Homélie du 28ème dimanche du Temps ordinaire - Année C
Le lépreux samaritain de l’Evangile et Naaman le syrien ont deux choses en commun : la lèpre, bien sûr, mais aussi le fait qu’ils sont étrangers aux juifs. La lèpre, on le sait, provoquait une exclusion communautaire, à l’intérieur des peuples, déjà ; quant à l’étranger, c’est l’évidence, il subissait naturellement une exclusion xénophobe.
Nous sommes au chapitre 17 de l’Evangile selon saint Luc (qui en compte 24). Dans les évangiles, il se produit un basculement, même chez saint Jean qui est pourtant si différent des trois autres et qui consiste en ceci : d’abord Jésus s’intéresse exclusivement aux « brebis perdues de la maison d’Israël » ; puis, peu à peu, toutes les nations vont à lui par tel ou tel de ses représentants, jusqu’au moment où Jésus dit carrément « allez, de toutes les nations faites des disciples …(Mt 28) ». Plus précisément, chez Saint Luc, on peut lire : « il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Écritures. Il conclut : « C'est bien ce qui était annoncé par l'Écriture : les souffrances du Messie, sa résurrection d'entre les morts le troisième jour, et la conversion proclamée en son nom pour le pardon des péchés à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. C'est vous qui en êtes les témoins (Luc 24, 46 et suivants) ».
Ainsi, Jésus est en train de fonder le catholicisme. J’ai bien dit : le catholicisme. Mais il faut bien s’entendre sur la signification du mot. « Catholique » signifie « total ». Et donc, ce mot a deux significations : la totalité des hommes, ce qui a conduit à traduire souvent par le mot « universel », mais aussi la totalité des moyens de salut, que l’on trouve dans cette Eglise ?
Pour ce qui est de l’universel, Jésus respecte une certaine lenteur de ses contemporains, en se tournant d’abord et uniquement vers les juifs, et lorsque l’occasion se présente, il étend le Salut à toutes les Nations, d’abord avec des grincements de dents (les juifs sont furieux) et ensuite, de plus en plus clairement : nous assistons là à une pédagogie très patiente, source d’inspiration pour les parents et éducateurs en général. La Pentecôte sera le sommet de l’ouverture de l’Eglise à toutes les nations …
Pour ce qui est du Salut l’Eglise est dite « catholique », car elle est le corps du Christ, or le Christ est tout ce qu’il nous faut pour être sauvés, la totalité des moyens de Salut (Guilhem reçoit aujourd’hui, lui qui est- baptisé tout ce qu’il lui faut pour être sauvé !). Et puisque l’Eglise est le corps mystique du Christ, la division du corps du Christ est un scandale que nous devons combattre.
Pour ce qui est des lépreux, il faut comprendre ce qui se passait à cette époque : exclure un lépreux, c’était tout simplement protéger la communauté … nous avons beau jeu, au XXIème siècle, de trouver cette exclusion épouvantable, nous qui avons des moyens de protéger et de soigner, alors que et d’une, la lèpre n’est pas morte malgré notre toute-puissance et de deux, nous savons bien exclure nous aussi, et ranger une catégorie de population en dehors de nos maisons pour qu’ils ne perturbent pas notre quotidien …
Quoi qu’il en soit,, il nous faut honorer la dimension de l’accueil, en prenant appui sur l’accueil que nous recevons nous-mêmes de Dieu et l’accueil de lui, pour en venir, surnaturellement à accueillir vraiment tout homme.
Je termine avec une particularité frappante de ce passage d’Evangile : les mouvements …
Jésus marche vers Jérusalem, traverse la Galilée et la Samarie , entre dans un village, les lépreux viennent à sa rencontre. Ils s’arrêtent … « allez vous montrer au prêtre » … en cours de route, ils furent purifiés, l’un d’eux revient sur ses pas … « pourquoi les autres ne sont-ils pas revenus ? » …« va, ta foi t’a sauvé ! »
Bien sûr, ce n’est pas le moment, ici, de détailler tous ces mouvements, mais on y reconnaît les mouvements intérieurs de notre rencontre avec le Christ, pour nous guérir de la lèpre du péché : l’initiative revient au Christ, en l’apercevant même de loin (comme c’est encourageant !), on peut espérer être entendu de lui, on va vers lui … de la rencontre avec lui et la foi vient la guérison … et par suite la gratitude pour la guérison. Nous avons la chance de pouvoir développer en nous par l’Eucharistie cette gratitude si bien illustrée par le lépreux (le mot Eucharistie ne veut-il pas dire « remerciement », action de grâce » ?). La gratitude devient la marque de fabrique de notre foi. Méditons, travaillons ce texte, et vivons une aventure intérieure digne de l’aventure apostolique, et même plus grande encore, « puisque le Christ remonte vers le Père ».
P. Emmanuel d'Andigné
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire