Homélie du 29ème dimanche du temps ordinaire - Année B
Mercredi, j’ai eu la chance de faire un pèlerinage au Mont Saint-Michel avec des lycéens. Nous avons parlé de l’appel à la vie religieuse et à la vie sacerdotale et j’ai tenu à aborder les deux questions qui souvent posent problème à notre époque, à savoir : le célibat des prêtres et l’ordination réservée aux hommes (j’espère qu’on prendra le temps de traiter ces questions au cours de l’année sacerdotale !!!)
Après mon intervention, j’ai eu une longue conversation avec quelques lycéens, et en creusant avec eux, j’ai eu l’occasion de débusquer ce qui me paraît une des origines du problèmes, et l’origine est tellement lointaine
qu’on ne voit plus où cela remonte …
Une fois de plus, l’Evangile nous donne la clé : le pouvoir, c’est la question du pouvoir qui finalement installe en nous une façon qui n’est pas juste d’aborder le problème de savoir qui a droit ou non à l’ordination ( « accorde-nous de siéger, l’un à ta droite … »).
On considère spontanément, et c’est un peu normal puisque c’est ainsi dans de nombreux autres domaines, le sacerdoce comme un instrument de pouvoir, et il est vrai que, comme son nom l’indique le prêtre peut faire des choses, il a donc un pouvoir, et que celui qui ne peut pas faire les mêmes choses n’a pas le même pouvoir …
Il y a donc comme deux niveaux dans le pouvoir : le premier niveau qui est la capacité de faire quelque chose, et les devoirs qui y sont liés, et l’autre qui l’utilisation de cette capacité pour un usage personnel, comme une arme de domination. On franchit la frontière entre ces deux régions de l’âme en raison du péché fondamental : l’orgueil. Le livre de la Genèse a décrit admirablement cette maladie spirituelle, « vous serez comme des dieux », comme Dieu qui est tout-puissant … Il peut tout, il a tous les pouvoirs, ne voudriez-vous pas être comme Dieu ?
Dieu ne manque pas d’humour, d’avoir fait en sorte que le modèle des prêtres, l’un des meilleurs prêtres que l’histoire ait porté, le Curé d’Ars, soit un ignorant, qui parlait mal et le français et le latin, car sa langue était plutôt le patois, et d’ailleurs la patronne de notre paroisse, par exemple, partage avec lui cette caractéristique de mieux parler patois que français …
A propos du pouvoir des prêtres, il me semble que l’on peut dire trois choses :
la première, c’est que lorsque Jésus inventa les prêtres (si vous me passez l’expression), il prit soin d’en faire d’abord des diacres, en leur lavant les pieds pour leur faire comprendre que le douanier qui empêche l’homme de franchir la frontière entre le simple pouvoir (celui qui consiste à pouvoir faire quelque chose) et le pouvoir orgueilleux, c’est le service. Nous devons faire en sorte que le sens du service purifie la soif de domination que le péché met dans notre cœur.
En toute logique, donc, lorsque l’Eglise ordonne un prêtre, elle prend toujours soin, d’abord, d’en faire un diacre, un serviteur, comme pour le prévenir et le soumettre à un test : es-tu capable de servir, ou veux-tu te servir ? …
La seconde chose, c’est que Jésus prévient ses disciples que ceux qui le suivront de près sur le chemin de sa gloire (ceux-là même qui demandaient de siéger à sa droite et à sa gauche !) devront lui emboîter le pas dans sa passion auparavant : la « coupe » dont Jésus parle est la même que celle dont il parlera un peu plus tard le jeudi saint, et c’est bien sûr la passion et la croix. Celui qui suit Jésus et qui s’en trouve honoré doit savoir qu’i n’est pas plus grand que son maître et qu’il connaîtra des tourments semblables.
Enfin, pour revenir à la question des hommes et des femmes quant à l’ordination, le Pape Jean-Paul II, dans une magnifique note sur ce sujet (« ordinatio sacerdotalis ») rappelle que personne n’a le droit à l’ordination, pas plus un homme qu’une femme, ce n’est jamais un droit, ou une revendication, c’est un appel, dont les règles ont été fixées par Jésus, et dont Jésus reste le maître encore aujourd’hui.
