12 janvier 2011

Homélie du 24 décembre au soir

Homélie du soir de Noël - 24 décembre dans la nuit

Joyeux Noël … combien de fois a-t-on entendu ça ces jours-ci !… on a raison, je crois, de se plier à cette coutume ! Et pourtant, tout le monde sait bien que Noël est pour un certain nombre de personnes une épreuve : les personnes qui sont seules, celles qui sont devenues seules, et puis je pense à cette famille dans laquelle j’ai célébré mardi une sépulture … comment dire, dans ces conditions « joyeux Noël » ???

Mais à vrai dire, même lorsque tout va très bien, ou lorsque tout ne va pas trop mal, ou que l’on a des soucis raisonnables, la question reste posée : qu’est-ce que la joie véritable ? Qu’est-ce qu’un joyeux Noël ?

J’ai trois cadeaux pour vous, ce soir !

Le premier cadeau,  c’est une histoire vraie qui m’est arrivée, le second est aussi une histoire vraie, au départ (sans doute un peu romancée, car elle se passa au Moyen-Age), le troisième cadeau, c’est une image, pour nourrir votre imagination, et introduire, je l’espère, votre cœur à la vraie joie.

1er cadeau :
J’avais un rendez-vous important à Paris, ce jour-là, une messe avec des séminaristes angevins qui franchissaient une étape importante vers l’ordination. Je recherche sur Internet les meilleurs prix pour les trains et il s’avère que le meilleur train était assez tôt, m’obligeant à          attendre deux heures avant la messe. Alors, bien que guidé au départ par un esprit d’économie, je prends ce train et me retrouve à la gare, avec deux heures d’avance … une inspiration divine (ça peut m’arriver à moi aussi !) m’interpelle : « dis-donc, toi qui confesses les autres, tu pourrais peut-être te confesser, toi aussi ! ». Ne pouvant rien rétorquer, je me mets à la recherche d’une église, puis d’un prêtre, afin de me confesser. Lors de cette confession, rien d’extraordinaire ne se passa. Mais j’ai constaté, peu après, quelques heures, quelques jours plus tard, que mon cœur était dans une très grande joie ; c’était, je crois, ce que la liturgie appelle « la joie d’un cœur purifié » ; je souhaite cette joie à chacun d’entre vous ! Il est certain que lorsque l’on évacue ses péchés, il y a un germe de tristesse en moins, et l’horizon se dégage pour l’épanouissement de la vraie joie.

2ème cadeau :
Nous sommes au XIIème siècle, un drôle de petit diacre, Saint François d’Assise, discute avec Frère Léon (si je devais lui trouver un pendant moderne, je le comparerais à Bernard Pivot) … les deux « compères » se mirent un jour à parler de Jn 15 11 (« Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que vous soyez comblés de joie »). Frère Léon interroge benoîtement St François et lui demande : Qu’est-ce que la joie parfaite ? Voici le récit complet :

 Comme saint François allait une fois de Pérouse à Sainte Marie des Anges avec frère Léon, au temps d'hiver, et que le froid très vif le faisait beaucoup souffrir, il appela frère Léon qui marchait un peu en avant, et parla ainsi: « O frère Léon, alors même que les frères Mineurs donneraient en tout pays un grand exemple de sainteté et de bonne édification, néanmoins écris et note avec soin que là n'est pas point la joie parfaite. » Et saint François allant plus loin l'appela une seconde fois : « O frère Léon, quand même le frère Mineur ferait les aveugles voir, redresserait les contrefaits, chasserait les démons, rendrait l'ouïe aux sourds, le marcher aux boiteux, la parole aux muets et, ce qui est plus grand miracle, ressusciterait des morts de quatre jours, écris qu'en cela n'est point la joie parfaite. » Marchant encore un peu, saint François s'écria d'une voix forte: « O frère Léon, si le frère Mineur savait toutes les langues et toutes les sciences et toutes les Écritures, en sorte qu'il saurait prophétiser et révéler non seulement les choses futures, mais même les secrets des consciences et des âmes, écris qu'en cela n'est point la joie parfaite. » Allant un peu plus loin, saint François appela encore d'une voix forte: « O frère Léon, petits brebis de Dieu, quand même le frère parlerait la langue des Anges et saurait le cours des astres et les vertus des herbes, et que lui seraient révélés tous les trésors de la terre, et qu'il connaîtrait les vertus des oiseaux et des poissons, de tous les animaux et de hommes, des arbres et des pierres, des racines et des eaux, écris qu'en cela n'est point la joie parfaite. » Et faisant encore un peu de chemin, saint François appela d'une voix forte: « O frère Léon, quand même le frère Mineur saurait si bien prêcher qu'il convertirait tous les fidèles à la foi du Christ, écris que là n'est point la joie parfaite. »

Et comme de tels propos avaient bien duré pendant deux milles, frère Léon, fort étonné, l'interrogea et dit: « Père, je te prie, de la part de Dieu, de me dire où est la joie parfaite. » et saint François lui répondit: « Quand nous arriverons à Sainte-Marie-des-Anges, ainsi trempés par la pluie et glacés par le froid, souillés de boue et tourmentés par la faim, et que nous frapperons à la porte du couvent, et que le portier viendra en colère et dira: « Qui êtes-vous ? » et que nous lui répondons: « Nous sommes deux de vos frères », et qu'ils dira: « Vous ne dites pas vrai, vous êtes même deux ribauds qui allez trompant le monde et volant les aumônes des pauvres; allez-vous en »; et quand il ne nous ouvrira pas et qu'il nous fera rester dehors dans la neige et la pluie, avec le froid et la faim, jusqu'à la nuit, alors si nous supportons avec patience, sans trouble et sans murmurer contre lui, tant d'injures et tant de cruauté et tant de rebuffades, et si nous pensons avec humilité et charité que ce portier nous connaît véritablement, et que Dieu le fait parler contre nous, ô frère Léon, écris que là est la joie parfaite. Et si nous persistons à frapper, et qu'il sorte en colère, et qu'il nous chasse comme des vauriens importuns, avec force vilenies et soufflets en disant: « Allez-vous-en d'ici misérables petits voleurs, allez à l'hôpital, car ici vous ne mangerez ni ne logerez », si nous supportons tout cela avec patience, avec allégresse, dans un bon esprit de charité, ô frère Léon, écris que là est la joie parfaite. Et si nous, contraints pourtant par la faim, et par le froid, et par la nuit, nous frapperons encore et appelons et le supplions pour l'amour de Dieu, avec de grands gémissements, ne nous ouvrir et de nous faire cependant entrer, et qu'il dise, plus irrité encore: « ceux-ci sont des vauriens importuns, et je vais les payer comme ils se méritent », et s'il sort avec un bâton noueux, et qu'il nous saisisse par le capuchon, et nous jette à terre, et nous roule dans la neige, et nous frappe de tous les nœuds de ce bâton, si tout cela nous supportons patiemment et avec allégresse, en pensant aux souffrances du Christ béni, que nous devons supporter pour son amour, ô frère Léon, écris qu'en cela est la joie parfaite. Et enfin, écoute la conclusion, frère Léon : au-dessus de toutes les grâces et dons de l'Esprit Saint que le Christ accorde à ses amis, il y a celui de se vaincre soi-même, et de supporter volontiers pour l'amour du Christ les peines, les injures, les opprobres et les incommodités; car de tous les autres dons de Dieu nous ne pouvons nous glorifier, puisqu'ils ne viennent pas de nous, mais de Dieu, selon que dit l'Apôtre: « Qu'as-tu que tu ne l'ais reçu de Dieu ? et si tu l'as reçu de lui, pourquoi t'en glorifies-tu comme si tu l'avais de toi-même ? ».Mais dans la croix de la tribulation et de l'affliction, nous pouvons nous glorifier parce que cela est à nous, c'est pourquoi l'Apôtre dit: « Je ne veux point me glorifier si ce n'est dans la croix de Notre Seigneur Jésus Christ. »

Rien ne fait la tristesse de celui qui a Dieu pour trésor et c’est en particulier par la croix, le mystère de la croix, que Saint François comprend que les souffrances même ne sont pas un obstacle à la joie parfaite. « Votre joie, nul ne pourra vous la ravir », dit Jésus (Jn 16 22)

Bien entendu, je souhaite à quiconque d’avoir chaud, d’avoir de quoi manger, d’être accueilli, d’être reconnu, et tout ce que l’on peut  souhaiter de plus beau … mais ce que je vous souhaite par-dessus tout, c’est ce que, comme dit le rituel du mariage, « le bonheur ne vous égare pas loin de Dieu » et que les soucis (je cite) « ne vous accablent pas ». Car que l’on soit selon ce monde heureux ou malheureux, On peut de la même façon s’éloigner de la joie parfaite, celle qui vient de la présence, de l’amour, de la tendresse de Dieu, de l’action de Dieu en nous

