26 décembre 2009

Homélie du 27 décembre 2009

Homélie de la fête de la sainte famille 2009 - année C

Imaginez un homme dans le désert … il fait chaud, il a soif, il marche avec peine le long d’une citerne remplie d’eau, mais comme il n’ouvre pas le robinet, il ne parvient pas à boire …

Nous avons, aujourd’hui, une citerne remplie de Sagesse : le magistère de l’Eglise, l’enseignement des Papes, de quoi désaltérer intelligence et cœur … Avez-vous lu « familiaris Consortio ? » (1981)

Elle s’adresse aux familles, bien sûr, celles qui vont bien, mais aussi à celles qui vont mal, ou à tous c’eux qui s’interrogent … tout le monde a soif !

« Elle s'adresse en particulier aux jeunes qui s'apprêtent à s'engager sur le chemin du mariage et de la famille, afin de leur ouvrir de nouveaux horizons en les aidant à découvrir la beauté et la grandeur de la vocation à l'amour et au service de la vie. »

L’exhortation Familiaris Consortio de Jean-Paul II, malgré ses 28 ans n’a pas vieilli du tout. Réalisme, bonté, courage, ouverture d’esprit, c’est le cocktail que nous goûtons avec délice, lorsque nous la lisons …

Comme une invitation à la lecture, et en prolongement de l’Evangile que nous venons d’entendre, je souligne avec vous trois aspects importants :

Familiaris Consortio fut écrit un an après le synode des évêques sur la famille (1980) : pour répondre à une question concernant le mariage et la famille, il est recommandé par les évêques, au cours de ce synode, de «revenir au commencement», attitude fondamentale de Jésus (attitude fondamentale de l’Eglise) qui consiste à tojours partir de la création pour résoudre une difficulté.

Le premier enseignement de Jésus sur la famille est sa propre vie de famille, nous ne venons de l’entendre, et puis, lorsqu’on lui demande si l’on peut répudier sa femme, il répond (Mt 19) « au commencement, il n’en était pas ainsi »

« Au commencement » , premier mot de la Genèse, premier « mot » du Credo (« créateur du Ciel et de la terre ») est donc pour Jésus et pour l’Eglise la base de tout raisonnement

C’est une leçon que nous pouvons retenir pour bien d’autre sujets que l’amour, le mariage et la famille, mais qui convient particulièrement pour ces trois réalités qui furent présentes dès la création et auxquelles le Christ a donné une dimension tout autre, c’est le deuxième aspect.

Il y a deux mystères spécifiques au christianisme qui éclairent merveilleusement l’amour le mariage et la famille, ce sont la Trinité et la Croix !

la Trinité est une « famille », dans laquelle se vit une communion, c’est-à-dire une distinction entre les personnes et une parfaite égalité entre elles. On dit du Fils : « il est Dieu, né de Dieu, lumière né de la lumière … ; on dit de l’Esprit : « avec le Père et le Fils il reçoit même adoration et même gloire ». Distinction des personnes, égalité parfaite puisqu’il n’y a qu’un seul Dieu … et de même « ils ne sont plus deux, mais ils ne font qu’un », dit Jésus sur les époux, montrant la ressemblance entre famille et Trinité.

C’est la raison pour laquelle Dieu a voulu la famille, comme un miroir de son propre mystère et la Trinité un enseignement vivant sur ce à quoi doit ressembler la famille. A cela, il faut ajouter que la Trinité n’est pas seulement un modèle, mais aussi une source de force, de bénédiction, de protection

Avec la Trinité, la croix est un mystère très éclairant. Pourquoi ?
A vrai dire, c’est de la crèche à la croix que Jésus montre à quel point l’amour est un don, et non seulement une attirance mutuelle ; « aimer c’est tout donner et se donner soi-même » disait Sainte Thérèse de Lisieux. Dieu se donne à l’humanité en se faisant homme et il se donne jusqu’au bout sur la croix

Jean-Paul II continue : « la charité conjugale (…) est la façon propre et spécifique dont les époux participent à la charité du Christ se donnant lui-même sur la croix, et sont appelés à la vivre. »

Se donner l’un à l’autre, se donner à leur enfants, se donner à tous leurs frères, dans des cercles de plus en plus larges, voilà le programme de la vie des époux, à l’imitation de Jésus.

Je termine avec le troisième aspect, après le fameux « retour au commencement » et l’originalité du christianisme en matière familiale, je veux parler de la question de la liberté.

Un “tube” des années 80 disait : « t’es OK t’es bat’, t’es in ... tu me dis que je suis une fille super, et tu m’as l’air sincère, tu me dis que tu voudrais m épouser, mais j’veux ma liberté ». Y a-t-il opposition entre liberté et mariage ? C’est tout le contraire ! Quelle est la racine, l’origine des problèmes que rencontrent les familles aujourd’hui ? Bonne question ! Voici la réponse du magistère de l’Eglise :

« A la racine de ces phénomènes négatifs, il y a souvent une corruption du concept et de l'expérience de la liberté, celle-ci étant comprise non comme la capacité de réaliser la vérité du projet de Dieu sur le mariage et la famille, mais comme une force autonome d'affirmation de soi, assez souvent contre les autres, pour son bien-être égoïste. »

La liberté a besoin de la vérité pour conserver sa dignité. La liberté est comme l’être humain : il n’est pas bon qu’elle soit seule. Etre libre, c’est faire le bien, sans se laisser influencer par son égoïsme ou par autrui. « La vérité vous rendra libres », disait Jésus. Rendons grâce à Dieu pour la sagesse de l’Eglise, et écoutons quelques uns des derniers mots de l’exhortation du vénérable Jean-Paul II :

« Que saint Joseph, «homme juste», travailleur infatigable, gardien absolument intègre de ce qui lui avait été confié, garde ces familles, les protège, les éclaire toujours!

