Homélie du 32ème dimanche du Temps ordinaire- Année C
S’il y a bien un enseignement du Christ qui pose problème, c’est bien celui-là !!! A vrai dire, il y a deux problèmes : y a-t-il résurrection ou non ? Le mariage a-t-il de la valeur ?
Jésus, vous le voyez, fait remonter à Moïse la foi en la résurrection. Des scientifiques, spécialistes de la Bible , ont creusé la question et ce sont aperçu que, bien entendu, la chose était vraie, mais que, manifestement, Moïse a prêché alors dans le désert (des psaumes, bien des années après, dénotent une absence totale de foi en la résurrection). A l’époque d’Ezéchiel, entre 600 et 500 ans avant Jésus-Christ, la foi en la résurrection est à nouveau annoncée clairement à Israël (on pense au fameux chapitre 37), mais est bien souvent comprise comme une résurrection nationale, en raison du contexte de l’exil. A l’époque des Martyrs d’Israël (qu’on appelle aussi « macchabées », dont la première lecture d’aujourd’hui est un extrait), on a le témoignage très clair que de l’idée de résurrection collective on est passé à une résurrection personnelle ; nous sommes alors entre 200 et 100 années avant Jésus-Christ. La « dernière étape » avant le Christ est mentionnée par Saint Jean, dans l’épisode ou Marthe (Jn 11) affirme sa foi en la résurrection de son frère, bien avant celle de Jésus.
Quant au mariage, lorsque l’on écoute cet Evangile, on se demande vraiment si Jésus lui confère une quelconque valeur … on me pose souvent douloureusement cette question de savoir si l’on va retrouver son conjoint au ciel, et comment ?
Commençons par réaffirmer une évidence : Dieu tient le mariage en haute estime, et nous en avons une preuve surprenante et très belle dans le Cantique des cantiques … en effet, dans ce livre, le mot « Dieu » n’est jamais prononcé, et pourtant, il a toujours été très clair tant pour le juifs que pour les chrétiens que ce livre est réellement inspiré. Or il se trouve que les huit chapitres qui le composent ne racontent qu’une seule chose : l’amour entre un homme et une femme ! Dieu se manifeste certainement dans l’amour des époux et même –pourrait-on dire- se « retranche » devant cet amour, au point qu’il devient inutile de prononcer son nom. Par ailleurs, c’est en toute logique (tel Père, tel Fils !) que Jésus déclare « ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ».
Revenons au discours de Jésus : « Les enfants de ce monde se marient. Mais ceux qui ont été jugés dignes d'avoir part au monde à venir et à la résurrection d'entre les morts ne se marient pas, car ils ne peuvent plus mourir »
Soyons honnêtes, on a l’impression que Jésus méprise le mariage, et met la vie consacrée sur un piédestal. Et pourtant, il est bien clair qu’une telle chose serait absurde …
Regardez bien le texte : « les enfants de ce monde se marient ». Observons, voulez-vous, le principe des Pères d’expliquer « l’Ecriture par l’Ecriture », et donc interrogeons le Christ sur ce que signifie « de ce monde ». Jean 17, 15: « Je ne demande pas que tu les retires du monde, mais que tu les gardes du Mauvais. Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. »
« Les enfants de ce monde se marient » signifie donc ceux qui ne renaissent pas d’en-haut, ceux qui s’accrochent uniquement à ce monde, et pour qui la mort est un mur, une fin froide et définitive, pour qui l’au-delà est une hypothèse pieuse d’un petit nombre. Le mariage, dans cette perspective, est une recherche de bien-être, de confort et de jouissance, en attendant le mur. C’est ce que décrit Saint Paul aux Corinthiens (1 Cor 15,32) : « S'il n'y avait eu que de l'humain dans mon combat contre les bêtes à Éphèse, à quoi cela m'aurait-il servi ? Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons, car demain nous mourrons. »
« Les enfants de ce monde se marient. Mais ceux qui ont été jugés dignes d'avoir part au monde à venir et à la résurrection d'entre les morts ne se marient pas, car ils ne peuvent plus mourir »
Lorsque Jésus parle ainsi, il parle de notre condition au Ciel !!! Une fois au Ciel, nous avons « part au monde à venir et à la résurrection des morts », et dès lors « nous ne nous marions plus » … notre passage sur la terre est une belle chose, mais ce n’est pas grand’ chose à côté de ce qui attend les époux dans le Ciel (Saint Paul aux Romains, 8, 18 « J'estime donc qu'il n'y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous. En effet, la création aspire de toutes ses forces à voir cette révélation des fils de Dieu »).
