28 février 2008

Homélie du 17 février

2ème DIMANCHE DE CARÊME – ANNEE A
17 FEVRIER 2008


Le temps du Carême nous fait revivre intensément les dernières semaines de Jésus qui vont l’amener à monter à Jérusalem pour y mourir.

A la question de Jésus à ses disciples : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? », Pierre avait répondu : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant. » Ce qui lui avait valu l’approbation du Maître : « Heureux es-tu, Simon, c’est mon Père qui est aux cieux qui t’a révélé cela. » « Et moi je te le déclare : Tu es Pierre, et sue cette pierre, je bâtirai mon Eglise, et la puissance de la mort n’aura pas de force contre elle. »

Pierre pouvait se sentir satisfait et rassuré. Et pourtant l’Evangéliste poursuit : « A partir de ce moment, Jésus Christ commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait s’en aller à Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être mis à mort et, le troisième jour, ressusciter. »
Ce que Pierre ne peut admettre : « Dieu t’en préserve, Seigneur ! Non, cela ne t’arrivera pas ! » « Tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes » répliqua Jésus, en précisant : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même et prenne sa croix, et qu’il me suive. »

C’est dans ce contexte que Jésus se montre « transfiguré » à Pierre, Jacques et Jean. Extraordinaire vision : « Son visage resplendit comme le soleil, ses vêtements devinrent blancs comme la lumière. »

L’apparition de Moïse et d’Elie, qui vécurent de nombreux siècles plus tôt, est aussi surprenante. On interprète souvent leur présence comme symbolisant la Loi et les prophètes. Ils représentent plus probablement les précurseurs et les témoins de l’Alliance de Dieu avec son peuple.

Dans son émerveillement, Pierre voudrait que ce temps de bonheur et de plénitude se poursuive longtemps, d’où sa proposition illusoire à Jésus : « Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour Toi, une pour Moïse, une pour Elie. » Mais aussitôt une nuée lumineuse les recouvrit. La « nuée » est la manifestation de la présence divine.
C’est de cette nuée que vient la voix disant : « Celui-ci est mon Fils Bien Aimé, écoutez-le ! » La scène se conclut par les mots de Jésus : « relevez-vous, soyez sans crainte ! »

On sait à quel point Pierre, Jacques et Jean auront eu besoin de se souvenir de cette transfiguration, lorsqu’ils seront près de Jésus en agonie au jardin de Gethsémani, et plus encore lorsqu’ils le verront mort sur la Croix.

Ce qui a été révélé aux Apôtres est également destiné à chacun d’entre nous aujourd’hui. Sans doute nous est-il arrivé de connaître des jours heureux où nous voudrions que le temps s’arrête pour en profiter longuement…
Mais la vie continue avec ses beaux jours, mais aussi viennent les épreuves, les échecs, les souffrances, les doutes, les tentations de découragement.
Jésus nous dit : « Relevez-vous, soyez sans crainte ! » Il nous demande de lui faire confiance, à Lui, qui selon les mots de Saint Paul à Timothée, lui qui « s’est manifesté en détruisant la mort, et en faisant resplendir la vie et l’immortalité par l’annonce de l’Evangile. »
Sans doute nous ne le voyons pas transfiguré. Nous ne le voyons que sous l’aspect d’une simple hostie. Mais après la Transfiguration, Pierre, Jacques et Jean ne voyaient qu’un homme, que rien ne distinguait des autres hommes, souvent critiqué ou méprisé. C’est pourtant le même qui était tout rayonnant de gloire divine. Et dans l’humble hostie, c’est encore le même.

On peut dire tout autant que l’Immaculée Conception qu’admirait Bernadette Soubirous à Lourdes, si belle que la voyante estimait impossible de la représenter, cette Vierge était la même que Marie à Nazareth ne se distinguant guère des autres femmes. Elle était pourtant aussi sainte il y a deux mille ans.

En effet, « l’homme voit ce qui paraît, mais le Seigneur scrute le cœur », lisons-nous dans le premier Livre des Rois.
Cela nous invite à ne pas juger notre prochain d’après nos impressions, mais à estimer que tout être humain a une valeur qui nous échappe et mérite le respect quelque soient les apparences. C’est une créature aimée de Dieu et pour laquelle le Christ a donné sa vie.

