Homélie du 7ème dimanche de Pâques - année C
Jean 17 : nous venons d’entendre un extrait de la fameuse « prière sacerdotale » de jésus, qui nous fait goûter l’âme du sacerdoce, ce qui tombe très bien en cette année dite sacerdotale : année de mise en valeur du sacerdoce (dont la dernière surprise est le succès de Spiritus Dei, en tête des ventes de CD depuis trois semaines !), elle est aussi une année d’épreuve pour le sacerdoce, je n’ai pas besoin de vous faire un dessin…
Mais de même que la mort révèle l’amour (ce qui est très frappant dans les sépultures), de même, ceux qui ont des mauvaises intentions à l’égard de l’Eglise permettent, sans le savoir, de purifier tous les membres de l’Eglise du péché, mais aussi de purifier la société, qui se voit contrainte de reconnaître qu’il y a des malfaçons de l’amour, gros progrès depuis mai 68, où il était soi-disant « interdit d’interdire » !
Dans cette prière dite sacerdotale, Jésus prie pour l’unité. Ces derniers temps, l’unité a été surtout perçue comme la résolution d’un problème, selon lequel des disciples du Christ peuvent difficilement dire qu’ils se réclament du même Jésus et ne pas être unis entre eux : ce n’est déjà pas si mal… mais nous pouvons franchir deux autres marches, aller plus loin et notamment dans la perspective de l’évangélisation ; la deuxième marche concerne les membres de l’Eglise, la troisième concerne toute l’humanité.
Il y a un jeu assez compliqué, il faut l’admettre, entre ce qui se passe dans la Trinité et ce qui devrait se passer entre les disciples du Christ et entre les disciples et le Christ :
« Que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé »
Il faut l’avouer, c’est complexe … même si, à vrai dire, cette complexité se trouve déjà dans l’humanité, lorsque cette humanité tâche de réaliser la difficile articulation du je –nous (pardon pour le jeu de mot), à savoir former une unité (nous), en tenant compte des personnes (je). Ceci nous amène à penser que l’Eglise est en fait le miroir de la Trinité : Jésus nous conduit à contempler ce qui se passe dans la Trinité, afin que nous soyons en mesure, par imitation, de réaliser ce désir d’unité et d’harmonie qui se trouve dans le cœur de tout homme. L’homme a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, il est donc logique que l’Eglise soit à l’image de son modèle : la Trinité.
Il y a un seul Dieu, il y a trois personnes, et donc, dans chaque personne on trouve les deux autres. C’est pour cela que Jésus dit « Père, tu es en moi, et moi, je suis en toi ». Celui qui s’adresse à l’une des personnes trouve (forcément) dans cette personne divine toute la divinité : il y a un seul Dieu.
Si je m’en tiens à l’image du miroir, je dirais pour l’Eglise que dans chaque chrétien, on devrait pouvoir sentir toute l’Eglise, avec malgré tout cette originalité personnelle qui fait qu’on s’adresse plus facilement à cette personne-là plutôt qu’à une autre, tout en sachant que d’un chrétien à l’autre, on aura la même foi, le même amour et la même espérance.
Il faut être plusieurs et ne former qu’un : à cet égard, l’Eglise est un très beau mystère, qui anticipe ce à quoi l’humanité tend depuis toujours : respecter réellement chaque personne et sa richesse unique, tout en faisant marcher ensemble toutes ces personnes. Quelle diversité dans l’Eglise, et quelle unité, malgré tout ! D’un évêque à l’autre, d’un prêtre à l’autre, d’un paroissien à un autre …
Evidemment, il y a une faiblesse dans cette image du miroir : nous ne sommes pas un simple reflet plat, comme c’est le cas dans les miroirs, mais des vraies personnes, reflets vivants d’une autre Personne vivante. Et saint Jean nous aide bien en nous fournissant une image complémentaire, à vrai dire très ancienne (On la trouve dans le Cantique des cantiques) : Dieu et l’humanité sont comme des époux. « L’Esprit et l’épouse disent viens ! » : l’Esprit, c’est l’amour, l’épouse est l’humanité, l’Eglise ; l’époux est le Christ.
Dit autrement : Dieu « s’habille » pour son mariage avec l’humanité, il revêt un habit humain, un habit de fête, et fait sa déclaration à sa bien-aimée, « ceci est mon corps livré pour vous » …
Et s’il y a un ressemblance entre l’Eglise et la Trinité, c’est peut-être comparable à la ressemblance qui finit par s’installer entre deux époux, après de nombreuses années de mariage. Ce beau sacrement est une évangélisation à lui tout seul !
L’unité dont parle Jésus ne se cantonne pas à la seule Eglise, il souhaite cette unité du genre humain : c’est la troisième marche. St Paul enseigne que Dieu veut « récapituler toutes choses dans le Christ, celles du Ciel et celle de la terre (Ephésiens 1)».
Certes, nous devons travailler à l’unité de l’Eglise, cette unité rendant le message crédible et donc évangélisateur ; certes, cette unité fera ressembler l’Eglise à la Trinité ; mais c’est finalement toute l’humanité qui est appelée à l’unité pour revenir à Dieu qui est son origine et sa fin, comme l’a dit le Christ, « je suis l’Alpha et l’Oméga » (l’origine et la fin de toutes choses).
C’est aujourd’hui la journée des communications sociales : j’entendais hier à la radio le Père Federico Lombardi déclarer : « finalement, ce que nous avons à communiquer, c’est la Bonne Nouvelle ». Cette bonne nouvelle est double, elle apporte une réponse à deux aspirations fondamentales de l’humanité. La première aspiration est celle que tout homme a d’être considéré comme un trésor, en lui même de façon unique, sa preuve maladroite en est l’individualisme actuel. La seconde aspiration est inverse : elle fait du monde un village, inexorablement uni, où la communauté des hommes a de plus en plus d’importance ; la preuve (neutre) de cette aspiration est la mondialisation, Internet en est l’instrument le plus évident.
Toutes ces aspirations se trouvent résumées et purifiées dans la Trinité, et dans son image fidèle ; l’Eglise, qui est sainte et composée de pécheurs. La découvrir, c’est découvrir Dieu, en qui tout homme trouve son repos définitif et sa joie, amen alleluia !
P. Emmanuel d'Andigné
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