Homélie du 2ème dimanche de Pâques, dimanche dit "de la miséricorde" - Année B
Le Dimanche des Rameaux, je vous suggérais
de convertir les oppositions au Christ ou l’indifférence au Christ. Dans cette œuvre de conversion, qui est
caractéristique du carême, on pourrait avoir l’impression que c’est la nature
de l’homme qui obtient la conversion.
Le Dimanche de Pâques, on est bien obligés
de constater que c’est l’œuvre de la grâce et non celle de la nature, car
Jésus, étant mort, connaît le degré le plus fort de l’impuissance et de la
faiblesse
Eh bien, cette rencontre entre nature et
grâce, on pourrait la qualifier de « miséricordieuse ». La miséricorde, c’est la rencontre tendre
et puissante entre la nature et la grâce.
Le mot miséricorde est un mot d’origine
chrétienne, comme le mot charité, par exemple, bien que la réalité de la
miséricorde ait été bien connue des juifs, mais sous la forme plurielle, le
plus souvent (les miséricordes)
Rahamim, hasde (mots hébreux pour
désigner la miséricorde) désignent au départ les entrailles de la mère,
car rien n’est plus tendre et de plus puissant que les entrailles d’une mère pour
un juif.
Le pluriel utilisé par les hébreux indique
deux choses, il me semble : d’abord la profusion, l’inépuisabilité (je
présente mes excuses à l’académie française) de l’amour divin, mais aussi -et
c’est sans doute ce qui est le plus important- le fait que la miséricorde agit
à tous les niveaux de l’histoire des hommes ou de l’histoire d’une personne.
Je m’explique : aujourd’hui, dans
notre vocabulaire, le mot « miséricorde » désigne presque uniquement
le pardon des péchés ; mais, il faut dire que la miséricorde agit avant, pendant et après le péché !
Après, ce n’est pas la peine d’insister
beaucoup : la mentalité catholique l’a plutôt bien intégré ; ajoutons
simplement que la miséricorde, la tendresse divine se dépose aussi bien sur la
souffrance que sur la blessure spirituelle que nous nous infligeons à
nous-mêmes par le péché. Cela veut donc dire que, lorsque le péché ou la
souffrance (ou les deux) se déclarent, la miséricorde agit …
Mais elle agit aussi pendant ! Il est
vrai que c’est plus difficilement perceptible …
Il s’agit de l’attente de Dieu, telle qu’elle
resplendit dans la parabole du Fils prodigue : « son Père l’aperçut de loin », dit la parabole ; cela
signifie donc clairement que le père chaque jour guettait son fils tandis qu’il
péchait loin de son père. Dieu attend que celui qui s’égare loin de lui
revienne à lui (s’égarer, d’ailleurs, ne signifie pas forcément pécher, mais
aussi simplement s’éloigner de Dieu, ainsi que j’en ai eu la preuve en
rencontrant une ancienne religieuse qui avait tout « plaqué » en 1947
et qui en 2002 est venue me voir, au crépuscule de sa vie, pour se réconcilier
avec Dieu !
La miséricorde agit après, elle agit pendant,
mais elle agit en fait aussi avant la souffrance ou avant le péché
En ce qui concerne ce que Dieu fait avant
le péché –ou la miséricorde « prévenante », il faut se tourner vers Sainte
Thérèse de l’Enfant Jésus, voici ce qu’elle dit :
« Je n’ai aucun mérite à ne pas m’être livré à
l’amour des créatures, puisque je n’en ai été préservée que par la grande miséricorde du bon Dieu ! Je reconnais que
sans lui, j’aurai pu tomber aussi bas que sainte Madeleine … mais je sais aussi
que Jésus m’a plus remis qu’à sainte Madeleine, puisqu’il m’a remis d’avance,
m’empêchant de tomber…
Voici un exemple qui traduira un peu ma
pensée. Je suppose que le fils d'un habile docteur rencontre sur son chemin une
pierre qui le fasse tomber et que dans cette chute il se casse un membre ;
aussitôt son père vient à lui, le relève avec amour, soigne ses blessures,
employant à cela toutes les ressources de son art et bientôt son fils
complètement guéri lui témoigne sa reconnaissance. Sans doute cet enfant a bien
raison d'aimer son père ! Mais je vais encore faire une autre supposition. Le
père ayant su que sur la route de son fils se trouvait une pierre, s'empresse
d'aller devant lui et la retire, sans être vu de personne. Certainement, ce
fils objet de sa prévoyante tendresse, ne SACHANT pas le malheur dont il est
délivré par son père ne lui témoignera pas sa reconnaissance et l'aimera moins
que s'il eût été guéri par lui... mais s'il vient à connaître le danger auquel
il vient d'échapper, ne l'aimera-t-il pas davantage ? Eh bien, c'est moi qui
suis cette enfant, objet de l'amour prévoyant d'un Père qui n'a pas envoyé son
Verbe pour racheter les justes mais les pécheurs. " (NHA 417) (Mt 9,13) Il
veut que je l'aime parce qu'il m'a remis, non pas beaucoup, mais TOUT. (Lc
7,47)
Je reconnais que sans lui, j’aurai pu
tomber aussi bas que sainte Madeleine … mais je sais aussi que Jésus m’a plus
remis qu’à sainte Madeleine, puisqu’il m’a remis d’avance, m’empêchant de
tomber… »
La création est déjà une œuvre de la
miséricorde divine, l’éducation d’Israël est une œuvre de miséricorde, notre
vie spirituelle est toute entière une œuvre de miséricorde, et pas seulement
quand nous recevons le pardon. Le ministère des prêtres est un œuvre de
miséricorde, et c’est ce qui rend cette vocation si belle
Voici ce qu’écrivait le Bienheureux
Jean-Paul II, Le 17 août 2002, à
Cracovie :
« Il
faut faire résonner le message de l'amour Miséricordieux avec une nouvelle
vigueur. Le monde a besoin de cet amour. L'heure est arrivée où le message de
la Divine Miséricorde déverse dans les cœurs l'espérance, et celle-ci devient
l’étincelle d'une nouvelle civilisation, de la civilisation de l'amour (…).
Soyez témoin de la miséricorde. »
P.
Emmanuel d’Andigné
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