« Dieu nous a sauvés, écrit encore Saint Paul, il nous a donné une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce. »

Continuons notre carême en lui renouvelant notre confiance. « Seigneur, ton amour soit sur nous, comme notre espoir est en Toi. »
Amen
Père Jean Rouillard

26 février 2008

Homélie du 10 février

10 février 2008 - Homélie du premier dimanche de carême - année A

« Vraiment il est juste et bon de te rendre gloire, de t'offrir notre action de grâces, toujours et en tout lieu, à toi, Père très saint, Dieu éternel et tout-puissant, par le Christ, notre Seigneur.
En jeûnant quarante jours au désert, Jésus consacrait le temps du carême ; lorsqu’il déjouait les pièges du Tentateur, il nous apprenait à résister au péché, pour célébrer d’un cœur pur le mystère pascal et parvenir enfin à la Pâques éternelle
».

Ainsi commence la préface du premier dimanche de carême … rien qu’en l’écoutant, nous avons un enseignement substantiel pour nous lancer dans l’aventure du carême ! En effet, tout ce que Jésus touche, il le consacre ! lorsqu’il touche les eaux du Jourdain, il la consacre et donne au baptême son caractère sacré, lorsqu’il touche du pain et du vin, ils deviennent son corps et son sang, … lorsqu’il touche le désert, il « consacre le temps du carême »

« Lorsqu’il déjouait les pièges du Tentateur, continue la Préface, il nous apprenait à résister au péché ». Là, il est nécessaire de se pencher sur l’Evangile pour préciser un peu ce que la tradition liturgique ne peut dire qu’en quelques mots. Ce « regard sur l’Evangile » ne sera pas « chirurgical », il sera très simple, sans chercher beaucoup d’interprétation, car ce n’est pas nécessaire …

Tout d’abord, je note avec vous que Jésus n’a pas été tenté pendant 40 jours dans le désert … mais plutôt à la fin de ces 40 jours (ce qui explique qu’il ait faim …) : cela signifie que, lorsque Jésus est tendu dans cet effort nécessaire à l’accomplissement de sa mission et notamment pour nous enseigner le combat spirituel, le démon n’intervient pas ; il préfère intervenir au moment où l’effort prend fin, car c’est sans doute là que la vulnérabilité est la plus grande. N’en est-il pas autant pour nous ? Nous avons déjà fait cette expérience et nous devons porter là notre vigilance : lorsque nous ferons, durant ce carême, des efforts, des actes de vertu ou si nous passons 40 jours d’un beau carême, eh bien méfions-nous de cette période de « relâchement » qui suit aussitôt l’effort. Le Diable n’est pas franc, il préfère les attaques de biais …

Je continue avec vous la lecture de l’Evangile : Jésus a faim … nous avons un Dieu qui a faim et soif ! Dieu s’est fait homme, il n’a pas fait semblant de connaître notre condition : cela signifie que ces tentations furent réelles et que le refus de la tentation est bien un acte humain de Jésus et que par conséquent, il est possible de l’imiter.

Comment Jésus s’y prend-il pour « déjouer le pièges du tentateur » ? Eh bien je constate avec vous qu’il prend toujours la Parole de Dieu comme rempart contre les tentations : c’est toujours par une citation de l’Ecriture qu’il repousse une attaque du démon. « Oui, me direz-vous, mais Satan fait la même chose » … c’est vrai, et il est vrai que l’on peut se servir de l’Ecriture a des fins mauvaises, manipuler la religion à notre profit. Cela signifie, par conséquent, que l’utilisation de la Parole de Dieu ne sera efficace contre la tentation que si notre cœur est droit, comme celui du Christ (ce n’est pas seulement une question de citation !).

Revenons à la Préface : celle-ci nous dit que le carême sert à « célébrer d’un cœur pur le mystère pascal ». Cela signifie que l’on peut célébrer Pâques sans avoir le cœur pur, en faisant de cette fête une cessation de privation doublé d’un déluge de chocolat. Que Dieu bénisse tous ceux qui vivent de ce commerce, mais évidemment, nous voulons aller au-delà, et faire en sorte que le carême ne soit pas une « parenthèse » entre deux périodes où le péché a tous les droits sur nous : un bon carême est celui qui débouche sur une Pâques différente, où le cœur purifié se réjouit -avec l’aide de la bonne chère, pourquoi pas- de la résurrection du Christ et des réalités d’en-haut qui font déjà sa joie.

Laissons la conclusion à ce beau texte liturgique : «parvenir enfin à la Pâques éternelle » … c’est le but ultime de tous les carêmes et de toute notre vie. Nous sommes faits pour le Ciel, c’est notre Patrie et tous nos efforts sont orientés vers cette dimension fondamentale et vraiment exaltante. Bon carême !