« Votre joie, nul ne pourra vous la ravir » Jn 16 22

Troisième cadeau :
Et c’est là, sans doute, qu’il faut ajouter mon troisième cadeau : c’est l’image de l’océan. Comme chacun sait, un Océan est comme une cuve d’eau, mais qui commence toujours par une zone proche de la côte, avec une distance entre la surface et le fond qui va de quelques millimètres à 11500 mètres (dans le pacifique) ; il est bien évident que lorsque la surface de l’eau est agitée tout près du bord, le fond en est agité aussi, mais au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la côte, l’agitation de la surface est de moins en moins perceptible dans le fond de l’Océan …

Notre personne est comme un océan, nous avons en nous une surface : notre apparence physique, mais aussi ce que nous voyons des autres, les impressions que nous avons, les influences que nous avons subies, les blessures, les sécurités … bref, notre psychologie, qui se situe à la surface de notre être. En outre, il y a des zones plus profondes en nous : notre être profond, celui que nous connaissons un peu, mais assez mal et c’est là que Dieu réside, c’est là qu’il agit (en particulier dans les sacrements).

La vie spirituelle, la vie divine en nous se situe au plus profond de notre être et là se trouve, avec la présence de Dieu, le secret de la joie parfaite. En effet, que la surface de notre être soit agitée ou bien calme, cela ne change rien au fond de nous-même, qu’il pleuve ou qu’il vente, et même s’il y a de la pollution, le fond du fond de notre être ne change pas ; si nous prenons l’habitude de nager en profondeur, alors rien, en surface, que cela soit en bien ou en mal, ne peut réellement nous atteindre, c’est ce que je vous souhaite de mon cœur …

Joyeux Noël !
 P. Emmanuel d'Andigné

01 janvier 2011

Homélie du 18 décembre 2010


4ème dimanche de l’Avent, A

Is 7, 10-16   /   Ps 23   /   Rm 1, 1-7   /   Mt 1, 18-24

Le personnage de premier plan que Matthieu met en scène aujourd’hui, c’est a priori un second rôle.

C’est Joseph, le modeste, le discret, le sage, le juste. Là est la grandeur de Joseph.

Et pourtant Dieu va faire appel à lui non pas pour le mettre sous les projecteurs, mais pour le laisser dans l’ombre, en arrière-plan, avec un rôle secondaire mais sans lequel Dieu ne pouvait pas réaliser son projet de s’incarner dans notre humanité.

Nous pouvons nous émerveiller devant la fécondité de ce couple hors du commun, à la fois maternelle et spirituelle pour Marie, et paternelle et spirituelle pour Joseph.

Joseph vit une situation déconcertante. Marie est enceinte. Dans un premier temps il ne comprend pas : d’un seul coup son projet de bâtir un foyer avec Marie tombe à l’eau. Ses rêves, ses espoirs s’évanouissent.

Ensuite, n’étant pas le père charnel, il décide de s’effacer car il ne voulait pas se faire passer pour son père. Il est prêt à se sacrifier, à disparaître, pour ne pas prendre une place qui ne lui revient pas. Joseph est honnête.

Mais c’est Dieu qui, maintenant, par son ange va intervenir auprès de Joseph pour modifier son honnête projet.

Si l’ange dit à Joseph « Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse », c’est que Joseph craignait, non pas les regards et les sourires moqueurs des voisins comme dans une situation de marivaudage, mais la présence du Seigneur.

Il s’agit de l’annonciation faite à Joseph qui nous dévoile un homme plein de respect, de retenue et qui se sent bien indigne d’être acteur dans une telle aventure et d’être appelé à vivre une telle situation où il sent la toute-puissance de l’Amour de Dieu qui est à l’œuvre.

Et si l’ange lui dit « oui, certes, l’enfant est de l’Esprit, mais tu dois rester », cela montre bien que Joseph savait déjà l’œuvre de Dieu mais qu’il se sentait totalement indigne de demeurer là où l’Esprit de Dieu était présent.

Et quand il décidait, non pas de renvoyer, mais de délier Marie qui lui avait été accordée en mariage, ce n’était pas par crainte du scandale, mais pour se tenir à distance de cette alliance et pour ne pas faire obstacle au projet divin. Mais Dieu l’a choisi.