Jésus n’a réuni que des hommes autour de lui, ce jour-là, lorsqu’il inventa les prêtres, faisant un choix très clair et aussi très libre : on pense facilement aujourd’hui, un peu naïvement, que si Jésus avait vécu à notre époque, il aurait agi différemment, mais ça ne résiste pas à l’analyse : il n’a cessé, pendant trois ans, de s’asseoir sur toutes les conventions étriquées de son époque… on imagine mal comment, la veille de sa mort, il aurait pu craindre une convention de plus, et n’appeler que des hommes pour avoir la paix avec son entourage (ça ne tient pas debout) …
En outre, nous sommes en train de parler du Fils de Dieu, libre s’il en est, parfaitement libre, y compris libre par rapport à la façon dont le pouvoir s’exerçait à l’époque, de sorte que son choix avait des profondeurs que nous ne connaîtrons jamais bien ici-bas car nous considérons inconsciemment le sacerdoce comme une façon de dominer et non comme un lieu de service …
Lorsque le Pape Jean-Paul abordait cette question, il terminait son intervention en adressant aux femmes une interpellation, que je résume ainsi : quelle est l’originalité de votre vocation ? Qu’avez-vous que les hommes n’ont pas ? Quel est votre pouvoir, dans le sens : quelles sont les capacités que Dieu a déposées en vous et quel est votre génie propre ?
Il ne faudrait pas que orgueil nous oblige à faire de l’homme un modèle pour la femme, un modèle qu’il faudrait égaler, car homme et femme ont tous deux même modèle, Dieu, qui n’est ni un homme ni une femme. Et ce que Dieu veut, c’est l’épanouissement de chacun de ses enfants, plutôt qu’une équation sociale.
Tournons vers la Vierge Marie, accomplissement éminent d’une vocation, avec les mots du même Jean-Paul II dans Redemptoris Missio :
Toute l'Eglise est invitée à vivre plus intensément le mystère du Christ, en collaborant dans l'action de grâce à l'œuvre du salut. Elle le fait avec Marie et comme Marie, sa mère et son modèle. Marie est le modèle de l'amour maternel dont doivent être animés tous ceux qui, associés à la mission apostolique de l'Eglise, travaillent à la régénération des hommes. C'est pourquoi, « soutenue par la présence du Christ [...], l'Eglise marche au cours du temps vers la consommation des siècles et va à la rencontre du Seigneur qui vient; mais sur ce chemin [...], elle progresse en suivant l'itinéraire accompli par la Vierge Marie »177.
C'est à la « médiation de Marie, tout orientée vers le Christ et tendue vers la révélation de sa puissance salvifique »178, que je confie l'Eglise et en particulier ceux qui se consacrent à la mise en œuvre du précepte missionnaire dans le monde d'aujourd'hui"
Après mon intervention, j’ai eu une longue conversation avec quelques lycéens, et en creusant avec eux, j’ai eu l’occasion de débusquer ce qui me paraît une des origines du problèmes, et l’origine est tellement lointaine
qu’on ne voit plus où cela remonte …
Une fois de plus, l’Evangile nous donne la clé : le pouvoir, c’est la question du pouvoir qui finalement installe en nous une façon qui n’est pas juste d’aborder le problème de savoir qui a droit ou non à l’ordination ( « accorde-nous de siéger, l’un à ta droite … »).
On considère spontanément, et c’est un peu normal puisque c’est ainsi dans de nombreux autres domaines, le sacerdoce comme un instrument de pouvoir, et il est vrai que, comme son nom l’indique le prêtre peut faire des choses, il a donc un pouvoir, et que celui qui ne peut pas faire les mêmes choses n’a pas le même pouvoir …
Il y a donc comme deux niveaux dans le pouvoir : le premier niveau qui est la capacité de faire quelque chose, et les devoirs qui y sont liés, et l’autre qui l’utilisation de cette capacité pour un usage personnel, comme une arme de domination. On franchit la frontière entre ces deux régions de l’âme en raison du péché fondamental : l’orgueil. Le livre de la Genèse a décrit admirablement cette maladie spirituelle, « vous serez comme des dieux », comme Dieu qui est tout-puissant … Il peut tout, il a tous les pouvoirs, ne voudriez-vous pas être comme Dieu ?
Dieu ne manque pas d’humour, d’avoir fait en sorte que le modèle des prêtres, l’un des meilleurs prêtres que l’histoire ait porté, le Curé d’Ars, soit un ignorant, qui parlait mal et le français et le latin, car sa langue était plutôt le patois, et d’ailleurs la patronne de notre paroisse, par exemple, partage avec lui cette caractéristique de mieux parler patois que français …
A propos du pouvoir des prêtres, il me semble que l’on peut dire trois choses :
la première, c’est que lorsque Jésus inventa les prêtres (si vous me passez l’expression), il prit soin d’en faire d’abord des diacres, en leur lavant les pieds pour leur faire comprendre que le douanier qui empêche l’homme de franchir la frontière entre le simple pouvoir (celui qui consiste à pouvoir faire quelque chose) et le pouvoir orgueilleux, c’est le service. Nous devons faire en sorte que le sens du service purifie la soif de domination que le péché met dans notre cœur.
En toute logique, donc, lorsque l’Eglise ordonne un prêtre, elle prend toujours soin, d’abord, d’en faire un diacre, un serviteur, comme pour le prévenir et le soumettre à un test : es-tu capable de servir, ou veux-tu te servir ? …
La seconde chose, c’est que Jésus prévient ses disciples que ceux qui le suivront de près sur le chemin de sa gloire (ceux-là même qui demandaient de siéger à sa droite et à sa gauche !) devront lui emboîter le pas dans sa passion auparavant : la « coupe » dont Jésus parle est la même que celle dont il parlera un peu plus tard le jeudi saint, et c’est bien sûr la passion et la croix. Celui qui suit Jésus et qui s’en trouve honoré doit savoir qu’i n’est pas plus grand que son maître et qu’il connaîtra des tourments semblables.
Enfin, pour revenir à la question des hommes et des femmes quant à l’ordination, le Pape Jean-Paul II, dans une magnifique note sur ce sujet (« ordinatio sacerdotalis ») rappelle que personne n’a le droit à l’ordination, pas plus un homme qu’une femme, ce n’est jamais un droit, ou une revendication, c’est un appel, dont les règles ont été fixées par Jésus, et dont Jésus reste le maître encore aujourd’hui.
Jésus n’a réuni que des hommes autour de lui, ce jour-là, lorsqu’il inventa les prêtres, faisant un choix très clair et aussi très libre : on pense facilement aujourd’hui, un peu naïvement, que si Jésus avait vécu à notre époque, il aurait agi différemment, mais ça ne résiste pas à l’analyse : il n’a cessé, pendant trois ans, de s’asseoir sur toutes les conventions étriquées de son époque… on imagine mal comment, la veille de sa mort, il aurait pu craindre une convention de plus, et n’appeler que des hommes pour avoir la paix avec son entourage (ça ne tient pas debout) …
En outre, nous sommes en train de parler du Fils de Dieu, libre s’il en est, parfaitement libre, y compris libre par rapport à la façon dont le pouvoir s’exerçait à l’époque, de sorte que son choix avait des profondeurs que nous ne connaîtrons jamais bien ici-bas car nous considérons inconsciemment le sacerdoce comme une façon de dominer et non comme un lieu de service …
Lorsque le Pape Jean-Paul abordait cette question, il terminait son intervention en adressant aux femmes une interpellation, que je résume ainsi : quelle est l’originalité de votre vocation ? Qu’avez-vous que les hommes n’ont pas ? Quel est votre pouvoir, dans le sens : quelles sont les capacités que Dieu a déposées en vous et quel est votre génie propre ?
Il ne faudrait pas que orgueil nous oblige à faire de l’homme un modèle pour la femme, un modèle qu’il faudrait égaler, car homme et femme ont tous deux même modèle, Dieu, qui n’est ni un homme ni une femme. Et ce que Dieu veut, c’est l’épanouissement de chacun de ses enfants, plutôt qu’une équation sociale.
Tournons vers la Vierge Marie, accomplissement éminent d’une vocation, avec les mots du même Jean-Paul II dans Redemptoris Missio :
Toute l'Eglise est invitée à vivre plus intensément le mystère du Christ, en collaborant dans l'action de grâce à l'œuvre du salut. Elle le fait avec Marie et comme Marie, sa mère et son modèle. Marie est le modèle de l'amour maternel dont doivent être animés tous ceux qui, associés à la mission apostolique de l'Eglise, travaillent à la régénération des hommes. C'est pourquoi, « soutenue par la présence du Christ [...], l'Eglise marche au cours du temps vers la consommation des siècles et va à la rencontre du Seigneur qui vient; mais sur ce chemin [...], elle progresse en suivant l'itinéraire accompli par la Vierge Marie »177.
