Un échange lumineux entre le Saint-Père et les prêtres, à lire rapidement et goulûment !!!
Texte intégral des questions posées à Benoît XVI par cinq prêtres des différents continents ainsi que les réponses données par le pape au cours de la veillée de clôture de l'Année sacerdotale, jeudi 10 juin, place Saint-Pierre.
La première question porte sur l'emploi du temps particulièrement chargé des curés de paroisse ; la deuxième sur la théologie, quelle est la vraie théologie ; la troisième sur le célibat sacerdotal ; la quatrième sur l'Eucharistie et le monde ; la cinquième sur la baisse des vocations et comment y faire face.
1. Question d'Amérique
Très Saint-Père, je m'appelle José Eduardo de Oliveira y Silva et je viens d'Amérique, du Brésil plus précisément. La plus grande partie d'entre nous ici présents sommes engagés dans la pastorale directe, en paroisse, et non seulement avec une communauté, mais parfois nous sommes désormais des curés de plusieurs paroisses, ou de communautés particulièrement étendues. Avec toute la bonne volonté, nous essayons de subvenir aux nécessités d'une société qui a beaucoup changé, qui n'est plus entièrement chrétienne, mais nous nous rendons compte que notre « action » ne suffit pas. Où aller, Votre Sainteté ? Dans quelle direction ?
Benoît XVI - Chers amis, tout d'abord, je voudrais exprimer ma grande joie parce que des prêtres de toutes les régions du monde sont réunis ici, dans la joie de notre vocation et dans la disponibilité à servir de toutes nos forces le Seigneur à cette époque qui est la nôtre. Pour répondre à la question, je suis bien conscient qu'aujourd'hui il est très difficile d'être curé même et surtout dans les pays d'ancienne chrétienté ; les paroisses deviennent de plus en plus étendues, des unités pastorales... il est impossible de connaître tout le monde, il est impossible de faire toutes les tâches que l'on pourrait attendre d'un curé. Et ainsi nous nous demandons réellement comment aller de l'avant, comme vous l'avez dit. Mais je voudrais dire tout d'abord : je sais qu'il y a de très nombreux prêtres dans le monde qui donnent réellement toute leur force pour l'évangélisation, pour la présence du Seigneur et de ses sacrements. Et à ces curés fidèles, avec toute la force de leur vie, de leur passion pour le Christ, je voudrais dire un grand « merci » en ce moment. J'ai dit qu'il n'est pas possible de faire tout ce que l'on souhaite, tout ce qu'il faudrait peut-être faire, parce que nos forces sont limitées et les situations sont difficiles dans une société toujours plus diversifiée, plus compliquée. Je pense qu'il est surtout important que les fidèles puissent voir qu'un prêtre ne fait pas seulement son « job », son horaire de travail et puis qu'il est libre et vit uniquement pour lui-même, mais que c'est un homme passionné par le Christ, qui porte en lui le feu de l'amour du Christ. Si les fidèles voient que le curé est plein de la joie du Seigneur, ils comprennent aussi qu'il ne peut pas tout faire, ils acceptent ses limites et ils l'aident. C'est donc là qu'est le point le plus important : que l'on puisse voir et ressentir que le curé se sent réellement un appelé du Seigneur ; et qu'il est rempli de l'amour du Seigneur et des siens. S'il en est ainsi, on comprend, on peut aussi voir l'impossibilité de tout faire. Par conséquent, la première condition est d'être remplis de la joie de l'Evangile de tout notre être. Et puis il faut faire des choix, avoir des priorités, voir ce qui est possible et ce qui ne l'est pas. Et je dirais que les trois priorités fondamentales, nous les connaissons : ce sont les trois piliers de notre existence sacerdotale. Premièrement, l'Eucharistie et les sacrements : rendre possible et présente l'Eucharistie, surtout le dimanche, et autant que possible pour tous, et la célébrer de manière à ce qu'elle devienne réellement l'acte visible d'amour du Seigneur pour nous. Puis, l'annonce de la Parole dans toutes ses dimensions : du dialogue personnel jusqu'à l'homélie. Et le troisième point est la « caritas », l'amour du Christ : être présents pour ceux qui souffrent, pour les petits, les enfants, pour les personnes en difficulté, pour les exclus ; rendre réellement présent l'amour du Bon Pasteur. Et puis une priorité très importante est aussi la relation personnelle avec le Christ. Dans le bréviaire, le 4 novembre, nous lisons une belle homélie, un texte de saint Charles Borromée, un grand pasteur qui s'est vraiment donné totalement, et qui nous dit, à tous les prêtres : « Ne néglige pas ta propre âme : si ton âme est négligée tu ne peux pas donner aux autres tout ce que tu devrais donner. Donc pour toi-même également, pour ton âme tu dois avoir du temps ». En d'autres termes, la relation avec le Christ, le dialogue personnel avec le Christ est une priorité pastorale fondamentale, c'est la condition pour notre travail pour les autres ! Et la prière n'est pas une chose marginale : c'est réellement une « profession » pour le prêtre de prier, également comme représentant des personnes qui ne savent pas prier ou qui ne trouvent pas le temps de prier. La prière personnelle surtout, la prière des Heures, est la nourriture fondamentale pour notre âme, pour toute notre action. Et enfin, reconnaître nos limites, s'ouvrir aussi à cette humilité. Nous nous rappelons la scène de Marc, au chapitre 6, où les disciples sont « anxieux », ils veulent tout faire et le Seigneur leur dit : « Venez à l'écart et reposez-vous un peu » (cf. Mc 6, 31). Cela aussi est un travail pastoral, dirais-je : trouver et avoir l'humilité, le courage de se reposer. Et donc, je pense que la passion pour le Seigneur, l'amour pour le Seigneur, nous montre les priorités, les choix, nous aide à trouver la route. Et le Seigneur nous aidera. Merci à vous tous !
