27 septembre 2010

Homélie du 26 septembre 2010-entendre n'est pas écouter !

Homélie du 26ème dimanche du Temps Ordinaire - Année C

Je vous parlais, bien sûr, dimanche dernier, du voyage de Benoît XVI : allez voir sur votre blog préféré (à droite, il vous suffit d’un clic) ! Vous êtes professeurs, instituteurs, regardez le discours du Pape sur l’Education Catholique ; vous êtes un homme politique ou vous vous intéressez à la politique, lisez le discours de Westminster ; si vous souhaitez un regard profond et intelligent sur l’actualité, la conversation dans l’avion vous sera profitable !

Quant à la deuxième lecture, elle convient parfaitement aux serviteurs d’Alpha : en effet, elle contient un encouragement et un horizon. L’encouragement consiste en ce que, en écoutant cette parole, vous vous apercevez que vous mettez en application la Parole de Dieu « Continue à bien te battre pour la foi, et tu obtiendras la vie éternelle ; c'est à elle que tu as été appelé, c'est pour elle que tu as été capable d'une si belle affirmation de ta foi devant de nombreux témoins ». L’horizon nous apparaît alors clairement, c’est d’obtenir la vie éternelle ! En ouvrant le journal vendredi, j’ai appris avec étonnement que j’avais dit que je voulais -je cite- « donner une image conviviale de l’Eglise ». En réalité, il s’agit d’obtenir pour vous et pour vos auditeurs de la vie éternelle !!! Regardez ce que le Saint-Père a déclaré dans l’avion à ce sujet :

Question du journaliste : […]Peut-on faire quelque chose pour rendre l'Eglise, en tant qu'institution, encore plus crédible et attirante pour tous?

Réponse du Pape . : Je dirais qu'une Eglise qui cherche surtout à être attirante ferait déjà fausse route. Parce que l'Eglise ne travaille pas pour elle-même, elle ne travaille pas pour croître en nombre et ainsi augmenter son pouvoir. L'Eglise est au service d'un Autre, elle n’est pas utile pour elle-même, pour être un corps fort, mais pour rendre accessible l'annonce de Jésus Christ, les grandes vérités, les grandes forces d'amour, de réconciliation apparues à travers cette figure et qui viennent toujours de la présence de Jésus Christ. Dans ce sens, l'Eglise ne recherche pas à être attirante, mais elle doit être transparente pour Jésus Christ.

J’en viens maintenant à l’Evangile ou plutôt à l’ensemble cohérent constitué de première lecture, psaume et Evangile … nous continuons la lecture de l’Evangile selon saint Luc, chapitre 15 il y a deux semaines, début du chapitre 16 la semaine dernière, et t aujourd’hui la fin du seizième chapitre. Tout ce chapitre n’est que le commentaire de la phrase suivante : « Vous ne pouvez pas servir Dieu et l’Argent."

Amos était notre instructeur dimanche dernier, il le demeure aujourd’hui, vous l’avez entendu : il stigmatise les « vautrés » !!!
Pour ma part :
1)      je me contente de faire résonner cette parole dans l’église pour qu’elle puisse avoir son efficacité aujourd’hui, le cas échéant
2)      mais je me garderais bien de juger les apparences, et je vous invite à faire de même, car il est probable que, discrètement, sans faire sonner de la trompette, un certain nombre d’entre nous servent les plus pauvres et constatent avec plaisir qu’ils mettent en application la parole de Dieu, et se sentent donc encouragés par ces mots.

L’Evangile, donc, nous offre une parabole, les choses sont bien tranchées, trop bien tranchées, pas comme dans la vie … Jésus durcit le trait pour provoquer une réaction, pour faire peur, pour réveiller notre conscience endormie. Il cherche clairement la conversion (comme Amos) et d’ailleurs le mot est prononcé …

Comme dans les fables de La Fontaine et comme souvent dans l’Evangile, la clé se trouve à la fin : « quelqu’un aura beau ressusciter d’entre les morts, ils ne seront pas convaincus ». Autrement dit, c’est -encore une fois- la mort et la résurrection de Jésus qui est la clé de la compréhension de la parabole. Une fois qu’on a la clé, il suffit d’entrer dans la maison …

Et donc, la première information, c’est que, si les chrétiens doivent servir les pauvres, et faire le bien en général, c’est pour obtenir la vie éternelle, ça n’est pas simplement une affaire de bons sentiments …Il ne faudrait pas que la question de la pauvreté occulte le grand sujet de l’Evangile : le Salut, le Ciel, le Paradis, promis à ceux qui aiment leurs prochains et Dieu. Etant bien entendu que celui qui prétend aimer Dieu sans aimer son prochain et surtout les pauvres révèle en fait qu’il s’aime surtout lui-même au prétexte de Dieu, car amour de Dieu et amour du prochain sont les deux faces d’une même réalité.

Jésus est venu d’abord pour nous ouvrir le Ciel. L’Eglise Catholique aujourd’hui doit parler du Ciel, ouvrir le Ciel à ceux qui regardent la terre et qui n’y voient que leurs pieds. Sommes-nous préoccupés du Ciel ? C’est une bonne question …

Cela dit, je crois que le principal défaut de cet homme riche de la parabole est d’avoir su, mais de n’avoir rien fait. Il entendait parler des pauvres, mais il n’écoutait pas ; autrement dit, il n’écoutait qu’avec ses oreilles, pas avec son cœur.

Et nous-mêmes, quand nous entendons Dieu parler au moment de la liturgie de la Parole, nous l’entendons, mais l’écoutons-nous ?

Souvent, quand il y a des disputes, on demande à l’autre : « tu m’écoutes quand je te parle ? » . Dieu nous pose la même question aujourd’hui : « tu m’écoutes quand je te parle ? »

« j’écoute, que dira le Seigneur Dieu » ; « aujourd’hui, écouterez-vous sa parole, n’endurcissez pas votre cœur », disent les psaumes …

Aujourd’hui, on fait, et c’est très bien, des « formations à l’écoute ». Quand on y pense, c’est curieux … n’est-ce pas pourtant très simple et très évident d’écouter quelqu’un ??? Nous pourrions demander aujourd’hui à Dieu qu’il nous débouche les oreilles, les oreilles du cœur pour Lui et pour les autres.

Je termine avec un témoignage qui je crois illustre un autre grand problème soulevé par cette parabole et qui serait le problème de la fixité des choses. J’ai connu à Jérusalem un dominicain dont l’apparence négligée me rebutait souvent, mais un jour, il prononça cette phrase extraordinaire « je ne me lasse jamais des personnes ». Il avait atteint un tel niveau d’humanité qu’il voyait à l’intérieur des personnes, et pas simplement à l’extérieur, superficiellement, avec cet « abîme » dont parle l’Evangile que nous mettons entre nous et les autres, dans un regard superficiel.

Le pire de tout, c’est de fixer les choses dans son esprit, comme par exemple : « les pauvres sont pauvres, c’est normal » ; « la société fonctionne comme ça, c’est ainsi, on ne peut rien y faire » … et de laisser se creuser un écart entre nous, en écart infranchissable déjà sur la terre entre les riches et les pauvres, de sorte qu’au Ciel l’écart demeure le même, mais dans un rapport inversé !

Demandons à Dieu la grâce d’un cœur blessé d’amour, d’un cœur encore chaud, qui ne se résout pas aux situations, mais veut transformer sa propre personne, et dans une certaine mesure le monde qui l’entoure.

P. Emmanuel d'Andigné

23 septembre 2010

Homélie du 19 septembre 2010-Newman béatifié !!!

Homélie du 25ème dimanche du Temps Ordinaire - Année C

« Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent » . Lorsque Henri VIII , en 1534, a finalement « fondé » l’Eglise d’Angleterre, c’était à cause du refus de son divorce par le Pape, mais aussi pour des raisons financières, car il acceptait difficilement que l’extraordinaire richesse immobilière de l’Eglise ne tombe pas en partie dans les caisses de l’Etat …

Trois siècles plus tard, après que l’Eglise d’Angleterre a connu successivement des périodes « catholiciscantes » et des périodes « protestantisantes  (pardon pour les néoilogismes)», un certain John-Henry Newman naissait, à Londres, en 1801, d’une famille partagée entre l’Evangélisme à l’anglaise du côté de son père et le protestantisme à la française du côté de sa mère. Il sera béatifié aujourd’hui, et voici pourquoi :

Il s’est passé beaucoup de choses durant les 89 ans de sa vie, mais la première chose significative fut sa première conversion à 15 ans. Je parle de la première, car il y en eu deux, à 15 et à 32 ans, d’une manière purement spirituelle la première fois (il dit avoir senti « s’alourdir » « la main de Dieu » sur lui), la seconde, dans des circonstances très particulière, lors d’un voyage en Italie, où il tomba malade et faillit trouver la mort. Il était alors encore anglican, bien sûr.