L’ange demande donc à ce fils de David de garder chez lui son épouse et d’accueillir cet enfant qui ne sera pas le fils selon la chair, mais le fils selon la promesse.

Il lui demande de revenir sur sa décision d’homme juste, car Dieu a besoin de lui pour que son projet aboutisse : prendre Marie chez lui et donner un nom à l’enfant, c’est-à-dire assumer d’être son père légal et à ce titre l’introduire ainsi dans la lignée de David. C’est là un acte juridique décisif.

Joseph ne demande pas plus d’explications, c’est son « Fiat » silencieux en quelque sorte. Il se rend disponible et ouvert à l’avenir qui se dessine devant lui, même s’il n’en connaît rien.

Il s’engage librement et s’en remet totalement entre les mains du Seigneur. La justice de Joseph ne réside pas dans le secret dont il a eu connaissance, mais dans son obéissance à la volonté de Dieu et dans son honnêteté parfaite dans ce mystère.

Le choix de Dieu fait de cet homme honnête un maillon indispensable dans l’histoire du salut. La place de Joseph est tout aussi importante que celle de Jean-Baptiste.

Joseph est le modèle de celui qui accueille et qui sert, son attitude étant l’exemple type du service.

Cet esprit d’accueil et de service doit guider notre attente durant les derniers jours de l’Avent.

Seigneur, aide-moi, en attendant Noël qui éclairera notre attente, à redire devant toi mon attachement à ton Église qui va à nouveau dans quelques jours reconnaître la présence de ton Fils vivant, présence manifestée dans le monde. Aide-moi à discerner ton appel dans une libre obéissance à ta volonté. Aide-moi à avoir la disponibilité de Joseph pour accueillir et servir toute ma vie Jésus ton Fils. Ainsi soit-il.

Jean-Paul Rousseau, Diacre

21 décembre 2010

Homélie du 12 décembre 2010

3ème DIMANCHE DE L’AVENT – ANNEE




12 DECEMBRE 2010



Le psaume 89 pose la question : « Quel est le nombre de nos années ? Soixante-dix, quatre-vingts, peut-être ? Leur plus grand nombre n’est que peine et misère. »

Il est vrai que, si l’on écoute la conversation des gens, il sera beaucoup question de maladies, de chômage, d’accidents, de verglas, de divorces et de deuils, beaucoup plus que de nouvelles heureuses, comme les naissances ou les succès aux examens.

Or la première lecture, du Livre d’Isaïe, ne nous parle que de bonheur et de joie.

« Que le pays aride exulte et fleurisse ! Qu’il crie de joie ! On verra la gloire du Seigneur, la splendeur de notre Dieu. » Les yeux des aveugles verront, les oreilles des sourds entendront. Douleur et plainte s’enfuiront.

N’est-ce pas vivre dans le rêve et se laisser bercer dans de douces illusions ? La Parole du Seigneur, il est vrai, nous place sur un autre plan que celui de nos préoccupations journalières et de nos activités concrètes de toutes sortes.

Quand Saint Paul écrit aux Philippiens : « Soyez dans la joie du Seigneur, soyez toujours dans la joie, » il ajoute : « Le seigneur est proche. » L’Apôtre ne néglige aucunement les souffrances des personnes auxquelles il s’adresse. Il sait, par son expérience personnelle, combien la vie peut être éprouvante, dramatique parfois. Mais il faut découvrir le sens de ces épreuves sous l’éclairage de la foi.

Les versets du psaume cité tout à l’heure, de tonalité très sombre, sont suivis d’autres remplis d’espérance et de confiance : « Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ? Rassasie-nous de ton amour au matin, que nous passions nos jours dans la joie et les chants. »

Les lectures de ce troisième dimanche de l’Avent nous invitent à préparer nos cœurs à la venue du Sauveur. Il ne s’agit pas d’une attente passive et paresseuse. Le Seigneur est proche, il vient… encore faut-il que nous le laissions entrer, que nous lui demandions sincèrement d’enlever, de nous faire enlever, les pierres qui sur nos chemins risquent de nous faire tomber.

Nous nous désolons souvent de voir des proches, des amis, dévier de la bonne route. Que faisons-nous par l’exemple et la prière pour les aider à rectifier ce qui est faussé ?

