08 décembre 2007

Homélies

Homélie de la fête du Christ-Roi - 25 novembre 2007
ça ne vous a pas échappé, le mois de novembre commence par le 01 nov !Je formule donc une proposition : le mois de novembre sera appelé « mois de la sainteté » à la paroisse sainte-Bernadette (merci aux membres de l’équipe « coin-prière » d’avoir suggéré que chaque semaine de novembre permette de découvrir un saint nouveau sur la feuille paroissial)

Qu’est-ce qu’un saint ? N’est-ce pas celui qui couronne Jésus dans son cœur et dans sa vie ? La fête du Christ-Roi tombe bien pour clôturer le mois de novembre … Jésus semble nous dire : « vous voyez tous les saints qui m’ont vraiment intronisé comme Roi, faites de même, et vous aurez vous aussi une place dans les jours du mois de novembre, et en tous les cas sûrement le 1er jour de novembre, puisque celui-ci est dédié à tous les saints inconnus. »

Mais évidemment, le problème est de savoir ce que signifie « introniser Jésus » dans son cœur et dans sa vie … commençons tout simplement par dire qu’un être humain, c’est un royaume, c’est un monde, et ce monde, comme tous les autres, à besoin d’un gouvernement, d’une direction, d’un roi.

Je voudrais prendre un exemple, parmi les saints que nous connaissons bien. Tout le monde sait bien que Saint Augustin est un voyou repenti, qu’il était odieux et jouisseur, et qu’il est pourtant devenu une des plus grandes intelligences du christianisme, qu’il a brusquement et totalement et définitivement « intronisé » Jésus.

Mais je vous propose de pousser l’analyse un peu plus loin : avant d’avoir Jésus pour roi, Augustin avait en lui des petits chefs, des tyrans qui se disputaient en lui-même et le forçait à faire milles chose mauvaises et contradictoires …j’en ai épinglé pour vous simplement trois : dans le livre des confessions, au tout début, il raconte l’épisode du vol des poires, il a 16 ans, on l’écoute :

9. Le larcin est condamné par votre loi divine, Seigneur, et par cette loi écrite au coeur des hommes, que leur iniquité même n'efface pas. […] Eh bien! moi, j'ai voulu voler, et j'ai volé sans nécessité, sans besoin, par dégoût de la justice, par plénitude d'iniquité; car j'ai dérobé ce que j'avais meilleur, et en abondance. Et ce n'est pas de l'objet convoité par mon larcin, mais du larcin même et du péché que je voulais jouir. Dans le voisinage de nos vignes était un poirier chargé de fruits qui n'avaient aucun attrait de saveur ou de beauté. Nous allâmes, une troupe de jeunes vauriens, secouer et dépouiller cet arbre, vers le milieu de la nuit, ayant prolongé nos jeux jusqu'à cette heure, selon notre détestable habitude, et nous en rapportâmes de grandes charges, non pour en faire régal, si toutefois nous y goûtâmes, mais ne fût-ce que pour les jeter aux pourceaux: simple plaisir de faire ce qui était défendu. Voici ce coeur, ô Dieu! ce coeur que vous avez vu en pitié au fond de l'abîme. Le voici, ce coeur; qu'il vous dise ce qu'il allait chercher là, pour être gratuitement mauvais, sans autre sujet de malice que la malice même. […]

Ce que nous comprenons, c’est que le vice du vol, le plaisir de voler, l’emporte chez le jeune homme sur le fait que le vol lui rapporte quelque chose ; il aurait pu voler parce qu’il avait faim ou parce qu’il était pauvre (ou les deux), mais il volait par plaisir, par attirance pour ce qui est interdit. Autrement dit, Augustin à 16 ans était mené par le démon du vol, un petit tyran qui lui a intimé l’ordre de faire ce vol.

Mais par ailleurs nous savons bien que ce jeune homme avait plusieurs autres tyrans en lui : par exemple, un amour désordonné pour les jeunes filles, même si, à vrai dire, le mot d’amour est sans doute trop gentil : il faudrait dire attirance physique grossière …Voilà un deuxième tyran, voilà un deuxième petit chef en lui qui lui intimait l’ordre de mépriser le trésor inviolable d’un corps et d’un cœur, et de profaner ce temple de Dieu ; mais ce deuxième tyran intérieur de Saint Augustin, tout le monde le connaît bien.

Il y en a un troisième, peut-être moins connu, a pensée manichéenne : à un moment de son existence, St Augustin était manichéen, ce qui signifie qu’il considérait qu’il y a un Dieu du mal (Satan), et un Dieu du Bien (Dieu), se disputant la primauté sur la scène du monde, raison pour laquelle on constate que dans l’homme ces deux forces se mêlent et s’entrechoquent constamment, comme dans une guerre. Cette pensée avait des apparences chrétiennes, et même un vocabulaire chrétien, mais en réalité, ce n’était qu’apparence …on l’écoute :

10. Aussi, je rencontrai des hommes, au superbe délire, charnels et parleurs; leur bouche recélait un piége diabolique, une glu composée du mélange des syllabes de votre nom, et des noms de Notre-Seigneur Jésus-Christ et du Paraclet notre consolateur, l'Esprit-Saint. Ces noms résidaient toujours sur leurs lèvres, mais ce n'était qu'un son vainement articulé; leur coeur était vide du vrai.

Autrement dit, St Augustin faisait un péché intellectuel (c’est possible !), il se laissait embobiner par un autre « petit chef » intérieur, qui l’impressionnait par la simplicité de son discours et son vocabulaire racoleur…

C’est dans cet état confus que ce trouvait st Augustin, tiraillé par mille chefs intérieurs, de sorte qu’il ne savait plus où il en était …

La rencontre de St Ambroise, à Milan, les larmes et les prières de sa mère, la découverte des chrétiens de son temps, ont fait qu’il a découvert que pour régner sur un royaume (son cœur), un seul Roi suffisait, et que ce Roi était aussi doux qu’il était exigeant.
Mais il découvre aussi que, et c’est cela le plus beau, obéir à ce roi fait qu’on se trouve soi-même, lui obéir, c’est redevenir soi-même, car ce roi veut vraiment notre bonheur, il ne veut pas dominer par crainte de disparaître …

Introniser Jésus comme notre roi, c’est introniser un Dieu crucifié, c’est avoir un roi dont la couronne est faite d’épines, dont le trône est une croix et dont le sceptre est une branche d’hysope. Il a la puissance des vrais rois, il « tient » sa puissance, il la « retient », et la déploie quand il le faut (à la résurrection !) …

Introniser Jésus, cela veut dire, donc, détrôner les petits tyrans qu’il y a en nous, ne pas avoir plusieurs chefs à la fois, connaître une conversion pour devenir des saints ! La fête du Roi, c’est la fête du Royaume, c’est notre fête à nous aussi, que notre royaume intérieur soit en fête aussi !
P. Emmanuel d'Andigné

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