Il a connu deux conversions de nature différente : la première l’a fait passer d’une religion formelle à une relation vivante à Dieu, la seconde, à cause de la proximité de la mort, a rendu chez lui vitale la recherche de la vérité et la recherche de Dieu.

Nous pouvons déjà mettre une chose dans notre « panier spirituel » d’aujourd’hui : que notre religion ne soit pas une série d’automatismes mais une relation vivante avec Dieu.

Dès sa première conversion (15 ans !), John-Henry se dit : « je suis anglican, mais qu’est-ce que ça veut dire exactement ? » Commence alors une longue recherche de la vérité ; il perçoit les deux courants théologiques majeurs : un courant protestant et donc « naturellement » anti-romain et un courant catholique (quant à la proximité doctrinale avec l’Eglise Catholique), lui aussi anti-romain, aussi étrange que cela puisse paraître. Les règles du jeu outre-manche sont toujours difficiles à comprendre pour qui n’est pas britannique …

Et c’est alors que lui viennent deux idées : la première, c’est que le fondement religieux de l’anglicanisme est proche du zéro, car au fond, c’est une affaire politique, une affaire d’argent et d’infidélité conjugale, mais sans aucune assise spirituelle ou théologique (ce qui explique que l’anglicanisme se soit trouvé balloté entre protestantisme et catholicisme …)

Une deuxième idée lui vient : maintenant qu’il y a des anglicans (la chose existe depuis trois siècles à cette époque) l’anglicanisme ne serait-il pas le juste milieu entre protestantisme et catholicisme, prenant le meilleur entre les deux, et rejetant dans les deux ce qui s’éloigne de l’Eglise primitive ?

Cette idée le séduit pendant plusieurs années (d’ailleurs on est facilement séduit par ses propres idées, isn’t it ? …), jusqu’au jour où il prend conscience que ça n’est qu’une idée et que jamais une idée n’a pu étancher la soif de vérité. En revanche, il constate qu’il y a dans les Eglises protestantes et catholique une réelle religion, alors que toute la structure de l’Eglise d’Angleterre est essentiellement politique, et, que, pour le coup c’est bien là la réalité ! Nouvelle déception, donc, et alors reprend son itinéraire à la recherche de la vérité.

Dans notre panier spirituel, ajoutant donc deux éléments : Il faut toujours mieux épouser une réalité qu’une idée (n’est-ce pas évident dans le mariage, qui ne nous fait pas épouser une femme idéale ou un mari idéal, mais bien plutôt une femme réelle, et un mari réel, ce qui est bien mieux !?) ; en outre, notre religion doit être une recherche constante de la vérité (« je n’ai jamais cherché que la vérité », disait Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de Sainte-Face »).

Benoît XVI est en Angleterre, et il est en train de démontrer magistralement que ce qui caractérise sa venue et la béatification de Newman, c’est la recherche du Christ et de la vérité, et non un racolage pour grappiller des fidèles à l’anglicanisme.

En 1839, Newman est presque au bout de son itinéraire, il étudie en toute honnêteté les quatre notes de l’Eglise (« Une Sainte, Catholique et apostolique ») : sa réflexion fait scandale, il s’éloigne de plus en plus d’une Eglise dont il a désormais la conviction qu’elle est schismatique.

Finalement (je vous passe les détails), le 08 octobre 1845, il tombe à genoux devant un prêtre catholique, se confesse longuement et demande à être reçu dans l’Eglise Catholique, le lendemain.

Il ne découvrira pas le paradis, mais une Eglise réelle, avec ses casseroles, comme par exemple la piètre qualité de l’enseignement de la théologie à Rome. Il a désormais, malgré tout, la conviction que l’Eglise catholique représente la continuité réaliste et crédible de l’Eglise du Christ et des Apôtres. En 1847, il est ordonné prêtre (car l’ordination n’est pas sacramentelle dans l’Eglise Anglicane), il prêche, il enseigne … en 1879, il est créé cardinal par Léon XIII, et lorsqu’il meurt, en 1890, un concert d’hommages salue sa mémoire dans le monde entier.

