Homélie du 20ème dimanche du Temps Ordinaire-Année B
Pour une fois, pour l’homélie, je voudrais
vous lire un texte tout fait ! Ce sont les circonstances-liturgiques- qui
me poussent à ce choix : en effet, jeudi dernier nous fêtions Saint
Etienne, roi de Hongrie et samedi prochain -25 août-, nous fêtons saint Louis, roi
de France, or ces deux rois ont comme caractéristique commune d’avoir écrit un
splendide testament spirituel à leurs fils, chacun à son époque (Xème pour
Saint Etienne, XIIIème pour Saint Louis).
Le contexte a changé, mais la noblesse du
cœur, l’intelligence du cœur : la sagesse (1ère lecture), ça ne
se démode pas …
J’ai choisi de vous lire un extrait de la
lettre de saint Louis à son fils, comme un testament spirituel, texte que l’on
trouve dans le bréviaire des prêtres et des religieux, je trouve vraiment
dommage que ce texte leurs soient exclusivement réservé !!!
Avant de lire : trois précisions
1) Saint
Louis a vécu de 1214 à 1270 dans le très mal nommé Moyen-Age. « Moyen-âge »
… quel drôle de nom !!! C’est un nom donné par une époque qui s’est
elle-même appelée « renaissance », un peu comme si on a avait connu un
âge d’or dans l’Antiquité et après une obscure période barbare, on renaissait …
L’obscure période barbare a porté un très
grand nombre de saints, St Bruno, St Bernard, St Thomas d’Aquin, Saint Albert
le Grand, Saint Dominique, Saint François et sainte Claire d’Assise, St Antoine
de Padoue, sainte Jeanne d’Arc … ce qui pour une époque barbare n’est pas si
mal, non ?
L’obscure période barbare a construit les
plus belles cathédrales de France et d’Europe Reims, Paris, Chartres, Rouen,
Amiens, … Angers !
Bref, on devrait essayer de trouver un
autre nom pour cette période de grande fécondité spirituelle et culturelle dans
laquelle fut écrite cette magnifique lettre que je vais vous lire.
2) Deuxièmement, il est frappant de
constater que dans cette lettre Dieu a la première place, et même que sans lui,
l’édifice du discours s’écroule. Beaucoup de gens, en dehors de l’église, pensent
que les catholiques sont des gens comme tout le monde, mais avec une option,
quelque chose en plus, un supplément d’âme … Pour saint Louis, vous allez voir,
il en va tout autrement : enlevez Dieu, il n’y a plus rien !
Ça nous fait du bien, aujourd’hui, en
France, de nous rappeler que Dieu pour nous n’est pas en plus du reste, mais
donne un sens à tout le reste, de manière structurelle, structurante,
essentielle.
3) Troisième
et dernière précision : il nous faut vraiment invoquer l’Esprit
Saint. Bon, il faut toujours le faire avant une homélie, pour que celle-ci ne
soit pas un discours raté ou réussi, mais un canal de grâce … mais en tous les
cas, aujourd’hui, pour qu’il nous aide à transposer ce que nous allons entendre
à chacune de nos situations …
Aucun de nous n’est appelé à devenir roi de
France, mais l’immense majorité des chrétiens sont des laïcs, et donc, le
discours de ce fidèle laïc révèle une âme, une Sagesse, qui nous seront très
profitables. Puissions-nous être sages, nous aussi, chacun selon notre état, et
transmettre aux enfants une vraie sagesse chrétienne :
« Cher fils,
je t'enseigne premièrement que tu aimes Dieu de tout ton cœur et de tout ton pouvoir,
car sans cela personne ne peut rien valoir.
Tu dois te garder
de toutes choses que tu penseras devoir lui déplaire et qui sont en ton
pouvoir, et spécialement tu dois avoir cette volonté que tu ne fasses un péché
mortel pour nulle chose qui puisse arriver, et qu'avant de faire un péché
mortel avec connaissance, que tu souffrirais que l'on te coupât les jambes et
les bras et que l'on t'enlevât la vie par le plus cruel martyre.
Si Notre Seigneur
t'envoie persécution, maladie ou autre souffrance, tu dois la supporter
débonnairement, et tu dois l'en remercier et lui savoir bon gré, car il faut
comprendre qu'il l'a fait pour ton bien. De plus, tu dois penser que tu as
mérité ceci (et encore plus s'il le voulait) parce que tu l'as peu aimé et peu
servi, et parce que tu as fait beaucoup de choses contre sa volonté.
Si Notre Seigneur
t'envoie prospérité, santé du corps ou autre chose, tu dois l'en remercier
humblement, et puis prendre garde qu'à cause de cela il ne t'arrive pas de
malheur causé par orgueil ou par une autre faute, car c'est un très grand péché
de guerroyer Notre Seigneur de ses dons.
Cher fils, je
t'enseigne que tu entendes volontiers le service de la sainte Église, et quand
tu seras à l'église, garde toi de perdre ton temps et de parler vaines paroles.
Dis tes oraisons avec recueillement ou par bouche ou de pensée, et spécialement
sois plus recueilli et plus attentif à l'oraison pendant que le corps de Notre
Seigneur jésus Christ sera présent à la messe, et puis aussi pendant un petit
moment avant.
Cher fils, je
t'enseigne que tu aies le cœur compatissant envers les pauvres et envers tous
ceux que tu considéreras comme souffrants ou de cœur ou de corps ; et selon ton
pouvoir soulage-les volontiers ou de soutien moral ou d'aumônes.
