20 septembre 2012

Homélie du 02 septembre- le carré apostolique

Homélie du 22ème dimanche du Temps Ordinaire - Année B

Aujourd’hui, je voudrais vous faire une homélie « carrée » ! En forme de carré, plus précisément … je vais vous expliquer pourquoi. Mais auparavant, je voudrais vous rappeler un principe d’interprétation de l’Ecriture sainte chez les Pères de l’Eglise : on interprète d’abord l’Ecriture par l’Ecriture, parce qu’il est bien évident qu’il n’est pas de meilleur commentateur de la parole de Dieu que Dieu lui-même ! D’ailleurs, tout le Nouveau Testament s’est construit sous la forme d’un commentaire de l’Ancien …



Les pères de l’Eglise ont donc pratiquement toujours interprété l’Ecriture par l’Ecriture, en utilisant des citations de la Bible pour commenter d’autres textes de la Bible. A ce principe, ils ajoutèrent le repère du Credo et de l’enseignement des Apôtres, pour ne pas partir dans des chemins de traverse. Autrement dit, les Pères se posaient deux questions fac à un texte biblique :



- A quel texte biblique ce texte me fait-il penser ?

- Mon interprétation est-elle conforme au Credo et à l’enseignement des Apôtres en général, tel qu’il est consigné dans le Nouveau Testament ?



Aujourd’hui, comme vous, j’entends Jésus dire : « Vous laissez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes. »



Cette phrase, isolée, sans le reste de l’Evangile a l’air de dire : « laissons tomber les règlements, les lois, les prescriptions, en matière de religion, seul l’amour compte, on peut donc tout faire, par exemple en liturgie, puisque Jésus vient de dire que les traditions empêchent d’observer le commandement de Dieu, l’Amour »



Mais Jésus a dit aussi :



Mt 5, 17 « Ne pensez pas que je suis venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Amen, je vous le dis : Avant que le ciel et la terre disparaissent, pas une lettre, pas un seul petit trait ne disparaîtra de la Loi jusqu'à ce que tout se réalise. Donc, celui qui rejettera un seul de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire ainsi, sera déclaré le plus petit dans le Royaume des cieux. Mais celui qui les observera et les enseignera sera déclaré grand dans le Royaume des cieux ».



Dans le même genre, voici une texte du Concile Vatican II (Sacrosanctum Concilium, sur la liturgie [n°22]) : « c’est pourquoi absolument personne d’autre (que les Evêques), même prêtre, ne peut, de son propre chef, ajouter, enlever ou changer quoi que ce soit dans la liturgie. »



Alors quoi ? Jésus est-il progressiste, tradi’, anarchiste, rubriciste ???



Pour répondre à ces quatre mauvaises questions, Jésus a dit (Mt 23, 23) : « Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous payez la dîme sur la menthe, le fenouil et le cumin, mais vous avez négligé ce qu'il y a de plus grave dans la Loi : la justice, la miséricorde et la fidélité. Voilà ce qu'il fallait pratiquer sans négliger le reste. »



Jésus nous donne là une très belle définition de l’amour : une foule de détails auxquels il faut se soumettre sans cesse (n’est-ce pas ce que vous vivez dans le mariage ?) et un élan du cœur qui ne se trouve pas dans les détails, mais qui leur donne un sens, une cohérence, un goût, et un quelconque intérêt.



Et c’est là qu’intervient le carré !



Jésus a confié l’Eglise aux 12 apôtres. On pourrait dire 14, puisque Judas a fait défection, que Saint Matthias l’a remplacé, et que Saint Paul fut désigné après la Pentecôte par jésus lui-même sur le chemin de Damas.



Quatre d’entre les douze « dominent le champ des forces » nous dit le théologien Suisse Balthazar, leur rôle fut déterminant dans les débuts de l’Eglise.



Pierre incarne l’autorité, il se « retrouve » chez tout responsable dans l’Eglise. Paul, lui, incarne la liberté dans l’Esprit Saint : il serait le « progressiste » de la bande, mais aussi le «charismatique», ce qui brouille un peu les cartes d’aujourd’hui et tant mieux. Jacques, quant à lui est sensible à la Tradition : il serait le « tradi’ » du groupe ! Jean, enfin, incarne d’avantage l’Amour : il serait le « spirituel » parmi les Apôtres.



Chacun a donc incarné un des aspects de l’amour tel qu’il fut révélé par Jésus, avec deux précisions :



1) Chacun des quatre a bien été un membre de l’Eglise, aucun d’eux ne s’est retiré pour défendre son idée, la durcir et se croire au principe de l’Eglise.



2) Chacun des quatre a porté maladroitement sa charge, d’où les dissensions, les controverses, les échanges houleux …



Ce qui est bon dans le « carré apostolique », pour nous aujourd’hui, c’est qu’il nous guérit d’un bi-polarisme qui détruit l’Eglise et qui la dénature, parce que nous sommes influencés par la mentalité politique française qui fait qu’on doit être de droite ou de gauche pour savoir qui on est.



Ce qui est bon dans le « carré apostolique », c’est qu’il montre la complexité des tendances dans l’Eglise, et j’espère bien que vous vous êtes reconnus dans au moins deux personnages, voire trois … si vous vous êtes reconnus dans un seul personnage, inquiétez-vous !



Les physiciens nous disent qu’un « champ de forces » peut être électrique, magnétique, ou gravitationnel : même sans savoir précisément ce que cela peut vouloir dire, il est aisé de comprendre qu’il s’agit de mouvement, et d’un mouvement provoqué par les tensions entre les diverses forces en présence.



En Dieu, il y a un « mouvement » trinitaire, une circulation amoureuse, qui débouche sur la création, afin de faire profiter à d’autres de l’amour qui est en Dieu.



Dans une paroisse, le « champ de forces » éduqué dans l’amour divin par Dieu lui-même, permet par le mouvement ainsi produit de faire profiter à d’autres l’amour qui est en Dieu : c’est ni plus ni moins l’évangélisation !



Le baptême est une nouvelle naissance, assurée par une mère, l’Eglise, et voilà pourquoi on a dit que Marie était une « première Eglise ». Cette mère qui communique à l’Eglise toutes les qualités maternelles et féminines dont l’Eglise a besoin pour conserver les pieds sur terre et ne pas diviser la famille : l’Evangélisation est une Visitation, de sorte que la communauté chrétienne qui vient d’accueillir en elle le Sauveur ne peut pas s’empêcher de communiquer sa joie à ceux qui attendent un Messie.



P. Emmanuel d'Andigné

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