est embêtant pour la foi chrétienne, car il faut recevoir Dieu tel qu’il est et entendre ce qu’il veut dire et non ce que nous voulons entendre. Ainsi, nous ne fabriquerons pas un Dieu à notre mesure, en le « raccourcissant », mais nous allons nous « hisser à la mesure de Dieu », définition possible de la sainteté !!!

Ecoutez cette parabole …

Ce n’est pas par hasard que Jésus parle de la vigne … le vin est considéré par les juifs comme la plus noble des boissons ; il a été choisi avec le pain (la plus noble des nourritures) pour être la boisson par excellence, à la fois don de Dieu par la nature, la pluie et résultat du travail des hommes. Dans l’offertoire catholique, on retrouve des éléments essentiels du repas d’entrée en Shabbat : « Tu es béni, Seigneur, notre Dieu, roi de l’Univers, toi qui fais sortir le pain de la terre… le vin de la terre » dit la formule juive.

Le juste, le saint, est comme un bon vin : résultat d’un vrai travail de l’homme
-          Recherche des vertus
-          Qualité de vie spirituelle
-          Sens du service
-          Fidélité à Dieu et aux hommes

Et d’une vraie grâce de Dieu
-          Car Dieu est le seul saint au sens plénier du terme

Une paroisse, c’est une vigne, mais ce qu’une vigne : ce qui compte, c’est le vin. Je faisais hier du vélo dans les vignes du layon … un magnifique paysage s’est présenté à nous, et notamment les vignes elles-mêmes, mais ce qui compte, c’est le vin !  C’est-à-dire l’épanouissement de la grâce du baptême, la perfection chrétienne, dont la réputation se propage comme le fumet incomparable d’un coteau du layon !

Le curé d’Ars disait, d’ailleurs, qu’un chrétien qui vient de communier est comme une bouteille de cognac et que le recueillement après avoir communié est comme un bouchon qui retarde l’évaporation et l’oxydation du contenu de la bouteille.

Mais il ne faut pas s’attarder trop longtemps sur l’image, car dans une image qui symbolise quelque chose de spirituel, il y a, disait saint Thomas, plus de dissemblance que de ressemblance entre l’image et la réalité spirituelle …

Je termine, donc, en évoquant la question de la justice, puisque cette parabole évoque le jugement dernier, et si l’Eglise nous le fait entendre, c’est parce que nous nous rapprochons de la fin de l’année liturgique, occasion de méditer sur la fin de nos jours et sur la fin des temps.

Il y a pourrait-on dire deux justices : une justice transcendante, œuvre de Dieu, qui sanctionne, au sens complet du terme, chacune de nos vies … mais il y a aussi une Justice immanente, en ce sens que le mal contient en lui-même le principe de sa destruction ; ou pour le dire autrement : celui qui fait le mal reçoit sur la tête le coup qu’il donne (comme dit le psaume 7) et je crois bien que Jésus se sert de la justice immanente (qui a quelque chose de très convaincant) pour nous permettre de nous préparer intelligemment à la justice transcendante dont nous feront l’objet.

Comme l’a bien dit Benoît dans Spe salvi, ce moment sera un moment de joie pour les pauvres, les justes, les humbles, car il seront rétablis dans leur dignité et dans leur valeur : que Dieu nous donne d’être de ceux-là !

P. Emmanuel d'Andigné