2. Question d'Afrique
Votre Sainteté, je m'appelle Mathias Agnero, et je viens d'Afrique, de Côte-d'Ivoire précisément. Vous êtes un Pape-théologien, tandis que nous, lorsque nous y parvenons, à peine lisons-nous quelques livres de théologie pour la formation. Il nous semble toutefois qu'une fracture s'est créée entre théologie et doctrine et, plus encore, entre théologie et spiritualité. On sent la nécessité que l'étude ne soit pas seulement académique, mais alimente notre spiritualité. Nous en ressentons le besoin dans notre propre ministère pastoral. Parfois la théologie ne semble pas avoir Dieu au centre et Jésus Christ comme premier « lieu théologique », mais elle a en revanche des goûts et des tendances diffuses ; et cela a pour conséquence la prolifération d'opinions subjectives qui permettent l'introduction, même dans l'Eglise, d'une pensée non-catholique. Comment ne pas être désorientés dans notre vie et dans notre ministère, lorsque c'est le monde qui juge la foi et non l'inverse ? Nous nous sentons en « décalage » !
Benoît XVI - Merci, vous touchez là un problème très difficile et douloureux. Il existe réellement une théologie qui se veut avant tout académique, qui veut apparaître scientifique, et oublie la réalité vitale, la présence de Dieu, sa présence parmi nous, sa parole prononcée aujourd'hui, et pas seulement dans le passé. Saint Bonaventure, à son époque, distinguait déjà deux formes de théologie. Il a dit : « il y a une théologie qui vient de l'arrogance de la raison, qui veut tout dominer, qui transforme Dieu de sujet en objet que nous étudions, alors qu'il devrait être le sujet qui nous parle et nous guide ». Cet abus de la théologie existe vraiment, cette arrogance de la raison qui ne nourrit pas la foi, mais voile la présence de Dieu dans le monde. Puis il y a une théologie qui veut connaître plus par amour de l'aimé, qui est stimulée par l'amour et guidée par l'amour, qui veut mieux connaître l'aimé. Et celle-ci est la vraie théologie qui vient de l'amour de Dieu, du Christ, et veut entrer plus profondément en communion avec le Christ. En réalité, les tentations aujourd'hui, sont grandes ; c'est surtout la fameuse « vision moderne du monde » (Bultmann, « modernes Weltbild ») qui s'impose, en devenant le critère de ce qui est possible ou impossible. Et ainsi, avec ce critère selon lequel rien ne change, selon lequel tous les événements historiques sont du même genre, on exclut précisément la nouveauté de l'Evangile, on exclut l'irruption de Dieu, la vraie nouveauté qui est la joie de notre foi. Que faire ? Je dirais d'abord aux théologiens : soyez courageux. Et je voudrais dire un grand merci aussi aux nombreux théologiens qui font du bon travail. Il y a des abus nous le savons, mais il y a dans toutes les parties du monde beaucoup de théologiens qui vivent réellement de la Parole de Dieu, qui se nourrissent de la méditation, qui vivent la foi de l'Eglise et veulent contribuer à rendre la foi présente dans notre monde d'aujourd'hui. A ces théologiens, je voudrais dire un grand « merci ». Et je dirais aux théologiens en général : « n'ayez pas peur de ce fantasme de la scientificité ! ». Je suis la théologie depuis 1946. J'ai commencé à étudier la théologie en janvier 1946. J'ai donc vu près de trois générations de théologiens. Et je peux dire que les hypothèses qui à cette époque-là, puis dans les années soixante-dix et quatre-vingts, étaient les plus nouvelles, absolument scientifiques, absolument presque dogmatiques, ont vieilli entre-temps et n'ont plus de valeur ! Beaucoup d'entre elles apparaissent presque ridicules. Il faut donc avoir le courage de résister à l'apparente scientificité, ne pas se soumettre à toutes les hypothèses du moment, mais penser réellement à partir de la grande foi de l'Eglise, qui est présente en tous temps et nous ouvre l'accès à la vérité. Surtout aussi ne pas penser que la raison positiviste qui exclut le transcendant - qui ne peut pas être accessible -, serait la vraie raison ! Cette raison faible, qui présente seulement les choses dont on peut faire l'expérience, est vraiment une raison insuffisante. Nous théologiens devons utiliser la grande raison, qui est ouverte à la grandeur de Dieu. Nous devons avoir le courage d'aller au-delà du positivisme jusqu'à la question des racines de l'être. Cela me semble d'une grande importance. Il faut donc avoir le courage de la grande, vaste raison, avoir l'humilité de ne pas se soumettre à toutes les hypothèses du moment, vivre de la grande foi de l'Eglise de tous les temps. Il n'y a pas une majorité contre la majorité des saints : la vraie majorité sont les saints dans l'Eglise et ce sont les saints qui