La consultation de la véritable information (Internet est une bonne nouvelle pour la liberté de penser !) nous permet de constater que Benoît XVI illustre pendant son voyage une phrase du Gloire à Dieu : « pax hominibus bonae voluntatis (paix aux hommes de bonne volonté) ». En effet, il prend soin de rencontrer tous les chefs religieux pour leur demander de collaborer avec lui à la paix et à l’entente mutuelle ; il rencontre les chefs politiques sans avoir peur de leur dire qu’il savent bien débloquer des fonds quand  des places financières s’écroulent et que l’urgence du soin des pauvres vaut bien le soin apporté à la Bourse ; il rencontre les chefs religieux anglicans et leur rappelle que nous sommes tous serviteurs du Christ, que nous recherchons la vérité avant tout ; aux catholiques, il dit d’être eux-mêmes, d’être des saints, et de se tourner loyalement et fraternellement vers les autres confessions chrétiennes (lisez l’homélie du vendredi soir à Glasgow !)

Je vous invite à aller chercher la véritable information, notamment grâce à Internet, n’en restez pas à la petite lorgnette du 20h, ou aux flashs assassins et partisans de France Info’ dans la voiture, résistez à la toute-puissance de l’AFP sur votre information ! Profitez de la béatification pour lire sur Newman ou le lire lui-même !

Dieu nous attend sur le chemin de la sainteté, à l’image du nouveau bienheureux : tâchons de ne pas le décevoir, et de ne pas nous décevoir nous-mêmes.

P. Emmanuel d'Andigné

15 septembre 2010

Homélie du 12 septembre 2010-Dieu se met en trois pour nous sauver

Homélie du 24ème dimanche du Temps Ordinaire - année C

Prenez de la hauteur, tel un aigle, pour regarder ces textes : il y en a trois ! « Savez-vous ce qu’il y a trois ? », dit la chanson des enfants du Catéchisme. « il y a trois personnes en Dieu ! » répondent en chœur les enfants. Demandons-nous si par hasard, la Trinité ne serait pas là, cachée ? En fait, elle n’est pas tellement cachée …

La première parabole met en scène un Berger : on pense au Fils, bien sûr, qui a dit (Jean 10:14 ) : « Je suis le bon berger. Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, ... »
La seconde parabole met en scène une femme. Qu’y a-t-il de féminin en Dieu ? Eh bien il se trouve que le mot hébreu qui désigne l’Esprit (rouah) est un mot féminin ! Entendons-nous bien : non pas que Dieu soit féminin ou masculin en aucune manière, Dieu est Dieu, mais la perception juive de l’Esprit de Dieu est rendue par un mot féminin.
Quant à la troisième parabole, elle nous parle d’un Père …

Autrement dit, Dieu se met en trois « pour nous sauver et pour faire de nous des enfants d’adoption », pour reprendre la formulation de Saint Paul (Ep, 1,5).
Mais Dieu est un (« il y a un seul Dieu qui règne dans les cieux », chantent les enfants du catéchisme), et il faut donc se garder, même quand on voit un indice de la présence des trois personnes, de durcir l’image, et de séparer artificiellement une personne divine des deux autres. Par exemple, les deux paraboles qui montrent le Fils et le Père sont les deux seules à mentionner la joie de Dieu, marque évidente de l’Esprit, et ainsi des trois personnes, chacune recélant la présence des deux « autres » …

Ainsi donc, les méthodes peuvent varier, pour que Dieu répande sa miséricorde dans le monde, mais ce qui est invariable, c’est qu’il vient nous chercher et nous attend sans cesse.

L’Evangélisation, sous cet angle revient à partager le souci de Dieu, à comprendre la miséricorde de l’intérieur de Dieu, à l’éprouver en nous-mêmes, en montrant tour à tour, à l’exemple de Dieu, offensivité, méthode ou patience. J’ai souvent rencontré ici ou là ce que j’appelle le « complexe de l’évangélisateur », à savoir un blocage psychologique (le « complexe ») qui consiste à se comparer aux autres en dépréciant sa propre capacité à évangéliser : je ne suis pas assez offensif ! Je ne suis pas assez méthodique ! Je ne suis pas aussi patient que cette personne, etc …

La communauté forme un corps, les membres ne peuvent pas être tout le corps chacun. Saviez-vous que dans l’armée américaine, on compte entre 5 et 7 soldats logisticiens pour un combattant (ils le nourrissent, le soignent, l’informent, le conduisent, etc …). C’est le même effort que nous menons ensemble, dans le cadre d’une sorte de guerre, la guerre contre l’ignorance de Dieu, et surtout contre l’ignorance de sa miséricorde.

Dans cet enchaînement des trois paraboles, je vois l’insistance de Dieu à nous chercher, en particulier si nous sommes en dehors de la maison, ou de la Bergerie, entendez l’Eglise ! L’Eglise est la présence concrète du Royaume des cieux, il est très difficile –voire impossible- de faire partie de la Bergerie au sens céleste du terme sans faire partie de la Bergerie au sens terrestre du mot (une paroisse, une communauté). Il est vrai, cependant, que les frontières visibles de l’Eglise n’épuisent pas le Royaume de Dieu, Dieu seul le sait.

« Vite ! » dit le Père de la troisième parabole, sans attendre la fin de l’aveu …
Il s’agit sans doute de l’insistance divine dont je parlais, mais c’est aussi la preuve que, pour Dieu, le péché, ça n’est pas intéressant. Ce qui est intéressant c’est l’amour, que révèle la miséricorde. Une anecdote : alors que je recvais quelqu’un chez moi, je constate que sur la table il y a des miettes ; j’éprouve alors une certaine honte à présenter une table aussi peu nette ; cependant, il est bien évident que, le plus intéressant est le couvert que je vais mettre le lendemain pour recevoir des prêtres à déjeuner ; il y a donc bien nécessité de nettoyer (notre cœur du péché), mais surtout nécessité de jouir du festin (de l’amour et de la miséricorde).

Il faut découvrir le sens du péché (nettoyer les miettes), connaître le mal pour le combattre … mais le péché n’est pas central, c’est une absence d’être, un non-être. Certains disent que « peccatum » signifie « cible manquée ». ça n’est pas sûr étymologiquement, mais intéressant spirituellement : le mal est souvent un bien raté, même si cela arrive que cela soit un mal pur (on pense au vol des poires de St Augustin)

« Ton frère était mort, et il est revenu à la vie ( !) ». cette petite phrase reprise deux fois, nous fait penser au motif principal des Evangiles : annoncer la résurrection de Jésus … c’est lui le Fils Prodigue ! Jésus a été « identifié au péché ». Citons Saint Paul : « Celui qui n'a pas connu le péché, Dieu l'a pour nous identifié au péché des hommes, afin que, grâce à lui, nous soyons identifiés à la justice de Dieu. » 2 Cor 5, 21

La miséricorde concerne toutes les misères de l’homme. Le péché, bien sûr, mais aussi ses souffrances : comme le Fils Prodigue, qui a subi la famine avant de connaître une conversion … la Passion de Jésus contenait et souffrance physique, et souffrance morale et lutte spirituelle, parce que l’être humain n’est jamais qu’une souffrance ou un pur mal, mais un mélange des deux …

Quel trésor nous avons là pour le cœur et l’intelligence !

P. Emmanuel d'Andigné

07 septembre 2010

Homélie du 05 septembre 2010-Dieu premier servi !

Homélie du 23ème dimanche du Temps Ordinaire - Année C

Dans le programme de l’année pastorale 2010-2011, vous avez remarqué, sans doute, le « week-end jeunes familles », en tous les cas, certains l’ont fait et m’ont dit : pourquoi ce choix des jeunes familles, et pas aussi, par exemple, un week-end « célibataires », un week-end pour les ménages un peu plus âgés, etc ? … Je suis très favorable à toutes ces hypothèses, sachez-le !!!

Il y a cependant deux niveaux dans ce registre, je crois : le premier, c’est l’initiative libre d’un groupe, qui demande l’intervention d’un prêtre ou du curé pour une soirée, un week-end, un événement qui les concerne, et dans la mesure de ses capacités, celui-ci accepte d’intervenir ; ce premier niveau est toujours possible !

Le second niveau est celui où la paroisse prend une initiative, sur la base d’une réflexion et avec un discernement. La catéchèse adulte, depuis quatre ans a dû se faire sans les jeunes familles (pour cause de baby-sitting, du soin des enfants, du surmenage entre vie professionnelle et familiale). La formule du week-end a été choisie pour eux, et ce dans une triple intention. C’est tout d’abord un « outil d’intégration », ce qui n’est jamais inutile, ensuite, cela peut leur permettre de recevoir une formation catéchétique adulte adaptée et enfin, et c’est d’autant plus important pour les jeunes ménages, une occasion de retrouvailles pour les époux, car vous le savez bien, la solidité de la famille repose sur la solidité du ménage !

