Homélie du 3ème dimanche de Pâques - Année B
Saint Jean, aujourd’hui, vient de nous dire
« celui qui dit ’Je le connais’, et
qui ne garde pas ses commandements, est un menteur : la vérité n'est pas en
lui. »
C’est un texte assez dur, mais ça nous fait
du bien qu’on nous remette un peu en place … le temps pascal ne risque-t-il pas
de devenir le temps du relâchement après le carême ?
Je disais le soir de Pâques aux néophytes :
votre mort et votre résurrection commencent dès maintenant, elles ne commencent
pas le jour de votre mort physique (c’est dans ce sens que saint Paul
disait [Col 3,1] « si donc
vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d'en haut : c'est
là qu'est le Christ, assis à la droite de Dieu » ).
Si saint Jean se montre clair et net et un
peu sec, c’est parce qu’il a fait la rencontre de Jésus ressuscité (celui qui
n’aurait pas fait cette rencontre se voit obligé de faire une lecture morale, moralisante,
de ce texte, et ne peut que le trouver insupportable)
Saint Jean a fait la rencontre de Jésus
ressuscité, et il l’a entendu dire : « la paix soit avec vous » ! Il est fort d’une rencontre
vivante avec un être aimant, et l’exigence, alors, se fait naturelle.
J’ai donc une proposition à vous faire pour
cette semaine : prenez un temps de prière et demandez à Jésus qu’il vous
redise « la paix soit avec vous »,
afin que vous puissiez faire une rencontre personnelle avec lui, du type de
celle des apôtres.
Et pour éclairer cet « exercice »
que je vous propose de faire, pour le nourrir, je voudrais reprendre une
suggestion de Clive Staples Lewis, dans un livre remarquable, dont le titre est
un peu terrible (Tactique du Diable) et qui propose de se représenter l’âme
humaine comme trois cercles concentriques, et ce schéma –qui n’est qu’un
schéma- permet de comprendre ce que signifie plus précisément « la paix
soit avec vous ».
Le cercle le plus large est celui de l’imagination
(auquel il faut ajouter « l’écorce » des sens qui nourrit
l’imagination). Ensuite, le cercle de l’intelligence, instance qui analyse les
données de l’imagination et enfin la volonté, qui est le « fond » de
nous-même, ce qui nous tient le plus à cœur, ce qui fait que c’est nous et pas
un autre (Dieu est encore plus au centre).
Maintenant, appliquons ce schéma à la
phrase de Jésus, « la paix soit
avec vous ».
Imagination :
Le ton de Jésus, son attitude, sa voix …
devaient comporter une « couleur » paisible, apaisante, rassurante, mais
bien sûr cela ne suffit pas.
Intelligence :
En rencontrant le ressuscité et en
l’entendant dire « c’est bien
moi ! », les apôtres ont fini par se souvenir de cette parole du
prophète Michée (5,03) : « Il
se dressera et il sera leur berger par la puissance du Seigneur, par la majesté
du nom de son Dieu. Ils vivront en sécurité, car désormais sa puissance
s'étendra jusqu'aux extrémités de la terre,
et lui-même, il sera la paix ! »
« La
paix soit avec vous » ou « c’est
moi » sont deux phrases en réalité identiques !!!
Dans la liturgie romaine, l’Evêque se
réserve la formule « La paix soit
avec vous » car la présence du Christ en lui est très
particulière. Le prêtre et le diacre
disent « le Seigneur soit avec vous », mais ces deux phrases, on
le voit sont identiques !
Pourquoi Jésus est-il en lui-même et
lui-même la paix ?
Voici ce que Saint Paul dit dans l’épître
aux Colossiens (Col 1, 19) : « Car
Dieu a voulu que dans le Christ toute chose ait son accomplissement total. Il a
voulu tout réconcilier par lui et pour lui, sur la terre et dans les cieux, en
faisant la paix par le sang de sa croix. »
Cela veut dire que la paix entre l’humanité
et la divinité s’est parfaitement réalisée en Jésus, au moment où il a versé
son sang sur la croix, voilà la paix véritable, voilà la source de toutes les
paix !
« C’est
la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne », dit Jésus
(Jn 14,27) « ce n’est pas à la
manière du monde que je vous la donne » … cela signifie que toutes les
paix ont quelque chose de superficiel, tandis que la paix du Christ, « sa »
paix innerve toutes les « couches » de l’âme humaine, jusqu’à la plus
profonde.
C’est par la prière, je le crois, que nous
parvenons à « descendre » en nous-mêmes et ainsi présenter tout notre
être intérieur à la paix de Jésus qui se répand alors. Au fur et à mesure que
nous durons un peu dans la prière, la parole de Dieu imprègne tout notre être.
Il faut commencer par les sens (un certain « confort »,
une certaine ambiance, un certain décor nous aideront beaucoup), afin de nourrir
l’imagination (former en nous l’image du Christ, imaginer une scène de sa vie,
comme on le fait dans les exercices spirituels de St Ignace), puis réfléchir,
afin que l’intelligence se nourrisse de Dieu ; et puis aimer, se laisser
aimer … jusqu’à ce que l’on découvre qu’en réalité, Dieu n’est pas à
l’extérieur de nous, mais à l’intérieur, et c’est donc de l’intérieur qu’il
illumine tout l’être !
La paix, alors, sera avec nous.
Demain, il y aura forcément un peu de fébrilité
à l’annonce des résultats pour les présidentielles, mais le fond de notre être
sera dans la paix.
Conflits, dissensions, épreuves, agressions
… ou au contraire déclarations d’amour, délicates attentions ne sont pas forcément
des bons conseillers : le « merveilleux conseiller », c’est
l’Esprit Saint, qui susurre à notre cœur « la paix soit avec vous ! »
P. Emmanuel d'Andigné
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