P. Emmanuel d'Andigné

23 février 2008

Homélie du 3 février

02 et 03 février 2008 - Homélie du 4ème dimanche du temps ordinaire, année A
Les Béatitudes ? Un véritable portrait de Jésus ! Qui est le « pauvre de cœur » par excellence ? N’est-ce pas lui qui « étant de condition divine n’a pas revendiqué le droit d’être traité à l’égal de Dieu, mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur » (Philippiens 2) ; celui qui est doux, qui a été persécuté pour la justice … c’est bien Jésus ! Les Béatitudes sont un portrait de Jésus, c’est d’abord cela, car c’est une des grandes caractéristiques de Jésus que de ne jamais ouvrir la bouche sans que sa vie ne vienne valider ses propos … le grand discours de Jésus, c’est sa vie, sa mort et sa résurrection.

C’est donc très heureux et très à propos que le grand discours sur la Montagne (Mt 5) commence par un portrait de celui qui va parler !

De ceci découle une autre précision sur les Béatitudes : puisqu’il s’agit de la façon dont il a vécu, il ne s’agit pas d’un système philosophique ou plus précisément un système politique … il n’y pas d’analyse de la société, ce n’est pas une théorie qui aurait pour vocation d’être appliquée au mieux. Si l'on devait faire une comparaison avec l’actualité, je dirai que les Béatitudes ne se situent pas dans la sphère du programme, mais plutôt dans la sphère du pouvoir : si vous êtes élus, voici une charte dont vous pourriez vous inspirer.

Une petite expression importante permet de renforcer encore cette absence de système : c’est l’expression « à cause de moi » … l’intérêt des Béatitudes repose sur la relation entre celui qui croit et Jésus. Jésus n’est pas philosophiquement le défenseur des persécutés, mais ceux qui seront persécutés à cause de lui connaîtront la récompense de l’amitié du Christ. Au fond, c’est cela le Ciel : l’amitié éternelle de Jésus, du Père et de l’Esprit …

Ce samedi-là (samedi 02 février), il y a avait un beau rayon de soleil, lorsque nous partîmes place Lafayette, pour évangéliser, parler du Christ à ceux qui s’en sont éloignés ou ceux qui ne l’ont jamais connu … Il y avait trois soleils, en fait, le soleil de l’ostensoir, devant lequel quelques personnes priaient, le soleil matériel qui nous réchauffait un peu, et enfin le coin de Ciel que nous avons ouvert, bien malgré nous, à des personnes inconnues (l’une d’entre elles m’a dit avec insistance : « vous direz merci à ces gens qui sont venus me parler »).

Nous qui entendons aujourd’hui les béatitudes, nous qui sommes les bénéficiaires privilégiés de la promesse de bonheur que Jésus nous fait, à notre tour, nous devons porter le bonheur à ce monde qui le cherche.

Il me semble que cela signifie deux choses : parler directement de l’Evangile et de Jésus à toute personne rencontrée, pourvu que cela soit dans un esprit de liberté et d’abandon à Dieu ; et puis aussi, sans quoi cette annonce risquerait de sonner faux, décider de porter le bonheur chaque jour autour de soi ». Voilà une bien belle Prière du matin que nous pourrions faire : + « Je vais porter le bonheur aujourd’hui autour de moi, aide-moi Seigneur à réaliser cette œuvre … » +

C’est à ce moment-là seulement qu’intervient le côté moral des béatitudes : je contemple Jésus, son portrait, je bénéficie de son annonce et de sa volonté de me rendre heureux, je partage ce bonheur avec ceux qui m’entourent, et je tire des conséquences morales : je décide de défendre de préférence le plus faible, je préfère être du côté des persécutés que de celui des persécuteurs, etc …

« Le Puissant fit pour moi des merveilles », a dit la Très Sainte Vierge Marie ; demandons à la plus grande disciple de Jésus de nous communiquer sa joie et son humilité, pour savoir reconnaître que Dieu veut notre bonheur, et que par nous, il veut déposer le bonheur dans le cœur de tous les hommes.

P. Emmanuel d'Andigné

Catéchèse du Lundi 21 janvier

Catéchèse pour adultes du 21 janvier 2008 "Le sacrement de l’Eucharistie"

Le Catéchisme de l’Église Catholique (n° 1322 – 1419) développe la question de l’Eucharistie dans un foisonnement qui est à l’image de la richesse de ce sacrement : on peine à « ranger » dans des cases logiquement encastrées ce véritable « sacrement du Salut » qu’est l’Eucharistie… L’Eucharistie est au cœur de tous les sacrements. Tout part d’elle et tout y revient.

