Homélie du 2ème dimanche du Temps Ordinaire - Année B
La semaine dernière, il a fallu que j’administre en urgence l’Onction des malades : lorsque je suis arrivé à l’hôpital, il était en fait beaucoup trop tôt, car des soins intensifs étaient en cours, et nous avons beaucoup de temps avec la famille. J’ai donc eu le temps de leur dire que si j’étais arrivé trop tard, cette dame aurait reçu la grâce liée au sacrement des malades, même sans avoir eu les formes du sacrements (car le but du sacrement est de conférer la grâce, et Dieu fait ce qu’il veut de sa grâce : il a, certes, décidé de confier à l’Eglise l’intendance de la grâce, mais il arrive parfois que le maître fasse lui-même ce qu’il fait faire habituellement par ses serviteurs)
D’une manière identique, le baptême de désir est un vrai baptême.
Cependant, il arrive aussi parfois que ce ne soit pas la mort qui nous empêche de recevoir un sacrement : je pense à des catholiques en Afrique (ou dans le Caucase !) qui ne peuvent pas recevoir l’eucharistie pendant des semaines ou des mois, parce qu’ils ne peuvent recevoir la visite de leur curé, seulement de temps en temps, à cause des distances et de la qualité des routes.
Je pense aussi à ceux qui ne peuvent pas communier en raison de leur situation conjugale (les divorcés remariés, par exemple) et je leur recommande de désirer la grâce de Dieu, car la communion de désir est à la portée de tous et Dieu ne refuse pas la grâce à celui qui la lui demande !
Ça ne veut pas dire que tout se vaut, cela veut dire simplement, que,
en attendant que l’horizon s’ouvre, par exemple dans la mise au clair du lien conjugal précédent, Dieu donne ce qui est nécessaire pour que ces personnes vivent bien et puissent travailler à leur conversion.
Mais évidemment, ce serait parfaitement injuste et déséquilibré qu’on ne parle de conversion que pour eux et par pour les autres, sous prétexte que les autres n’ont pas connu l’échec : je partage pleinement ce sentiment d’injustice que j’ai si souvent entendu. La conversion, c’est pour tout le monde !
Et le désir, le désir spirituel, c’est la caractéristique de l’être humain, à la portée de tout le monde. Le désir (ce mot est si important !) permet en outre de bien situer la question de l’évangélisation.
En effet, l’évangélisation est rendue possible par ce que l’on pourrait appeler « le mystère du velcro ». Je cite Wikipédia :
« La bande auto-agrippante a été inventée en 1948 par Georges de Mestral. L'idée lui est venue lorsqu'en revenant d'une promenade à la campagne il remarqua qu'il était difficile d'enlever les fleurs de bardane accrochées à son pantalon et à la fourrure de son chien. Georges de Mestral les examina et découvrit la possibilité de faire adhérer deux matériaux de façon simple et réversible. Il développa rapidement la bande auto-agrippante et breveta son idée en 1951. De Mestral nomma son invention « VELCRO » qui est l'acronyme de velours et crochets. De nos jours les applications de ce système sont très nombreuses et le mot velcro est devenu un terme générique pour tous les types de bande auto-agrippante.
Il y a donc, c’est important- une « couche » crochet et une « couche » de velours ..
En tout homme se trouve le désir de Dieu (Dieu pouvant être remplacé par un écran, un ballon, une star, un sport …) un peu comme une bande velcro … et la grâce de Dieu, elle, est la deuxième bande de tissu : il me semble que c’est plutôt la bande de velours …
En effet, la bande de tissu qui « accroche » est pourvue en fait d’hameçons, et il ne faudrait pas qu’on s’imagine, nous humains, qu’en trouvant le bon hameçon, on soit sûrs d’attraper des poissons !
Je crois que c’est Dieu qui a déposé en l’homme le désir de Lui (le crochet) et que c’est Dieu, encore lui, qui fait comprendre de l’intérieur à quelqu’un combien douce est la grâce, combien le Seigneur est bon … (le velours).
En fait, je viens de faire l’éloge du désir : mais à la manière d’une oraison de l’Avent, qui dit ceci :
« Que notre prière, Seigneur, se fraie un chemin jusqu’à toi: suscite au cœur de ceux qui te servent les désirs purs, les désirs forts, qui les prépareront au mystère de l’incarnation de ton Fils. Lui qui règne avec toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen. »
P. Emmanuel d'Andigné