26 octobre 2008

Homélie du 26 octobre 2008

Homélie du 30ème dimanche du temps ordinare - Année A
Il y a des campagnes publicitaires particulièrement dans les pays développés qui incitent à consommer cinq sortes de fruits par jour. Si consommer des fruits est si essentiel à notre santé physique et si préoccupante, convenons que ces règles diététiques ne sont pas si évidentes à appliquer. On a tous des difficultés à manger cinq fruits et légumes par jour. Cette campagne, cette incitation nous rappelle que le corps est devenu le centre de préoccupation de nos contemporains. On investit de l’argent, énormément de temps pour maintenir le corps en parfait état. C’est bien c’est même très bien mais finalement est-ce que on devrait pas s’occuper d’autre choses ? Mais qu’en est-il de notre âme ? On sait si bien gérer notre corps, et on suit scrupuleusement toutes les règles pour la maintenir jeune, solide et beau mais notre âme en prenons-nous aussi soin ?

De quel fruit notre âme a-t-elle besoin ? Avec quoi va-t-on la nourrir ? Jésus après sa résurrection avait eu au cours d’un entretien avec ses disciples à poser cette question à Pierre : Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci ? " Il lui répondit : " Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime. " Jésus lui dit : " Pais mes agneaux. Il lui dit à nouveau, une deuxième fois : " Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? " - " Oui, Seigneur, lui dit-il, tu sais que je t'aime. " Jésus lui dit : " Pais mes brebis. " Il lui dit pour la troisième fois : " Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? " Pierre fut peiné de ce qu'il lui eût dit pour la troisième fois : " M'aimes-tu ? ", et il lui dit : " Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t'aime. " Jésus lui dit : " Pais mes brebis.
Un acharnement qui en dit long sur la préoccupation de Jésus de se sentir aimer. Un besoin qui surprend quelque peu venant du vainqueur de la mort, alors que sa renommée et ses exploits courraient les rues, on se rend compte qu’il ne se soustrait pas de ce besoin naturel et légitime de tout être humain. Voilà qui nous rassure, qui nous conforte et qui légitime le besoin d’amour que nous pouvons éprouver. Ah comme il nous ressemble. Dieu à soif d’amour surtout après nos trahisons et nos reniements. Cette série de question déconcertante à Pierre eu lieu après son triple reniement de Jésus.
Non seulement Dieu mais nous aussi les humains ; ils sont innombrables nos contemporains affamés et assoiffés d’amour, Ils attendent de nous un geste aussi vital que le pain et l’eau que leur apportons beaucoup plus spontanément. Et l’amour c’est en fait du qui perd gagne : plus vous en donné mieux, vous en recevez. Et quand les textes de ce jour nous invitent à l’amour c’est autant pour nous que pour les autres. Nous en recevons à la mesure de la largesse de notre cœur, de notre générosité.
Tu ne maltraiteras point l’immigré qui réside chez toi, tu ne l’opprimeras point, car vous étiez vous-mêmes des Immigrés en Égypte.Si tu prêtes de l’argent à quelqu’un de mon peuple, à un pauvreparmi tes frères, tu n’agiras pas envers lui comme un usurier : tu ne lui imposeras pas d’intérêts. Si tu prends en gage le manteaude ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil. C’est tout ce qu’il a pour se couvrir ; c’est le manteau dont il s’enveloppe,la seule couverture qu’il ait pour dormir

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu’il y a dans l’Écriture – dans la Loi et les Prophètes – dépend de ces deux Commandements. »

"Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimé. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime."

Il y a une progression dans l’enseignement de l’agapè le mot grec qui désigne l’amour au sens chrétien. Dans un premier temps c’est une mesure draconienne si tu fais du tord à ton prochain voilà ce qui t’arrivera, la peur de la sanction, de la colère du Seigneur. Et en fait ce qui est recommandé ressemble plus à la justice qu’à l’amour qui transcende cette justice.
Puis tu aimeras ton prochain comme toi-même, l’homme est la mesure de l’amour qu’il doit avoir pour son prochain. En ajoutant les mots « comme toi-même », Jésus nous place face à un miroir devant lequel nous ne pouvons pas mentir ; il nous donne une mesure infaillible pour découvrir si nous aimons ou non notre prochain. Nous savons très bien, en toute circonstance, ce que signifie nous aimer nous-mêmes et ce que nous voudrions que les autres fassent pour nous. Jésus ne dit pas : « Fais à l'autre ce qu'il te fait ». Il s'agirait encore de la Loi du talion : « œil pour œil, dent pour dent ». Il dit : tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux, vous aussi, (cf. Mt 7, 12), ce qui est bien diffèrent.
Et enfin aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé. Là c’est Dieu la mesure, un peu plus dure mais c’est là le vrai amour, l’agapé.

