15 septembre 2010

Homélie du 12 septembre 2010-Dieu se met en trois pour nous sauver

Homélie du 24ème dimanche du Temps Ordinaire - année C

Prenez de la hauteur, tel un aigle, pour regarder ces textes : il y en a trois ! « Savez-vous ce qu’il y a trois ? », dit la chanson des enfants du Catéchisme. « il y a trois personnes en Dieu ! » répondent en chœur les enfants. Demandons-nous si par hasard, la Trinité ne serait pas là, cachée ? En fait, elle n’est pas tellement cachée …

La première parabole met en scène un Berger : on pense au Fils, bien sûr, qui a dit (Jean 10:14 ) : « Je suis le bon berger. Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, ... »
La seconde parabole met en scène une femme. Qu’y a-t-il de féminin en Dieu ? Eh bien il se trouve que le mot hébreu qui désigne l’Esprit (rouah) est un mot féminin ! Entendons-nous bien : non pas que Dieu soit féminin ou masculin en aucune manière, Dieu est Dieu, mais la perception juive de l’Esprit de Dieu est rendue par un mot féminin.
Quant à la troisième parabole, elle nous parle d’un Père …

Autrement dit, Dieu se met en trois « pour nous sauver et pour faire de nous des enfants d’adoption », pour reprendre la formulation de Saint Paul (Ep, 1,5).
Mais Dieu est un (« il y a un seul Dieu qui règne dans les cieux », chantent les enfants du catéchisme), et il faut donc se garder, même quand on voit un indice de la présence des trois personnes, de durcir l’image, et de séparer artificiellement une personne divine des deux autres. Par exemple, les deux paraboles qui montrent le Fils et le Père sont les deux seules à mentionner la joie de Dieu, marque évidente de l’Esprit, et ainsi des trois personnes, chacune recélant la présence des deux « autres » …

Ainsi donc, les méthodes peuvent varier, pour que Dieu répande sa miséricorde dans le monde, mais ce qui est invariable, c’est qu’il vient nous chercher et nous attend sans cesse.

L’Evangélisation, sous cet angle revient à partager le souci de Dieu, à comprendre la miséricorde de l’intérieur de Dieu, à l’éprouver en nous-mêmes, en montrant tour à tour, à l’exemple de Dieu, offensivité, méthode ou patience. J’ai souvent rencontré ici ou là ce que j’appelle le « complexe de l’évangélisateur », à savoir un blocage psychologique (le « complexe ») qui consiste à se comparer aux autres en dépréciant sa propre capacité à évangéliser : je ne suis pas assez offensif ! Je ne suis pas assez méthodique ! Je ne suis pas aussi patient que cette personne, etc …

La communauté forme un corps, les membres ne peuvent pas être tout le corps chacun. Saviez-vous que dans l’armée américaine, on compte entre 5 et 7 soldats logisticiens pour un combattant (ils le nourrissent, le soignent, l’informent, le conduisent, etc …). C’est le même effort que nous menons ensemble, dans le cadre d’une sorte de guerre, la guerre contre l’ignorance de Dieu, et surtout contre l’ignorance de sa miséricorde.

Dans cet enchaînement des trois paraboles, je vois l’insistance de Dieu à nous chercher, en particulier si nous sommes en dehors de la maison, ou de la Bergerie, entendez l’Eglise ! L’Eglise est la présence concrète du Royaume des cieux, il est très difficile –voire impossible- de faire partie de la Bergerie au sens céleste du terme sans faire partie de la Bergerie au sens terrestre du mot (une paroisse, une communauté). Il est vrai, cependant, que les frontières visibles de l’Eglise n’épuisent pas le Royaume de Dieu, Dieu seul le sait.

« Vite ! » dit le Père de la troisième parabole, sans attendre la fin de l’aveu …
Il s’agit sans doute de l’insistance divine dont je parlais, mais c’est aussi la preuve que, pour Dieu, le péché, ça n’est pas intéressant. Ce qui est intéressant c’est l’amour, que révèle la miséricorde. Une anecdote : alors que je recvais quelqu’un chez moi, je constate que sur la table il y a des miettes ; j’éprouve alors une certaine honte à présenter une table aussi peu nette ; cependant, il est bien évident que, le plus intéressant est le couvert que je vais mettre le lendemain pour recevoir des prêtres à déjeuner ; il y a donc bien nécessité de nettoyer (notre cœur du péché), mais surtout nécessité de jouir du festin (de l’amour et de la miséricorde).

Il faut découvrir le sens du péché (nettoyer les miettes), connaître le mal pour le combattre … mais le péché n’est pas central, c’est une absence d’être, un non-être. Certains disent que « peccatum » signifie « cible manquée ». ça n’est pas sûr étymologiquement, mais intéressant spirituellement : le mal est souvent un bien raté, même si cela arrive que cela soit un mal pur (on pense au vol des poires de St Augustin)

« Ton frère était mort, et il est revenu à la vie ( !) ». cette petite phrase reprise deux fois, nous fait penser au motif principal des Evangiles : annoncer la résurrection de Jésus … c’est lui le Fils Prodigue ! Jésus a été « identifié au péché ». Citons Saint Paul : « Celui qui n'a pas connu le péché, Dieu l'a pour nous identifié au péché des hommes, afin que, grâce à lui, nous soyons identifiés à la justice de Dieu. » 2 Cor 5, 21

La miséricorde concerne toutes les misères de l’homme. Le péché, bien sûr, mais aussi ses souffrances : comme le Fils Prodigue, qui a subi la famine avant de connaître une conversion … la Passion de Jésus contenait et souffrance physique, et souffrance morale et lutte spirituelle, parce que l’être humain n’est jamais qu’une souffrance ou un pur mal, mais un mélange des deux …

Quel trésor nous avons là pour le cœur et l’intelligence !

P. Emmanuel d'Andigné

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