On continue notre périple au milieu des textes de l’Avent, pour approfondir l’art de la prière tel que Dieu nous l’enseigne
Jean-Baptiste, souvenez-vous, dimanche dernier, nous a conduits définir la prière comme une conversion, dans les deux sens du terme (se tourner vers Dieu et changer de vie pour Lui)
C’est le même « personnage » que l’Evangile nous présente aujourd’hui ; et l’évangéliste nous dit qu’il « opérait » en Transjordanie : ce détail montre que les évangélistes se sont renseignés avec précision sur les faits. « Messieurs dames, les évangélistes connaissaient leur géographie », disait Michel Sultan, guide en Israël à des pèlerins de RCF (il y a à notre époque –cette maladie date du 19ème siècle- un soupçon de barbarie et d’ignorance sur les époques lointaines, et une illusion de grande science et de civilisation aujourd’hui …).
Mais donner des précisions géographiques est loin d’être systématique, il y a donc une intention : la Transjordanie est le lieu où les Hébreux ont séjourné juste avant d’entrer en Terre promise … Jésus est présenté comme le nouveau Moïse, qui nous arrache au péché et à la mort, symbolisés par l’Egypte.
Aujourd’hui, pour nous concrètement, la terre promise, c’est le Ciel, et le baptême est cette eau qui nous passer d’une citoyenneté à une autre …
La prière, quant à elle, ressemble à ce qui s’est passé juste avant l’entrée en terre sainte : des éclaireurs (des scouts !) sont allés voir Canaan, la Terre promise, et ont rapporté des fruits à Moïse (des raisins, des grenades et des figues ; Nb 13)
La prière nous fait faire un voyage au Ciel, pour savoir ce qui nous y attend et déjà en goûter quelques fruits.
Il faut simplement ajouter un fait important : les envoyés de Moïse ont rapporté des fruits qui n’étaient pas complètement inconnus des Hébreux ; « Le Ciel » sera sans doute différent de notre séjour sur la terre, mais il aura des accents familiers !
Jean-Baptiste présente Jésus comme le nouveau Josué (car c’est lui qui fit finalement traverser le Jourdain au Peuple), et d’ailleurs les pères de l’Eglise ont souvent fait le jeu de mot entre Jésus et Josué …
Dimanche dernier, déjà, nous étions accompagnés de deux prophètes, Isaïe et jean le Baptiste … Isaïe décrit fort bien ce qui se produit dans l’âme de celui qui reçoit l’Esprit Saint -Joie et exultation, et du coup, il donne deux précisions, de taille :
La première est ce qui permet de savoir que c’est bien l’Esprit saint qu’on a reçu et pas autre chose, à savoir le soin des pauvres, des blessés, des prisonniers … les maîtres spirituels (surtout au Carmel) sont unanimes pour dire que la prière, normalement, débouche sur l’apostolat : celui qui se remplit de la présence de Dieu peu à peu est envahi de la charité-même de Dieu, et il finit par élargir les dimensions de son cœur, ce qui produit en lui des réflexes divins, parmi lesquels se trouve la préférence pour les pauvres et les petits.
C’est peut-être ça qui permet de distinguer la joie du plaisir : le plaisir en lui-même est une chose bonne mais éphémère et qui ne débouche pas sur la charité.
La joie, elle, est sans doute ce qu’il y a de plus pur dans le plaisir, ce qui correspond à Dieu dans le plaisir, et qui ne peut pas ne pas produire du fruit, car c’est divin …
La deuxième précision concerne la personne elle-même, celle qui prie : Dieu la « couvre d’innocence » … étrange, non ??? L’innocence ne nous paraît-elle pas innée ? Par définition, l’âge nous fait perdre l’innocence, à des degrés divers, non ? Eh bien le don de l’Esprit la fait recouvrer ! Une belle prière du Missel dit : Dieu qui aime l’innocence et la fais recouvrer, oriente vers toi le cœur de tes fidèles: tu les as libérés des ténèbres de l’incroyance, fais qu’ils n’abandonnent jamais la lumière de ta vérité.
L’Esprit Saint apparaît ici comme le maître de toute prière, ce qui est d’ailleurs fort logique, puisqu’il est l’amour entre le Père et le Fils et que, une fois déposé en nous, il fait de nous des fils, et la prière devient essentiellement une relation filiale, permanente, qui connaît parfois des moments intenses qu’on appelle « des temps de prière »
C’est la grande différence avec les prières juives et musulmanes, qui sont certainement, du point de vue des croyants, une belle façon de se tourner vers le Créateur, mais qui ne peuvent pas être une relation filiale à la manière d’un enfant qui dit « papa » « Abba », ainsi que Saint Paul le dit dans l’épître aux Romains (Rm 8,15).
Dimanche dernier, le psaume nous est apparu comme un « professeur de prière » ; aujourd’hui, l’Esprit saint nous apparaît comme le maître de toute prière et en guise de psaume, la liturgie nous a fait entendre le magnificat, prière d’une fille d’Israël, prière qui est un modèle du genre !
En se tournant vers Marie, en la priant souvent, en la fréquentant dans notre prière, nous pourrions bien nous mettre à lui ressembler. Or, c’est elle qui a donné ses traits à Jésus : nous emprunterons alors une voie royale pour le suivre lui, le Fils de Dieu, celui qui vient, celui qui nous sauve !
P. Emmanuel d'Andigné
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire