Homélie du 28ème dimanche du temps ordinaire - Année B
Je voudrais demander un effort particulier
à ceux d’entre vous qui avez 70 ans et plus : pendant quelques minutes,
mettez-vous à la place de quelqu’un qui a 15, 20 ou 25 ans et à qui on dit « nous
fêtons les 50 ans de Vatican II » … que voulez-vous que ça lui fasse ?
Quel intérêt pour lui ? Il n’a pas lu les textes –peut-être vous non plus,
d’ailleurs ?- et il n’a évidemment aucun souvenir …
Réponse de Benoît XVI : je promulgue
une année de la foi ! Car en ce qui concerne Vatican II, s’il ne
s’agissait que de souvenirs et d’anniversaire, alors seuls ceux qui ont 70 ans
et plus pourraient trouver un intérêt à commémorer l’évènement …
Le Concile, c’est comme l’Eglise : il
ne se regarde pas lui-même, il permet de regarder Dieu, de regarder le monde, afin
de présenter Dieu au monde, aujourd’hui et demain, pour nourrir et répandre la
Foi. Cela veut dire que, cette année, grâce
à cet anniversaire, nous allons faire deux choses :
En « interne », approfondir notre
foi, faire grandir notre foi, pour voir combien elle est belle, complète, et
lumineuse, à l’instar de la sagesse qui a été chantée dans la première lecture.
Et d’autre part, en « externe », nous allons nous demander comment nous
allons la répandre autour de nous, cette foi magnifique, en tenant compte du
monde d’aujourd’hui : l’année de la foi est naturellement une année de
l’évangélisation, et Vatican II est un tremplin pour la Nouvelle Evangélisation !
C’est la raison pour laquelle Benoît XVI réunit en ce moment même les évêques
du monde entier pour plancher sur le sujet de l’évangélisation.
En fêtant le 50ème anniversaire
de Vatican II, nous redisons à la jeunesse et aux enfants qui sont là : vous
avez en vous un grand trésor, la Foi, et si vous voulez savoir ce qu’elle est
exactement, vous avez à votre disposition une bibliothèque assez complète et
moderne à votre disposition, composée de
-
Les
textes du Concile, parus en 1965
-
Un « fruit
authentique du Concile » : le
Catéchisme de l’Eglise Catholique, paru en 1992
-
Le
résumé du Catéchisme de l’Eglise Catholique (surnommé « compendium »,
paru en 2005)
-
Le
youcat qui est une présentation spécialement tournée vers les plus jeunes, paru
en 2011
et qui sont tous les quatre la même chose
présentée différemment.
Celui qui connaît sa foi est fort et
heureux, bien que comme tout le monde, il soit en lui-même faible et pécheur et
justement parce qu’il reconnaît sa faiblesse, il a besoin de se raffermir dans
la foi !
Cependant, il nous manque deux choses pour
que le tableau soit complet : l’amour de l’Eglise et la juste
interprétation des textes du Concile.
L’amour
de l’Eglise
Ce serait un désastre que nous considérions
l’Eglise simplement comme une organisation, alors qu’elle est une mère, qui
nous a mis eu monde spirituellement. Dieu est notre Père, l’Eglise est notre
mère qui reçoit l’ombre de l’Esprit et qui met au monde les fils de Dieu.
Lorsque le Concile a parlé de l’Eglise (Constitution
« Lumen Gentium »), elle n’a pas pu faire moins que de consacrer un
chapitre entier –le chapitre 8- à celle qui est « typique » de
l’Eglise, Marie, puisqu’elle a vécu personnellement ce que l’Eglise vit de
façon communautaire.
Celui qui n’aime pas l’Eglise ne pourra pas
accepter le Concile, il ne pourra même pas le comprendre, il faut que notre
cœur soit d’accord pour que notre intelligence fonctionne, nous sommes un.
Et puis il y a le dernier point :
La
juste interprétation des textes
conciliaires.
Et là, je vais être obligé de prononcer un
gros mot, pardon …
En décembre 2005, voici ce que Benoît XVI,
tout jeune Pape déclarait : « pourquoi l'accueil du Concile, dans de
grandes parties de l'Eglise, s'est-il jusqu'à présent déroulé de manière aussi
difficile? Eh bien, tout dépend de la juste interprétation du Concile ou -
comme nous le dirions aujourd'hui - de sa juste herméneutique, de la juste clef
de lecture et d'application. Les problèmes de la réception sont nés du fait que
deux herméneutiques contraires se sont trouvées confrontées et sont entrées en
conflit. L'une a causé de la confusion, l'autre, silencieusement mais de manière
toujours plus visible, a porté et porte des fruits. D'un côté, il existe une
interprétation que je voudrais appeler "herméneutique de la discontinuité
et de la rupture"; celle-ci a souvent pu compter sur la sympathie des mass
media, et également d'une partie de la théologie moderne. D'autre part, il y a
l'"herméneutique de la réforme", du renouveau dans la continuité de
l'unique sujet-Eglise, que le Seigneur nous a donné; c'est un sujet qui grandit
dans le temps et qui se développe, restant cependant toujours le même, l'unique
sujet du Peuple de Dieu en marche. »
Jeudi dernier, le jour anniversaire de l’ouverture
du Concile, il complétait :
« j’ai insisté à plusieurs reprises sur la
nécessité de revenir, pour ainsi dire, à la “ lettre ” du Concile –
c’est-à-dire à ses textes – pour en découvrir l’esprit authentique, et j’ai
répété que le véritable héritage du Concile réside en eux. La référence aux
documents protège des excès ou d’une nostalgie anachronique ou de courses en
avant et permet d’en saisir la nouveauté dans la continuité. Le Concile n’a
rien produit de nouveau en matière de foi et n’a pas voulu en ôter ce qui est
antique. Il s’est plutôt préoccupé de faire en sorte que la même foi continue à
être vécue dans l’aujourd’hui, continue à être une foi vivante dans un monde en
mutation. »
Je fais appel à votre imagination, pour que
nous puissions trouver des moyens originaux et concrets, cette année, pour écouter
les textes eux-mêmes, les voir de nos propres yeux et non pas seulement revus et
corrigés par des spécialistes, ou pire : évoqués de loin dans un discours
aérien.
Deux exemples :
Gaudium
et Spes
(l’Eglise dans le monde de ce temps), n°1
« Les joies et les espoirs, les tristesses et
les angoisses des hommes de ce temps, des
pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les
espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est
rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. »
Cet appel-là a trouvé très vite et très
largement un bon écho dans le monde catholique, et on ne peut que s’en réjouir !
Mais …
Sacrosanctum
Concilium
(sur la Liturgie), n° 116. Chant grégorien et polyphonie
« L’Église reconnaît dans le chant
grégorien le chant propre de la liturgie romaine ; c’est donc lui qui, dans les
actions liturgiques, toutes choses égales d’ailleurs, doit occuper la première
place.
Les autres genres de musique sacrée, mais surtout
la polyphonie, ne sont nullement exclus de la célébration des offices divins,
pourvu qu’ils s’accordent avec l’esprit de l’action liturgique, conformément à
l’article 30 ».
Jusqu’à présent, à cause de l’herméneutique
de la rupture, nous avons fait le contraire de ce que le Concile disait … mais
ça n’est pas la fin du monde, on va redresser la barre, de façon pondérée et
progressive, sans précipitation et pour nourrir la foi.
Joyeux anniversaire, Cher Concile !
P. Emmanuel d'Andigné