07 avril 2007

Homélies

Homélie du Jeudi saint 2007- 05 avril

« Allez ! de toutes les nations, faites des disciples … ». Cette exhortation à l’évangélisation est l’œuvre du Christ ressuscité … il s’agit alors d’une mission à l’extérieur de l’Eglise. Mais le jeudi soir, lorsque Jésus institue à la fois l’Eucharistie et le Sacerdoce, il donne une autre instruction à ses disciples, une mission à l’intérieur de l’Eglise : « de même que je vous ai lavé les pieds, de même, à votre tour, lavez-vous les pieds les uns aux autres (soyez des serviteurs les uns pour les autres) »

Nous avons là comme les deux côtés d’une pièce de monnaie … côté face : le témoignage de notre foi (à l’extérieur) … côté pile : le témoignage de la charité des chrétiens entre eux (à l’intérieur ) …Et puisque j’évoque l’image de la pièce de monnaie, je demande pour vous et pour moi à Dieu aujourd’hui, une grâce d’émerveillement devant le mystère de la foi : « il est grand, le trésor de la foi ! ». D’une certaine manière, la réussite de la nouvelle évangélisation dépend de la qualité de vie, à l’intérieur de la communauté chrétienne, comme le côté face dépend du côté pile : « c’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres qu’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples »

Le jeudi saint est riche de signification, mais je voudrais que nous nous attardions un peu sur cet aspect de service les uns des autres, en essayant d’être concrets. Que pourrait bien signifier « nous laver les pieds les uns aux autres » dans le contexte de notre vie familiale et paroissiale ?

Trois choses me frappent dans le lavement des pieds, que je regarde comme vous dans l’évangile, et j’en tire trois leçons.

Tout d’abord, ce que nous pourrions appeler la « cascade du service ». Tout à l’heure, vous verrez, je laverai les pieds d’un prêtre, qui à son tour reproduira le geste pour d’autres personnes, comme une invitation à reproduire à l’infini ce sens du service dont nous bénéficions et dont nous gratifierons les autres. La sagesse ancienne disait "ne fais pas aux autres ce que tu redoutes pour toi de la part des autres". La sagesse évangélique, quant à elle, dit le contraire, et c’est mille fois plus percutant : "fais aux autres le bien que tu voudrais que les autres fassent pour toi" (Matthieu, 7,12). La sagesse ancienne avait prononcé l’autre phrase pour limiter les dégâts dans la vie en société, Jésus dans l’évangile lance un appel à l’imagination pour inventer à l’infini de nouvelles manières d’aimer. Je vous propose, dans les prochains jours, d’imaginer une chose gratuite, pour quelqu’un que vous connaissez bien, une preuve d’attention qui n’était pas attendue, un bonus de charité fraternelle, qui pourrait être un coup de fil, un courrier, un cadeau … Jésus m’a manifesté son amour dans l’Eucharistie, il a donné sa vie pour moi sur la croix, je veux faire retomber sur une personne de mon entourage la « cascade » de la charité du Christ.

Une seconde chose me frappe dans le lavement des pieds … Jésus se met plus bas que ses apôtres, lui qui est pourtant Dieu et tout-puissant

Il y aurait beaucoup à dire sur cet abaissement, et sur ses conséquences pratiques
(d’ailleurs, une homélie, c’est plus une liste d’ingrédients qu’une recette toute faite, vous pourrez continuer la méditation chez vous), je choisis simplement une maladie
dont nous souffrons tous, et qui consiste justement à se mettre au-dessus des autres : je veux parler de la critique et du jugement. Voici ce qu’écrit Saint Paul : « Frères, cessez de dire du mal les uns des autres ; dire du mal de son frère ou juger son frère, c'est dire du mal de la Loi et juger la Loi. Or, si tu juges la Loi, tu n'en es plus le fidèle sujet, tu en es le juge. Un seul est à la fois législateur et juge, celui qui a le pouvoir de sauver et de perdre. Pour qui te prends-tu donc, toi qui juges ton prochain ? »

Si le Fils de Dieu lui-même, Jésus, s’est fait plus petit que ses apôtres, eh bien nous devons faire de même, ou plutôt, nous ne devons pas faire le contraire, c’est-à-dire nous mettre au-dessus de l’autre par la critique ou le jugement. Cela n’empêche pas d’avoir de l’esprit critique, et Dieu s’il faut en avoir en période électorale, ce qui nous est demandé, c’est de toujours aimer les personnes, et de juger les actes ou les situations seulement.

Jésus montre l’exemple, Jésus se met plus bas que ses disciples, et je contemple avec vous une troisième caractéristique très belle du lavement des pieds : ce geste du christ est une relation de personne à personne …

Jésus n’a pas méprisé la relation à la foule, il l’a même souvent haranguée, mais pour le lavement des pieds, il révèle que le service des autres est avant tout un acte unique qui s’adresse le plus souvent à une personne à la fois … c’est une invitation à l’attention fraternelle : attention à celui qui vient dans la paroisse pour la première fois, attention à la personne qui est dans le même rang que moi, attention à cette personne que je vois tous les dimanche. Nous gagnerions, c’est sûr, à être attentifs les uns aux autres, y compris si nous sommes nouveaux, il y a peut-être des anciens qui seraient heureux que des nouveaux viennent à leur rencontre …

Demandons à l’Esprit-Saint d’achever en nous cette méditation, et que de l’extérieur on soit forcé de dire : « voyez comme ils s’aiment »
P. Emmanuel d'Andigné

Aucun commentaire: