21 janvier 2012

homélie du 15 janvier 2012-le mystère du velcro

Homélie du 2ème dimanche du Temps Ordinaire - Année B

La semaine dernière, il a fallu que j’administre en urgence l’Onction des malades : lorsque je suis arrivé à l’hôpital, il était en fait beaucoup trop tôt, car des soins intensifs étaient en cours, et nous avons beaucoup de temps avec la famille. J’ai donc eu le temps de leur dire que si j’étais arrivé trop tard,  cette dame aurait reçu la grâce liée au sacrement des malades, même sans avoir eu les formes du sacrements (car le but du sacrement est de conférer la grâce, et Dieu fait ce qu’il veut de sa grâce : il a, certes, décidé de confier à l’Eglise l’intendance de la grâce, mais il arrive parfois que le maître fasse lui-même ce qu’il fait faire habituellement par ses serviteurs)

D’une manière identique, le baptême de désir est un vrai baptême.

Cependant, il arrive aussi parfois que ce ne soit pas la mort qui nous empêche de recevoir un sacrement : je pense à des catholiques en Afrique (ou dans le Caucase !) qui ne peuvent pas recevoir l’eucharistie pendant des semaines ou des mois, parce qu’ils ne peuvent recevoir la visite de leur curé, seulement de temps en temps, à cause des distances et de la qualité des routes.

Je pense aussi à ceux qui ne peuvent pas communier en raison de leur situation conjugale (les divorcés remariés, par exemple) et je leur recommande de désirer la grâce de Dieu, car la communion de désir est à la portée de tous et Dieu ne refuse pas la grâce à celui qui la lui demande !

Ça ne veut pas dire que tout se vaut, cela veut dire simplement, que,
en attendant que l’horizon s’ouvre, par exemple dans la mise au clair du lien conjugal précédent, Dieu donne ce qui est nécessaire pour que ces personnes vivent bien et puissent travailler à leur conversion.

Mais évidemment, ce serait parfaitement injuste et déséquilibré qu’on ne parle de conversion que pour eux et par pour les autres, sous prétexte que les autres n’ont pas connu l’échec : je partage pleinement ce sentiment d’injustice que j’ai si souvent entendu. La conversion, c’est pour tout le monde !

Et le désir, le désir spirituel, c’est la caractéristique de l’être humain,  à la portée de tout le monde. Le désir (ce mot est si important !) permet en outre de bien situer la question de l’évangélisation.

En effet, l’évangélisation est rendue possible par ce que l’on pourrait appeler « le mystère du velcro ». Je cite Wikipédia :

« La bande auto-agrippante a été inventée en 1948 par Georges de Mestral. L'idée lui est venue lorsqu'en revenant d'une promenade à la campagne il remarqua qu'il était difficile d'enlever les fleurs de bardane accrochées à son pantalon et à la fourrure de son chien. Georges de Mestral les examina et découvrit la possibilité de faire adhérer deux matériaux de façon simple et réversible. Il développa rapidement la bande auto-agrippante et breveta son idée en 1951. De Mestral nomma son invention « VELCRO » qui est l'acronyme de velours et crochets. De nos jours les applications de ce système sont très nombreuses et le mot velcro est devenu un terme générique pour tous les types de bande auto-agrippante.

Il y a donc, c’est important- une « couche » crochet et une « couche » de velours ..

En tout homme se trouve le désir de Dieu (Dieu pouvant être remplacé par un écran, un ballon, une star, un sport …) un peu comme une bande velcro … et la grâce de Dieu, elle, est la deuxième bande de tissu : il me semble que c’est plutôt la bande de velours …

En effet, la bande de tissu qui « accroche » est pourvue en fait d’hameçons, et il ne faudrait pas qu’on s’imagine, nous humains, qu’en trouvant le bon hameçon, on soit sûrs d’attraper des poissons !

Je crois que c’est Dieu qui a déposé en l’homme le désir de Lui (le crochet) et que c’est Dieu, encore lui, qui fait comprendre de l’intérieur à quelqu’un  combien douce est la grâce, combien le Seigneur est bon … (le velours).

