01 septembre 2012

Homélie du 19 août 2012-conseils d'un roi à son fils


Homélie du 20ème dimanche du Temps Ordinaire-Année B

Pour une fois, pour l’homélie, je voudrais vous lire un texte tout fait ! Ce sont les circonstances-liturgiques- qui me poussent à ce choix : en effet, jeudi dernier nous fêtions Saint Etienne, roi de Hongrie et samedi prochain -25 août-, nous fêtons saint Louis, roi de France, or ces deux rois ont comme caractéristique commune d’avoir écrit un splendide testament spirituel à leurs fils, chacun à son époque (Xème pour Saint Etienne, XIIIème pour Saint Louis).

Le contexte a changé, mais la noblesse du cœur, l’intelligence du cœur : la sagesse (1ère lecture), ça ne se démode pas …

J’ai choisi de vous lire un extrait de la lettre de saint Louis à son fils, comme un testament spirituel, texte que l’on trouve dans le bréviaire des prêtres et des religieux, je trouve vraiment dommage que ce texte leurs soient exclusivement réservé !!!

Avant de lire : trois précisions

1) Saint Louis a vécu de 1214 à 1270 dans le très mal nommé Moyen-Age. « Moyen-âge » … quel drôle de nom !!! C’est un nom donné par une époque qui s’est elle-même appelée « renaissance », un peu comme si on a avait connu un âge d’or dans l’Antiquité et après une obscure période barbare, on renaissait …

L’obscure période barbare a porté un très grand nombre de saints, St Bruno, St Bernard, St Thomas d’Aquin, Saint Albert le Grand, Saint Dominique, Saint François et sainte Claire d’Assise, St Antoine de Padoue, sainte Jeanne d’Arc … ce qui pour une époque barbare n’est pas si mal, non ?

L’obscure période barbare a construit les plus belles cathédrales de France et d’Europe Reims, Paris, Chartres, Rouen, Amiens, … Angers !

Bref, on devrait essayer de trouver un autre nom pour cette période de grande fécondité spirituelle et culturelle dans laquelle fut écrite cette magnifique lettre que je vais vous lire.

2) Deuxièmement, il est frappant de constater que dans cette lettre Dieu a la première place, et même que sans lui, l’édifice du discours s’écroule. Beaucoup de gens, en dehors de l’église, pensent que les catholiques sont des gens comme tout le monde, mais avec une option, quelque chose en plus, un supplément d’âme … Pour saint Louis, vous allez voir, il en va tout autrement : enlevez Dieu, il n’y a plus rien !

Ça nous fait du bien, aujourd’hui, en France, de nous rappeler que Dieu pour nous n’est pas en plus du reste, mais donne un sens à tout le reste, de manière structurelle, structurante, essentielle.

3) Troisième et dernière précision : il nous faut vraiment invoquer l’Esprit Saint. Bon, il faut toujours le faire avant une homélie, pour que celle-ci ne soit pas un discours raté ou réussi, mais un canal de grâce … mais en tous les cas, aujourd’hui, pour qu’il nous aide à transposer ce que nous allons entendre à chacune de nos situations …

Aucun de nous n’est appelé à devenir roi de France, mais l’immense majorité des chrétiens sont des laïcs, et donc, le discours de ce fidèle laïc révèle une âme, une Sagesse, qui nous seront très profitables. Puissions-nous être sages, nous aussi, chacun selon notre état, et transmettre aux enfants une vraie sagesse chrétienne :

« Cher fils, je t'enseigne premièrement que tu aimes Dieu de tout ton cœur et de tout ton pouvoir, car sans cela personne ne peut rien valoir.
Tu dois te garder de toutes choses que tu penseras devoir lui déplaire et qui sont en ton pouvoir, et spécialement tu dois avoir cette volonté que tu ne fasses un péché mortel pour nulle chose qui puisse arriver, et qu'avant de faire un péché mortel avec connaissance, que tu souffrirais que l'on te coupât les jambes et les bras et que l'on t'enlevât la vie par le plus cruel martyre.

Si Notre Seigneur t'envoie persécution, maladie ou autre souffrance, tu dois la supporter débonnairement, et tu dois l'en remercier et lui savoir bon gré, car il faut comprendre qu'il l'a fait pour ton bien. De plus, tu dois penser que tu as mérité ceci (et encore plus s'il le voulait) parce que tu l'as peu aimé et peu servi, et parce que tu as fait beaucoup de choses contre sa volonté.

Si Notre Seigneur t'envoie prospérité, santé du corps ou autre chose, tu dois l'en remercier humblement, et puis prendre garde qu'à cause de cela il ne t'arrive pas de malheur causé par orgueil ou par une autre faute, car c'est un très grand péché de guerroyer Notre Seigneur de ses dons.

Cher fils, je t'enseigne que tu entendes volontiers le service de la sainte Église, et quand tu seras à l'église, garde toi de perdre ton temps et de parler vaines paroles. Dis tes oraisons avec recueillement ou par bouche ou de pensée, et spécialement sois plus recueilli et plus attentif à l'oraison pendant que le corps de Notre Seigneur jésus Christ sera présent à la messe, et puis aussi pendant un petit moment avant.

Cher fils, je t'enseigne que tu aies le cœur compatissant envers les pauvres et envers tous ceux que tu considéreras comme souffrants ou de cœur ou de corps ; et selon ton pouvoir soulage-les volontiers ou de soutien moral ou d'aumônes.

Prends garde que tu sois si bon en toutes choses qu'il soit évident que tu reconnaisses les générosités et les honneurs que Notre Seigneur t'a faits de sorte que, s'il plaisait à Notre Seigneur que tu aies l'honneur de gouverner le royaume, tu sois digne de recevoir l'onction avec laquelle les rois de France sont sacrés.

Cher fils, s'il advient que tu deviennes roi, prends soin d'avoir les qualités qui appartiennent aux rois, c'est-à-dire que tu sois si juste que, quoi qu'il arrive, tu ne t'écartes de la justice. Et s'il advient qu'il y ait querelle entre un pauvre et un riche, soutiens de préférence le pauvre contre le riche jusqu'à ce que tu saches la vérité, et quand tu la connaîtras, fais justice.

Sois bien diligent de protéger dans tes domaines toutes sortes de gens, surtout les gens de sainte Église ; défends qu'on ne leur fasse tort ni violence en leurs personnes ou en leurs biens.

Cher fils, je t'enseigne que tu sois toujours dévoué à l'Église de Rome et à notre Saint-Père le Pape, et lui portes respect et honneur comme tu le dois à ton père spirituel.

Mets grande peine à ce que les péchés soient supprimés en ta terre, c'est-à-dire les vilains serments et toute chose qui se fait ou se dit contre Dieu ou Notre-Dame ou les saints : péchés de corps, jeux de dés, tavernes ou autres péchés. Fais abattre tout ceci en ta terre sagement et en bonne manière.

Cher fils, je te donne toute la bénédiction qu'un père peut et doit donner à son fils, et je prie Notre Seigneur Dieu Jésus-Christ que, par grande miséricorde et par les prières et par les mérites de sa bienheureuse Mère, la Vierge Marie, et des anges et des archanges, de tous les saints et de toutes les saintes, il te garde et te défende que tu ne fasses chose qui soit contre sa volonté, et qu'il te donne grâce de faire sa volonté afin qu'il soit servi et honoré par toi ; et puisse-t-il accorder à toi et à moi, par sa grande générosité, qu'après cette mortelle vie nous puissions venir à lui pour la vie éternelle afin de le voir, aimer et louer sans fin. Amen. »

Bonus Internet :

Conseils de Saint Etienne (1er roi de Hongrie ; 970-1038) à son fils

 Avant tout, mon très cher fils, je te l'ordonne, je te le conseille et je t'y invite : Si tu veux faire honneur à la couronne royale, tu garderas la foi catholique et apostolique avec tant de zèle et d'exactitude que tu donnes l'exemple à tous ceux que Dieu a soumis à ton autorité; c'est alors que tous les hommes d'Église reconnaîtront en toi, à juste titre, cette profession de véritable christianisme sans laquelle, sache-le bien, on ne t'appellera pas chrétien ou fils de l'Église.

Dans notre palais royal, après la foi, c'est l'Église qui occupe la seconde place, elle qui a été semée d'abord par son chef, le Christ. Ensuite, ses membres, c'est-à-dire les Apôtres et les saints Pères, l'ont transplantée, solidement bâtie et répandue dans tout l'univers. Et bien qu'elle engendre toujours de nouveaux enfants, il y a des lieux précis où son antiquité est tenue pour certaine.

Cette Église, mon très cher fils, dans notre royaume est encore qualifiée de jeune et de toute nouvelle ; et c'est pourquoi elle a particulièrement besoin de protecteurs attentifs et clairvoyants. Sans cela, le bienfait que la bonté divine nous a accordé sans aucun mérite de notre part sera détruit et anéanti par ton inertie, ta paresse et ta négligence.

Mon fils très aimable, douceur de mon cœur, espoir de ma descendance future, je t'en prie et je te l'ordonne: par tous les moyens et en toutes choses, pratique la bonté en étant bienveillant non seulement envers tes parents et tes alliés, envers les princes, les chefs, les riches, les voisins et les compatriotes, mais aussi envers les étrangers et tous ceux qui s'adressent à toi. Car une vie de bonté te conduit au sommet de la béatitude. Sois miséricordieux envers tous ceux qui souffrent violence, gardant toujours au fond de toi l'exemple du Seigneur : C'est la miséricorde que je désire et non les sacrifices. Sois patient envers tous, non seulement envers les puissants, mais aussi envers ceux qui sont dépourvus de puissance.

Sois fort, enfin, pour que la prospérité ne te rende pas trop fier, ni l'adversité trop abattu. Sois humble aussi, pour que ce soit Dieu qui t'élève, ici-bas et dans le monde futur. Sois modéré et ne châtie ni ne condamne personne outre mesure. Sois doux, pour ne jamais violer la justice. Aie le cœur noble ; n'inflige jamais de honte à qui que ce soit, par un premier mouvement. Sois chaste, pour éviter toutes les corruptions de la volupté comme un aiguillon de mort.

Toutes les vertus que je viens de rappeler composent la couronne d'un roi : sans elles, personne ne peut régner ici-bas, ni parvenir au royaume éternel.

Texte tel qu’il apparaît dans le livre de la Liturgie des Heures, à la fête du 16 août

P. Emmanuel d'Andigné

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