Les deux surprises que Jésus a faites aux hommes.
Israël, au cours de son histoire, s’est posé deux grandes familles de questions :
1) Combien y a-t-il de dieux ? Le dieu d’Israël est-il plus grand que les autres ? Le « Shema Israël » (Deutéronome 6, 4 : « Écoute, Israël ! Le Seigneur notre Dieu est le Seigneur UN.) est la réponse que tout juif encore aujourd’hui répète sans cesse.
2) Yahweh a déjà « sauvé » son peuple à plusieurs occasions : Comment Dieu sauve-t-il définitivement son peuple ? Ce serait par le Messie annoncé par les Prophètes, l’Oint (= le Christ, c’est le même mot), envoyé par Dieu ; au moment-même de la venue de Jésus, les Juifs pensent que ce « Messie » devrait être un homme, et à la fois religieux, politique, économique. Jean le Baptiste annonce que Jésus est ce sauveur. Et c’est alors qu’Israël a deux grandes surprises :
1ère surprise : Jésus le Messie n’est pas un Messie politique, ni économique.
2ème surprise : la Passion, sa Mort et sa Résurrection n’étaient pas « au programme » du Messie attendu.

L’Eucharistie est un « mémorial » de la Passion, « renouvellement non-sanglant du sacrifice du Christ ». La Passion, la Mort et la Résurrection de Jésus le Christ sont là devant nous pendant la messe. Un mémorial est deux choses à la fois : tandis que la mémoire seule enferme dans le passé, le mémorial, lui, se souvient et actualise les événements, on peut dire que c’est « le passé rendu présent ».

Jésus est présent dans l’Eucharistie…, de façon "mémoriale". À chaque messe, je suis au pied de la croix, et je reçois le Salut. Jésus est présent de plusieurs manières : présent dans l’assemblée (Mt 18, 20 : « Là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ») ; présent par sa Parole (liturgie de la Parole) ; présent dans le prêtre (Christ-prêtre) et dans le diacre (Christ-serviteur, allusion au Lavement des pieds) (c’est à cause de cela que lors de la bénédiction solennelle avant l’Envoi, le prêtre ou le diacre bénit les fidèles et ne demande pas la bénédiction sur lui en même temps) ; il est présent dans l’Autel (baisé par le prêtre tout au début) : « Il est à lui seul l’Autel, le Prêtre et la Victime (hostia en latin) » ; il est celui sur lequel reposent tous nos sacrifices ; la petite goutte d’eau versée dans le vin représente notre participation (modeste), par nos petits sacrifices, au sacrifice du Christ ; il est présent dans les pauvres et les malades spécialement (c’est toute la spiritualité de Mère Térésa) ; il est présent, enfin, au plus haut point dans les espèces eucharistiques (c’est ce que l’on appelle couramment la « Présence réelle »).

La forme de la messe : la doctrine des deux tables.
On a toujours considéré, dans l’Eglise, que la messe comportait deux « tables » : la Table de la Parole, et la Table de l’Eucharistie, qui sont comme les deux grandes parties de la messe. Saint Justin le Martyr décrit ainsi, vers 155, la célébration de l’Eucharistie :
"Le jour qu’on appelle jour du soleil [Sunday !], a lieu le rassemblement en un même endroit de tous ceux qui habitent la ville ou la campagne. On lit les mémoires des apôtres et les écrits des prophètes, autant que le temps le permet. Quand le lecteur a fini, celui qui préside prend la parole pour inciter et exhorter à l’imitation de ces belles choses. Ensuite, nous nous levons tous ensemble et nous faisons des prières pour nous-mêmes (…) et pour tous les autres, où qu’ils soient, afin que nous soyons trouvés justes par notre vie et nos actions et fidèles aux commandements, pour obtenir ainsi le salut éternel.
Quand les prières sont terminées, nous nous donnons un baiser les uns aux autres. Ensuite on apporte à celui qui préside du pain et une coupe d’eau et de vin mélangés. Il les prend et fait monter louanges et gloire vers le Père de l’univers, par le nom du Fils et du Saint-Esprit et il rend grâce (en grec : eucharistein) longuement de ce que nous avons été jugés dignes de ces dons. Quand il a terminé les prières et les actions de grâce, tout le peuple présent pousse une acclamation en disant : Amen.
Lorsque celui qui préside a fait l’action de grâce et que le peuple a répondu, ceux que chez nous on appelle diacres distribuent à tous ceux qui sont présents du pain, du vin et de l’eau « eucharistiés » et ils en apportent aux absents."

