17 février 2011

Homélie du 13 février 2011-qu'est-ce que la Géhenne ?

Homélie du 6ème dimanche du Temps Ordinaire - Année A

Un mot est prononcé trois fois dans cet Evangile, qui n’appartient pas à notre vocabulaire, et qui est étranger à notre culture : la « Géhenne » : il s’agit, en fait, tout simplement d’une des vallées qui bordent Jérusalem, au sud-ouest de la ville, et que l’on pourrait désigner comme la « déchetterie » de Jérusalem, à laquelle de temps en temps, on mettait le feu, afin de purifier l’atmosphère et les lieux. C’est delà que vient l’image du feu que Jésus utilise pour décrire l’Enfer, et qui a fait florès dans l’art …

Mais on pourrait utiliser d’autres images, de prime abord fort différentes. Par exemple, dans le roman « Mr Ouine » de Bernanos ou dans les chroniques de Narnia, l’enfer est froid. Je cite : « On parle toujours du feu de l'enfer, mais personne ne l'a vu. L'enfer, c'est le froid », écrit Bernanos. Et puis les enfants savent bien que la sorcière blanche, dans Narnia, est celle qui plonge la terre dans un hiver continuel (100 ans), tandis que Alsan, le symbole du Christ, ramène la chaleur et le printemps en revenant à Narnia. La mentalité moderne a découvert l’individualisme et l’absence de relations, et elle craint plus le froid que le chaud …

Nous le voyons bien, il n’y a pas de contradiction avec l’Evangile : les images de Jésus sont valables surtout pour son époque, et éventuellement pour la nôtre, mais pas forcément … ce qu’il faut retenir, c’est le principe !

Quel est le principe de l’Enfer ? Quel est le principe de la Géhenne ? A l’époque de Jésus, le principe est la destruction de ce qui est inutile (les déchets), surtout, et en attendant, la mise à l’écart de ces choses devenues inutiles dans la vie de tous les jours.

Le principe donc, c’est la séparation et la mort … L’Enfer, qui existe bel et bien puisque jésus nous l’a révélé, c’est la séparation de Dieu, l’éloignement de Dieu, la mise à l’écart de Dieu … et tout ceci conduit à la mort …

Comment ne pas penser aujourd’hui à ce que nous montrent les apprentis sorciers qui cette semaine ont annoncé la naissance d’un « bébé médicament » (il faudra expliquer à cet enfant, plus tard, qu’il n’a pas été voulu pour lui-même –ce qui est très agréable sans doute, à apprendre-, mais pour guérir sa grande sœur, sans compter que pour le « fabriquer –il n’y a pas d’autres mots- il a fallu détruire un certain nombre d’autres embryons pas assez parfaits pour être des « médicaments »*  [voir note] ) ? En s’éloignant de Dieu, on commence à vivre l’Enfer, et Jean-Paul II avait raison de parler d’une « culture de mort » pour désigner ces choses très graves.

Pendant des années, y compris dans l’Eglise, on a cessé de parler de l’Enfer, dans le but très louable de montrer que Dieu voulait nous faire vivre, avant tout, et c’est certainement vrai …

Mais on n’a jamais vécu sans écarter ce qui nous empêche de vivre ! Parler du Ciel sans parler de l’Enfer, c’est aussi logique que de parler d’écologie sans jamais parler de pollution … et c’est ce que Jésus fait, en mettant sous nos yeux comme deux « pentes » : une pente ascendante, vers Jérusalem, qui demande un effort, vers le haut, vers la vie, vers l’amour … et une pente descendante, plus facile, vers le bas, vers la mort, vers la privation définitive d’amour, vers la géhenne.

La 1ère lecture le fait aussi avec netteté, lorsqu’elle dit : « Le Seigneur a mis devant toi l'eau et le feu : étends la main vers ce que tu préfères. La vie et la mort sont proposées aux hommes, l'une ou l'autre leur est donnée selon leur choix. »

On pense aussi au fameux passage du Deutéronome (chapitre 30, versets 19 et suivants) : « Je prends aujourd'hui à témoin contre toi le ciel et la terre : je te propose de choisir entre la vie et la mort, entre la bénédiction et la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix, en vous attachant à lui ; c'est là que se trouve la vie, une longue vie sur la terre que le Seigneur a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob »

« Tel Père, tel Fils », Jésus présente les choses à la manière du Père !

Tout ceci me fait penser au baptême des tout petits enfants : lorsqu’un bébé naît, une des premières choses que l’on fait est de le laver … et on recommence souvent ce geste (à vrai dire toute notre vie), en éliminant, en fait, les peaux mortes, et tout ce qui est mauvais pour notre santé.

Eh bien le baptême fait la même chose : il opère un grand nettoyage, une grande purification (il purifie du péché originel) et toute notre vie consiste à enlever tout ce qui ne peut que mourir, dans une vie qui plaise à Dieu. C’est la raison pour laquelle Saint Pierre dit (1Pierre 3) : « être baptisé, ce n’est pas être purifié de souillures extérieures, mais c’est s’engager envers Dieu avec une conscience droite et participer ainsi à la résurrection de Jésus »

On ne ressuscite pas automatiquement, on participe à la résurrection de Jésus par une vie qui lui plaise… mais comment plaire à Dieu ?

Eh bien Dieu nous a donné la réponse : en écoutant son Fils parler sur la montagne.

Je vous propose donc un exercice pratique :
Lire le sermon sur la montagne (Mathieu, 5-6-7), et sur une feuille à côté, résumer l’enseignement, pour en tirer la « substantifique moelle », comme dirait Rabelais …

Cependant, à la fin de l’exercice, je recommande une vérification de l’interprétation, au moyen du Catéchisme de l’Eglise Catholique, ou alors en bombardant de questions un prêtre lors d’une soirée Abraham … un prêtre, c’est comme une voiture, il s’use plus vite si on ne sert pas !

Cette « vérification » a deux intérêts :
1)      Eviter une lecture seulement morale de l’Evangile, dans laquelle nous tombons spontanément (il y a bien d’autres richesses que la morale dans l’Ecriture)
2)      Eviter une interprétation hâtive qui pourrait nous induire en erreur

Bonne lecture !

* Note : sur 270 000 embryons fécondés in vitro en France, seuls 14 000 voient le jour chaque année (source : Mission d'information sur la révision des lois de bioéthique, janvier 2010) : cela représente 19 embryons "perdus" pour une naissance.

P. Emmanuel d'Andigné

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