C'est à la « médiation de Marie, tout orientée vers le Christ et tendue vers la révélation de sa puissance salvifique »178, que je confie l'Eglise et en particulier ceux qui se consacrent à la mise en œuvre du précepte missionnaire dans le monde d'aujourd'hui"
P. Emmanuel d'Andigné
BONUS ! Voici le texte intégral du texte de Jean-Paul II sur l'ordination réservée aux hommes
LETTRE APOSTOLIQUEORDINATIO SACERDOTALIS DU PAPE JEAN-PAUL IISUR L'ORDINATION SACERDOTALEEXCLUSIVEMENT RÉSERVÉEAUX HOMMES
Vénérables Frères dans l'épiscopat,
1. L'ordination sacerdotale, par laquelle est transmise la charge, confiée par le Christ à ses Apôtres, d'enseigner, de sanctifier et de gouverner les fidèles, a toujours été, dans l'Église catholique depuis l'origine, exclusivement réservée à des hommes. Les Églises d'Orient ont, elles aussi, fidèlement conservé cette tradition.
Lorsque, dans la Communion anglicane, fut soulevée la question de l'ordination des femmes, le Pape Paul VI, fidèle à sa charge de gardien de la Tradition apostolique et désireux de lever un nouvel obstacle placé sur le chemin qui mène à l'unité des chrétiens, rappela à ses frères anglicans la position de l'Église catholique: «Celle-ci tient que l'ordination sacerdotale des femmes ne saurait être acceptée, pour des raisons tout à fait fondamentales. Ces raisons sont notamment: l'exemple, rapporté par la Sainte Écriture, du Christ qui a choisi ses Apôtres uniquement parmi les hommes; la pratique constante de l'Église qui a imité le Christ en ne choisissant que des hommes; et son magistère vivant qui, de manière continue, a soutenu que l'exclusion des femmes du sacerdoce est en accord avec le plan de Dieu sur l'Église»(1).
Mais, la question ayant été débattue même parmi les théologiens et dans certains milieux catholiques, le Pape Paul VI demanda à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi d'exposer et de clarifier la doctrine de l'Église sur ce point. Ce fut l'objet de la Déclaration Inter insigniores, que le Pape lui-même approuva et ordonna de publier(2).
2. La Déclaration reprend et développe les fondements de cette doctrine, exposés par Paul VI, et conclut que l'Église «ne se considère pas autorisée à admettre les femmes à l'ordination sacerdotale»(3). À ces raisons fondamentales, le même document ajoute d'autres raisons théologiques qui mettent en lumière la convenance de cette disposition divine et il montre clairement que la pratique suivie par le Christ n'obéissait pas à des motivations sociologiques ou culturelles propres à son temps. Comme le précisa plus tard le Pape Paul VI, «la véritable raison est que le Christ en a disposé ainsi lorsqu'il a donné à l'Église sa constitution fondamentale et l'anthropologie théologique qui a toujours été observée ensuite par la Tradition de cette même Église»(4).
Dans la Lettre apostolique Mulieris dignitatem, j'ai moi-même écrit à ce sujet: «En n'appelant que des hommes à être ses Apôtres, le Christ a agi d'une manière totalement libre et souveraine. Il l'a fait dans la liberté même avec laquelle il a mis en valeur la dignité et la vocation de la femme par tout son comportement, sans se conformer aux usages qui prévalaient ni aux traditions que sanctionnait la législation de son époque»(5).
En effet, les Évangiles et les Actes des Apôtres montrent bien que cet appel s'est fait selon le dessein éternel de Dieu: le Christ a choisi ceux qu'il voulait (cf. Mc 3,13-14; Jn 6,70) et il l'a fait en union avec le Père, «par l'Esprit Saint» (Ac 1,2), après avoir passé la nuit en prière (cf. Lc 6,12). C'est pourquoi, pour l'admission au sacerdoce ministériel(6), l'Église a toujours reconnu comme norme constante la manière d'agir de son Seigneur dans le choix des douze hommes dont il a fait le fondement de son Église (cf. Ap 21,14). Et ceux-ci n'ont pas seulement reçu une fonction qui aurait pu ensuite être exercée par n'importe quel membre de l'Église, mais ils ont été spécialement et intimement associés à la mission du Verbe incarné lui-même (cf. Mt 10,1.7-8; 28,16-20; Mc 3,13-16; 16,14-15). Les Apôtres ont fait de même lorsqu'ils ont choisi leurs collaborateurs(7), qui devaient leur succéder dans le ministère(8). Dans ce choix se trouvaient inclus ceux qui, dans le temps de l'Église, continueraient la mission confiée aux Apôtres de représenter le Christ Seigneur et Rédempteur(9).
