14 mai 2012

Homélie du 15 avril 2012-la miséricorde ou "les" miséricordes ?


Homélie du 2ème dimanche de Pâques, dimanche dit "de la miséricorde" - Année B

Le Dimanche des Rameaux, je vous suggérais de convertir les oppositions au Christ ou l’indifférence au Christ.  Dans cette œuvre de conversion, qui est caractéristique du carême, on pourrait avoir l’impression que c’est la nature de l’homme qui obtient la conversion.

Le Dimanche de Pâques, on est bien obligés de constater que c’est l’œuvre de la grâce et non celle de la nature, car Jésus, étant mort, connaît le degré le plus fort de l’impuissance et de la faiblesse

Eh bien, cette rencontre entre nature et grâce, on pourrait la qualifier de « miséricordieuse ». La miséricorde, c’est la rencontre tendre et puissante entre la nature et la grâce.

Le mot miséricorde est un mot d’origine chrétienne, comme le mot charité, par exemple, bien que la réalité de la miséricorde ait été bien connue des juifs, mais sous la forme plurielle, le plus souvent (les miséricordes)

Rahamim, hasde (mots hébreux pour désigner la miséricorde) désignent au départ les entrailles de la mère, car rien n’est plus tendre et de plus puissant que les entrailles d’une mère pour un juif.

Le pluriel utilisé par les hébreux indique deux choses, il me semble : d’abord la profusion, l’inépuisabilité (je présente mes excuses à l’académie française) de l’amour divin, mais aussi -et c’est sans doute ce qui est le plus important- le fait que la miséricorde agit à tous les niveaux de l’histoire des hommes ou de l’histoire d’une personne.

Je m’explique : aujourd’hui, dans notre vocabulaire, le mot « miséricorde » désigne presque uniquement le pardon des péchés ; mais, il faut dire que la miséricorde agit avant, pendant et après le péché !

Après, ce n’est pas la peine d’insister beaucoup : la mentalité catholique l’a plutôt bien intégré ; ajoutons simplement que la miséricorde, la tendresse divine se dépose aussi bien sur la souffrance que sur la blessure spirituelle que nous nous infligeons à nous-mêmes par le péché. Cela veut donc dire que, lorsque le péché ou la souffrance (ou les deux) se déclarent, la miséricorde agit …

Mais elle agit aussi pendant ! Il est vrai que c’est plus difficilement perceptible …

Il s’agit de l’attente de Dieu, telle qu’elle resplendit dans la parabole du Fils prodigue : « son Père l’aperçut de loin », dit la parabole ; cela signifie donc clairement que le père chaque jour guettait son fils tandis qu’il péchait loin de son père. Dieu attend que celui qui s’égare loin de lui revienne à lui (s’égarer, d’ailleurs, ne signifie pas forcément pécher, mais aussi simplement s’éloigner de Dieu, ainsi que j’en ai eu la preuve en rencontrant une ancienne religieuse qui avait tout « plaqué » en 1947 et qui en 2002 est venue me voir, au crépuscule de sa vie, pour se réconcilier avec Dieu !

La miséricorde agit après, elle agit pendant, mais elle agit en fait aussi avant la souffrance ou avant le péché

En ce qui concerne ce que Dieu fait avant le péché –ou la miséricorde « prévenante », il faut se tourner vers Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, voici ce qu’elle dit :

« Je n’ai aucun mérite à ne pas m’être livré à l’amour des créatures, puisque je n’en ai été préservée que par la grande  miséricorde du bon Dieu ! Je reconnais que sans lui, j’aurai pu tomber aussi bas que sainte Madeleine … mais je sais aussi que Jésus m’a plus remis qu’à sainte Madeleine, puisqu’il m’a remis d’avance, m’empêchant de tomber…
Voici un exemple qui traduira un peu ma pensée. Je suppose que le fils d'un habile docteur rencontre sur son chemin une pierre qui le fasse tomber et que dans cette chute il se casse un membre ; aussitôt son père vient à lui, le relève avec amour, soigne ses blessures, employant à cela toutes les ressources de son art et bientôt son fils complètement guéri lui témoigne sa reconnaissance. Sans doute cet enfant a bien raison d'aimer son père ! Mais je vais encore faire une autre supposition. Le père ayant su que sur la route de son fils se trouvait une pierre, s'empresse d'aller devant lui et la retire, sans être vu de personne. Certainement, ce fils objet de sa prévoyante tendresse, ne SACHANT pas le malheur dont il est délivré par son père ne lui témoignera pas sa reconnaissance et l'aimera moins que s'il eût été guéri par lui... mais s'il vient à connaître le danger auquel il vient d'échapper, ne l'aimera-t-il pas davantage ? Eh bien, c'est moi qui suis cette enfant, objet de l'amour prévoyant d'un Père qui n'a pas envoyé son Verbe pour racheter les justes mais les pécheurs. " (NHA 417) (Mt 9,13) Il veut que je l'aime parce qu'il m'a remis, non pas beaucoup, mais TOUT. (Lc 7,47)

Je reconnais que sans lui, j’aurai pu tomber aussi bas que sainte Madeleine … mais je sais aussi que Jésus m’a plus remis qu’à sainte Madeleine, puisqu’il m’a remis d’avance, m’empêchant de tomber… »

La création est déjà une œuvre de la miséricorde divine, l’éducation d’Israël est une œuvre de miséricorde, notre vie spirituelle est toute entière une œuvre de miséricorde, et pas seulement quand nous recevons le pardon. Le ministère des prêtres est un œuvre de miséricorde, et c’est ce qui rend cette vocation si belle

Voici ce qu’écrivait le Bienheureux Jean-Paul II, Le 17 août 2002, à Cracovie :
« Il faut faire résonner le message de l'amour Miséricordieux avec une nouvelle vigueur. Le monde a besoin de cet amour. L'heure est arrivée où le message de la Divine Miséricorde déverse dans les cœurs l'espérance, et celle-ci devient l’étincelle d'une nouvelle civilisation, de la civilisation de l'amour (…). Soyez témoin de la miséricorde. »

P. Emmanuel d’Andigné


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