Que la Vierge Marie, qui est Mère de l'Eglise, soit également la Mère de l'«Eglise domestique»! Que grâce à son aide maternelle, toute famille chrétienne puisse devenir vraiment une «petite Eglise» dans laquelle se reflète et revive le mystère de l'Eglise du Christ ! »


P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 25 décembre 2009

Homélie du jour de Noël 2009 - année C
Vous souvenez-vous de cette rencontre un peu mystérieuse entre Nicodème et Jésus au chapitre 3 de l’Evangile selon saint Jean ? Elle est éclairante pour commenter l’Evangile de d’aujourd’hui (chapitre 1) : l’évangéliste précise que Nicodème vint voir Jésus « nuktos », « de nuit » … il est vrai que la nuit tombe à 17h là-bas, mais ce détail est en réalité très important ! Les ténèbres lui permettent de ne pas se faire repérer mais il y a aussi d’autres ténèbres : le terrorisme intellectuel des opposants à Jésus, qui procède des ténèbres du péché, et c’est malgré les ténèbres que la conversation s’engage entre Jésus et Nicodème, conversation où Jésus annonce que le baptême est une renaissance, une nouvelle naissance.

Eh bien c’est également dans les ténèbres, entouré de ténèbres, que Jésus est né : des ténèbres matérielles (les mages sont guidés par les étoiles ; les bergers font une veille de nuit) et les ténèbres spirituelles (jalousie d’Hérode ; le rejet des différentes hôtelleries).

Vous savez bien, par ailleurs, que Jésus est ressuscité de nuit ! ça n’est que le lendemain matin que les femmes s’aperçoivent qu’il n’est plus au tombeau …

Jésus est vraiment la lumière qui vient au milieu des ténèbres : les ténèbres matérielles (c’est une manie, chez lui, de faire les choses les plus importantes la nuit) et les ténèbres spirituelles. Et là, il faut ajouter un détail : il y a ténèbres non seulement lorsque les hommes rejettent Dieu mais aussi lorsque les hommes attendent ou ignorent Dieu, comme lorsqu’on a besoin d’une lumière pour avancer dans la nuit ou en sortir …

Jésus vient, aujourd’hui encore, pour briller dans les ténèbres : « le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière », dit le prophète Isaïe

Les ténèbres sont de trois ordres, aujourd’hui : d’ordre matériel, comme toujours ; d’ordre spirituel, comme toujours ; d’ordre psychologique, comme toujours mais d’une façon beaucoup plus accentuée de nos jours.

Psychologiquement, on peut avoir le sentiment d’être dans le noir, et il est certain, bien que cela ne soit pas central, je l’ai vu maintes et maintes fois, que la présence de Jésus est excellente pour le moral : il est un confident, un ami sûr …

Spirituellement, être dans les ténèbres peut signifier « être dans l’ignorance de Dieu, ne pas savoir d’où vient la vie et où elle mène » c’est un aspect très répandu aujourd’hui !

Etre dans les ténèbres n’épargne pas les chrétiens, qui peuvent s’habituer au mal, comme font nos yeux dans l’obscurité, en s’habituant à certains péchés de sorte qu’ils finissent pas ne plus voir le mal. J’ai eu en effet un jour une conversation hallucinante avec une personne qui me disait tranquillement que selon elle « le vol n’était pas un péché » ! Elle s’était tellement habituée à « se servir » dans le cadre de son travail qu’elle avait fini par rayer le vole de « sa » liste de péchés …

Le saint Curé d’Ars disait : « l’Esprit Saint est une lumière et une force. Grâce à lui, on peut distinguer le vrai du faux, le bien du mal. » La conception de Jésus, la naissance virginale, la résurrection sont l’œuvre de l’Esprit Saint, et donc, notre renaissance spirituelle, qui dépend de tous ces évènements, sera l’œuvre de l’Esprit Saint.

Le saint Curé disait également : « Sans l’Esprit-Saint, tout est froid. Aussi, lorsque l’on sent que notre amour de Dieu diminue, il faut vite faire une prière à l’Esprit-Saint. Alors son souffle passera sur nous et notre âme sera renouvelée comme par ce vent chaud qui fait fondre la glace et qui ramène le printemps »

Le printemps dont il est question est annoncé par Pâques et cet itinéraire de Noël à Pâques, est bien sûr l ‘œuvre de Dieu mais aussi la nôtre : Jésus a dit « vous êtes la lumière du monde », ce qui veut dire que, non seulement nous devons éclairer notre propre ténèbre, mais aussi, tout en ravivant la flamme, sans attendre la perfection angélique, l’exposer aux regards de ceux qui cherchent la lumière. Je connais quelqu’un qui a invité quelques personnes pour Noël en leur disant : « pourquoi ne viendrais-tu pas à la messe de Noël cette année ? » Voilà une manière simple d’évangéliser ! Il ne faudrait pas passer Noël sans trouver un moyen de communiquer la lumière à ceux qui sont dans les différentes ténèbres existantes …

La bonne nouvelle, c’est que, bien malgré elle, la ténèbre fait ressortir la lumière, dont l’éclat brille d’avantage quand elle est baignée de ténèbre : sa puissance est limitée, et Dieu est tout-puissant !

P. Emmanuel d'Andigné

25 décembre 2009

Bonus pour Noël 2009 !

Reconnaissance des Juifs envers Pie XII

Quelques faits historiques rappelant la gratitude des Juifs à l'égard de Pie XII.

• 13 février 1945, Israële Zolli (1881-1956), Grand Rabbin de Rome, se converti au catholicisme et prend pour nom de baptême Eugène, en hommage à Eugène Pacelli, alias Pie XII.

• 7 septembre 1945. Giuseppe Nathan, commissaire de l’Union des communautés israélites, rend grâce « au souverain Pontife, aux religieux et aux religieuses qui n’ont vu dans les persécutés que des frères, selon les indications du Saint-Père" (L’ Osservatore Romano, 8-9-1945) ».

• 21 septembre 1945. Le docteur Leo Kubowitski, secrétaire du Congrès Juif Mondial, est reçu par Pie XII afin de lui présenter ses remerciements pour l’oeuvre effectuée par l’Eglise Catholique dans toute l’Europe en défense du peuple juif. (L’ Osservatore Romano, 23-9-1945).

• 11 octobre 1945. Le Congrès juif mondial offre 20 000 dollars au Vatican en reconnaissance des efforts de la Sainte Eglise catholique romaine dans le sauvetage des Juifs persécutés par le nazisme et le fascisme (New-York Times, 11 octobre 1945).

• 29 novembre 1945. Le pape reçoit 80 délégués des réfugiés juifs, provenant de camps de concentration allemands, « très honorés de pouvoir remercier personnellement le Saint-Père, pour la générosité qu’il leur a démontrée pendant la terrible période nazie ».

• 26 mai 1955. 94 musiciens juifs, de l'orchestre philharmonique d'Israël, sous la direction de Paul Kletzki, ont joué sous les fenêtres du Vatican « en reconnaissance de l’œuvre humanitaire grandiose accomplie par le Pape pour sauver un grand nombre de juifs pendant la seconde guerre mondiale ».

• 9 Octobre 1958. A la mort de Pie XII, le Premier Ministre Israélien Golda Meir déclare : « Pendant la décennie de terreur nazie, quand notre peuple a subi un martyre terrible, la voix du pape s’est élevée pour condamner les persécuteurs… Nous pleurons un grand serviteur de la paix ».

• 10 Octobre 1958. Le Dr. Elio Toaff, Grand Rabbin de Rome, déclare : « Les juifs se souviendront toujours de ce que l’Eglise catholique a fait pour eux sur l’ordre du Pape au moment des persécutions raciales ». Il ajouta : « de nombreux prêtres ont été emprisonnés et ont sacrifié leur vie pour aider les juifs ». (Le Monde 10.10.1958).

• 1963. M. Pinchas Lapide, consul d’Israël à Milan du vivant de Pie XII, déclare au journal Le Monde : « Je peux affirmer que le pape, le Saint-Siège, les nonces et toute l’Eglise catholique ont sauvé de 150.000 à 400.00 juifs d’une mort certaine… L’église catholique sauva davantage de vies juives pendant la guerre que toutes les autres églises, institutions religieuses et organisations de sauvetage réunis ». (Le Monde le 13.12.1963).

• 1975. Le Dr Safran, Grand Rabbin de Roumanie, a estimé à 400.000, les juifs de Roumanie sauvés de la déportation par l’œuvre de St Raphaël organisée par Pie XII. « La médiation du Pape sauva les juifs du désastre, à l’heure où la déportation des Roumains était décidée » (Pie XII face aux nazis, Charles Klein - S.O.S. 1975).

• 16 Février 2001. Le grand rabbin de New York, David Dalin, déclare que Pie XII était injustement attaqué alors qu’il peut être considéré comme “un juste”, aux yeux des Juifs. « Il fut un grand ami des Juifs et mérite d’être proclamé “Juste parmi les Nations” parce qu’il a sauvé beaucoup de mes coreligionnaires, bien plus même que Schindler… Selon certaines statistiques, au moins 800.000". Il rend hommage à l’écrivain Antonio GASPARI pour son ouvrage "Les juifs sauvés par Pie XII" et rappelle qu’"au cours des mois où Rome a été occupée par les nazis, Pie XII a donné pour instruction au clergé de sauver des juifs par tous les moyens". Lorsqu’on a remis au cardinal Palazzini la médaille des "justes" pour avoir sauvé des juifs, il affirmait : "le mérite en revient entièrement à Pie XII" ». Le Grand Rabbin Dalin conclut : « Jamais un pape n’a été autant félicité par les Juifs. Immédiatement après la Seconde Guerre Mondiale et durant les années qui ont suivi, des centaines de manifestations d’estime envers Pie XII ont été apportées à son égard de la part des plus hautes autorités d’Israël depuis Mme Golda Meir et le Grand Rabbin de Jérusalem, jusqu’au Grand Rabbin de Rome, Elio Toaff » (Interview au Weekly Standard).

