25 décembre 2009

Homélie du 24 décembre 2009

Homélie de la nuit de Noël 2009
lettre à St Jean-Marie Vianney, curé d’Ars
Angers, le 24 décembre 2009

Mon Cher Confrère,
Permettez-moi de vous appeler ainsi, bien que je mesure, comme vous l’avez éprouvé vous-même en votre temps, tous les obstacles qu’il y a en moi à la très belle grâce du sacerdoce. C’est bien la même grâce, pourtant, que nous avons reçue, vous et moi, et nos deux confrères Jean, ici : le sacerdoce unique de Jésus, qui se manifeste, tant bien que mal, dans tous les prêtres du monde. Si nous avons confié cette année sacerdotale à votre bienveillante protection, c’est bien pour que nous prenions confiance en nous et en fait confiance en Dieu, qui veut que chacun de ses enfants devienne saint et soit par conséquent parfaitement heureux.

Un jour, vous avez dit :
« Sans le Saint-Esprit nous sommes comme une pierre du chemin. Prenez dans une main une éponge imbibée d'eau, et dans l'autre un petit caillou; pressez-les tous les deux. Il ne sortira rien du caillou, et de l'éponge vous ferez sortir de l'eau en abondance. L'éponge, c'est l'âme remplie du Saint-Esprit, et le caillou, c'est le coeur froid et dur où le Saint-Esprit n'habite pas. »

Avec votre permission, je voudrais continuer sur l’image … nous disposons aujourd’hui d’un outil extraordinaire –Internet-, et vous devez sourire, de là-haut, en voyant nos yeux hypnotisés et nos dos qui se courbent de plus en plus devant la boîte magique … mais vous conviendrez avec moi, qu’on y apprend plein de choses : on y apprend, tout d’abord, que l’éponge, au départ, est un animal, dont on prélève le squelette pour réaliser les bonnes vieilles éponges ; c’est un organisme vivant, ce qui fait une première ressemblance avec l’homme ;

mais vous sourirez, là franchement, en apprenant qu’il y a une autre ressemblance, et des plus intéressantes : en effet, les éponges sont des organismes hétérotrophes, ce qui veut dire, je le précise pour vous qui n’aimiez pas les mots compliqués, qu’ils ne peuvent pas se nourrir tout seuls, sans matière organique préexistante (et pourtant la plupart des plantes qui peuplent l’océan sont autotrophes, c’est-à-dire qu’elles se débrouillent pratiquement toutes seules pour manger) ; aucun être humain ne peut se passer des autres pour manger, nous avons besoin les uns des autres, et c’est pour cela que, astucieusement, en cette période de Noël, beaucoup de gens aujourd’hui se préoccupent de ceux qui n’ont rien à manger : c’est comme cela que l’humanité est digne d’elle-même, car nous ne sommes pas des plantes ;
et puis il y a autre chose : tout le monde sait bien qu’une éponge a finalement trois états :
L’état neuf, le bon état de celle qui sert régulièrement et la dureté, là encore, de l’éponge qui n’a pas servi depuis longtemps. Lorsque Dieu nous a créés, notre cœur était bon, puis très vite dur, comme une éponge qui avait été comme « asséchée » par le péché originel ; lorsque Dieu nous a recréés, le jour du baptême, notre cœur a été rempli de son amour qu’on appelle l’Esprit Saint. Mais il est si facile, hélas, vous le savez bien, de laisser l’éponge sur un coin ou dans un placard, en supposant étrangement que le ménage se fera tout seul. Il me semble, voyez-vous, que la dureté de l’éponge qui ne sert pas assez, je veux dire le cœur de l’homme qui ne se remplit pas de Dieu, n’a pas grand’chose à envier au caillou, et je préfère cette image, car on pourra toujours faire repartir une éponge et la faire servir encore un peu si on l’avait abandonnée, tandis qu’un caillou ne peut plus jamais servir une fois qu’il a durci.
Je comprends votre image à vous, elle est là pour secouer, réveiller celui qui dort. Mais je suis tellement persuadé que la cause d’un être humain n’est jamais désespérée que j’ose croire qu’il peut renouveler sa vie en recevant la grâce de Dieu et devenir vraiment nouveau ! Ne l’avez-vous pas prouvé dans le beau ministère de la confession ?
Aujourd’hui, c’est Noël. Cela veut dire qu’un fille d’Israël a bien voulu que l’Esprit descende en elle et qu’elle donne naissance au Messie. Il suffit donc que nos cœurs fassent la même chose : nous laisser remplir de cette eau divine qu’on appelle l’amour pour en quelque sorte « mettre au monde » Jésus. Avec vous, dans la communion des saints, je demande à Dieu pour ma paroisse la grâce de la conversion, que nos cœurs soient de plus en plus mouillés de l’amour divin, afin que le monde soit lavé de ses péchés et que l’humanité puisse redonner leur dignité aux pauvres.
Aujourd’hui, c’est Noël, et tout le monde sait bien que les enfants aiment cette fête. Et on dit -le disait-on à votre époque ?- que les enfants sont comme des éponges, ils apprennent beaucoup et très vite, ils absorbent toute eau qui se présente. Avec vous, dans la communion des saints je demande à Dieu qu’il nous donne à tous ce soir un cœur d’enfant, qui reçoit l’eau de l’amour de Dieu en toute simplicité.
Et ainsi, tout au long de notre vie, et même un peu après, en pressant sur nos cœurs, on pourra voir jaillir l’amour de Dieu, sans lequel, en vérité, on ne peut pas vivre. Et puis à quoi bon une éponge qui garderait l’eau pour elle ?
Je vous remercie, Cher Confrère, d’avoir vécu comme vous l’avez fait et de veiller sur nous depuis le Ciel, et je vous demande nous bénir.

P. Emmanuel d'Andigné

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