3. D'autre part, le fait que la très sainte Vierge Marie, Mère de Dieu et Mère de l'Église, n'ait reçu ni la mission spécifique des Apôtres ni le sacerdoce ministériel montre clairement que la non-admission des femmes à l'ordination sacerdotale ne peut pas signifier qu'elles auraient une dignité moindre ni qu'elles seraient l'objet d'une discrimination; mais c'est l'observance fidèle d'une disposition qu'il faut attribuer à la sagesse du Seigneur de l'univers.
La présence et le rôle de la femme dans la vie et dans la mission de l'Église, bien que non liés au sacerdoce ministériel, demeurent absolument nécessaires et irremplaçables. Comme l'a observé la Déclaration Inter insigniores, «l'Église souhaite que les femmes chrétiennes prennent pleinement conscience de la grandeur de leur mission: leur rôle sera capital aujourd'hui, aussi bien pour le renouvellement et l'humanisation de la société que pour la redécouverte, parmi les croyants, du vrai visage de l'Église»(10). Le Nouveau Testament et l'ensemble de l'histoire de l'Église montre abondamment la présence, dans l'Église, de femmes qui furent de véritables disciples et témoins du Christ, dans leurs familles et dans leurs professions civiles, ainsi que dans la consécration totale au service de Dieu et de l'Évangile. «L'Église, en effet, en défendant la dignité de la femme et sa vocation, a manifesté de la gratitude à celles qui, fidèles à l'Évangile, ont participé en tout temps à la mission apostolique de tout le Peuple de Dieu, et elle les a honorées. Il s'agit de saintes martyres, de vierges, de mères de famille qui ont témoigné de leur foi avec courage et qui, par l'éducation de leurs enfants dans l'esprit de l'Évangile, ont transmis la foi et la tradition de l'Église»(11).
D'autre part, c'est à la sainteté des fidèles que se trouve totalement ordonnée la structure hiérarchique de l'Église. Voilà pourquoi, rappelle la Déclaration Inter insigniores, «le seul charisme supérieur, qui peut et doit être désiré, c'est la charité (cf. 1 Co 12-13). Les plus grands dans le Royaume des Cieux, ce ne sont pas les ministres, mais les saints»(12).
4. Bien que la doctrine sur l'ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes ait été conservée par la Tradition constante et universelle de l'Église et qu'elle soit fermement enseignée par le Magistère dans les documents les plus récents, de nos jours, elle est toutefois considérée de différents côtés comme ouverte au débat, ou même on attribue une valeur purement disciplinaire à la position prise par l'Église de ne pas admettre les femmes à l'ordination sacerdotale.
C'est pourquoi, afin qu'il ne subsiste aucun doute sur une question de grande importance qui concerne la constitution divine elle-même de l'Église, je déclare, en vertu de ma mission de confirmer mes frères (cf. Lc 22,32), que l'Église n'a en aucune manière le pouvoir de conférer l'ordination sacerdotale à des femmes et que cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l'Église.
Priant pour vous, Vénérables Frères, et pour tout le peuple chrétien, afin que vous receviez constamment l'aide divine, j'accorde à tous la Bénédiction apostolique.
Du Vatican, le 22 mai 1994, solennité de la Pentecôte, en la seizième année de mon pontificat.
(1) Cf. PAUL VI, Réponse à la lettre de Sa Grâce le Très Révérend Dr Frederick Donald Coggan, Archevêque de Cantorbery, sur le ministère sacerdotal des femmes, 30 novembre 1975: AAS 68 (1976), pp. 599-600: «Your Grace is of course well aware of the Catholic Church's position on this question. She holds that it is not admissible to ordain women to the priesthood, for very fundamental reasons. These reasons include: the example recorded in the Sacred Scriptures of Christ choosing his Apostles only from among men; the constant practice of the Church, which has imitated Christ in choosing only men; and her living teaching authority which has consistently held that the exclusion of women from the priesthood is in accordance with God's plan for his Church» (p. 599).Vénérables Frères dans l'épiscopat,
1. L'ordination sacerdotale, par laquelle est transmise la charge, confiée par le Christ à ses Apôtres, d'enseigner, de sanctifier et de gouverner les fidèles, a toujours été, dans l'Église catholique depuis l'origine, exclusivement réservée à des hommes. Les Églises d'Orient ont, elles aussi, fidèlement conservé cette tradition.