• 13 Octobre 2008 : Plusieurs Juifs italiens témoignent devant les caméras avoir été sauvés par des membres de l'Eglise, avec le soutien de Pie XII, lors des persécutions nazies. Parmi eux, Emanuele Pacifici, le fils de Riccardo Pacifici, rabbin de Gênes durant la guerre.

source : http://www.pie12.com/index.php

Homélie du 24 décembre 2009

Homélie de la nuit de Noël 2009
lettre à St Jean-Marie Vianney, curé d’Ars
Angers, le 24 décembre 2009

Mon Cher Confrère,
Permettez-moi de vous appeler ainsi, bien que je mesure, comme vous l’avez éprouvé vous-même en votre temps, tous les obstacles qu’il y a en moi à la très belle grâce du sacerdoce. C’est bien la même grâce, pourtant, que nous avons reçue, vous et moi, et nos deux confrères Jean, ici : le sacerdoce unique de Jésus, qui se manifeste, tant bien que mal, dans tous les prêtres du monde. Si nous avons confié cette année sacerdotale à votre bienveillante protection, c’est bien pour que nous prenions confiance en nous et en fait confiance en Dieu, qui veut que chacun de ses enfants devienne saint et soit par conséquent parfaitement heureux.

Un jour, vous avez dit :
« Sans le Saint-Esprit nous sommes comme une pierre du chemin. Prenez dans une main une éponge imbibée d'eau, et dans l'autre un petit caillou; pressez-les tous les deux. Il ne sortira rien du caillou, et de l'éponge vous ferez sortir de l'eau en abondance. L'éponge, c'est l'âme remplie du Saint-Esprit, et le caillou, c'est le coeur froid et dur où le Saint-Esprit n'habite pas. »

Avec votre permission, je voudrais continuer sur l’image … nous disposons aujourd’hui d’un outil extraordinaire –Internet-, et vous devez sourire, de là-haut, en voyant nos yeux hypnotisés et nos dos qui se courbent de plus en plus devant la boîte magique … mais vous conviendrez avec moi, qu’on y apprend plein de choses : on y apprend, tout d’abord, que l’éponge, au départ, est un animal, dont on prélève le squelette pour réaliser les bonnes vieilles éponges ; c’est un organisme vivant, ce qui fait une première ressemblance avec l’homme ;

mais vous sourirez, là franchement, en apprenant qu’il y a une autre ressemblance, et des plus intéressantes : en effet, les éponges sont des organismes hétérotrophes, ce qui veut dire, je le précise pour vous qui n’aimiez pas les mots compliqués, qu’ils ne peuvent pas se nourrir tout seuls, sans matière organique préexistante (et pourtant la plupart des plantes qui peuplent l’océan sont autotrophes, c’est-à-dire qu’elles se débrouillent pratiquement toutes seules pour manger) ; aucun être humain ne peut se passer des autres pour manger, nous avons besoin les uns des autres, et c’est pour cela que, astucieusement, en cette période de Noël, beaucoup de gens aujourd’hui se préoccupent de ceux qui n’ont rien à manger : c’est comme cela que l’humanité est digne d’elle-même, car nous ne sommes pas des plantes ;
et puis il y a autre chose : tout le monde sait bien qu’une éponge a finalement trois états :
L’état neuf, le bon état de celle qui sert régulièrement et la dureté, là encore, de l’éponge qui n’a pas servi depuis longtemps. Lorsque Dieu nous a créés, notre cœur était bon, puis très vite dur, comme une éponge qui avait été comme « asséchée » par le péché originel ; lorsque Dieu nous a recréés, le jour du baptême, notre cœur a été rempli de son amour qu’on appelle l’Esprit Saint. Mais il est si facile, hélas, vous le savez bien, de laisser l’éponge sur un coin ou dans un placard, en supposant étrangement que le ménage se fera tout seul. Il me semble, voyez-vous, que la dureté de l’éponge qui ne sert pas assez, je veux dire le cœur de l’homme qui ne se remplit pas de Dieu, n’a pas grand’chose à envier au caillou, et je préfère cette image, car on pourra toujours faire repartir une éponge et la faire servir encore un peu si on l’avait abandonnée, tandis qu’un caillou ne peut plus jamais servir une fois qu’il a durci.
Je comprends votre image à vous, elle est là pour secouer, réveiller celui qui dort. Mais je suis tellement persuadé que la cause d’un être humain n’est jamais désespérée que j’ose croire qu’il peut renouveler sa vie en recevant la grâce de Dieu et devenir vraiment nouveau ! Ne l’avez-vous pas prouvé dans le beau ministère de la confession ?
Aujourd’hui, c’est Noël. Cela veut dire qu’un fille d’Israël a bien voulu que l’Esprit descende en elle et qu’elle donne naissance au Messie. Il suffit donc que nos cœurs fassent la même chose : nous laisser remplir de cette eau divine qu’on appelle l’amour pour en quelque sorte « mettre au monde » Jésus. Avec vous, dans la communion des saints, je demande à Dieu pour ma paroisse la grâce de la conversion, que nos cœurs soient de plus en plus mouillés de l’amour divin, afin que le monde soit lavé de ses péchés et que l’humanité puisse redonner leur dignité aux pauvres.
Aujourd’hui, c’est Noël, et tout le monde sait bien que les enfants aiment cette fête. Et on dit -le disait-on à votre époque ?- que les enfants sont comme des éponges, ils apprennent beaucoup et très vite, ils absorbent toute eau qui se présente. Avec vous, dans la communion des saints je demande à Dieu qu’il nous donne à tous ce soir un cœur d’enfant, qui reçoit l’eau de l’amour de Dieu en toute simplicité.
Et ainsi, tout au long de notre vie, et même un peu après, en pressant sur nos cœurs, on pourra voir jaillir l’amour de Dieu, sans lequel, en vérité, on ne peut pas vivre. Et puis à quoi bon une éponge qui garderait l’eau pour elle ?
Je vous remercie, Cher Confrère, d’avoir vécu comme vous l’avez fait et de veiller sur nous depuis le Ciel, et je vous demande nous bénir.

P. Emmanuel d'Andigné

19 décembre 2009

Homélie du 20 décembre 2009

Homélie du 4ème dimanche de l'Avent - année C
Les gestes de la messe, suite et fin
Nous avons exploré une bonne partie des gestes de la messe, et nous allons bientôt être à cours d’explication, et ce pour trois raisons : la première, c’est que la somme des gestes n’est pas infinie, la seconde et la troisième touchent à la nature même de la liturgie :

Par nature, la liturgie donne naissance à des gestes sans qu’il y ait toujours une explication claire et avérée historiquement,car elle est l’expression de la foi, et qu’on ne peut pas enfermer dans un code unique et immobile le culte public que nous rendons à Dieu (pas plus, d’ailleurs, qu’on ne peut le faire dans le culte privé, personnel ou familial, la vie de prière, qui ne peut pas rester toute une vie figée). Nous allons en avoir une illustration dans un instant.

Et puis, troisième et dernière raison : par nature, la liturgie a quelque chose d’artistique, de « dramatique », au sens théâtral du terme. La liturgie, c’est le chef d’œuvre de la prière, elle est faite pour être belle, et comme toutes les œuvres d’art, une fois réalisée, elle se prête à l’interprétation et échappe bien vite à ceux-mêmes qui l’ont conçue, de sorte qu’elle devient (pardon pour le gros mot) "polysémique" : un même geste peut avoir plusieurs sens, pourvu que tous les sens qu’on ajoute et qu’on peut légitimement ajouter soient conformes à la règle de foi.

Ce principe bien connu est celui selon lequel tout ce que nous pensons soit compatible parfaitement avec l’ensemble de la Révélation que Dieu nous a faite, et c’est l’œuvre des Papes, surtout, que d’avoir veillé à cette règle de foi, pour faire le tri, en quelque sorte, entre les opinions passagères, les erreurs, les intuitions excellentes et les progrès dans la compréhension du dogme chrétien. Il faut toujours soumettre ses intuitions au magistère de l’Eglise

Juste avant de proclamer l’évangile, on se signe sur le front, la bouche et le cœur : pourquoi ?

L’histoire de ces petites croix est très compliquée, l’Orient et l’Occident ont évolué tous les deux dans plusieurs directions, toutes complémentaires) signant d’abord uniquement le front, puis progressivement en plus, la bouche et le cœur. Personne ne sait avec précision à quand remonte cette pratique, ni ce qu’elle pouvait signifier exactement au moment où elle fit son apparition …

Ce qui est très probable, c’est son lien avec le baptême, car depuis toujours on signe le front du baptisé : ce geste rappelle donc le baptême, et le fait que le mystère de la croix est fondamental pour l’efficacité d’un baptême vécu et assumé toute la vie.

Quant à sa signification pour nous aujourd’hui, je vous propose cette interprétation : tout d’abord, je constate avec vous que notre corps est vraiment concerné par la religion, c’est bien lui que nous marquons à trois reprises de la croix ; une religion que ne serait que du cœur, que de l’intelligence ou que du discours serait en danger de disparition ou d’idéologisation. Un homme est fait de corps autant que d’âme, son corps est donc un acteur respectable de la liturgie
(des gens s’affligent de n’être à la messe que de corps : à ceux-là, je voudrais dire que en attendant que le cœur et l’intelligence s’y mettent, si le corps est là, c’est déjà pas mal, et c’est une belle prière ! Bravo d’avoir déplacé vos corps jusqu’ici, recommencez dimanche prochain !)

Ensuite, pour ce qui est de l’intelligence, nous devons la nourrir, et pas seulement pendant l’homélie : la catéchèse adulte commence cette année le 12 janvier. Il faut nourrir sa foi, et demander à Dieu qu’il apporte, au moment de l’Evangile, un éclairage à notre intelligence.

Pour ce qui est du cœur, il est bon de faire un signe de croix dessus, pour éviter que notre élan spirituel se borne à des sentiments, même s’ils sont bons : la croix ajoutée au cœur donne à celui-ci une vraie profondeur.

Enfin, pour ce qui est de la croix sur les lèvres, j’y vois deux intérêts : que toutes nos paroles soient dignes de Jésus, et que nous ayons la simplicité et l’audace de répandre l’évangile dans cette paroisse, pour ne pas garder pour nous cette parole qui donne la vie.

L’Evangile d’aujourd’hui, et je termine par là, donne confiance à celui qui partira évangéliser : en effet, Marie s’est déplacée « en hâte », « rapidement », pour aller rendre visite à sa cousine et Jean-Baptiste, dans le sein de sa mère, a tressailli d’allégresse en présence de Marie qui lui portait Jésus …

Les personnes qui habitent tout près de chez nous sont comme Elisabeth, ils portent une espérance et une attente de Dieu, ils tressailliront d’allégresse si nous leur portons Jésus, ils verront enfin ce qu’ils espèrent au fond d’eux-mêmes. Que l’Esprit Saint nous communique sa hâte, et suscite de nombreuses visitations !

