homélie du 3ème dimanche de Carême, année B
(1er dimanche de scrutin, lectures de l'année A)
Ex 17, 3-7 / Ps 94 / Rm 5, 1-2.5-8 / Jn 4, 5-42
Dans le cadre de la préparation des adultes au baptême, c’est aujourd’hui le dimanche du premier scrutin et l’Eglise reprend dans la liturgie les lectures de l’année A avec la page d’évangile de la Samaritaine.
Dans le vocabulaire ecclésial, le mot « scrutin » rassemble trois sens : c'est une célébration au cours de laquelle le candidat au baptême est appelé à se placer devant la grandeur de l'appel de Dieu, examiné sur sa progression dans la vie chrétienne et encouragé à lutter contre le mal (CEF, lexique).
Nous sommes en lien fraternel avec les deux adultes de la paroisse (Bernard et Vincent) qui se préparent au baptême.
Jésus est épuisé. Il a marché.
Il avait quitté la Judée pour retourner à Cana en Galilée. Une centaine de kilomètres sous le soleil. Il fallait traverser la Samarie.
Si nous comprenons aisément, en particulier ceux d’entre nous qui avons fait des randonnées, que la route fatigue et qu’il faut bien s’arrêter pour refaire ses forces, nous comprenons que Jésus puisse être fatigué.
Et lorsque nous sommes au bout du bout, qu’on n’en peut plus, qu’on ne sait plus très bien où on en est, que le doute nous envahit, alors c’est sans doute le moment de prier Jésus qui a pu ressentir ce que nous vivons.
Jésus est épuisé. Il a soif.
Et il s’adresse à une femme en public, ce qui ne se fait pas en Orient.
Et qui plus est, une Samaritaine, alors que depuis huit siècles Samaritains et Juifs ne sont pas amis, c’est le moins qu’on puisse dire.
Et si cela ne suffisait pas, une femme dont la vie n’est pas à donner en exemple.
Mais Jésus ne la condamne pas. Il scrute son cœur et ne la blesse pas. Il a bien vu qu’elle aspire au bonheur, mais que son style de vie ne l’y a pas conduit.
Elle a soif d’une eau qui réhydrate la vie et qui donnerait enfin du sens à la sienne.
Et Jésus va lui proposer une eau, celle que nous avons reçue à notre baptême et que recevrons bientôt les catéchumènes, une source que nous devons entretenir afin qu’elle soit jaillissante du témoignage du Christ qui vit en nous, pour annoncer la Bonne Nouvelle et pour la vie éternelle.
Jésus est épuisé. Il a soif.
Mais Jésus ne dit pas simplement « Donne-moi un peu d’eau ». Nous, dans une telle situation, on dirait naturellement « Je boirais bien une bonne bière ou un coca ». Jésus dit « Donne-moi à boire ».
Vous sentez bien la différence. Ce n’est pas tout à fait la même chose … Il lui tend une perche ! Certes, Jésus a besoin d’eau, mais de quoi a-t-il vraiment soif ?
Il a soif de la relation, de la rencontre avec cette femme à ce moment précis. Il sait ce qu’elle a au fond du cœur. Il a soif de l’entendre exprimer son désir profond de l’eau vive qui transformerait sa vie et que lui seul peut lui donner. Non pas une eau terrestre jaillissant d’une source au fond d’un puits, si vivifiante soit-elle, mais une eau venue du ciel, une eau qui symbolise la Révélation. « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle » Jn 3,16.
Cette Révélation ne se comprenant vraiment que par le don de l’Esprit Saint reçu après Pâques, à la Pentecôte, et le jour de notre baptême.
Et nous aussi, nous avons soif, non pas de bonheurs à la petite semaine qui passent et s’évaporent en appelant d’autres petits bonheurs tout aussi éphémères, mais d’un besoin d’infini qui est en nous, du besoin de rejoindre notre créateur, notre Père, celui qui seul pourra donner un vrai sens à notre vie.
Le Seigneur vient à notre rencontre si loin sommes-nous parfois de ce qu’il attend de nous. Mais il est patient, miséricordieux et plein de l’Amour de son Père.
S’il prend du temps avec la Samaritaine, il saura aussi en prendre avec nous. Encore nous faudra-t-il pour l’entendre aujourd’hui un cœur réceptif pour accueillir sa Parole dans les Ecritures avec l’envie, comme la Samaritaine, de cette eau qu’il nous donne pour vivre.
Les disciples ont fait les courses et lui proposent à manger.
Après une longue marche, il devrait avoir faim. Mais s’il demandait à boire, là, il ne demande rien. Ce sont les disciples qui lui proposent de manger avec eux.
Mais il leur fait comprendre que seul le dessein de son Père de sauver les hommes est sa vraie nourriture. Faire sa volonté et parachever son œuvre de salut jusqu’à donner sa vie. Amener les hommes à la foi et à l’espérance de la vie éternelle.
Mais cela les déconcerte et ils ne posent plus de questions.
De fait, en dialoguant avec cette Samaritaine, en l’accompagnant sur son chemin de foi, Jésus est dans sa mission et cela suffit à le nourrir.
Il est peut-être aussi sous le coup de l’émotion, il n’éprouve pas la faim. L’émotion de la voir disposée à recevoir la vérité de l’envoyé de Dieu. Dans cet office de la charité, il avait trouvé ainsi sa nourriture. Il n’avait plus faim, il n’avait plus soif.
Oui, Jésus nous rejoint là où nous sommes. Quelles que soient nos faiblesses, quelles que soient nos erreurs, quel que soit le chemin tortueux que nous suivons, oui il nous rejoindra toujours.
Alors, à quatre semaines de Pâques, de quoi avons-nous soif ? De quoi avons-nous faim ? Quelle place a Jésus dans notre vie ? Sommes-nous prêts à le laisser nous approcher et à prendre du temps avec nous, à le laisser nous nourrir de la foi et de son Amour ? C’est ce que nous pouvons demander au Seigneur au cours de cette eucharistie. Ainsi soit-il.
Jean-Paul Rousseau, diacre