doivent nous orienter ! Puis aux séminaristes et aux prêtres, je dis le même chose : pensez que les Saintes Ecritures ne sont pas un Livre isolé. Elles sont vivantes dans la communauté vivante de l'Eglise, qui est le même sujet dans tous les siècles et garantit la présence de la Parole de Dieu. Le Seigneur nous a donné l'Eglise comme sujet vivant, avec la structure des évêques en communion avec le Pape. Et cette grande réalité des évêques du monde en communion avec le Pape nous garantit le témoignage de la vérité permanente. Nous avons confiance dans ce magistère permanent de la communion des évêques avec le Pape qui représente la présence de la Parole. Et puis nous avons aussi confiance dans la vie de l'Eglise. Surtout, nous devons être critiques. La formation théologique, je voudrais m'adresser ici aux séminaristes, est certes très importante à notre époque. Nous devons bien connaître les Saintes Ecritures également contre les attaques des sectes ; nous devons être réellement des amis de la Parole. Nous devons aussi connaître les courants de notre époque pour pouvoir répondre de manière raisonnable, pour pouvoir rendre - comme le dit saint Pierre - « raison de notre foi ». La formation est très importante. Mais nous devons aussi être critiques. Le critère de la foi est le critère avec lequel il faut aussi voir les théologiens et les théologies. Le Pape Jean-Paul II nous a donné un point de référence absolument sûr dans le « Catéchisme de l'Eglise catholique » : nous y voyons la synthèse de notre foi et ce catéchisme est vraiment le critère pour voir où va une théologie acceptable ou non. Je recommande donc la lecture, l'étude de ce texte, et nous pouvons ainsi aller de l'avant avec une théologie critique au sens positif, c'est-à-dire critique contre les tendances de la mode et ouverte aux vraies nouveautés, à la profondeur inépuisable de la Parole de Dieu, qui se révèle nouvelle à toutes les époques, y compris la nôtre.
3. Question d'Europe
Très Saint-Père, je suis le père Karol Miklosko et je viens de l'Europe, de Slovaquie précisément, et je suis missionnaire en Russie. Quand je célèbre la messe je me trouve moi-même et je comprends que je rencontre là mon identité, la racine et l'énergie de mon ministère. Le sacrifice de la Croix me révèle le bon Pasteur, qui donne tout pour son troupeau, pour chacune de ses brebis. Et quand je dis : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang », donné et versé en sacrifice pour vous, alors je comprends la beauté du célibat et de l'obéissance, que j'ai librement promis au moment de l'ordination. Malgré les difficultés naturelles, le célibat me semble évident si l'on regarde le Christ, mais je suis bouleversé lorsque je lis tant de critiques du monde sur ce don. Je vous demande humblement, Très Saint-Père, de nous éclairer sur la profondeur et sur le sens authentique du célibat ecclésiastique.
Benoît XVI - Merci pour les deux parties de votre question. La première, où vous montrez le fondement permanent et vivant de notre célibat ; la seconde qui montre toutes les difficultés dans lesquelles nous nous trouvons à notre époque. La première partie est importante parce que le centre de notre vie doit être réellement la célébration quotidienne de la sainte Eucharistie. Les paroles de la consécration sont ici centrales : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang ». Nous parlons donc in persona Christi. Le Christ nous permet d'utiliser son « moi », nous parlons avec le « moi » du Christ, le Christ nous « attire en lui » et nous permet de nous unir, il nous unit avec son « moi ». Et ainsi à travers cette action, le fait qu'Il nous « attire » à lui de telle façon que notre « moi » s'unisse au sien, réalise la permanence, l'unicité de son sacerdoce. Ainsi il est réellement l'unique Prêtre, et toutefois il est très présent dans le monde, parce qu'il nous « attire » en lui et rend ainsi présente sa mission sacerdotale. Cela veut dire que nous sommes « attirés » dans le Dieu du Christ. C'est cette union avec son « moi » qui se réalise dans les paroles de la consécration. Même dans le « je t'absous » - parce que personne d'entre nous ne pourrait absoudre des péchés - c'est le « moi » du Christ, de Dieu, qui seul peut absoudre. Cette unification de son « moi » avec le nôtre implique que nous sommes « attirés » aussi dans sa réalité de Ressuscité. Nous allons de l'avant vers la vie pleine de la résurrection, dont Jésus parle aux Sadducéens, dans le chapitre 22 de Matthieu. C'est une vie « nouvelle » dans laquelle nous sommes déjà au-delà du mariage (cf. Mt 22, 23-32). L'important est que nous nous laissions toujours à nouveau pénétrer par cette identification