Saint Jacques nous conseille en ce domaine la patience et la persévérance. « En attendant la venue du Seigneur, écrit-il, ayez de la patience. » Regardez le cultivateur. « Ayez de la patience vous aussi, et soyez ferme, car la venue du Seigneur est proche. »

Comme modèle d’endurance et de patience, l’Evangile nous présente la grande figure de Jean-Baptiste, prophète du Très-Haut.

Il est celui qui reconnaît en Jésus le Messie. Les signes qui lui sont donnés sont indubitables : « les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. »

Quoi de commun entre la façon de vivre de Jean-Baptiste et la nôtre ? A peu près rien, pour ce qui est de l’extérieur, du visible.

Mais, comme nous, il a dû se préparer à accueillir le Sauveur. Il a su rendre témoignage à la Lumière. Il était en prison, nous précise le début de l’Evangile, quand il apprit ce que faisait le Christ. Il n’avait pas manqué de dire la vérité au roi Hérode, ce qui lui valut d’être enfermé, puis décapité. Mais il est entré ainsi dans le Royaume des Cieux.

« Si vous observez mes commandements, dira Jésus, vous demeurerez dans mon amour… Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. »

Que la Vierge Marie, dont nous avons fêté l’Immaculée Conception mercredi, nous guide vers la joie de Noël.



Amen.

Père Jean Rouillard

08 décembre 2010

Homélie du 05 décembre 2010-le curé nous raconte des salades !!!

Homélie du premier dimanche de l'Avent- Année A

Cela fait un bon moment que je voulais vous raconter l’histoire de la salade … mais oui ! Un jour, un jeune homme vient voir un Père du désert et lui dit : « Père, j’ai un bon souvenir de notre conversation d’hier, mais je dois vous avouer que j’ai tout oublié de ce que vous m’avez dit, c’est grave ? –pas du tout, lui répond le vieil homme, ton cœur est comme une salade ; imagine qu’elle est sale et qu’il faille la laver ; tu la plonges dans l’eau et tu l’en ressort ; eh bien, même lorsque l’eau est complètement partie, la salade est propre ; ton cœur est purifié par la Parole de Dieu, ça n’est pas grave si l’eau s’en va, autrement dit si tu oublies, puisque l’enseignement t’a purifié !!

Dieu façonne nos cœurs par sa parole : Parole écrite (la Bible), Parole transmise dans l’homélie (la Tradition) … soyez attentifs à ce que Dieu pourrait vous apporter dans sa parole, plutôt que de vous focaliser sur le personnage qui fait la lecture ou celui qui donne l’homélie ; invoquez l’Esprit Saint au début de la Liturgie de la parole et recommencez au moment de l’homélie !

Car en effet, ceux qui portent la parole de Dieu ne peuvent pas avoir tous les charismes :

Isaïe : a le charisme de la Consolation et de l’intuition du Messie :
Consolation d’Israël (qui connaîtra l’exil et d’autres souffrances), consolation de tous ceux qui souffrent (nous aussi, recourons à cette consolation), consolation du messie dont il pressent les souffrance, ce qui ne manque pas de nous faire penser à Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, qui voulait par ses mortifications et ses sacrifices (les pétales de rose) adoucir la Passion et la croix ; et puis il y a cette incroyable intuition (700 ans avant JC) qui lui fait anticiper la figure de Jésus avec une précision redoutable.

David : lui, a le charisme de la confiance inébranlable en Dieu ; c’est cette confiance qui guide notre réponse à la première lecture (on l’appelle d’ailleurs psaume « responsorial »), les psaumes sont une véritable école de prière (et d’ailleurs, les antiennes de la forme ordinaire du rite romain ou les graduels de la forme extraordinaire sont pratiquement toujours tirées des psaumes)

St Paul : , de son côté, a un charisme bien connu d’enseignement, mais aussi de paternité spirituelle ; il a fondé nombre des communautés chrétiennes du bassin méditerranéen, il les « entretient » dans la foi et les fait grandir encore grâce aux magnifiques lettres qu’il nous a laissées.

Jean-Baptiste : , de son côté, a un beau mais difficile charisme, celui de la conversion ! Nous avons tellement tendance à nous endormir spirituellement il nous faut des Jean-Baptiste !!!

Certes, l’Avent a une tonalité moins pénitentielle que le carême, mais tout de même : il comporte une nuance de conversion, un appel à la conversion pour se préparer à l’Avent de Jésus, à l’Adventum de Jésus, à l’avènement de Jésus (ce sont des synonymes !) : il est très profitable et très nécessaire
de se confesser avant Noël. Bonne nouvelle ! Le 15 décembre prochain , journée continue de confession à sainte-Bernadette, de 10h à 22h, sans interruption …

il nous faut des Jean-Baptiste !!! Il nous faut aussi des David, des Paul, des Isaïe … personne ne cumule tous les charismes, hormis, bien entendu, Dieu lui-même, Dieu le Père, le Fils, et le Saint-Esprit.

C’est un peu comme si chacun de nous était une tesselle, qui compose avec des centaines d’autres les mosaïques. Une tesselle est généralement un petit cube de pierre, de marbre, d’émail, de verre, un galet, d’un centimètre de côté.

Ne demandez pas à une personne seule d’avoir tous les charismes, ne demandez pas à une tesselle d’être la mosaïque a elle toute seulet ne vous affligez pas, réjouissez-vous, de ce que vous n’êtes pas à vous tout seul
la mosaïque. Réjouissez-vous de faire partie d’une communauté !

Je suis de ma génération, je suis allé voir sur Internet ce qui concerne les mosaïques : on peut lire sur les sites spécialisés dans ce sujet que les tesselles peuvent être également « des assiettes cassées, des petits cailloux, des coquillages, de l’ardoise, un miroir cassé, du bois. »

Cela signifie, pour nous, que même si nous sommes blessés, imparfaits, fissurés, pas impeccables … nous pouvons entrer dans la mosaïque et cette mosaïque représente le Christ (j’ai connu un animateur de l’Arche qui disait : « Heureux les fêlés, ils laisseront passer la lumière »)

Je termine en évoquant un fait historique des plus intéressants : à l’époque de Jean-Baptiste, c’est-à-dire à l’époque du Christ, puisqu’ils avaient six mois de différence, il s’est produit en Israël un phénomène comparable à ce qui se passe un peu avant Noël dans une effervescence et une fébrilité annonciatrice du grand moment. En effet, vous avez entendu parler de Qumran, la communauté des Esséniens, qui pressentaient que le Messie allait bientôt venir ; mais avez-vous entendu parler aussi des zélotes, ces juifs qui ont investi la forteresse de Massada, dans une lutte armée contre les romains, précisément parce qu’ils sentaient que les temps messianiques arrivaient et que seule une solution militaire déroulerait le tapis rouge au Messie …

Ainsi donc, que cela soit de façon mystique, « monastique » si on peut dire ou de façon politique et militaire, le judaïsme a senti que son Sauveur venait !

Je prie pour qu’un tel enthousiasme, une telle joie de la venue du Christ à la fin des temps gagne nos cœurs et nos esprits, dans une suite profonde et réelle du Christ.

 P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 28 novembre 2010-le pape a-t-il changé d'avis ?

Homélie du premier dimanche de l'Avent - Année A

Lorsqu’une information parvient à vos oreilles sur France info’ dans la voiture ou au journal télévisé, sachez qu’elle provient généralement d’une dépêche de l’AFP (Agence France Presse) ; on note, dans cette agence, des qualités et des défauts ; parmi les qualités (on peut en prendre de la graine !), on notera l’efficacité, le sens de la pédagogie … et puis on peut noter trois défauts :
- la rapidité (qui est aussi une qualité, mais), qui comporte un risque d’erreur important … c’est le défaut du siècle …
- l’anticléricalisme (qui n’est pas mort à la fin du XIXème siècle !!!)
- et surtout une très grande ignorance religieuse, de sorte qu’ils ignorent ce que vous n’ignorez pas, à savoir que lorsque le Pape s’exprime, il peut le faire solennellement (c’est alors un acte dit de « Magistère », donc d’enseignement officiel, au nom du Seigneur) ou alors confidentiellement, comme il l’a fait dans son dernier livre « Lumière du monde ».

Dans le Magistère, Dieu se révèle à l’homme, il révèle l’homme à lui-même, et ce qu’il veut pour l’homme. Dieu se révèle également dans l’Ecriture Sainte (la Bible) et la Tradition (dont l’homélie, en principe, est une manifestation).

Or, que nous révèle Dieu aujourd’hui ? Vous l’avez entendu : Jour / nuit ; lumière / ténèbre … quelle simplicité ! On a même envie de dire « quel simplisme !!! » ; comme si c’était si simple dans la vie ! Dieu nous révèle par là que en matière de morale, il n’y a que deux réalités, fixes : le bien ou le mal (Xavier Lacroix a été un peu rapide en écrivant l’autre jour qu’il existait un principe « classique » du moindre mal … classique dans son discours, peut-être, mais pas dans celui de l’Eglise). Ainsi, Dieu nous donne des repères clairs, et l’Eglise ne fait rien d’autre que de s’en faire l’écho.

