15 avril 2011

homélie du 27 mars 2011-les deux soifs

Homélie du 3ème dimanche de Carême – Année A

Après la Transfiguration où tout semblait merveilleux là-haut sur la montagne, auprès du Seigneur, de Moïse et d’Élie, le thème de ce dimanche nous renvoie à notre quotidien, à notre vie de tous les jours, au désert de notre vie quand tout devient difficile et compliqué et quand le besoin d’eau devient vital.

Dans le passage du livre de l’Exode que nous venons de lire, le peuple d’Israël a soif. Ils sont au milieu du désert, ils ont peur, ils ne comprennent pas pourquoi on les a emmenés là et ils ont soif.

Mais pour Moïse, c’est bien autre chose : le désert est le lieu de l’expérience de la présence de Dieu. C’est le lieu de la confiance en Dieu, c’est le chemin qui permet d’éprouver le besoin de l’eau, le besoin de la Parole de Dieu. Cette eau, qui d’un coup de bâton va sortir du rocher du Mont Horeb, est le symbole de la présence de Dieu parmi son peuple. Dieu est la source.

Saint Paul, quant à lui, s’adresse aux Romains pour leur rappeler que Jésus, est venu parmi nous, qu’il est mort et ressuscité pour sauver les hommes pécheurs et pour leur redonner une espérance véritable, source de la vraie vie, pour leur donner une eau qui elle seule peut combler la soif de vivre en Dieu.

Et Jean nous rapporte la rencontre de Jésus avec la Samaritaine.

Elle vient chercher de l’eau. Jésus a soif. Il a pitié d’elle avant même qu’elle ne lui parle. Elle s’étonne qu’il puisse entamer une conversation avec une Samaritaine. Il est juif et cela ne fait pas. Mais Jésus se moque des frontières établies entre les hommes.

Et Jésus va plus loin que de satisfaire la simple soif sous le soleil. Il va découvrir dans le cœur de cette femme une autre soif. Une eau qui donne sens à la vie, une eau qui témoigne de la vie éternelle que le Seigneur nous promet. La façon directe qu’a la Samaritaine de demander de cette eau qui étanchera à jamais toute soif nous montre que cette femme est avide d’un bonheur qui dure et qui dépasse la grisaille du quotidien.

Elle est abîmée par la vie. Quand elle dit « Je n’ai pas de mari », on peut sentir au mieux la recherche d’une situation qui la rendrait pleinement heureuse, au pire une souffrance qui lui gâche son existence.

Jésus s’approche aussi facilement de la Samaritaine que l’Ange du Seigneur s’est approché de Marie que nous fêtions il y a deux jours pour la fête de l’Annonciation. Car, que nous soyons en état de grâce ou de péché, que nous soyons sur le bon chemin ou dans une impasse, Dieu sait nous rejoindre dans notre vie.

Il faudra un peu de temps à la Samaritaine pour comprendre qu’il est le Messie et qu’il lui propose une eau qui transformera sa vie.

Le signe qu’elle a bien soif d’autre chose, c’est qu’elle laisse sa cruche auprès du puits et qu’elle rentre à la ville. C’est la surprise, « (Il) m’a dit tout ce que j’ai fait », elle n’en revient pas. Et quand elle poursuit en disant « Ne serait-il pas le Messie ? », on sent à la fois un doute et en même temps un besoin vital de donner un sens à sa vie, un chemin de foi qui est peut-être en train de naître.

Jésus s’adresse à une femme pécheresse. Sa situation, aussi bien que nos fautes et nos erreurs ne sont pas pour Jésus un prétexte pour s’éloigner de cette femme ou de nous-mêmes.

L’Amour qu’il tient de son Père l’envoie vers ceux qui en ont le plus besoin. Il n’est pas venu pour les bien-portants mais pour ceux qui souffrent de leurs maladies, de leurs péchés, de leur solitude, de leur mise au ban de la société.

Sachons reconnaître celui qui s’offre à nous comme une source pour la vie éternelle. Malgré nos faiblesses, nos ingratitudes, il est à nos côtés patiemment sur notre chemin de Carême.

Il sait prendre du temps pour être assis à nos côtés au bord du puits lorsque la soif se fait pressante, lorsque le doute et le découragement s’installent.

Laissons-lui la place qu’il vient prendre à côté de nous, quel que soit le lieu, quel que soit le moment.

À nous de le reconnaître, de laisser sur le bord du chemin ce qui nous encombre et ce qui nous éloigne de lui, et alors de le suivre, fortifiés par la foi reçue le jour de notre baptême, et de l’annoncer à nos frères avec l’aide de l’Esprit Saint. Ainsi soit-il.

Jean-Paul Rousseau, diacre

Homélie du 20 mars 2011- Jésus est le "nouveau Moïse" !