Aimer le prochain, ce n’est pas seulement donner de ce que l’on a sans engagement du cœur et de l’être. Car la mesure c’est Dieu et finalement c’est aussi lui la finalité. Dans l’histoire du jugement dernier Jésus s’identifie à ces laissés pour compte de la société. Celui qui donne sa vie pour son prochain c’est pour Dieu qu’il a donné sa vie. Nous avons spontanément moins de respect, moins d’égard pour les autres ne voyant pas directement en eux l’image de Dieu.

La charité doit être « sans artifice », c'est-à-dire sincère (textuellement : sans feinte) (Rm 12, 9) ; on doit aimer « d'un cœur pur » (1 P 1, 22). On peut en effet faire la charité et l'aumône pour de nombreuses raisons qui n'ont rien à voir avec l'amour : pour se faire valoir, pour faire croire qu'on est un bienfaiteur, pour gagner le paradis, et même à cause de remords de conscience.
Quand on parle d'amour pour le prochain, on pense immédiatement aux « œuvres » de charité, aux choses qu'il faut faire pour le prochain : lui donner à manger, à boire, aller lui rendre visite ; en somme aider son prochain. La religion chrétienne n’est pas un ensemble de pratique robotique, c’est une vie d’amour avec Dieu et les frères.
Faisons une distinction entre l’amour et ces effets. Avant toute l'action de bienfaisance vient la bienveillance ; avant de faire le bien, vient la volonté de faire le bien. Il ne s'agit donc pas d'analyser les œuvres extérieures de charité mais de faire en sorte que leur fondement réside dans un sentiment d'amour authentique et bienveillant. C’est un exercice du cœur qui consiste à regarder l’autre et à y voir mon créateur et mon Dieu. Ce n’est pas de la philanthropie qui s’arrête à l’homme.
En analysant bien la façon dont nous vivons notre amour pour le prochain, nous pouvons nous rendre compte que l'art des fausses questions pratiqué par les pharisiens n'a pas disparu de nos jours, même s'il prend des formes plus subtiles en justifiant n'importe quel comportement sous prétexte qu'il n'y a pas de solution satisfaisante. L'amour de Dieu et le culte qui doit lui être rendu, sont inséparables de tous ces préceptes révélés dans le Lévitique. Il ne donne pas priorité de l'un sur l'autre. "Voici le second qui lui est semblable".

Il n'y a qu'un seul et même amour qui signifié dans l'un comme dans l'autre texte. Jésus ne restreint pas, il ouvre la Loi et les Prophètes, ces prophètes qui ont toujours lié l'authenticité du culte au "droit et à la justice".
On vote même de nos jours des lois générales pour que les comportements particuliers soient ainsi justifiés, du nouveau pharisaïsme. L'amour ne sera jamais remplacé par un simple et précaire pacte de solidarité. Il ne sera pas remplacer par l’argent ou le matériel ou autres apports si ce geste n’est pas porté avec bienveillance, avec l’attention du cœur. L'amour est un don total, un sacrifice, une vie, un cœur à donner à donner sans compter. Il n’y a pas du côté de Dieu un vrai amour et du côté de l’homme un amour dévalué que quelques gestes pourraient contenter. C’est le même cœur.
Une femme, avec un si grand courage, et tant de compassion, avait essuyé le visage du Christ autrefois. Ce n'est pas seulement le linge qui porte l'image de la Sainte-Face, mais la femme elle-même et tous ceux qui, au cours des siècles ont eu de la compassion pour le Christ.
Puissions-nous être des Véronique de notre temps en ayant de la compassion pour le Christ dans le pauvre, le malade, le boiteux, l'abandonné, le moribond. Que notre face à face à Dieu dans la prière, nous fasse reconnaître dans ce visage défiguré des plus pauvres des pauvres celui du Christ. Et que ce regard amoureux de Dieu nous porte à l’action faisant de chacun de nous une véritable icône du Christ, une sainte icône du Christ. Amen

Abbé Cyrille Bouda

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