Homélie du premier dimanche de carême - Année A
Il me semble bon, pour commencer, de dire un mot sur la 1ère lecture :
Tout est vrai, dans ce texte, dans la Genèse, dans la Bible en général, mais le langage utilisé est simplement marqué par son époque …
Lorsque, de nos jours (si l’on peut dire) le poète dit : « il pleure dans mon cœur comme il pleut sur la ville », le biologiste ou le physicien ne pourra pas observer de larme « intérieure » … et pourtant, c’est vrai, c’est bien vrai que le poète est triste !
Comment décrire le mécanisme du péché ? Comment décrire un esprit sans corps (Satan) ? La Genèse le fait à sa manière, et nous avons simplement à nous « faire » à cette mentalité. Il y a bien une réalité historique d’un péché originel, héritage compliqué que nous transmettons de génération en génération. Dans ce texte tout est vrai, mais avec une mentalité différente de la nôtre, c’est tout.
Il nous faut rétablir la confiance dans le texte biblique, après que le scientisme du XIXème siècle ait imposé comme mode unique de connaissance et d’accession à la vérité la méthode expérimentale.
En ce qui concerne l’Evangile, je voudrais revenir à ce que le Moyen-Age appelait « les quatre sens de l’Ecriture ». On devrait dire les deux sens de l’Ecriture : le sens littéral et le sens spirituel (qui lui-même se « subdivise en sens moral, allégorique, anagogique)
Le sens littéral : Après 30 ans à Nazareth, Jésus reçoit le baptême, il part au désert … à cette occasion, les évangélistes attestent de l’existence des anges et des démons (du Démon, en l’occurrence), et il y a, donc, cet « épisode des trois tentations (à la fin des 40 jours, notons-le).
Le sens « allégorique », rappelons-le, extrait du texte « ce qu’il faut croire » : Jésus est vraiment homme (il a faim ; il résiste à la tentation) et il est vraiment Dieu (car les Anges le servent). Résister à la tentation, humain, me direz-vous ??? N’est-ce pas plutôt y succomber qui est humain ? Eh bien non, c’est précisément le fait d’y résister qui est humain ! L’animal ne résiste pas à une « tentation », et Dieu, par définition n’est pas tenté car il n’est pas « tentable (pardon) » : résister à la tentation est proprement humain. Il est moins humain, moins humanisant de succomber que de résister à la tentation. C’est pour nous que Jésus a voulu être tenté, et en tant qu’homme
La tentation se résume à quelques têtes de chapitre : l’appétit, le pouvoir, l’orgueil … et justement, nous disposons de trois armes pour en venir à bout : le jeûne, le partage, la prière, qui leur correspondent parfaitement !!!
Le sens moral, maintenant : « tu remarques que le Christ a été tenté; ne vois-tu pas qu’il est sorti victorieux du combat ? Par conséquent, si tu es, avec lui, soumis à l’épreuve, souviens-toi aussi qu’avec lui tu en triompheras. Il aurait pu empêcher l’esprit mauvais de s’approcher de lui; mais s’il n’avait pas été tenté, il n’aurait pu t’apprendre à le suivre dans le chemin de la victoire », déclare Saint Augustin ("Discours sur le psaume 60)
Il faut résister à la tentation, parce que c’est possible ; parce qu’Il est avec nous et parce que, au bout de la course, il y a la récompense, en particulier de la compagnie des Anges et des saints, la compagnie du Christ et de la Vierge ! Mais je suis déjà en train de traiter du sens anagogique …
Simplement une remarque : le sens moral ne représente qu’un tiers du sens spirituel, comme vous le constatez, alors que bien souvent on se focalise sur lui …
Terminons par le sens « anagogique » : Un coin de ciel est soulevé par le dernier verset, mais en contrepoint aussi dans la troisième tentation, « se prosterner devant quelqu’un d’autre que Dieu ». Il y a un ordre dans le Ciel, une orientation vers Dieu, et cette orientation commence ici-bas. « Nous avons les pieds sur la terre et la tête dans le Ciel » disait le Curé d’Ars. Le Ciel, enfin, c’est le repos des tentations, Dieu comblera nos désirs (la tentation n’aura plus de « ressort »).
P. Emmanuel d'Andigné
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire