Avec vous, je me réjouis de ce que le Pape Benoît XVI a annoncé vouloir créer un nouveau conseil pontifical « pour la nouvelle évangélisation » (il l’a déclaré le 28 juin dernier). Voici sa feuille de route : le dicastère devrait promouvoir une évangélisation renouvelée dans les pays "où la première annonce de la foi a déjà résonné et où sont présentes des Eglises d'ancienne fondation, mais qui sont en train de vivre une sécularisation progressive de la société et une sorte d'éclipse du sens de Dieu", et où se manifeste "une crise grave du sens de la foi chrétienne et de l'appartenance à l'Eglise".
Je me réjouis également de ce que c’est exactement ce que nous faisons ici (notamment dans les parcours Alpha et l’ « évangélisation des boîtes aux lettres ») !
C’est bien une fois de plus à l’évangélisation que Jésus nous appelle « dans les localités où lui-même devait aller » : c’est l’occasion de redire que l’évangélisation consiste à présenter Jésus aux gens et présenter les gens à Jésus, comme on présente un ami à un autre ami, ce qui veut dire qu’il ne faut pas attendre d’être un expert théologique ou une encyclopédie catéchétique pour parler de Jésus … bien sûr, il faut le connaître, l’avoir rencontré, être un véritable ami ou un ami sincère au moins !
Il y a là deux aspects : Nous sommes le premier visage de Dieu sur la route de la conversion des hommes, et cela signifie que nous avons une lourde responsabilité sur les épaules d’une part, et d’autre part que nous ne sommes pas responsables du succès de cette nouvelle amitié, du moins pas entièrement, ce qui nous permet de conserver l’humilité, pour être des ambassadeurs de Dieu et non des présidents.
Cet après-midi, j’ai pris l’air dans le jardin du presbytère, et je suis tombé sur un parterre de fraises ; eh bien je l’avoue, quand j’ai vu leur « mine », leur taille, je les ai méprisés dans mon cœur ; n’est-ce pas ce que les non-chrétiens pourraient faire en nous voyant nous ? Ne sommes-nous pas tout petits devant des grands saints qui ont changé la face de la terre ? Cela n’empêchera nullement notre témoignage d’être percutant, car, je l’avoue aussi, les fraises étaient toute spetites mais vraiment excellentes ! D’ailleurs, j’en ai ici, je vous en ferais bien goûter, mais je voudrais vous aider à respecter le jeûne eucharistique …
Jésus dit dans l’Evangile : « réjouissez-vous ! » ; l ’oraison d’ouverture parle une fois de plus de joie ! Eh bien il se trouve que je possède un trésor, chez moi, c’est un livre qui porte un drôle de nom, et c’est une mine d’or : il s’appelle « concordance du Nouveau Testament » ; on y trouve tous les mots du Nouveau Testament, comptés, classés par livres, par catégories … et on y apprend, justement, que le mot « joie » est utilisé 176 fois dans cette partie de l’Ecriture.
Comme vous pouvez l’imaginez, on y voit toutes sortes de joies, même des mauvaises, comme par exemple la joie d’Hérode quand il voit enfin Jésus, et que sa joie vient tout bêtement de la satisfaction de sa curiosité…
Mais en tous les cas, dans les 176 utilisations de ce mot, deux ensembles se distinguent, l’un comportant toutes sortes de nuances, l’autre au contraire étant assez unifié.
Le premier ensemble est celui des joies terrestres, le second, celui des joies célestes. Parmi les joies terrestres, on compte la joie d’avoir enfin un enfant quand on l’a attendu, la joie d’un mariage, la joie de voir l’un des membres de la famille à l’honneur … c’est bien normal que l’Ecriture sainte nous renvoie notre propre image, puisqu’elle est non seulement une révélation de Dieu, mais aussi une révélation faite à l’homme sur lui-même.
Et au moment où Dieu se fait homme, au moment où Dieu descend sur la terre, le premier ensemble (les joies terrestres) fait la rencontre du deuxième ensemble : la joie céleste ; au moment de cette rencontre, Saint Matthieu nous dit que les mages « furent remplis d’une très grande joie » … autrement dit, la joie terrestre pressent que la joie céleste va lui apporter un surcroît de joie, une joie complète, parfaite, une plénitude de joie.
« Entre dans la joie de ton maître » : la vie spirituelle est une entrée dans la joie de Dieu, qui est d’une autre nature que la nôtre, mais qui se marie très bien avec elle, et qui en est évidemment l’origine.
Dans l’Evangile d’aujourd’hui, nous avons un phénomène très intéressant : c’est bien sûr la rencontre entre deux joies, celle des disciples et celle de Jésus, mais plus précisément la rencontre entre une joie religieuse et la joie spirituelle. Les apôtres se réjouissent d’un succès apostolique, d’une mission qui « marche », et aujourd’hui encore, grâce à Dieu, il y a des succès, et on rencontre encore aujourd’hui des gens qui sont tourmentés par des esprits mauvais et qui se tournent vers les disciples du Christ (cela m’est arrivé cette semaine).
Jésus fait passer les apôtres à une joie plus pure, qui est plus que religieuse, elle est spirituelle, elle vient directement de Dieu, elle est une participation à l’être même de Dieu, elle porte un nom, d’ailleurs : l’Esprit Saint ! Le religieux est bon, il est nécessaire, mais il doit conduire au spirituel.
J’ai participé à un dîner de rue, comme on les pratique beaucoup aujourd’hui ; deux personnes m’ont dit : « votre paroisse, en tous les cas, elle est vivante ! » Voilà une joie religieuse… mais tout l’art de l’évangélisation est d’être attentifs aux joies de la terre, sans que jamais ces joies ne viennent à obscurcir le sens de Dieu et la joie spirituelle qu’il procure.
Saint Paul disait : « soyez joyeux avec ceux qui sont dans la joie, pleurez avec ceux qui pleurent » ; et ainsi, étant de véritables amis pour tous les hommes, et étant de véritables amis de Dieu, alors vous pourrez « faire les présentations », et contribuer à déposer dans les cœurs la joie même de Dieu.
P. Emmanuel d'Andigné
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