Lorsque, dans la Communion anglicane, fut soulevée la question de l'ordination des femmes, le Pape Paul VI, fidèle à sa charge de gardien de la Tradition apostolique et désireux de lever un nouvel obstacle placé sur le chemin qui mène à l'unité des chrétiens, rappela à ses frères anglicans la position de l'Église catholique: «Celle-ci tient que l'ordination sacerdotale des femmes ne saurait être acceptée, pour des raisons tout à fait fondamentales. Ces raisons sont notamment: l'exemple, rapporté par la Sainte Écriture, du Christ qui a choisi ses Apôtres uniquement parmi les hommes; la pratique constante de l'Église qui a imité le Christ en ne choisissant que des hommes; et son magistère vivant qui, de manière continue, a soutenu que l'exclusion des femmes du sacerdoce est en accord avec le plan de Dieu sur l'Église»(1).
Mais, la question ayant été débattue même parmi les théologiens et dans certains milieux catholiques, le Pape Paul VI demanda à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi d'exposer et de clarifier la doctrine de l'Église sur ce point. Ce fut l'objet de la Déclaration Inter insigniores, que le Pape lui-même approuva et ordonna de publier(2).
2. La Déclaration reprend et développe les fondements de cette doctrine, exposés par Paul VI, et conclut que l'Église «ne se considère pas autorisée à admettre les femmes à l'ordination sacerdotale»(3). À ces raisons fondamentales, le même document ajoute d'autres raisons théologiques qui mettent en lumière la convenance de cette disposition divine et il montre clairement que la pratique suivie par le Christ n'obéissait pas à des motivations sociologiques ou culturelles propres à son temps. Comme le précisa plus tard le Pape Paul VI, «la véritable raison est que le Christ en a disposé ainsi lorsqu'il a donné à l'Église sa constitution fondamentale et l'anthropologie théologique qui a toujours été observée ensuite par la Tradition de cette même Église»(4).
Dans la Lettre apostolique Mulieris dignitatem, j'ai moi-même écrit à ce sujet: «En n'appelant que des hommes à être ses Apôtres, le Christ a agi d'une manière totalement libre et souveraine. Il l'a fait dans la liberté même avec laquelle il a mis en valeur la dignité et la vocation de la femme par tout son comportement, sans se conformer aux usages qui prévalaient ni aux traditions que sanctionnait la législation de son époque»(5).
En effet, les Évangiles et les Actes des Apôtres montrent bien que cet appel s'est fait selon le dessein éternel de Dieu: le Christ a choisi ceux qu'il voulait (cf. Mc 3,13-14; Jn 6,70) et il l'a fait en union avec le Père, «par l'Esprit Saint» (Ac 1,2), après avoir passé la nuit en prière (cf. Lc 6,12). C'est pourquoi, pour l'admission au sacerdoce ministériel(6), l'Église a toujours reconnu comme norme constante la manière d'agir de son Seigneur dans le choix des douze hommes dont il a fait le fondement de son Église (cf. Ap 21,14). Et ceux-ci n'ont pas seulement reçu une fonction qui aurait pu ensuite être exercée par n'importe quel membre de l'Église, mais ils ont été spécialement et intimement associés à la mission du Verbe incarné lui-même (cf. Mt 10,1.7-8; 28,16-20; Mc 3,13-16; 16,14-15). Les Apôtres ont fait de même lorsqu'ils ont choisi leurs collaborateurs(7), qui devaient leur succéder dans le ministère(8). Dans ce choix se trouvaient inclus ceux qui, dans le temps de l'Église, continueraient la mission confiée aux Apôtres de représenter le Christ Seigneur et Rédempteur(9).
3. D'autre part, le fait que la très sainte Vierge Marie, Mère de Dieu et Mère de l'Église, n'ait reçu ni la mission spécifique des Apôtres ni le sacerdoce ministériel montre clairement que la non-admission des femmes à l'ordination sacerdotale ne peut pas signifier qu'elles auraient une dignité moindre ni qu'elles seraient l'objet d'une discrimination; mais c'est l'observance fidèle d'une disposition qu'il faut attribuer à la sagesse du Seigneur de l'univers.