Prends garde que
tu sois si bon en toutes choses qu'il soit évident que tu reconnaisses les
générosités et les honneurs que Notre Seigneur t'a faits de sorte que, s'il
plaisait à Notre Seigneur que tu aies l'honneur de gouverner le royaume, tu
sois digne de recevoir l'onction avec laquelle les rois de France sont sacrés.
Cher fils, s'il
advient que tu deviennes roi, prends soin d'avoir les qualités qui
appartiennent aux rois, c'est-à-dire que tu sois si juste que, quoi qu'il
arrive, tu ne t'écartes de la justice. Et s'il advient qu'il y ait querelle
entre un pauvre et un riche, soutiens de préférence le pauvre contre le riche
jusqu'à ce que tu saches la vérité, et quand tu la connaîtras, fais justice.
Sois bien
diligent de protéger dans tes domaines toutes sortes de gens, surtout les gens
de sainte Église ; défends qu'on ne leur fasse tort ni violence en leurs
personnes ou en leurs biens.
Cher fils, je
t'enseigne que tu sois toujours dévoué à l'Église de Rome et à notre Saint-Père
le Pape, et lui portes respect et honneur comme tu le dois à ton père
spirituel.
Mets grande peine
à ce que les péchés soient supprimés en ta terre, c'est-à-dire les vilains
serments et toute chose qui se fait ou se dit contre Dieu ou Notre-Dame ou les
saints : péchés de corps, jeux de dés, tavernes ou autres péchés. Fais abattre
tout ceci en ta terre sagement et en bonne manière.
Cher fils, je te
donne toute la bénédiction qu'un père peut et doit donner à son fils, et je
prie Notre Seigneur Dieu Jésus-Christ que, par grande miséricorde et par les
prières et par les mérites de sa bienheureuse Mère, la Vierge Marie, et des
anges et des archanges, de tous les saints et de toutes les saintes, il te
garde et te défende que tu ne fasses chose qui soit contre sa volonté, et qu'il
te donne grâce de faire sa volonté afin qu'il soit servi et honoré par toi ; et
puisse-t-il accorder à toi et à moi, par sa grande générosité, qu'après cette
mortelle vie nous puissions venir à lui pour la vie éternelle afin de le voir,
aimer et louer sans fin. Amen. »
Bonus Internet :
Conseils de Saint Etienne (1er
roi de Hongrie ; 970-1038) à son fils
Avant tout, mon très cher fils, je te
l'ordonne, je te le conseille et je t'y invite : Si tu veux faire honneur à la
couronne royale, tu garderas la foi catholique et apostolique avec tant de zèle
et d'exactitude que tu donnes l'exemple à tous ceux que Dieu a soumis à ton
autorité; c'est alors que tous les hommes d'Église reconnaîtront en toi, à
juste titre, cette profession de véritable christianisme sans laquelle,
sache-le bien, on ne t'appellera pas chrétien ou fils de l'Église.
Dans notre palais
royal, après la foi, c'est l'Église qui occupe la seconde place, elle qui a été
semée d'abord par son chef, le Christ. Ensuite, ses membres, c'est-à-dire les
Apôtres et les saints Pères, l'ont transplantée, solidement bâtie et répandue
dans tout l'univers. Et bien qu'elle engendre toujours de nouveaux enfants, il
y a des lieux précis où son antiquité est tenue pour certaine.
Cette Église, mon
très cher fils, dans notre royaume est encore qualifiée de jeune et de toute
nouvelle ; et c'est pourquoi elle a particulièrement besoin de protecteurs
attentifs et clairvoyants. Sans cela, le bienfait que la bonté divine nous a
accordé sans aucun mérite de notre part sera détruit et anéanti par ton
inertie, ta paresse et ta négligence.
Mon fils très
aimable, douceur de mon cœur, espoir de ma descendance future, je t'en prie et
je te l'ordonne: par tous les moyens et en toutes choses, pratique la bonté en
étant bienveillant non seulement envers tes parents et tes alliés, envers les
princes, les chefs, les riches, les voisins et les compatriotes, mais aussi
envers les étrangers et tous ceux qui s'adressent à toi. Car une vie de bonté
te conduit au sommet de la béatitude. Sois miséricordieux envers tous ceux qui
souffrent violence, gardant toujours au fond de toi l'exemple du Seigneur :
C'est la miséricorde que je désire et non les sacrifices. Sois patient envers
tous, non seulement envers les puissants, mais aussi envers ceux qui sont
dépourvus de puissance.
Sois fort, enfin,
pour que la prospérité ne te rende pas trop fier, ni l'adversité trop abattu.
Sois humble aussi, pour que ce soit Dieu qui t'élève, ici-bas et dans le monde
futur. Sois modéré et ne châtie ni ne condamne personne outre mesure. Sois
doux, pour ne jamais violer la justice. Aie le cœur noble ; n'inflige jamais de
honte à qui que ce soit, par un premier mouvement. Sois chaste, pour éviter toutes
les corruptions de la volupté comme un aiguillon de mort.
Toutes les vertus
que je viens de rappeler composent la couronne d'un roi : sans elles, personne
ne peut régner ici-bas, ni parvenir au royaume éternel.
Texte tel qu’il
apparaît dans le livre de la Liturgie des Heures, à la fête du 16 août
P. Emmanuel d'Andigné
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