P. Emmanuel d'Andigné

15 décembre 2009

Homélie du 06 décembre 2009

Homélie du 2ème dimanche de l'Avent - année C
Qui arrive en premier ? La poule ou l’oeuf ? En liturgie, un problème analogue se pose : qui arrive en premier ? Le geste ou le cœur ? Les gestes nous permettent d’exprimer ce que nous avons dans le cœur ou dans la tête, c’est vrai … mais ils sont aussi à l’origine de ce que nous mûrissons dans notre tête ou notre cœur, d’où l’intérêt de cette méditation que nous allons faire pendant l’Avent sur les gestes de la messe.
le geste de l’Orant
Dom Guéranger, le fameux bénédictin du XIXème siècle qui restaura l’ordre des bénédictins et fonda l’abbaye de Solesmes , grand spécialiste de la liturgie, relie ce geste directement à la croix, en déclarant : « Le Prêtre doit avoir les bras étendus pour dire la Collecte (entendez la prière d’ouverture, au tout début de la messe). II observe en cela l’ancienne manière de prier des premiers Chrétiens. De même que Notre Seigneur a prié sur la Croix, les bras étendus, de même les premiers Chrétiens s’adressaient-ils à Dieu en étendant les bras. Cet usage des premiers Chrétiens nous est transmis en particulier par les peintures des Catacombes, qui représentent toujours ainsi la prière : d’où le nom d’Orantes donné à ces représentations. »

L’origine de ce geste est donc avant tout traditionnelle, c’est-à-dire reposant sur le fait que les premiers chrétiens l’ont fait avant nous, ça n’est que dans un second temps que l’on a pu rattacher ce geste à la croix. St Jean-Marie Vianney, à titre d’illustration, célébrait la messe selon le rite lyonnais, c’est-à-dire notamment les bras en forme de croix, considérant donc clairement que cette coutume se rattache à la croix.

Bien sûr on ne peut s’empêcher de penser que c’est une façon de tourner son corps vers le ciel, car en levant les bras, on touche le ciel. Selon vous, où commence le ciel ? Il commence là où s’arrêtent nos cheveux (je suis donc plus proche du ciel qu’un certain nombre d’entre vous…).
Progressivement, en Occident, les fidèles ont cessé de lever les bras pendant la prière, et ce geste n’est obligatoire dans le rite romain que pour le prêtre ; l’histoire dira si la reprise de ce geste en particulier dans le renouveau charismatique est un épisode ou un prélude à une reprise : la liturgie a besoin de temps pour éprouver les gestes et les canoniser. Wait and see …

Mais le prêtre n’a pas seulement les bras levés vers le ciel, il les abaisse aussi au moment de l’épiclèse (l'imposition des mains) : c’est le moment où les offrandes, le pain et le vin, sont couvertes par l’Esprit-Saint et deviennent le corps et le sang du Christ.

Ce geste de l’imposition des mains remonte à l’Ancien Testament et consistait précisément en ceci : le prêtre qui offrait un sacrifice d’animal se voyait présenter la bête et imposait les mains à celle-ci pour la séparer de l’usage profane, elle devenait en quelque sorte « sacrée » et ne pouvait plus servir qu’à cet usage. La victime, en hébreu «olah » en latin, se dit « hostia » : si on appelle l’hostie ainsi, c’est pour rappeler que nous recevons en nous la victime, l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde, Jésus, qui s’est offert en sacrifice sur la croix. Encore une fois le sacrifice, décidément …

Par ce geste, donc, le prêtre sépare ce pain et ce vin de l’usage profane, pour qu’ils soient consacrés. Et que faut-il faire au moment de la consécration ? Si l’on s’en tient au texte officiel (Présentation Générale du Missel Romain, n°43), il est demandé aux fidèles de se mettre à genoux, de l’épiclèse à l’anamnèse… si l’on s’en tient à l’histoire récente, en France, du moins, c’est un peu plus compliqué que cela.

Je vous propose donc de considérer cette question avec humour et décontraction. Pour l’humour, je fais appel à Voltaire, pour la décontraction à notre bon sens !

Zadig, chapitre 7. « Il y avait une grande querelle dans Babylone qui durait depuis quinze cents années, et qui partageait l'empire en deux sectes opiniâtres : l'une prétendait qu'il ne fallait jamais entrer dans le temple de Mithra que du pied gauche ; l'autre avait cette coutume en abomination, et n'entrait jamais que du pied droit. On attendait le jour de la fête solennelle du feu sacré pour savoir quelle secte serait favorisée par Zadig. L'univers avait les yeux sur ses deux pieds, et toute la ville était en agitation et en suspens. Zadig entra dans le temple en sautant à pieds joints, et il prouva ensuite, par un discours éloquent, que le Dieu du ciel et de la terre, qui n'a acception de personne, ne fait pas plus de cas de la jambe gauche que de la jambe droite."

Je sais fort bien que cette question est délicate, et qu’elle correspond, dans le cœur d’un certain nombre d’entre vous à une histoire, à des principes, à une éducation et finalement aujourd’hui à la sensibilité religieuse comme on dit. Mais je sais aussi que beaucoup de gens (et je pense en particulier aux jeunes) n’ont jamais eu d’information à ce sujet et aimerait bien savoir, tout simplement. Il faut éviter, en tous les cas, je crois, de durcir la question, et d’en faire un combat, pour ou contre.

Pour plagier notre chère Sainte Bernadette, je vous dirais bien : « je ne suis pas chargé de vous le faire faire, je suis chargé de vous le dire ». Ce geste existe dans toutes les religions depuis que l’homme est homme, pour signifier l’abaissement devant la majesté divine. Pourvu que nous retenions de Voltaire (qui justement était distant par rapport à la religion !) un certain détachement, un certain humour, qui fasse que le geste n’étouffe pas le cœur, mais le serve et l’aide à grandir. C’est d’ailleurs pour cette raison que la réforme liturgique a réduit au minimum ce geste, afin qu’il garde son sens.

