Avant de vous faire un rapport de voyage de mon escapade à Taizé, je voudrais vous signaler un mot grec que la traduction liturgique a choisi de rendre par le mot « pleurer », penthéo, mais il est bon de savoir que ce mot, dans le Nouveau Testament désigne dans 9 cas sur 14 (tout de même …) la situation précise du deuil ; les 5 autres cas parlent de tristesse sans précision, tout en sachant qu’il pourrait s’agir du deuil …
Cela signifie que l’on aurait pu traduire la fameuse béatitude (certains l’ont fait) par « heureux ceux qui prennent le deuil, ils seront consolés … »
On sait bien, en effet, que la Toussaint fait penser tout le monde à la question de la mort, eh bien l’Evangile de la Toussaint n’est pas seulement là pour nous montrer que la sainteté consiste à vivre conformément aux Béatitudes (c’est une bonne chose de le savoir …), mais aussi une puissante annonce de la résurrection, et que toutes les peines d’ici-bas, dont la mort est sans doute la reine, je cite « sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous » (Rm 8,18)
Mais je ne quitte pas la fête de tous les saints, en vous faisant un premier rapport de voyage de mon court séjour à Taizé, avec quelques centaines de lycéens, cette semaine : je ne m’attarderai que sur deux toutes petites choses
Cette semaine à Taizé, il y a eu une canonisation ! En effet, au cours d’une conversation entre jeunes, l’une d’eux déclara : « Frère Roger, puisqu’il est saint, … »
On sait bien que, objectivement, il est impossible de le canoniser, puisqu’il n’était pas catholique, mais je retiens de cette « canonisation du cœur » une certaine définition de la sainteté et cette définition s’inspire de la vie de cet homme : la sainteté, c’est de l’œcuménisme intérieur. Le saint, c’est sans doute quelqu’un d’unifié, il n’y a pas deux personnages en lui, il n’y en a qu’un. Cela produit deux effets en lui : une grande paix intérieure, et un rayonnement spirituel qui n’échappe à personne.
Comme vous le savez, comme vous l’avez compris, le pontificat du Pape Benoît XVI est très fortement marqué par l’œcuménisme . En effet, le jour de son élection, il prononça une parole qui passa pratiquement inaperçue, mais que certains ont saisi comme une allusion, en fait très claire, à l’œcuménisme : « Andiamo avanti ! » Quelques années auparavant, le Cardinal Ratzinger avait expliqué, dans son livre « voici quel est notre Dieu » que cette expression convenait particulièrement aux grands oecuménistes …
L’histoire a donné raison à ceux qui avait saisi l’allusion, puisque le Saint-Père multiplie, depuis 2005, les gestes dans toutes directions possibles, afin de surmonter les divisions de l’unique Eglise du Christ. Et voici ce qu’il déclara dès 1982 : « mon diagnostic sur les rapports entre l’Orient et l’Occident dans l’Eglise est le suivant : une unité ecclésiale est théologiquement possible en principe entre l’Orient et l’Occident, mais elle n’est pas encore assez préparée spirituellement, et donc, pratiquement, pas encore mûre »
Cela signifie que la recherche de l’unité doit être préparée par « l’œcuménisme intérieur », à savoir la sainteté !
Et lorsque les jeunes se penchent un peu sur eux-mêmes, en particulier dans la préparation du sacrement du pardon, ils finissent par découvrir que leur être est comme « éclaté » par mille désirs, mille directions contradictoires, mille gadgets électroniques et découvrent l’extraordinaire simplicité de Dieu dans une communauté comme Taizé ou dans n’importe quel monastère.
Les divisions dans l’Eglise ne sont que le reflet de nos divisions intérieures, que la fréquentation de Dieu contribue à éliminer.
Je me souviendrai toute ma vie de la question que le cardinal Lustiger nous avait posée, en 1997, sur le champ de Mars, pour l’ouverture des JMJ de Paris : « quel est votre désir ? ». « Quel est votre désir ? » au singulier ! Il faisait appel à ce qu’il y a de plus profond en nous et non aux mille sollicitations qui dispersent notre être. Et ceci n’est pas réservé à la jeunesse …
A tous ceux qui, comme nous, pourraient être découragés à l’idée de se lancer dans cette unifcation un peu exceptionnelle que l’on voit chez les saints, le curé d’Ars disait : « les saints n’ont pas toujours bien commencé, mais ils ont toujours bien terminé »
Parole encourageante, pour que nous recommencions, aujourd’hui, à unifier notre être pour l’orienter vers Dieu.
A propos de parole encourageante, j’ai relevé une partie de l’enseignement d’un frère de Taizé qui parlait des béatitudes, justement, et qui faisait remarquer aux jeunes que le tout début de l’enseignement de Jésus (les béatitudes) était un encouragement, suivi d’ailleurs par un autre encouragement : « vous êtes le sel de la Terre »
Le curé, d’Ars, encore lui, disait à l’envi qu’il fallait passer plus de temps à encourager le bien qu’à dénoncer le mal : mal qu’il dénonçait abondamment, bien qu’il soulignait encore plus …
Nous avons là une indication sur la pédagogie de Dieu à notre égard et donc sur celle que nous devons avoir dans nos relations avec les jeunes et les enfants avec, donc, ce léger déséquilibre en faveur de l’encouragement.
Heureux sommes-nous, en effet, de préparer un bonheur éternel avec Dieu et d’éprouver déjà un peu ce bonheur, dans la foi, dans l’Espérance et dans la charité !
P. Emmanuel d'Andigné
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