du « moi » du Christ avec nous, par cette manière d'être « attirés vers l'extérieur » vers le monde de la résurrection. En ce sens, le célibat est une anticipation. Nous transcendons ce temps et nous allons de l'avant, en « attirant » ainsi nous-mêmes et notre temps vers le monde de la résurrection, vers la nouveauté du Christ, vers la vie nouvelle et vraie. Le célibat est donc une anticipation rendue possible par la grâce du Seigneur qui nous « attire » à lui, vers le monde de la résurrection ; il nous invite toujours à nouveau à nous transcender nous-mêmes, à transcender ce présent, vers le vrai présent de l'avenir qui devient présent aujourd'hui. Et nous sommes ici à un point très important. Un grand problème de la chrétienté, du monde d'aujourd'hui, est que l'on ne pense plus à l'avenir de Dieu : seul le présent de ce monde semble suffisant. Nous voulons avoir seulement ce monde, vivre seul dans ce monde. Et nous fermons ainsi les portes à la vraie grandeur de notre existence. Le sens du célibat comme anticipation de l'avenir est précisément d'ouvrir ces portes, de rendre le monde plus grand, de montrer la réalité de l'avenir qui doit être vécu par nous comme déjà présent. Vivre donc ainsi dans un témoignage de la foi : nous croyons réellement que Dieu existe, que Dieu a quelque chose à voir avec ma vie, que je peux fonder ma vie sur le Christ, sur la vie future. Et nous connaissons à présent les critiques du monde dont vous avez parlé. Il est vrai que pour le monde agnostique, le monde où Dieu n'a rien à voir, le célibat est un grand scandale, parce qu'il montre précisément que Dieu est considéré et vécu comme une réalité. Avec la vie eschatologique du célibat, le monde futur de Dieu entre dans la réalité de notre temps. Et cela devrait disparaître ! En un certain sens la critique permanente contre le célibat à une époque où il devient toujours plus à la mode de ne pas se marier pourrait surprendre. Mais ce non mariage est une chose totalement, fondamentalement différente du célibat, parce que le non mariage est basé sur la volonté de vivre uniquement pour soi-même, de ne pas accepter de lien définitif, de posséder la vie à chaque instant en pleine autonomie, de décider à chaque instant que faire, ce que prendre de la vie ; et donc un « non » au lien, un « non » au caractère définitif, une manière de posséder la vie seulement pour soi-même. Tandis que le célibat est précisément le contraire : c'est un « oui » définitif, c'est laisser Dieu nous prendre par la main, s'offrir entre les mains du Seigneur, dans son « moi » et donc c'est un acte de fidélité et de confiance, un acte qui suppose aussi la fidélité du mariage ; c'est précisément le contraire de ce « non », de cette autonomie qui ne veut pas se donner d'obligations, ne veut pas entrer dans un lien ; c'est précisément le « oui » définitif qui suppose, confirme le « oui » définitif du mariage. Et ce mariage est la forme biblique, la forme naturelle de l'être homme et femme, fondement de la grande culture chrétienne, des grandes cultures du monde. Et si cela disparaît, la racine de notre culture est détruite. C'est pourquoi le célibat confirme le « oui » du mariage avec son « oui » au monde futur, et nous voulons ainsi aller de l'avant et rendre présent ce scandale d'une foi qui fait reposer toute l'existence sur Dieu. Nous savons qu'à côté de ce grand scandale que le monde ne veut pas voir, il y a aussi des scandales secondaires de nos insuffisances, de nos péchés, qui cachent le vrai et grand scandale, et laissent penser : « Mais ils ne vivent pas réellement sur le fondement de Dieu ! ». Mais il y a une si grande fidélité ! Le célibat, et ce sont précisément les critiques qui le montrent, est un grand signe de la foi, de la présence de Dieu dans le monde. Prions le Seigneur pour qu'il nous aide à nous libérer des scandales secondaires, pour qu'il rende présent le grand scandale de notre foi : la confiance, la force de notre vie qui se fonde en Dieu et en Jésus Christ !
4. Question d'Asie
Très Saint-Père, je m'appelle Atsushi Yamashita et je viens de l'Asie, plus précisément du Japon. Le modèle sacerdotal que Votre Sainteté nous a proposé cette année, le curé d'Ars, voit au centre de l'existence et du ministère l'Eucharistie, la pénitence sacramentelle et personnelle et l'amour pour le culte, dignement célébré. J'ai devant les yeux les signes de la pauvreté austère de saint Jean-Marie Vianney, ainsi que sa passion pour les choses précieuses, pour le culte. Comment vivre ces dimensions fondamentales de notre existence sacerdotale sans tomber dans le cléricalisme ou dans un éloignement de la réalité, que le monde actuel ne nous permet pas ?