En fait, je viens de faire l’éloge du désir : mais à la manière d’une oraison de l’Avent, qui dit ceci :


« Que notre prière, Seigneur, se fraie un chemin jusqu’à toi: suscite au cœur de ceux qui te servent les désirs purs, les désirs forts, qui les prépareront au mystère de l’incarnation de ton Fils. Lui qui règne avec toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen. »

P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 08 janvier 2012-les narines, les genoux et les yeux

Homélie de l'Epiphanie 2012- Année B

L’épiphanie est un mystère tellement riche qu’il nous faut bien faire des choix … alors je choisis trois choses, simplement ! La première concerne nos narines, sur tout, et nos yeux, la seconde concerne nos genoux, et la troisième notre imagination.

La première est l’encens, puisque son usage a repris avec la fête de Noël, et en général, ici, l’encens souligne les solennités, mais on utilise l’encens aussi lors de vêpres solennelles ou alors au cours d’une sépulture et il se trouve que, dans le récit de la naissance de Jésus, il est question de l’encens offert par les mages …

Vous savez, sans doute qu’on s’accorde à dire généralement, sans que cela soit strictement de foi, que l’offrande de l’or veut signifier la royauté de Jésus, l’offrande de la myrrhe veut signifier l’ensevelissement et la résurrection de Jésus ; l’encens lui, souligne la divinité de Jésus

En effet, à l’époque du Christ, toutes les religions utilisaient de l’encens pour rendre hommage à la divinité : les juifs bien sûr, pour Dieu ; les religions dites orientales non-juives, non-chrétiennes, comme les égyptiens, mais aussi les romains, avec l’Empereur. Nombreux furent les chrétiens exécutés pour avoir refusé de brûler de l’encens devant l’Empereur. Bref, ce geste est universellement reconnu comme un hommage à la divinité.

Dans la liturgie catholique, il y a une particularité, c’est que Dieu s’est fait homme … et que par conséquent, on peut encenser d’autres que Dieu, dans la mesure où Dieu a lui-même « parfumé » de sa présence telle ou telle réalité, et particulièrement les personnes :

On encense le corps d’un défunt, car ce corps est le temple de l’Esprit saint, on encense les fidèles à la messe, pour la même raison : on reconnaît la présence de Dieu dans chaque fidèle. On encense les prêtres et les évêques, parce qu’en eux réside le Christ-Prêtre. Quant au diacre, on pourrait l’encenser aussi, mais il est souvent celui qui encense, ou qui veille à ce que l’encensement se passe bien ou puisse se faire.  On encense le pain et le vin, car ils vont devenir le corps et le sang du Christ, on les habitue, ainsi, à ce parfum de divinité qui va les envahir au moment de la consécration. On encense la parole de Dieu,
qui n’est autre que le Christ lui-même, on encense une icône, car elle est une présence de Dieu -inférieure, certes à la présence eucharistique,
mais réelle tout de même- bref, parfum pour parfum, on honore ainsi Dieu symboliquement, lui qui nous honore de sa présence parfumée d’amour, ce qui appelle, bien sûr, à le faire dans notre vie, et avec nos frères, sans quoi la liturgie risquerait de n’être que du théâtre …

La seconde chose que je voudrais remarquer avec vous dans ce récit de l’Epiphanie concerne nos genoux, puisqu’il en est question dans la liturgie de la parole : en effet, le psaume évoque la prosternation des rois de toutes les nations devant le Messie

Les rois de Tarsis et des Iles apporteront des présents. 
les rois de Saba et de Seba feront leur offrande. 
Tous les rois se prosterneront devant lui, 
tous les pays le serviront.

Et dans l’Evangile

Quand ils virent l'étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. En entrant dans la maison, ils virent l'enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui.


Là encore, ce geste est universel, et remonte aux origines de l’humanité : il est la reconnaissance de notre petitesse et l’acte d’adoration que nous offrons à Dieu.