La forme de la messe dépend étroitement de Jésus : ce qu’il a fait et dit le soir de la Cène donne la forme et le fond de ce que nous faisons à sa suite. La Messe, en outre, dépend des apôtres : ils ont eu pour charge de transmettre tout ce que Jésus a dit et fait, c’est ce que l’on appelle le « dépôt de la Foi » (« Je crois en l’Église » consiste à dire que nous croyons que ce que les apôtres nous ont transmis est bien ce qui vient de Jésus lui-même). Enfin, il faut dire aussi que la Messe dépend étroitement du judaïsme, et ce pour deux raisons :
1) elle a la forme d’un repas pascal juif ;
2) dans sa forme-même, elle comporte des « bénédictions (héritées de la liturgie domestique juive) », des longues prières très « juives », avec ce double regard (en arrière et vers le haut) par lequel on contemple les merveilles de Dieu dans le passé et sa majesté encore présente) : on voit cela dans la préface, le canon, etc… Nous sommes des Juifs qui croient en Jésus.

Les neuf noms de la messe en disent long sur sa nature : Eucharistie ( = dire merci, à la façon juive, la messe est une action de grâce) ; le repas du Seigneur (c’est au cours d’un repas, n’est-ce pas, que Jésus a institué l’Eucharistie) ; la fraction du pain (pensons aux disciples d’Emmaüs qui ont reconnu Jésus à ce geste, comme nous le faisons nous-mêmes) ; l’assemblée (« à chaque fois que deux ou trois d’entre vous serez réunis en mon nom, je serai là au milieu d’eux ») ; le mémorial (de la Passion et de la Résurrection) ; le Saint sacrifice (car c’est le sacrifice en effet de Jésus, rendu présent par la messe, qui est pour nous source de Salut) ; la Sainte et divine liturgie (expression en usage surtout chez les Orthodoxes en particulier et les Orientaux en général) ; la Communion (d’où l’expression « communion des Saints », car nous communions aux « choses saintes », le corps et le sang du Christ) ; la messe ( du latin « mittere » = ce mot évoque l’envoi en mission).
Le mot « Cène » désigne le repas du soir, repas au cours duquel Jésus institua l’Eucharistie ; ce terme est utilisé par les Protestants ainsi que le mot « culte ».

Les trois « gros mots » de ce soir : anamnèse, doxologie, épiclèse. Anamnèse signifie « souvenir » : on se souvient de l’événement central du Salut. Doxologie signifie « dire la gloire », ce mot désigne ce moment où l’on invoque, en conclusion de la prière eucharistique les Trois Personnes divines : « Par Lui, avec Lui et en Lui… ». « Épiclèse » désigne le moment où les mains du prêtre sont étendues sur le pain et le vin pour que l’Esprit-Saint procède à la transsubstantiation.

En conclusion, trois effets principaux de l’Eucharistie :
1) La sanctification des fidèles, ou pour le dire n d’autres termes, leur transformation progressive en vue de la sainteté.
2) La Rédemption ( = rachat) ou Salut : nous sommes pécheurs, la messe nous arrache au mal et au péché.
3) La constitution de la communauté chrétienne, c’est principalement par la messe que l’on construit une communauté ; l’Eucharistie est donc un principe d’unité, et c’est pourquoi résonne douloureusement cette division entre chrétiens qui nous empêche de célébrer tous la même Eucharistie.
Père Emmanuel d’Andigné

Homélie du 20 janvier

Homélie du 20 janvier 2008 - 2ème dimanche du temps ordinaire, année A
Nous n’avons aucun mal, n’est-ce pas, à nous identifier à Jean-baptiste … ce « personnage » est vraiment un miroir pour chacun de nous : Jean-Baptiste annonce quelqu’un de plus grand que lui … n’est-ce pas ce que nous faisons nous aussi ? Il est inférieur à celui qu’il annonce, comme nous ! Mais comme nous aussi, il est en première ligne : je veux dire que c’est Jean-Baptiste que l’on a vu en premier, et le premier visage du christianisme aujourd’hui, avant le visage-même du christ, c’est le nôtre !