Et à propos de sens, c’est le bon sens aussi qui doit nous guider : si l’âge ou la maladie ou le handicap ou un problème de genoux nous en empêche, la question ne se pose même pas.

Et enfin, je puis donner, toujours dans le « chapitre » du bon sens, la suite de la citation qui concerne l’agenouillement : « Ils s´agenouilleront pour la consécration, à moins que leur état de santé, l´exiguïté des lieux ou le grand nombre des participants ou d´autres justes raisons ne s´y opposent. Ceux qui ne s’agenouillent pas pour la consécration feront une inclination profonde pendant que le prêtre fait la génuflexion après la consécration ». Ce texte est remarquable de précision et d’humanité.

Le geste de paix, à qui je donne le dernier mot, est un beau moyen de nous relier à l’ambiance des premiers chrétiens, telle que la décrivent les Actes des Apôtres, auxquels nous avons été initiés le 24 novembre dernier, simplicité de cœur, attention fraternelle, partage … c’est un geste très ancien, là encore, qui mérite d’être souligné : je cite encore une fois la PGMR :« Tous se manifestent la paix, la communion et la charité mutuelle ».

N’est-ce pas là le programme fondamental d’une paroisse ?

P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 29 novembre 2009

Homélie du 1er dimanche de l'Avent - année C
A la demande des catéchistes de la paroisse, je vais inaugurer aujourd’hui une méditation sur les gestes de la messe : gestes que nous faisons peut-être mécaniquement, et dont nous voudrions parfois connaître le sens, si c’est possible …
Faisons, tout d’abord, un peu d’histoire : le 08 décembre 1965, le Pape Paul VI confiait à l’Immaculée le devenir de l’Eglise, en clôture du Concile Vatican II. Quatre ans plus tard, une réforme liturgique était mise en place, pour tenir compte, dans la liturgie, des grandes intuitions du Concile. Cette réforme, naturellement, contenait des éléments traditionnels, car la liturgie est toujours fondamentalement la même « action du peuple » (leitourgia) par laquelle elle reçoit de Dieu tout ce dont les hommes ont besoin pour trouver nourriture, pardon, force, vie éternelle. Cependant, des « modernisations » semblaient nécessaires, qui allèrent, en général, dans le sens de la simplification.
Le signe de croix, geste fondamental s’il en est, a deux sens : tout d’abord il rappelle la foi en la Trinité (Dieu est unique en trois personnes), car c’est ainsi que Dieu s’est révélé à nous par Jésus-Christ ; si ce point nous ennuie, intellectuellement, sachons tout simplement recevoir Dieu comme il est, même si cela nous échappe en grande partie, de même qu’un mari reçoit sa femme comme elle est ou sa femme son mari, sans qu’il toujours possible de tout saisir, n’est-ce pas ? …
Le signe de croix rappelle également, bien sûr, et c’est le deuxième aspect, la mort de Jésus, de sorte que nous pouvons redire ce qu’est la messe : le renouvellement non-sanglant du sacrifice de Jésus sur la croix, plutôt qu’un simple « rassemblement des chrétiens », comme je l’entends souvent, définition juste au plan sociologique, mais un peu insuffisante au plan spirituel. Si nous pouvons fêter le dimanche la résurrection du Christ, c’est bien parce que la messe nous met en présence de la passion et de la mort de Jésus.
Vous connaissez peut-être Jacqueline, la voyante encore vivante de l’Ile Bouchard, qui raconte comment la Vierge lui a en quelque sorte « dicté » le signe de croix, avec une extrême lenteur … il est bien sûr impossible que nous fassions de même au quotidien et dans la liturgie, mais tout au moins, de temps en temps, dans le secret de notre chambre, c’est sûrement excellent de pratiquer cette extrême lenteur, afin « d’habiter » ce geste et lui donne un peu de profondeur, y compris dans la liturgie, où il doit être fait plus vite. Nous faisons le signe de croix au moins à trois reprises dans la messe : au début de celle-ci, pour nous mettre en présence du sacrifice de Jésus, au moment de l’épiclèse pour bénir pain et vin qui deviendront corps et sang de Jésus, à la fin de la messe, pour nous inviter à demeurer en présence de la croix, source de toute sagesse. De la croix jaillissent toutes les grâces, tous les sacrements puisent leur force du côté ouvert de Jésus : c’est ce qui a fait dire au Concile que l’Eucharistie est « la source et le sommet » de toute la vie chrétienne ».
Il est donc bien naturel, une fois ceci dit, que en présence du crucifié, nous prenions conscience de nos péchés et de notre indignité : c’est la raison pour laquelle nous nous frappons la poitrine –autre geste !- au moins une fois par messe, et souvent deux. « Oui, j’ai vraiment péché », dit-on en se frappant la poitrine durant le je confesse à Dieu, et de toutes façons juste avant de communier, « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri ». C’est un geste purement conventionnel que celui-ci, car d’autres peuvent exprimer la pénitence ; cependant, profitons de ce que ce geste touche le muscle cardiaque -qu’on appelle cœur aussi- pour reconnaître que la religion est avant tout une affaire du cœur et ensuite seulement un stimulant et une lumière pour l’intelligence ; « tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur qui se tourne vers toi », dit le psaume 50.
Le violet dont sont revêtus diacres et prêtres pendant l’Avent témoignent de cet esprit de pénitence et de conversion qu’exprime la « coulpe », se frapper la poitrine ; car pour préparer la venue de Jésus, « l’Avent » de Jésus, il est bon de contempler le jugement dernier et de s’y préparer. L’Evangile aujourd’hui remplit cette fonction. Face à cette perspective du jugement, il y a deux écueils à éviter : la niaiserie du « on ira tous au Paradis » et la dureté d’un dieu qui n’a pas l’air de se rendre compte qu’on peut avoir du mal à le suivre. Au milieu de ces deux écueils, se dresse un mot magnifique : Justice ! Il est juste, n’est-ce pas, que mère Teresa et Ben Laden ne soient pas « reçus » de la même façon au Ciel …Nous ne sommes ni Mère Teresa ni Ben Laden, et donc notre jugement sera proportionné à ce que nous sommes, mais sur la même échelle de l’amour. La crainte en face du jugement est due à nos compromissions avec le péché, celui qui se convertit, par conséquent n’a rien à craindre du jugement, au contraire, il l’attend, il y trouvera sa récompense.
Nous continuerons cette méditation sur les principaux gestes de la messe pendant l’Avent, afin de progresser en profondeur dans notre relation avec Dieu, Source de notre Salut et de notre joie !