La présence et le rôle de la femme dans la vie et dans la mission de l'Église, bien que non liés au sacerdoce ministériel, demeurent absolument nécessaires et irremplaçables. Comme l'a observé la Déclaration Inter insigniores, «l'Église souhaite que les femmes chrétiennes prennent pleinement conscience de la grandeur de leur mission: leur rôle sera capital aujourd'hui, aussi bien pour le renouvellement et l'humanisation de la société que pour la redécouverte, parmi les croyants, du vrai visage de l'Église»(10). Le Nouveau Testament et l'ensemble de l'histoire de l'Église montre abondamment la présence, dans l'Église, de femmes qui furent de véritables disciples et témoins du Christ, dans leurs familles et dans leurs professions civiles, ainsi que dans la consécration totale au service de Dieu et de l'Évangile. «L'Église, en effet, en défendant la dignité de la femme et sa vocation, a manifesté de la gratitude à celles qui, fidèles à l'Évangile, ont participé en tout temps à la mission apostolique de tout le Peuple de Dieu, et elle les a honorées. Il s'agit de saintes martyres, de vierges, de mères de famille qui ont témoigné de leur foi avec courage et qui, par l'éducation de leurs enfants dans l'esprit de l'Évangile, ont transmis la foi et la tradition de l'Église»(11).
D'autre part, c'est à la sainteté des fidèles que se trouve totalement ordonnée la structure hiérarchique de l'Église. Voilà pourquoi, rappelle la Déclaration Inter insigniores, «le seul charisme supérieur, qui peut et doit être désiré, c'est la charité (cf. 1 Co 12-13). Les plus grands dans le Royaume des Cieux, ce ne sont pas les ministres, mais les saints»(12).
4. Bien que la doctrine sur l'ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes ait été conservée par la Tradition constante et universelle de l'Église et qu'elle soit fermement enseignée par le Magistère dans les documents les plus récents, de nos jours, elle est toutefois considérée de différents côtés comme ouverte au débat, ou même on attribue une valeur purement disciplinaire à la position prise par l'Église de ne pas admettre les femmes à l'ordination sacerdotale.
C'est pourquoi, afin qu'il ne subsiste aucun doute sur une question de grande importance qui concerne la constitution divine elle-même de l'Église, je déclare, en vertu de ma mission de confirmer mes frères (cf. Lc 22,32), que l'Église n'a en aucune manière le pouvoir de conférer l'ordination sacerdotale à des femmes et que cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l'Église.
Priant pour vous, Vénérables Frères, et pour tout le peuple chrétien, afin que vous receviez constamment l'aide divine, j'accorde à tous la Bénédiction apostolique.
Du Vatican, le 22 mai 1994, solennité de la Pentecôte, en la seizième année de mon pontificat.
(2) Cf. CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Déclaration Inter insigniores sur la question de l'admission des femmes au sacerdoce ministériel, 15 octobre 1976: AAS 69 (1977), pp. 98-116.
(3) Ibid., p. 100.
(4) PAUL VI, Allocution Il ruolo della donna nel disegno di Dio, 30 janvier 1977: Insegnamenti, vol. XV, 1977, p. 111. Cf. aussi JEAN-PAUL II, Exhortation apostolique Christifideles laici, 30 décembre 1988, n. 51: AAS 81 (1989), pp. 393-521; Catéchisme de l'Église catholique, n. 1577.
(5) Lettre apostolique Mulieris dignitatem, 15 août 1988, n. 26: AAS 80 (1988), p. 1715
(6) Cf. Const. dogm. Lumen gentium, n. 28; Décret Presbyterorum ordinis, n. 2.
(7) Cf. 1 Tm 3,1-13; 2 Tm 1,6; Tt 1,5-9.
(8) Cf. Catéchisme de l'Église catholique, n. 1577.
(9) Cf. Const. dogm. Lumen gentium, nn. 20-21.
(10) CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Déclaration Inter insigniores, n. 6: AAS 69 (1977), pp. 115-116
(11) Lettre apostolique Mulieris dignitatem, n. 27: AAS 80 (1988), p. 1719
(12) CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Déclaration Inter insigniores, n. 6: AAS 69 (1977), p. 115
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