Jésus ne s’est pas annoncé lui-même, tout seul, Il s’est laissé annoncé par Jean le Baptiste, et aujourd’hui encore, il se laisse annoncer par nous, et Dieu sait si c’est audacieux, à la limite de l’inconscience …

l’Evangile d’aujourd’hui est un miroir, mais ce miroir reflète également le mystère de l’Eglise : tout ce qui concerne Jean-Baptiste s’applique très bien à l’Eglise dans son ensemble :

- Elle annonce un plus grand que lui
- elle est en première ligne, elle est le visage que Jésus prend aujourd’hui

et puis j’ajoute un élément, auquel on ne penserait pas spontanément, peut-être, mais qui est clairement exprimé : Jean-Baptiste prépare la venue de Jésus par un baptême de conversion. La conversion précède l’arrivée de Jésus, il faut se convertir avant que Jésus ne vienne couronner de succès notre recherche du Bien, du Beau du Vrai, et donc de Dieu. Je vois deux applications concrètes à cette conversion qui est évoquée dans l’Evangile :

La première, c’est le rôle que joue l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui, la seconde, c’est la semaine de prière pour l’unité des chrétiens : lorsque l’Eglise se prononce sur un sujet de société et s’il s’agit d’un sujet délicat qui touche la vie, la mort ou l’amour, elle se bute souvent à l’incompréhension, justement parce que sa seule présence et plus encore son discours, sont un appel à la conversion.

Et d’ailleurs, cet appel s’adresse d’abord aux catholiques eux-mêmes, de sorte que parfois, quand nous sommes confrontés à une hostilité quant à ce discours, nous craignons d’être mal vus, d’être rejetés, nous « polissons » le message officiel, afin qu’il soit mieux reçu par celui qui est hostile et que par la même occasion, il ne nous force pas à la conversion ! Heureusement que Jean-Baptiste n’a pas eu peur des quolibets et de la prison, il aurait failli à sa mission …

Comme Jean-Baptiste à cette époque, l’Eglise prépare la venue de Jésus par l’appel à la conversion, et ceci concerne la semaine de prière pour l’unité des chrétiens … Bien entendu, nous allons faire des prières, des évènements auront lieu autour de cette semaine, mais ce qui importe le plus, c’est la conversion, et celle-ci consiste d’abord, il me semble, à ne pas nous résigner à cette division qui existe actuellement parmi les disciples du Christ : si déjà nous souffrons de que nous ne sommes pas unis, si déjà nous trouvons anormal que les disciples d’un même Seigneur ne soient pas unis, c’est le début de la conversion.

Ensuite, pour éviter que ce problème ne reste faussement à l’extérieur de nous, nous pourrions regarder en nous-mêmes les racines de cette division : le péché, bien sûr, qui est en nous la division la plus profonde et qui agit comme une source de toutes les divisions.

Mais il y a aussi ce qui est suggéré par une belle prière pour l’unité et qui dit ceci : « Donne-nous la loyauté de reconnaître et le courage de rejeter ce qui se cache en nous d'indifférence, de méfiance et même d'hostilité mutuelles. » Cela se passe de commentaires …

La semaine de prière pour l’unité est un grand service rendu à chacun de nous, d’abord, à l’Eglise, ensuite (Jésus n’en a fondé qu’une !) et enfin au monde, puisque Jésus, lorsqu’il a prié pour l’unité (Jn 17), a dit (je résume) : « qu’ils soient un … afin que le monde reconnaisse que tu m’as envoyé »

On ne peut pas terminer sans mentionner le rôle essentiel de l’Esprit Saint, mentionné trois fois (chiffre hautement symbolique), et qui indique qu’il est l’agent principal dans cette œuvre de l’unité retrouvée des disciples de Jésus.

Prière pour l'unité : "Seigneur, qui, à la veille de mourir pour nous, as prié pour que tous tes disciples soient parfaitement un, comme Toi en Ton Père et Ton Père en Toi, fais-nous ressentir douloureusement l'infidélité de notre désunion. Donne-nous la loyauté de reconnaître et le courage de rejeter ce qui se cache en nous d'indifférence, de méfiance et même d'hostilité mutuelles. Accorde-nous de nous rencontrer tous en Toi, afin que, de nos âmes et de nos lèvres, monte incessamment ta prière pour l'unité des Chrétiens, telle que Tu la veux, par les moyens que Tu veux. En Toi, qui es la charité, fais-nous trouver la voie qui conduit à l'Unité dans l'obéissance à Ton amour et à Ta vérité. Amen."
P. Emmanuel d'Andigné