Dans sa sagesse,  l’Eglise ne préconise que quelques instants d’agenouillement : le dimanche des Rameaux et le vendredi saint, à la lecture de la passion, pour le moment de la mort du Christ ; le jour de Noël, au moment du Je crois en Dieu, quand il mentionne la naissance du Christ ; et enfin, au moment de la consécration, à chaque messe,
pour souligner la venue de Jésus sur l’autel.

Tout le monde comprend bien qu’il ne s’agit pas tant d’une règle que d’un acte spirituel, qui est un acte d’adoration, à la suite des mages !

Enfin, pour terminer, je voudrais vous lire un extrait de ce que notre évêque a écrit pour les vœux cette année, c’est tellement clair et nourrissant que je n’ajoute qu’une seule petite chose avant de lui donner la parole.

Les étoiles appartiennent, chez les mages d’orient, au monde de la divinité, et la mention de l’étoile qui guide les mages est une façon pour l’évangéliste de continuer l’œuvre de la Genèse qui consista à dire que les étoiles ne sont pas des dieux et que même les étoiles rendent hommage à Jésus en guidant les mages vers Jésus ; mais voici ce que dit l’Evêque :

L’étoile ne fait pas particulièrement partie des signes expressément reconnus comme venant de Dieu, elle relève plutôt de l’astrologie. Que veut nous faire comprendre l’Évangile en nous montrant ces trois hommes venus de pays lointains en suivant une étoile ?

Il veut nous signifier  que c’est par leur recherche, leur réflexion, leur désir de progresser dans la connaissance de la vérité, qu’ils ont fait ce long chemin et qu’ils viennent à la rencontre du Roi des Juifs qui vient de naître. Ils nous aident  à comprendre que l’homme de bonne volonté qui suit avec rigueur les critères de l’intelligence humaine peut parvenir à trouver le chemin vers Dieu ; que l’homme fidèle à sa conscience et guidé par son intelligence peut être conduit vers Dieu ; tout simplement parce que l’homme est créé à l’image de Dieu. En lui, est inscrite l’intelligence créatrice. Celle-ci est à même de mouvoir tout homme et de le conduire jusqu’à Celui en qui il trouve sa source et sa joie.

Nous saisissons mieux,  grâce  aux mages, combien  l’intelligence humaine est ordonnée à la volonté et au projet du Créateur de l’univers.

C’est un bel encouragement à l’évangélisation !!!

P. Emmanuel d'Andigné

01 janvier 2012

Homélie du 1er janvier 2012-un peu d'indulgences !!!

Homélie de la solennité de sainte Marie, mère de Dieu

Dimanche dernier, à la fin de la bénédiction Urbi et Orbi dans la salle paroissiale, j’évoquais avec un paroissien « l’Indulgence plénière » que le Pape a mentionnée juste avant sa bénédiction … et tandis que je lui disais « ce serait bien que je dise un mot sur l’Indulgence, à la paroisse », celui-ci m’a répondu, sans faire de phrase ( !) : « ah oui ? Le trafic des indulgences ?! ». Il a bien fait –je le remercie- de m’aider à me rendre compte que la mentalité catholique a désormais ce réflexe de disqualifier les Indulgences, simplement parce qu’il y a des abus (et c’est vrai) au cours de l’histoire de l’Eglise … quel dommage !

Les Indulgences sont un magnifique trésor, pourvu qu’on sache ce que c’est et qu’on s’en serve correctement.

Imaginez que j’aie volé à quelqu’un 500 euros : plein de remords, je vais finalement demander pardon, mais je ne peux pas rendre l’argent (j’ai tout dépensé en champagne pour le réveillon) ; je demande pardon, je reçois le pardon, imaginons que la personne en face me dise que ça va ainsi, et que je m’en sortirai en rendant un service en temps voulu.

Belle histoire d’une conversion, belle histoire d’un pardon donné, mais … drôle d’histoire de 500 euros perdus ! La justice exige que je « répare », que je paie ma dette, même si j’ai obtenu le pardon. Eh bien l’indulgence est au sacrement du pardon, ce qu’est le remboursement des 500 euros au pardon reçu !

