Homélie du jour de la Pentecôte 2010 - Année C
Pour commencer, il me semble bon d’aborder un petit point de culture religieuse et quelques aspects littéraires.
Un peu de culture ! La fête de la Pentecôte, comme on dit aujourd’hui, est d’abord une fête juive, surnommée « shavouot » (« les semaines »), c’est-à-dire, la fête qui intervient 7 semaines (49 jours) après la fête de la Pâque « Pessah ». Pessah commémore à la foi la sortie d’Egypte et les récoltes du printemps, Shavouot (Pentecôte) commémore à la fois le don de la Torah sur le Sinaï et les récoltes du début de l’Eté. Cela signifie qu’il y a donc deux aspects dans ces fêtes : se souvenir des bienfaits de Dieu et sanctifier l’année dans ses dimensions les plus naturelles, en professant que les bienfaits de la terre sont en fait des dons du Ciel, de Dieu.
C’est donc le jour de la pentecôte que les apôtres ont reçu à nouveau l’Esprit Saint, à nouveau, puisque le jour-même de sa résurrection, Jésus souffla sur eux pour signifier le don de l’Esprit, j’y reviendrai …
Or, et c’est la deuxième remarque préliminaire, nous avons un problème de littérature biblique …En effet, la Bible nous raconte des choses extraordinaires et on se demande souvent, au XXIème siècle, si ce ne sont pas des légendes, si c’est bien vrai, tout ça !
Face à ce problème, il y a trois mauvaises réactions, à ma connaissance.
1) une stratégie d’évitement, qui consiste à dire à peu près ceci : « en fait, l’auteur a dit ça, mais ce n’est pas ce qu’il a voulu dire, c’est autre chose, et je vais vous dire ce que c’est !
2) la stratégie hérétique (favorite des sectes ), consisterait d’avantage à dire : « c’est n’importe quoi, on va donc mettre de côté les versets les plus farfelus et retenir ceux qui nous semblent raisonnables » ; le matériel et le vérifiable sont retenus, le spirituel et l’invérifiable sont mis de côté …
3) il y a, enfin, la stratégie « de l’œuf », qui consiste à tout gober tout sans réfléchir ; c’est sans doute ce qu’il y a de pire
Il me semble que l’on peut trouver une manière à la fois de faire un véritable acte de foi, et de faire honneur à notre raison qui a été créée par Dieu.
Lorsque j’ai l’occasion de parler de la Bible à des jeunes, je leur livre un adage qui n’est pas de moi et qui est excellent : « Tout ce que dit la Bible est vrai, mais pas forcément exact ». En effet, il y a des choses qui échappent à une compréhension totale et toujours exacte, et d’ailleurs, regardez bien le texte de saint Luc (1ère lecture) : « Quand arriva la Pentecôte (le cinquantième jour après Pâques), ils se trouvaient réunis tous ensemble. Soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d'un violent coup de vent : toute la maison où ils se tenaient en fut remplie. Ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d'eux. Alors ils furent tous remplis de l'Esprit Saint »
« Pareil … comme une sorte » ; saint Luc écrit pratiquement comme nous le ferions au XXIème siècle, c’est (nous avons de la chance) l’auteur le plus proche de notre mentalité actuelle. S’il pouvait commenter aujourd’hui lui-même les Actes des apôtres, il vous dirait : « je n’ai pas dit que c’était un coup de vent, j’ai dit un bruit pareil à celui d'un violent coup de vent ; je n’ai pas dit que c’était du feu (production d'une flamme par une réaction chimique exothermique d'oxydation appelée combustion), j’ai dit comme une sorte de feu … le langage est très précis, pas du tout légendaire ou fantastique.
Tout ce que dit la Bible est vrai, mais elle n’a pas pu enfermer dans des mots la totalité de cette rencontre bouleversante de Dieu par l’homme : ne nous croyons pas plus malins que saint Luc …
Les Apôtres ont bien reçu l’Esprit Saint, c’est certain, et de la façon dont on nous le raconte, c’est sûr et nous l’avons reçu effectivement nous aussi, tout aussi certainement le jour de notre confirmation ! Non pas parce que nous le lui demandons, même avec grand cœur, mais parce que le sacrement a sa force en lui-même, et cette force est très réelle et très profonde
Nous connaissons une situation particulière, aujourd’hui, et notamment de redécouverte de la personne de l’Esprit Saint. Nous avons à la fois une grande qualité et un petit Défaut : on n’a jamais autant demandé l’Esprit qu’aujourd’hui, mais du coup, nous nous imaginons qu’il va forcément venir si on l’appelle avec force ! La venue du Saint-Esprit, c’est comme les antibiotiques, ça n’est pas automatique … Cependant, n’en prenez pas prétexte pour ne jamais l’appeler, il vient tout de même plus volontiers si on l’appelle … et (la précision est de taille) si on fait la volonté de Dieu.
Les évangélistes nous parlent du don de l’Esprit Saint à deux moments différents : le soir de Pâques (Evangile selon saint Jean) et le jour de la Pentecôte (1ère lecture d’aujourd’hui). Notre bon diacre nous a dit à l’Ascension de ne pas séparer Pâques de l’Ascension en prenant le risque de passer à côté de l’essentiel ; quant à moi j’ajoute aussitôt : ne séparez pas la Pentecôte, non plus, de l’Ascension et de Pâques !!!
Pâques a besoin de l’Ascension et de la Pentecôte, comme le baptême et l’Eucharistie ont besoin de la confirmation : c’est le même mystère … en fait, il n’y pas de différence
Entre le don de l’Esprit à Pâques et celui fait à la Pentecôte, ni entre le don fait au baptême et confirmation, si ce n’est le temps, qui est notre indispensable partenaire. C’est le même « feu » que celui de le Pâques qui est réveillé à la Pentecôte.
Et chaque année, nous aujourd’hui, nous qui sommes confirmés, nous réveillons le don de l’Esprit reçu à la confirmation, d’une manière solennelle et communautaire ou alors dans l’intimité de notre prière, ou alors dans la vie quotidienne par l’habitation permanente de l’Esprit
« La paix soit avec vous … recevez l’Esprit Saint » disait Jésus au soir de la Pâque,
On retrouve les mêmes éléments dans une confirmation aujourd’hui, l’Evêque prononce rigoureusement les mêmes mots.
Thomas, un lycéen a fait sa première communion il y a un mois environ, il recevra la confirmation le 05 juin : j’espère que bien d’autres lui emboîteront le pas, car comme l’a dit st Paul « nul ne peut dire que Jésus est le Seigneur s’il n’a reçu l’Esprit saint »
Je souhaite ce double bonheur à tout le monde : de recevoir l’amour de Dieu et de reconnaître que Jésus est Seigneur !
P. Emmanuel d'Andigné