Je vous propose de terminer aujourd’hui cette méditation faite pendant chaque dimanche de l’Avent sur l’art de la prière, tel qu’il nous est enseigné par Dieu au fil des textes que nous recevons de la liturgie
Quatrième dimanche de l’Avent - Acte IV ...
Acte IV - scène 1 : Marie reçoit la visite de l’Ange …
Je vous suggère de regarder cet Evangile de loin, plutôt que de près, pour une fois, car il y a des choses que l’on voit mieux de loin que de près !
Et quand on regarde de loin ce passage de l’Evangile, on pense à ce qui s’est passé avant (et après), mais cette fois, pas d’un point de vue historique ou théologique, mais d’un point de vue mystique, c’est-à-dire sur la question de la prière.
Pour avoir ainsi une conversation avec l’Ange, il a fallu que Marie prie régulièrement et développe un « esprit de prière », et sans que cela soit extraordinaire au moment-même de prier. Elle a veillé dans la prière, et la plupart du temps, quand elle priait, rien ne se passait, rien de croustillant, du moins …
Et c’est parce qu’elle a veillé qu’elle n’est pas surprise de recevoir une visite du Ciel. Vous l’avez entendu, il n’y a que deux choses qui la surprennent : le titre que l’Ange lui donne (« pleine de grâce ») et le fait de mettre au monde un enfant alors qu’elle ne connaît point d’homme…
La prière, donc, c’est une période de semailles, c’est une plante qui pousse lentement, invisiblement, sans aucun bruit, et ça n’est qu’après que l’arbre nous semble évident.
Il est donc bon de veiller longuement, dans la prière, sans rechercher des sensations extraordinaires, ni même des apparitions, des locutions, des lumières, mais surtout se mettre à la disposition de Dieu pour ce qu’il veut : « qu’il me soit fait selon ta parole ».
Je ne veux pas dire que locutions, apparitions et faveurs spirituelles particulières sont mauvaises, bien au contraire, d’ailleurs Jésus a jugé bon de réaliser des miracles, c’est-à-dire des phénomènes extraordinaires … mais ces choses extraordinaires ne sont données par Dieu que si cela est utile, au moment où cela est bon, dans une vie de prière en général ordinaire et fidèle.
Et pour aller plus loin encore, la prière nous fait entrer dans le « temps de Dieu »
Je m’explique : nous autres, ici-bas, faisons l’expérience de deux formes de temps : le temps chronologique (secondes, minutes, heures …) et le temps psychologique (la façon dont nous percevons le temps selon que nous sommes vieux, jeunes, fatigué, en forme, pressé par un rendez-vous …)
Eh bien le temps de Dieu lui est une question de plénitude, on pourrait dire aussi de maturité : Dieu peut se montrer très lent ou très rapide (du moins pour un regard humain), afin d’agir au moment où il le faut, au moment où c’est le meilleur.
Deux passages de l’Ecriture sont éclairants à ce sujet, avec deux mots grecs différents
Galates 4,4 : « lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils ; il est né d'une femme, il a été sous la domination de la loi de Moïse, pour racheter ceux qui étaient sous la domination de la Loi et pour faire de nous des fils. » Le terme utilisé par saint Paul est bien connu : il s’agit de « chronos ». Le texte original dit « quand vint la plénitude du temps ».
En 2, Corinthiens 6, 2, le mot grec utilisé pour désigner le temps n’est pas chronos, mais « chairos » : « voici le temps favorable, voici le temps du Salut » ; ce terme « chairos » désigne non une durée mais plutôt une bonne occasion, un moment idoine, un contexte favorable … ce qui est intraduisible correctement en français ; la liturgie le traduit par « temps favorable ».
La prière nous fait entrer dans le « temps de Dieu », elle nous initie à un autre rapport au temps, qui fait que nous pouvons être pressés d’agir ou au contraire patients pour que vienne le chairos, le temps favorable…
Mais finalement, nous faisons aussi cette expérience lorsque nous devons annoncer une mauvaise nouvelle, une grande nouvelle, faire une demande en mariage, demander pardon … n’est-ce pas ?
Et ainsi, en nous initiant au « temps de Dieu », nous devenons de plus en plus proches de Dieu, sensibles aux mêmes choses que lui, sensibles au chairos, agissant pour Lui et avec Lui, et c’est ce que l’on appelle la communion avec Lui.
Acte IV scène 2 - La prière est trinitaire
Restons loin du texte et observons : le passage de saint Luc qu’on appelle l’annonciation est une conversation visiblement trinitaire. Une conversation –ça c’est manifeste- mais cette conversation est à caractère trinitaire : c’est ce qui différencie la prière chrétienne de toutes les autres
Le Père est à l’origine de la conversation ; l’Esprit Saint réalise ce que le Père demande et ce que Marie la créature accepte ; le Fils est conçu. La prière, c’est concevoir Jésus en nous par l’opération du Saint-Esprit, en réponse à l’initiative du Père.
Une fois conçu, Jésus naît en nous comme il est né en Marie, puis il grandit en nous, comme il l’a fait à l’ombre de sa mère, puis il souffre en nous et avec nous quand nous souffrons, comme il l’a fait avec sa mère, puis sa mort et sa résurrection font leur entrée en nous, jusqu’à ce que notre foi parvenue à maturité nous conduise à la vie éternelle (« or, la vie éternelle, c’est qu’il te connaissent, toi le seul vrai Dieu et Jésus-Christ que tu as envoyé » Jn 17,3).
C’est pour cela qu’un saint Paul peut dire : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » Gal 2,20. Ce qui est arrivé à la Vierge Marie, cela doit nous arriver à nous aussi, chacun selon sa grâce propre…
Acte IV scène 3 – scène finale
Je voudrais terminer avec le psaume ; ce type de littérature est très précieux pour qui veut s’initier à la prière, on le sait bien. Il se trouve que le nôtre, aujourd’hui, à deux reprises prononce les mots « alliance » et « fidélité », sans compter le mot « amour » qui signifie en fait exactement la même chose.
La prière nous est ainsi présentée comme une affaire d’amoureux ; et la façon de prouver que l’on aime vraiment, c’est de s’engager et de rester fidèle. La vie chrétienne est essentiellement une alliance, et la prière est le moyen d’entretenir cette alliance amoureuse.
P. Emmanuel d'Andigné
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