Homélie du 5ème dimanche de carême - Année C (Saint Luc)
Je suis comme vous : lorsque j’entends cet Evangile, je voudrais d’abord souligner une injustice. En effet, on dénonce la « femme adultère », mais pas l’homme avec lequel elle l’a commis … injustice d’une époque, sans doute, mais Jésus, justement, ne s’y laisse pas enfermer, montrant à quel point son message est moderne, et de tous les temps. Il rétablit l’équilibre, en effet, lorsqu’il fait (c’est le cas de la dire) d’une pierre deux coups : il ne réfute pas que l’adultère, offense faite au 6ème et au 9ème commandement, est un péché, mais il rappelle à tous ces hommes qu’ils sont aussi tenus d’observer non seulement ces deux-là, mais aussi les huit autres ! En outre, on se souvient de la fameuse phrase que Jésus a prononcée au cours d’une parabole : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'œil de ton frère et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans le tien ! (Luc, 6,41) ». Encore une fois, jésus ne dit pas qu’elle n’a pas péché, il condamne l’adultère, et nous devons le condamner encore aujourd’hui. Cependant, Jésus ne condamne pas celle qui le commet, établissant une distinction très éclairante entre péché et pécheur …
La société dans laquelle nous vivons, qui a ses forces et ses faiblesses, a en tous les cas un grand handicap : elle s’est éloignée de Dieu, et elle ne connaît plus sa Parole. Elle ne sait plus ce que Jésus a dit sur le péché. Elle nous obligerait presque à choisir entre deux camps : le camp des purs et durs, qui dénoncent le péché et qui soi-disant n’en commettent jamais, et le camp des doux et mous, qui ne dénoncent pas le mal, mais qui du coup s’installent dans le péché. Saint Augustin, lorsqu’il commente cet Evangile, fait remarquer que Jésus ne dit pas qu’il faut lapider, car il est bon, mais il ne dit pas non plus qu’il ne faut pas lapider, car il y a péché, et qu’il ne veut pas se compromettre avec l’injustice. Cela signifie que aucun des deux « camps » dont j’ai parlé n’est bon : nous devons être durs avec le mal et bons avec les personnes.
Cela me fait penser à deux choses : nous devons être, tout d’abord, dans le monde d’aujourd’hui, des « experts de l’Evangile », afin de savoir comment répondre à ceux qui nous interrogent sur le péché, le mal, le pardon … à partir de l’enseignement du Christ. Ensuite, il est bon de nous rappeler que le sacrement du pardon contient en lui-même une véritable éducation spirituelle, dans un processus qui compte quatre réalités successives :
1) Dieu nous aime
2) Et donc il déteste mes péchés, puisque mes péchés me défigurent, et m’empêchent d’être pleinement heureux
3) Il me révèle alors, il me montre mes péchés (« Tous ceux que J'aime, Je leur montre leurs fautes et Je les châtie. Allons ! Un peu d'ardeur et repens-toi ! [Apocalypse, 3, 19] »)
4) Et enfin, il a la joie de nous pardonner, il distingue en nous le péché et le pécheur, le mal et la merveille que chacun de nous est à ses yeux.
Avez-vous conscience que Dieu s’émerveille de vous ? De chacun de vous ? Il n’est pas « gaga », il s’émerveille : il voit et la merveille et tout ce qui la défigure. Il s’émerveille, car quand Dieu nous regarde, il voit l’image de son propre Fils en nous, il se voit comme dans un miroir. Il désire ardemment nettoyer le miroir pour s’y voir mieux.
Le Curé d’Ars disait : « chaque jour Dieu veut nous pardonner … et rien n’est plus facile que de se sauver, …Dieu nous presse et nous poursuit, … lui qui nous as créés il veut nous pardonner ».
Je souhaiterais vous raconter un détail de mon récent voyage en Israël : nous étions convenus, avec les Père Dominique et Laurent, de célébrer un jour une messe au cours de laquelle nous pourrions renouveler les promesses de notre ordination, prononcées il y a dix ans. Dans la matinée qui a précédé, un jésuite accepta de nous recevoir, chacun une demi-heure, afin que nous puissions nous confesser et parler un peu. A la fin de ces quatre-vingt minutes de confessions, nous étions tous trois transformés, et à la vérité légers et heureux. Légers d’avoir déposé tout fardeau (souffrance et péché), heureux de nous retrouver les uns les autres d’un manière plus théologale. « Théologal » signifie « qui met en relation directe avec Dieu » : en nous greffant, grâce à ce sacrement, sur le Christ, nous avons un peu plus encore basé notre amitié sur le lien spirituel, plutôt que d’en rester à la simple complicité des camarades d’ordination, ou simplement à la compréhension plus facile entre prêtres de la même génération. Ce que je vous souhaite, à tous, c’est d’être vous aussi, grâce à ce carême et à votre confession, légers et heureux ! Et nos relations, dans la paroisse, pourront être davantage « théologales », et donc plus profondes.
Il y a un vrai bonheur à connaître Jésus-Christ, et à nous laisser transformer par lui. Saint Paul nous a fourni, dans la deuxième lecture, de quelle manière procéder : communier à ses souffrances, reproduire en nous sa mort, et enfin, éprouver la puissance de sa résurrection. « Oubliant ce qui est en arrière, et lancés vers l’avant », profitons de ces deux semaines qui nous séparent de Pâques pour approfondir notre conversion, en compagnie de la Reine de Anges, notre mère bien-aimée, la très sainte Vierge Marie, qui nous guide si bien vers la Pâque de son Fils.
P. Emmanuel d'Andigné
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