Benoît XVI - Merci. La question est donc comment vivre le caractère central de l'Eucharistie sans se perdre dans une vie purement cultuelle, éloignée de la vie de tous les jours des autres personnes. Nous savons que le cléricalisme a dans tous les siècles été une tentation des prêtres et il l'est encore aujourd'hui. Il est d'autant plus important de trouver la vraie façon de vivre l'Eucharistie, qui n'est pas une fermeture au monde, mais précisément l'ouverture aux besoins du monde. Nous devons garder à l'esprit le fait que dans l'Eucharistie se réalise ce grand drame de Dieu qui sort de lui-même, quitte - comme le dit la Lettre aux Philippiens - sa gloire, sort et s'abaisse jusqu'à devenir l'un de nous, s'abaisse jusqu'à la mort sur la croix (cf. Ph 2). L'aventure de l'amour de Dieu qui s'abandonne lui-même pour être avec nous - et cela devient présent dans l'Eucharistie ; le grand acte, la grande aventure de l'amour de Dieu est l'humilité de Dieu qui se donne à nous. Dans ce sens, il faut considérer l'Eucharistie comme l'entrée dans ce chemin de Dieu. Saint Augustin dit dans le livre X du De Civitate Dei : « Hoc est sacrificium Christianorum : multi unum corpus in Christo », c'est-à-dire : le sacrifice des chrétiens est d'être unis par l'amour du Christ dans l'unité de l'unique corps du Christ. Le sacrifice consiste précisément à sortir de nous-mêmes, à nous laisser attirer dans la communion de l'unique pain et de l'unique corps, et entrer ainsi dans la grande aventure de l'amour de Dieu. Nous devons ainsi toujours célébrer, vivre, méditer l'Eucharistie comme l'école de la libération de notre « moi » : entrer dans l'unique pain qui est le pain de tous, qui nous unit dans l'unique Corps du Christ. C'est pourquoi l'Eucharistie est donc, en soi, un acte d'amour, elle nous oblige à cette réalité de l'amour pour les autres : que le sacrifice du Christ est la communion de tous dans son Corps. C'est donc de cette façon que nous devons apprendre l'Eucharistie, qui est précisément le contraire du cléricalisme, de la fermeture sur soi. Pensons également à Mère Teresa, qui est vraiment le grand exemple dans ce siècle, à notre époque, d'un amour qui s'abandonne, qui laisse derrière lui toute sorte de cléricalisme, d'éloignement du monde, et qui va vers les plus marginalisés, les plus pauvres, les personnes proches de la mort, et qui se donne totalement à l'amour pour les pauvres, les exclus. Mais Mère Teresa, qui nous a donné cet exemple, et la communauté qui suit ses traces, plaçait toujours comme première condition de ses fondations la présence d'un tabernacle. Sans la présence de l'amour de Dieu qui se donne, il n'aurait pas été possible de réaliser cet apostolat, il n'aurait pas été possible de vivre dans cet abandon de soi ; ce n'est qu'en s'insérant dans cet abandon de soi en Dieu, dans cette aventure de Dieu, dans cette humilité de Dieu, qu'elles pouvaient et qu'elles peuvent réaliser aujourd'hui ce grand acte d'amour, cette ouverture à tous. Dans ce sens, je dirais que vivre l'Eucharistie dans son sens originel, dans sa véritable profondeur, est une école de vie, et la protection la plus sûre contre toute tentation de cléricalisme.
5. Question d'Océanie
Très Saint-Père, je m'appelle don Anthony Denton et je viens de l'Océanie, d'Australie. Nous sommes ici ce soir très nombreux. Mais nous savons que nos séminaires ne sont pas remplis de prêtres et qu'à l'avenir, dans diverses parties du monde, nous attend une baisse, même brutale. Que pouvons-nous faire de véritablement efficace pour les vocations ? Comment proposer notre vie, dans ce qu'elle a de grand et de beau, à un jeune de notre temps ?
Benoît XVI - Merci. Vous évoquez de nouveau un problème réellement important et douloureux de notre temps : le manque de vocations, à cause duquel les Eglises locales courent le risque de devenir arides car elle n'auront pas la Parole de vie, la présence du sacrement de l'Eucharistie et des autres sacrements. Que faire ? La tentation est grande de prendre nous-mêmes les choses en main, de transformer le sacerdoce - le sacrement du Christ, le fait d'être élu en lui - en une profession normale, en un job à heures fixes, et le reste du temps, n'appartenir qu'à soi-même ; le faisant ainsi devenir semblable à n'importe quelle autre vocation : le rendre accessible et facile. Mais il s'agit d'une tentation qui ne résout pas le problème. Cela me fait penser à l'histoire de Saül, le roi d'Israël qui avant la bataille contre les Philistins, attend Samuel pour le sacrifice nécessaire à Dieu. Et lorsque Samuel, le moment venu, ne vient pas, il accomplit lui-même le sacrifice, bien que n'étant pas prêtre (cf. 1 Sm 13) ; il pense ainsi résoudre le problème, mais naturellement, il ne le résout pas, car s'il prend lui-même en main ce qu'il ne peut pas faire, il se fait lui-même Dieu, ou presque, et il ne peut pas s'attendre à ce que les choses aillent vraiment dans le sens de Dieu. Et ainsi, si nous n'exercions nous-mêmes qu'une profession comme d'autres, en renonçant au caractère sacré, à la nouveauté, à la diversité du sacrement que seul Dieu donne, qui ne peut venir que de sa vocation et pas de notre « action », nous ne résoudrions rien. Nous devons d'autant plus - comme le Seigneur nous y invite -, prier Dieu, frapper à la porte, au cœur de Dieu, afin qu'il nous donne des vocations ; prier avec une grande insistance, avec une grande détermination, avec une grande conviction également, car Dieu ne se dérobe pas devant une prière insistante, permanente, confiante, même s'il laisse faire, attendre, comme dans le cas de Saul, au-delà des temps que nous avions prévus. Cela me semble le premier point : encourager les fidèles à avoir cette humilité, cette confiance, ce courage de prier avec insistance pour les vocations, de frapper au cœur de Dieu, afin qu'il nous donne des prêtres. J'ajouterais peut-être trois autres points à cela. Le premier : chacun de nous devrait faire de son mieux pour vivre son sacerdoce de façon à être convaincant, de façon à ce que les jeunes puissent dire : ça c'est une véritable vocation, on peut vivre comme ça, on fait ainsi quelque chose d'essentiel pour le monde. Je pense qu'aucun d'entre nous ne serait devenu prêtre s'il n'avait pas connu des prêtres convaincants dans lesquels brûlait le feu de l'amour du Christ. Ceci est donc le premier point : essayons nous-mêmes d'être des prêtres convaincants. Le deuxième point est que nous devons inviter, comme je l'ai déjà dit, à prendre l'initiative de la prière, à avoir cette humilité, cette confiance de parler avec Dieu avec force, avec décision. Et le troisième point : avoir le courage de parler avec les jeunes pour savoir s'ils peuvent penser que Dieu les appelle, car souvent, une parole humaine est nécessaire pour s'ouvrir à l'écoute de la vocation divine ; parler avec les jeunes et surtout également les aider à trouver un contexte vital dans lequel ils puissent vivre. Le monde d'aujourd'hui est tel qu'il semble presque exclu qu'une vocation sacerdotale puisse y mûrir. Les jeunes ont besoin de milieux dans lesquels on vit la foi, dans lesquels apparaît la beauté de la foi, dans lesquels cela apparaît comme un modèle de vie, « le » modèle de vie, et donc ils ont besoin qu'on les aide à trouver des mouvements ou une paroisse - la communauté au sein d'une paroisse -, ou d'autres contextes dans lesquels ils soient véritablement entourés de la foi, de l'amour de Dieu, et où ils puissent donc être ouverts afin que la vocation de Dieu arrive et les aide. Du reste, rendons grâces au Seigneur pour tous les séminaristes de notre temps, pour les jeunes prêtres, et prions. Le Seigneur nous aidera ! Merci à vous tous !
19 juin 2010
Homélie du 13 juin 2010- quatre perles de l'année sacerdotale
Homélie du 11ème dimanche du Temps Ordinaire - année C
P. Emmanuel d'Andigné
Je rentre de Rome, j’y ai passé cinq jours de grâce ; nous étions 33 prêtres d’Angers (de 36 à 89 ans) et15000 du monde entier ! Nous venions clôturer l’année sacerdotale, inaugurée durant la fête du Sacré-Cœur 2009 (19 juin), le grand rendez-vous étant pour la fête du Sacré-Cœur 2010, le 11 juin dernier.
Pourquoi la fête du Sacré-Cœur, et pourquoi en 2009 ? Il s’agissait du 150ème anniversaire de la naissance au Ciel de Saint Jean-Marie Vianney, modèle de sacerdoce, qui disait : « le sacerdoce, c’est l’amour du cœur de Jésus ». Cette phrase peut se comprendre dans les deux sens : l’amour que le prêtre a pour le cœur de Jésus, mais aussi l’amour que Jésus a pour tout les hommes à travers le sacerdoce du prêtre.
Le 31 mai, déjà, en l’honneur de cette même année sacerdotale, j’avais participé à Pontmain à la rencontre de 600 prêtres de tout le quart Nord-Ouest de l’Eglise de France (la province ecclésiastique de Rennes).
Je voudrais vous faire profiter de quatre perles de ces deux rassemblements, des choses toutes simples mais qui contiennent une grande force, il me semble. Les deux premières se situent à Pontmain, les deux suivantes à Rome, « attachez vos ceintures, laissez vos bagages les plus lourds dans la soute, attention eu décollage ! »
Le 31 mai, à l’heure du déjeuner : j’entends un de mes confrères dire du bien d’un autre prêtre … jusque là, rien d’extraordinaire ! Mais en l’écoutant, je mesurais le contraste énorme entre les deux prêtres… c’est tellement plus facile de critiquer ceux qui sont si différents de nous. J’étais dans l’admiration de ce prêtre.
Un peu plus tard, dans la même journée, j’apprends qu’un autre de mes confrères fait la « promotion » de son successeur qui arrive en septembre. Là encore, je mesure le contraste entre ces deux prêtres et je m’émerveille : en effet, il doit bien se douter, connaissant son confrère, que celui-ci ne va pas reproduire le modèle précédent et qu’il fera sûrement des choses avec lesquelles il ne serait pas du tout à l’aise …
Bien sûr, j’attribue ces deux petits « miracles » à La Vierge Marie, mais aussi à mes confrères qui ont « travaillé sur eux-mêmes » ! Je vous fais profiter de ces deux expériences cléricales, vous le comprenez, pour que vous les receviez comme une réalité ecclésiale : que chacun d’entre nous, là où il est, s’inspire des merveilles que le Puissant fait pour nous et des efforts que d’autres pécheurs que nous font pour correspondre à l’amour de Dieu …
C’est à Rome que se situent les deux autres perles. Les trois premiers jours de notre périple romain furent vécus entre nous, prêtres d’Angers, les deux derniers jours avec les 15 000 prêtres du monde entier.