Autrement dit : le péché a toujours une résonnance éternelle (dans le cœur de Dieu, car il est offensé) et une résonnance temporelle (dans le corps de l’Eglise, Eglise militante et souffrante, du moins).

L’indulgence est la remise de la peine temporelle du péché, tandis que le sacrement du pardon est la remise de la peine éternelle.

C’est le Concile Vatican II (en germe) et le pape Paul VI en 1967, exactement, qui ont fait entrer les Indulgences dans la modernité (j’en profite pour dire que Luther n’a pas l’apanage de la critique dudit « trafic des Indulgences », car dès 1215 –soient 302 ans avant Luther- le Concile de Latran IV mettait en garde les clercs contre les abus possibles dans la promulgation des Indulgences, sans compter la critique sévère qu’en fit le Concile de Trente, en 1563), voici comment :

Vatican II (Lumen Gentium 49 et 51) désigne clairement la réalité du Purgatoire, c’est-à-dire cette purification qui est nécessaire à celui qui est décédé et qui porte un poids qui n’est autre que « la peine temporelle » de ses péchés ; le concile insiste aussi beaucoup sur le lien qui unit tous les chrétiens, sur la terre et aux cieux.

Paul VI, en 1967, a écrit un document très court et très beau (Il est sur le blog – « Indulgentiarum doctrina », pour réexpliquer aux temps modernes cette doctrine très ancienne et qui n’est rien d’autre qu’un  commentaire du « je crois en la communion des saints » …

En effet, Paul VI y rappelle la solidarité qui unit tous les membres de l’Eglise, dans le bien comme dans le mal, je cite :
« Dans le secret et la bonté du mystérieux dessein de Dieu, les hommes sont unis entre eux par une solidarité surnaturelle par laquelle le péché d’un seul nuit aussi aux autres, de même que la sainteté d’un seul profite également aux autres . C’est ainsi que les fidèles s’aident les uns les autres à parvenir à leur fin surnaturelle. » ID n° 4

C’est la raison pour laquelle nous faisons dire des messes pour les défunts (ainsi qu’en témoigne chaque semaine la feuille des intentions de messe) et c’est aussi la raison pour laquelle nous pouvons demander l’Indulgence pour un défunt …

Pour un défunt ou pour soi-même, voici comment cela fonctionne :
1)      Il y a un acte dit « indulgencié » exemple : la bénédiction urbi et orbi ; autre exemple : une visite à l’église sainte-Bernadette le jour de la sainte-Bernadette ; encore un autre exemple : un chemin de croix …
2)      Se confesser (car demander la remise de la peine temporelle sans demander la remise de l’autre peine n’a pas beaucoup de sens …)
3)      Communier (vous savez, la communion des saints …)
4)      Prier aux intentions du Saint-Père

Le Pape Paul VI a estimé et promulgué qu’on ne parlerait plus désormais que de deux
sortes d’Indulgence : l’Indulgence partielle et l’Indulgence plénière, dont les appellations parlent d’elles-mêmes …

Le soir de Noël, à 23h, j’ai eu la joie d’évoquer deux grandes figures de l’Eglise : le père Wresinsky (fondateur d’ATD quart-monde) et le Père Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus (fondateur, quant à lui de l’Institut Notre-Dame de Vie) puisque désormais il est bien établi dans l’Eglise –je veux dire dans la mentalité catholique en général- qu’il faut que nous soyons solidaires des plus pauvres (ATD, bien sûr, mais aussi Secours Catholique, St Vincent de Paul, etc …), il nous reste à développer entre nous et autour de nous une solidarité spirituelle par les Indulgences et à alléger l’humanité d’un poids de péché ; ainsi rendrons-nous le monde plus paisible et plus joyeux par les mains de l’Eglise et grâce à Dieu ; notre solidarité pourra alors être désignée du très beau mot de « charité » !

P. Emmanuel d'Andigné