Homélie du deuxième dimanche du Carême - Année A

Après avoir écouté cet Evangile avec vous, je voudrais noter trois choses : la première est belle, la seconde est étrange, et la troisième est instructive

D’abord, la chose belle ; Pierre déclare : « Seigneur, il est heureux que nous soyons ici ». Je crois qu’il y a deux grâces, être avec Dieu (c’est déjà une source de grâce, aucun doute), mais il y a aussi se rendre compte qu’on est avec lui et que c’est bon d’être en sa présence (« Seigneur, il est heureux que nous soyons ici ») ... Je formule le vœu, en ce début de carême, pour vous et pour moi, d’avoir cette double grâce : être avec lui, et se rendre compte qu’il est bon d’être ici, maintenant, dans cette église, car nous pourrions être ailleurs, à courir après du vent, mais nous sommes là et c’est bon pour nous ; « Seigneur, il est heureux que nous soyons ici »

Voilà pour la belle chose. Ensuite, je voudrais m’attarder sur un verset étrange

« Il parlait encore, lorsqu'une nuée lumineuse les couvrit de son ombre ; et, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour ; écoutez-le ! »

Une nuée lumineuse qui les couvre de son ombre … ils sont éclairés ou recouverts d’une ombre ? C’est étrange, non ??? Pour résoudre cette difficulté, il faut procéder en deux étapes, je crois : dire quelle est cette nuée, et ensuite expliquer pourquoi elle éclaire et assombrit en même temps (ce qui est bien utile en période de carême)

La première chose que l’on peut affirmer sur cette nuée, c’est que c’est la même que celle de l’Exode. Nous le savons par les versets précédents, qui nous parlent de Moïse. Il est bon de rappeler que cette nuée (Autrement dit un nuage !!!) était le signe visible de la présence de Dieu, et qui menait le peuple hébreu pendant son Exode

Ex 13:20-        Ils partirent de Sukkot et campèrent à Étam, en bordure du désert. Yahvé marchait avec eux, le jour dans une colonne de nuée pour leur indiquer la route, et la nuit dans une colonne de feu pour les éclairer, afin qu'ils puissent marcher de jour et de nuit. La colonne de nuée ne se retirait pas le jour devant le peuple, ni la colonne de feu la nuit.

Et c’est pourquoi, très tôt dans l’histoire de l’Eglise, on a parlé de Jésus comme du « nouveau Moïse » et on s’est prêté à un petit jeu fort simple, pour comprendre ce que Jésus est venu faire sur la terre … le jeu consiste à regarder de près ce que fit Moïse, et d’en déduire ce que Jésus a apporté, non d’une manière transitoire, mais d’une manière définitive. A vrai dire, c’est Jésus lui-même qui nous a mis sur cette piste : les 40 jours qui passe au désert… notre carême est une imitation des 40 jours qu’il y  passa, et ces 40 jours sont une imitation des 40 ans que le peuple hébreu a passé au désert pour apprendre la liberté

A partir de ce principe, il suffit de dérouler la pensée au fil du texte … L’Egypte, lieu d’esclavage et de nourriture, représente l’Enfer et le mal ; Pharaon est Satan ; Moïse, c’est Jésus ; le passage de la mer, c’est le baptême ; le désert des 40 ans, c’est l’apprentissage de la liberté. Etre libre du péché est une lutte qui peut être sanglante ! Il y a également un détail dans l’Exode, qui n’est pas inintéressant : la mention des « petits oignons », que les hébreux libres mais un peu affamés regrettaient quelque peu … autrement dit, le péché a parfois un petit goût d’oignon, immédiatement agréable et finalement décevant ! Bernanos disait : le Diable, voyez-vous, c’est l’ami qui ne reste jamais jusqu’au bout. La terre promise, c’est le Ciel, obtenu par le baptême et la persévérance … et le temps pascal, pour nous aujourd’hui, c’est le Ciel anticipé, la vie éternelle déjà commencée. Celui qui nous guide, en plus de notre « nouveau Moïse », cette nuée, c’est le Saint-Esprit : nous le savons parce que dans cet Evangile, il y a Jésus, la voix du Père et donc le Saint-Esprit …

L’étape suivante du raisonnement consiste à se demander pourquoi cette nuée est à la fois lumineuse et assombrissante. Eh bien, c’est parce qu’il y a deux sortes de lumières : les lumières terrestres et la lumière céleste. La foi est une vertu qui nous permet d’habituer nos yeux à une autre lumière que celle à laquelle tout le monde a accès.

Nous sommes censés, pendant le carême, abandonner l’illusion des lumières et des joies de ce monde, pour adopter les joies et la lumière divines, qui ne s’éteignent jamais. Et il se trouve que, curieusement, celui qui se rapproche de Dieu est tellement ébloui par sa présence, qu’il lui semble marcher dans la nuit -du moins à ses yeux de chair- il ne maîtrise plus son chemin, c’est Dieu qui le maîtrise de mieux en mieux, comme la nuée guidait les hébreux.

Ce sont les « nuits » dont on parle au Carmel, nuit des sens, nuit de l’esprit, où la lumière divine produit comme un ombre. Et alors s’éclaire le paradoxe de cette nuée lumineuse : le carême, c’est l’apprentissage de la vraie lumière, de la vraie joie, de la véritable paix ainsi que l’abandon des fausses paix, des fausses joies, des fausses lumières … que Dieu vienne nous libérer !

P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 13 mars 2011-les quatre sens d'un Evangile

Homélie du premier dimanche de carême - Année A

Il me semble bon, pour commencer, de dire un mot sur la 1ère lecture :
Tout est vrai, dans ce texte, dans la Genèse, dans la Bible en général, mais le langage utilisé est simplement marqué par son époque …

Lorsque, de nos jours (si l’on peut dire) le poète dit : « il pleure dans mon cœur comme il pleut sur la ville », le biologiste ou le physicien ne pourra pas observer de larme « intérieure » … et pourtant, c’est vrai, c’est bien vrai que le poète est triste !

Comment décrire le mécanisme du péché ? Comment décrire un esprit sans corps (Satan) ? La Genèse le fait à sa manière, et nous avons simplement à nous « faire » à cette mentalité. Il y a bien une réalité historique d’un péché originel, héritage compliqué que nous transmettons de génération en génération. Dans ce texte tout est vrai, mais avec une mentalité différente de la nôtre, c’est tout.

Il nous faut rétablir la confiance dans le texte biblique, après que le scientisme du XIXème siècle ait imposé comme mode unique de connaissance et d’accession à la vérité la méthode expérimentale.

En ce qui concerne l’Evangile, je voudrais revenir à ce que le Moyen-Age appelait « les quatre sens de l’Ecriture ». On devrait dire les deux sens de l’Ecriture : le sens littéral et le sens spirituel (qui lui-même se « subdivise en sens moral, allégorique, anagogique)

Le sens littéral : Après 30 ans à Nazareth, Jésus reçoit le baptême, il part au désert … à cette occasion, les évangélistes attestent de l’existence des anges et des démons (du Démon, en l’occurrence), et il y a, donc, cet « épisode des trois tentations (à la fin des 40 jours, notons-le).

Le sens « allégorique », rappelons-le, extrait du texte « ce qu’il faut croire » : Jésus est vraiment homme (il a faim ; il résiste à la tentation) et il est vraiment Dieu (car les Anges le servent). Résister à la tentation, humain, me direz-vous ??? N’est-ce pas plutôt y succomber qui est humain ? Eh bien non, c’est précisément le fait d’y résister qui est humain ! L’animal ne résiste pas à une « tentation », et Dieu, par définition n’est pas tenté car il n’est pas « tentable (pardon) » : résister à la tentation est proprement humain. Il est moins humain, moins humanisant de succomber que de résister à la tentation. C’est pour nous que Jésus a voulu être tenté, et en tant qu’homme

La tentation se résume à quelques têtes de chapitre : l’appétit, le pouvoir, l’orgueil … et justement, nous disposons de trois armes pour en venir à bout : le jeûne, le partage, la prière, qui leur correspondent parfaitement !!!

Le sens moral, maintenant : « tu remarques que le Christ a été tenté; ne vois-tu pas qu’il est sorti victorieux du combat ? Par conséquent, si tu es, avec lui, soumis à l’épreuve, souviens-toi aussi qu’avec lui tu en triompheras. Il aurait pu empêcher l’esprit mauvais de s’approcher de lui; mais s’il n’avait pas été tenté, il n’aurait pu t’apprendre à le suivre dans le chemin de la victoire », déclare Saint Augustin  ("Discours sur le psaume 60)

Il faut résister à la tentation, parce que c’est possible ; parce qu’Il est avec nous et parce que, au bout de la course, il y a la récompense, en particulier de la compagnie des Anges et des saints, la compagnie du Christ et de la Vierge ! Mais je suis déjà en train de traiter du sens anagogique …

Simplement une remarque : le sens moral ne représente qu’un tiers du sens spirituel, comme vous le constatez, alors que bien souvent on se focalise sur lui …

Terminons par le sens « anagogique » : Un coin de ciel est soulevé par le dernier verset, mais en contrepoint aussi dans la troisième tentation, « se prosterner devant quelqu’un d’autre que Dieu ». Il y a un ordre dans le Ciel, une orientation vers Dieu, et cette orientation commence ici-bas. « Nous avons les pieds sur la terre et la tête dans le Ciel » disait le Curé d’Ars. Le Ciel, enfin, c’est le repos des tentations, Dieu comblera nos désirs (la tentation n’aura plus de « ressort »).

P. Emmanuel d'Andigné