Quoi qu’il en soit, donc, faites-moi des propositions, mais il serait beau que des gens à la sortie me disent : « bien que n’étant pas concerné directement par ce week-end , je suis volontaire pour donner un coup de main ! »C’est cela, la communion : non pas supporter parce qu’il le faut bien mon voisin de banc à l’église, mais au contraire contribuer à son épanouissement, même si sa manière de s’épanouir n’est pas la même que la mienne. La communion cherche à laisser s’exprimer la grâce propre de chacun, pas à étouffer les différences. Merci de votre contribution !

La 1ère lecture nous parle de sagesse. Ce très beau mot français vient du latin  « sapientia », qui lui-même vient de « sapor », la « saveur » : le sage est celui qui sait goûter, en l’occurence le bien et le mal, le vrai et le faux, le bon et le mauvais … belle perspective pour une rentrée ! Etudiants, lycéens, collégiens, enfants du primaire, demandez la sagesse ! Pour distinguer, dans ce que vous entendez à l’école, ce qui est vrai et ce qui est faux, ce qui est bon et ce qui est mauvais. Car malheureusement, même dans les établissements catholiques, il faut être vigilants ; pas méfiants, mais vigilants, et demander la sagesse, et la force et le conseil, et tous les dons du Saint-Esprit (vous avez remarqué que le livre de la Sagesse évoque le don de l’Esprit tout en même temps que celui de la sagesse.

« Quel père parmi vous donnerait-il un serpent à son fils qui lui demande un poisson ou un scorpion s’il lui demande un œuf ? Si donc, vous qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père des cieux donnera-t-il l’Esprit-Saint à ceux qui le lui demandent … » Demandez l’Esprit-Saint !

Et pour que la sagesse fasse son chemin véritablement dans votre vie, inspirez-vous du psaume : « Apprends-nous la vraie mesure de nos jours », ce qui veut dire mettre de l’ordre dans sa vie …

Oserais-je vous raconter une « matinée ratée » de curé et une « matinée réussie » du même curé ? J’ai de l’expérience dans les deux domaines … Une matinée ratée est celle où l’on a programmé cinq choses dont la prière, avec la prière en dernier ; naturellement, on a du mal à boucler les quatre autres choses et finalement, on ne prie plus ! La matinée réussie, elle, contient les mêmes éléments, mais à l’envers : la prière d’abord, et le reste ensuite ; pendant la prière, bien entendu, j’entends la petite voix (qui ne vient pas de Dieu, mais de « l’autre » …) qui me dit : « ça fait une demi-heure que tu es là, tu aurais pu envoyer une demi-douzaine de mails, tu perds ton temps » … et puis, il se trouve que, paradoxalement, on gagne aussi en efficacité !!!

Quant à l’Evangile, lui, il prend le problème de plus haut : les priorités sont fixées, au-delà même de choses aussi légitimes et indispensables que la famille …

Je connais un prêtre (français) qui a vécu au Bénin et qui a rencontré un séminariste, qui, lorsqu’il a annoncé à ses parents son intention de rentrer au séminaire, a été empoisonné par ses parents, qui préféraient le voir mort plutôt que prêtre … mais je connais des cas en France qui ne sont pas très éloigné de cela. Ces cas sont extrêmes, mais du coup, ils manifestent l’importance de la priorité donnée à Dieu, qui demeure valable, même dans le cas où la famille se réjouit de la vocation ou dans le cas où nous avons tout simplement à mettre de l’ordre dans notre journée.

Je vous propose une formule, chère à Jeanne d’Arc : « Dieu premier servi » ; je gère les inscriptions des enfants pour l’année, « Dieu premier servi » ; je ne sais pas quel engagement je vais prendre cette année, pas précisément, « Dieu premier servi » ; j’ai cinq choses à faire aujourd’hui, « Dieu premier servi » ; j’ai une activité familiale dimanche prochain, ou de la visite, « Dieu premier servi »

C’est un grand désordonné qui vous parle d’ordre dans les journées et dans l’année, ça a quelque chose de comique, mais cela montre surtout que le prêtre n’est pas la mesure de ses propres homélies, il est en-dessous d’elles, comme vous, et il annonce l’Evangile de Jésus, pas le sien ! « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile (1 Cor, 9,16) ! »

P. Emmanuel d'Andigné