Nous avons reçu, je crois pouvoir le dire, une grâce d’intériorité, cette grâce ayant eu deux instruments : le chant grégorien et Benoît XVI lui-même.
« Parmi les chants liturgiques, la première place revient au chant grégorien », nous dit le Concile Vatican II (Sacrosanctum Concilium, n° 116)
On pourrait croire que c’est en vertu de l’ancienneté de ce chant que s’exprime ainsi le Concile (d’où les problèmes d’idéologie que nous connaissons en France, entre nostalgie et fuite en avant), mais il me semble que c’est surtout en raison de la convergence entre ces deux réalités parfaitement complémentaires : le chant et la Parole de Dieu. Tout le monde sait bien que le Concile a voulu que le Peuple de Dieu ait davantage accès à la Parole de son Créateur et y a même consacré une constitution dogmatique (Dei Verbum). Or il est impossible de séparer le grégorien de la parole de Dieu …
Le chant, c’est le beau au service du culte et de la prière. J’en profite, d’ailleurs, pour remercier ceux qui se donnent de la peine pour que les liturgies soient belles. La Parole de Dieu, elle, est la nourriture et le guide de nos vies. Le chant grégorien n’est qu’une suite presque ininterrompue de citations de l’Ecriture, et il est bien connu que dans ce répertoire, le texte prime sur la musique (d’où les syllabes interminables qui permettent de s’attarder sur un mot, pour qu’il fasse son œuvre dans le cœur). C’est dans le même esprit que le synode diocésain, dans son principe n°6, encourageait la redécouverte du grégorien, et sans doute aussi parce que la demande en a été faite un peu partout dans le diocèse …
Nous avons pu expérimenter le réel pouvoir d’intériorisation de ce chant, au beau milieu d’une foule peu concentrée au départ ! Mais nous avons été conduit dans ce sens aussi par un autre « instrument » : Benoît XVI lui-même …
On l’avait remarqué aux JMJ (ça devient une « marque de fabrique ») : ce Pape à la capacité de mettre une foule en silence, même quand il s’agit de 500 000 jeunes surexcité ou 15 000 prêtres … un peu moins excités !
Benoît XVI se fait si discret qu’on en oublie le Pape pour n’être plus à ce moment-là qu’à Dieu et Dieu seul …
Tout ceci nous conduit à découvrir Dieu à l’intérieur de nous, plutôt que de courir à l’extérieur et à évangéliser en se faisant oublier, tout ce qui compte, c’est que Jésus soit connu et aimé !
P. Emmanuel d'Andigné
14 juin 2010
FÊTE du CORPS et du SANG du CHRIST – ANNEE C
6 JUIN 2010
Nous célébrons donc la solennité du Très Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ, couramment appelée « Fête- Dieu. »
Tous les sacrements sont saints, bien évidemment. Si, dans l’Eglise Catholique, on appelle l’Eucharistie le Très Saint Sacrement, c’est pour souligner à quel point ce sacrement rend présent l’acte suprême de Jésus livrant sa vie. Toute la vie du Christ est comme condensée dans cet acte. Et l’Eucharistie constitue le centre de la vie chrétienne.
C’est au XIème siècle, nous disent les historiens, que l’on commença, dans l’Eglise occidentale, à vénérer le Corps du Christ par des gestes significatifs, tels que l’élévation à la messe et la bénédiction du Saint Sacrement. Paradoxalement, la Fête- Dieu a été instituée à une époque où l’on communiait peu.
Sa première célébration date de 1246 à Liège, et c’est le pape Urbain IV qui, le 11 août 1264, étendait à toute l’Eglise cette fête du Corps du Christ. C’est sans doute saint Thomas d’Aquin qui a rédigé, à la demande du pape, les textes de la messe de cette fête. En tout cas, la célébration en devint effective dans la chrétienté au cours du XIVème siècle, et rapidement se développa l’habitude d’y accomplir, le jour de la fête, une procession du Saint Sacrement. Le clergé se mit à vouloir montrer le Saint Sacrement aux fidèles. Il plaça de façon visible des hosties dans ce qu’on appela ensuite des ostensoirs.
La date de la fête est normalement le jeudi qui suit le dimanche de la Sainte Trinité. Mais dans les pays où ce jour n’est pas chômé, comme en France, elle est célébrée le dimanche suivant.
Les lectures choisies pour cette année C relèvent des éléments importants en concordance avec cette fête. Melkisédek, roi et prêtre du Dieu Très- Haut, « fit apporter du pain et du vin », et il bénit Celui qui a donné la victoire, le Seigneur.
Dans sa première lettre aux Corinthiens, Saint Paul transmet l’essentiel de l’institution de l’Eucharistie, tel qu’il l’a reçu de la tradition, c’est-à-dire du Collège des Apôtres.