P. Emmanuel d'Andigné

01 décembre 2009

Homélie du 22 novembre 2009

Homélie du 34ème dimanche du Temps ordinaire (Christ Roi) - Année B
« Alors ? Es-tu vraiment le roi des Juifs ? ».

Jésus n’est pas roi comme les rois de la terre, mais il est roi, il vient de le dire, parce qu’il est porteur de vérité, parce qu’il est venu parmi nous la révéler et qu’il est lui-même la Vérité.

La royauté de Jésus n’est pas une royauté d’appartenance à un groupe ou une royauté d’autorité. C’est une royauté d’amour qui n’écrase personne. Jésus n’oblige personne à le suivre. C’est une royauté spirituelle tournée vers la promesse de la vie éternelle.

Un amour qui appelle et qui ne contraint pas. Au jeune homme riche il dit : « Viens et suis-moi ». Il lui propose de le suivre et de laisser tous ses biens. Dans un premier temps le jeune homme riche décline l’offre. Jésus le laisse libre. L’évangile ne nous dit pas s’il changera d’avis. Jésus nous laisse libres de faire un chemin à l’intérieur de nous-mêmes.

C’est une royauté d’amour dont le roi se laisse livrer sans défense à ses ennemis, un chef sans gardes du corps, sans services secrets, un roi sans armes, un roi d’amour qui ne force personne ni à le suivre ni à croire en lui.

Il chasse les démons, il guérit les malades, il domine la mer en furie, mais il ne demande rien en retour. C’est un amour totalement gratuit. Il nous laisse libres.

Son royaume ? On ne peut pas le saisir, vous auriez du mal à le trouver sur une carte. Son royaume ? On ne le voit pas mais il ne demande qu’à grandir au fond de nos cœurs. Jésus est roi mais à la manière de Dieu.

Dieu son Père n’écrase personne pas même ses ennemis. Aucune obligation, aucune intimidation. Jésus nous dit que « (son Père) … fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes » (Mt 5, 45), car nous sommes tous enfants de Dieu. Dieu aime même ceux qui ne l’aiment pas. Il nous demande de le suivre en faisant de même.

Est-ce que vous connaissez un chef politique qui tiendrait le même langage ?

Non vraiment la royauté de Jésus ne vient pas de ce monde, sa royauté ne vient pas d’ici. La royauté de l’amour est aussi une royauté de service. Jésus est Roi, mais il est venu non pas pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude des hommes croyants et incroyants réunis. Jésus n’a pas d’autre ambition que le service.

Jésus disait à ses disciples « Si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur. Et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous » (Mc 10, 43-44). Je pense avoir déjà cité cette phrase, mais étant diacre, il est normal qu’elle résonne profondément au fond de moi.

Et cela me permet de faire une parenthèse au sujet de mon habit liturgique. On m’a quelquefois posé la question. Ce n’est pas la chasuble du prêtre mais une dalmatique. Elle est en forme de croix avec des manches courtes et revêt les couleurs du temps liturgique. Ce vêtement est dérivé d’un vêtement civil romain originaire de Dalmatie et dont l’usage liturgique remonte au IVème siècle. Blanche à l’origine, la dalmatique prendra ensuite les couleurs de la chasuble avec deux bandes verticales devant et dans le dos. On dit que ce vêtement symbolise la joie, et aussi le service des frères.

Il y a bien un paradoxe à fêter un Roi qui a vaincu non pas une armée mais le péché et la mort par sa résurrection. Nous osons dire que le Christ est déjà Roi. Seule la foi nous permet de célébrer une telle fête.

Les Hébreux eux aussi fêtaient un Roi sans armées. Au psaume 92 le psalmiste chante : « Le Seigneur est roi, il a revêtu sa force. Notre Dieu nous a libérés, il nous a proposé une alliance et son trône tient bon depuis l’origine du monde ». Les Hébreux étaient dans l’attente du Messie qui allait les délivrer.

Dans une semaine, la liturgie va nous faire revivre l’attente de la venue du Messie. L’attente du Christ Roi à la fin des temps est du même ordre que l’attente de l’enfant Roi venu en notre monde pour nous sauver. L’Eglise nous propose dans les deux cas une démarche nous aidant à mieux comprendre quelle est la royauté de Jésus.

Seigneur, ouvre nos cœurs à l’intelligence de ta Parole. Ainsi soit-il.

Jean-Paul Rousseau, diacre