Il faut l’admettre, Jésus enseigne qu’il n’y a plus ni mari ni femme dans le Ciel … et vous allez voir comme c’est beau, finalement et en particulier pour les époux !
Qu’est-ce que cela veut dire ? Je voudrais répondre en trois temps :
1) Vous en conviendrez avec moi, toutes nos affections ici-bas, mari, femme, père, mère, frère, enfant, … sont marqués par le péché. Il ne faudrait pas subitement idéaliser le mariage, sous prétexte que Jésus nous oblige à regarder un peu au-delà de notre expérience sensible …
2) et donc, l’entrée dans le Ciel purifie l’homme des traces du péchés, parfois immédiatement (c’est le cas des saints), parfois avec souffrance (c’est le purgatoire), de sorte que, finalement, ce que Jésus enseigne c’est que, au Ciel, les époux s’aimeront l’un l’autre, ils continueront à s’aimer, mais d’une manière infiniment plus parfaite que tout ce qu’ils auront pu réussir ici-bas.
Et j’ajoute que ceux qui, sur la terre, auront connu souffrance, séparation injuste, blessures ou même plus simplement des égratignures retrouveront cette paix qui procède de la justice, et qui habite le cœur de Dieu.
3) Le cœur de Dieu, voilà la troisième étape du raisonnement : au ciel, la charité de Dieu nous envahira complètement, de sorte que nous serons capables d’aimer toute personne, même parfaitement inconnue, à la manière des Anges, à la manière de Dieu et cet amour purifié du péché, nous serons capables de l’accorder ainsi à toute personne, comme Dieu le fait à chaque instant.
Cela dit, je vous propose de redescendre sur terre, bien que vous soyez là aussi pour faire un voyage dans le ciel, redescendre sur terre riches de cet enseignement. Donnons une nouvelle fois la parole à Saint Paul (première aux Corinthiens, chapitre 7) : « Dès lors, que ceux qui ont une femme soient comme s'ils n'avaient pas de femme, 30 ceux qui pleurent, comme s'ils ne pleuraient pas, ceux qui sont heureux, comme s'ils n'étaient pas heureux, ceux qui font des achats, comme s'ils ne possédaient rien »
Cela veut dire vivre la terre, pleinement, mais, comme un strapontin du ciel, une préparation de cet amour parfait dont nous serons alors capables
Pour les époux, cela veut dire : « aimez-vous d’une manière bien plus parfaite qu’aujourd’hui, purifiez l’amour que vous avez l’un pour l’autre » ; pour nous tous, cela signifie « purifiez l’amour que vous avez les uns pour les autres » ; pour une paroisse, cela veut dire « ne soyons pas gentils mais charitables, entraînons-nous à nous aimer les uns les autres comme les Anges, comme Dieu, plutôt qu’à aimer seulement ceux qu’il est facile d’aimer ». Je serai toujours heureux d’entendre quelqu’un me dire « vous savez, mon Père j’ai été bien accueilli dans cette paroisse » … mais ce qui fera surtout mon bonheur de prêtre, c’est que cet accueil soit une anticipation du Ciel, un accueil surnaturel, et non pas simplement naturel, qui consiste à reconnaître la présence de Dieu en toute personne, que l’on ait ou non une attirance pour elle.
Nous avons mille exemples de sainteté, exemples de ceux qui ont ainsi fait de la vie sur la terre l’apéritif du festin du Ciel, « le festin des noces de l’Agneau », il nous suffit de les imiter …. Ainsi soit-il !
P. Emmanuel d'Andigné
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