Ce que nous rapporte l’Evangile est chronologiquement bien antérieur à la lettre de Paul, mais il annonce déjà ce que va accomplir Jésus et il en donne le sens en grande partie. Le Christ nourrit son peuple, de façon miraculeuse, mais il appartiendra aux Douze de prendre la relève : « Donnez-leur vous- mêmes à manger. » Il ne s’agira pas de pain ou de poisson, mais de la Parole de Dieu.
« Tous mangèrent à leur faim », nous dit l’évangéliste, soulignant ainsi la puissance et la générosité du Christ. Jésus avait levé les yeux vers le Ciel et béni ce qu’il allait distribuer à tout le monde. Les disciples devront se souvenir de cette communication de Jésus avec son Père. Leur apostolat ne sera fructueux que si leur action est guidée par l’Esprit qui vient du Ciel.
Retenons quelques strophes de la séquence facultative de cette messe :
« Le Pain vivant, le Pain de vie,
Il est aujourd’hui proposé
Comme objet de tes louanges.
Ce que le Christ fit à la Cène,
Il ordonna qu’en sa mémoire,
Nous le fassions après Lui.
Ô Bon Pasteur, notre vrai Pain,
Ô Jésus, aie pitié de nous !
Nourris- nous et protège- nous.
Fais- nous voir les biens éternels
Dans la terre des vivants.
Toi qui sais tout et qui peux tout,
Toi qui sur terre nous nourris,
Conduis- nous au banquet du Ciel
Et donne- nous ton héritage
En compagnie de tes saints. »
Amen
Père Jean Rouillard
6 JUIN 2010
Nous célébrons donc la solennité du Très Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ, couramment appelée « Fête- Dieu. »
Tous les sacrements sont saints, bien évidemment. Si, dans l’Eglise Catholique, on appelle l’Eucharistie le Très Saint Sacrement, c’est pour souligner à quel point ce sacrement rend présent l’acte suprême de Jésus livrant sa vie. Toute la vie du Christ est comme condensée dans cet acte. Et l’Eucharistie constitue le centre de la vie chrétienne.
C’est au XIème siècle, nous disent les historiens, que l’on commença, dans l’Eglise occidentale, à vénérer le Corps du Christ par des gestes significatifs, tels que l’élévation à la messe et la bénédiction du Saint Sacrement. Paradoxalement, la Fête- Dieu a été instituée à une époque où l’on communiait peu.
Sa première célébration date de 1246 à Liège, et c’est le pape Urbain IV qui, le 11 août 1264, étendait à toute l’Eglise cette fête du Corps du Christ. C’est sans doute saint Thomas d’Aquin qui a rédigé, à la demande du pape, les textes de la messe de cette fête. En tout cas, la célébration en devint effective dans la chrétienté au cours du XIVème siècle, et rapidement se développa l’habitude d’y accomplir, le jour de la fête, une procession du Saint Sacrement. Le clergé se mit à vouloir montrer le Saint Sacrement aux fidèles. Il plaça de façon visible des hosties dans ce qu’on appela ensuite des ostensoirs.
La date de la fête est normalement le jeudi qui suit le dimanche de la Sainte Trinité. Mais dans les pays où ce jour n’est pas chômé, comme en France, elle est célébrée le dimanche suivant.
Les lectures choisies pour cette année C relèvent des éléments importants en concordance avec cette fête. Melkisédek, roi et prêtre du Dieu Très- Haut, « fit apporter du pain et du vin », et il bénit Celui qui a donné la victoire, le Seigneur.
Dans sa première lettre aux Corinthiens, Saint Paul transmet l’essentiel de l’institution de l’Eucharistie, tel qu’il l’a reçu de la tradition, c’est-à-dire du Collège des Apôtres.
Ce que nous rapporte l’Evangile est chronologiquement bien antérieur à la lettre de Paul, mais il annonce déjà ce que va accomplir Jésus et il en donne le sens en grande partie. Le Christ nourrit son peuple, de façon miraculeuse, mais il appartiendra aux Douze de prendre la relève : « Donnez-leur vous- mêmes à manger. » Il ne s’agira pas de pain ou de poisson, mais de la Parole de Dieu.
« Tous mangèrent à leur faim », nous dit l’évangéliste, soulignant ainsi la puissance et la générosité du Christ. Jésus avait levé les yeux vers le Ciel et béni ce qu’il allait distribuer à tout le monde. Les disciples devront se souvenir de cette communication de Jésus avec son Père. Leur apostolat ne sera fructueux que si leur action est guidée par l’Esprit qui vient du Ciel.
Retenons quelques strophes de la séquence facultative de cette messe :
« Le Pain vivant, le Pain de vie,
Il est aujourd’hui proposé
Comme objet de tes louanges.
Ce que le Christ fit à la Cène,
Il ordonna qu’en sa mémoire,
Nous le fassions après Lui.
Ô Bon Pasteur, notre vrai Pain,
Ô Jésus, aie pitié de nous !
Nourris- nous et protège- nous.
Fais- nous voir les biens éternels
Dans la terre des vivants.
Toi qui sais tout et qui peux tout,
Toi qui sur terre nous nourris,
Conduis- nous au banquet du Ciel
Et donne- nous ton héritage
En compagnie de tes saints. »
Amen
Père Jean Rouillard
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