En revanche, lorsqu’un Pape publie un livre d’entretiens, il dévoile son cœur de Père, de Pasteur (ne l’appelle-t-on pas le « Saint-Père » ?) et il mesure le chemin que quelqu’un doit parcourir pour s’éloigner du mal et choisir le bien

Autrement dit : le Pape n’a pas fait de « revirement » sur la question qu’on sait, il n’a pas « changé d’avis », il nous apprend simplement à distinguer le principe (qui est intangible …) et la compréhension de la complexité des situations, qui fait que, bien que le cap ne change pas d’une virgule, le Pasteur d’âme accompagne les chrétiens sur le « chemin de la perfection » (comme disait sainte Thérèse d’Avila), chemin sur lequel il se trouve lui aussi …

Beaucoup de journalistes se sont focalisés sur 5 lignes du livre d’entretien, moi j’attends le 03 décembre prochain avec impatience pour nourrir mon cœur et mon intelligence grâce aux 270 pages de  « Lumière du Monde ».

P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 21 novembre 2010-Un roi couronné d'épines ?

Homélie du 34ème dimanche du temps de l’Église, C (Christ Roi)

2 S 5, 1-3   /   Ps 121   /   Col 1, 12-20   /   Lc 23, 35-43

Il peut paraître surprenant que l’Église ait choisi cet extrait de l’évangile écrit par saint Luc pour nous parler de la royauté de Jésus.

Nous sommes à la fin d’un combat entre Jésus et les dirigeants de son peuple : les hauts dignitaires du peuple juif et les romains qui administraient le pays.

En d’autres lieux, en d’autres temps, lorsqu’un roi, un président ou un responsable politique termine sa vie, à la suite d’une révolution ou d’un coup d’état, en prison ou sur l’échafaud, dans une ambiance de violence, on parle de fin de règne.

Or pour Jésus, c’est tout le contraire : son règne se poursuit ! Alors de quoi parle-t-on ?

Il se passe un évènement terrible : Jésus est en train de mourir sur la croix et il ne dit rien. « … et le peuple restait là à regarder. » Il s’agit du peuple juif, des juifs qui ont suivi Jésus jusqu’au bout, et non de la foule qui a sauvé Barabas. Mais, aucune réaction. Ils ne disent rien. Ils ne comprennent pas. Ils attendaient qu’on les délivre des romains. Sont-ils interloqués, simplement curieux ou dépassés par ce qui se passe ? On ne sait pas.

Les chefs, eux, se moquent de lui. Il est vrai qu’ils triomphent sans aucun mal vu la situation. Les soldats approuvent et font de même. Si vraiment il était roi, il pourrait se sauver lui-même sans problème.

Et l’un des malfaiteurs y va aussi de son couplet méprisant : « N’es-tu pas le Messie ? [Et bien,] Sauve-toi toi-même, et nous avec ! »

Jésus est toujours silencieux. Il pourrait se sauver, il ne le fait pas. Il pourrait montrer sa force et son pouvoir, il ne le fait pas.

S’il est roi, ce n’est pas pour dominer, ce n’est pas pour délivrer Israël comme le pensaient encore les disciples sur la route d’Emmaüs, ce n’est pas pour lui-même, ce n’est pas pour en tirer un avantage personnel.

Il ne se défend même pas et ne cherche pas à s’abriter derrière une immunité liée à son rang.

Mais de quelle royauté nous parle-t-il ?

C’est alors que le second malfaiteur prend la défense de Jésus en lui demandant de ne pas l’oublier et de l’accueillir dans son royaume.

Il n’en connaît rien, mais dans un dernier sursaut avant de mourir, il s’offre à Jésus. Il est au bout du bout. Il ne demande même pas pardon. Il sait très bien qu’il a mal agit. Mais peut-il vraiment analyser sa situation, mais peut-il encore discerner … ? De toute façon, il est trop tard, il va mourir. Il s’abandonne totalement et fait confiance à Jésus qui le reçoit. Il a osé franchir le pas, et le peuple, lui, ne dit toujours rien …

Et là, Jésus prononce enfin quelques mots : « Amen, je te le déclare : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »

On n’en sait guère plus sur le Royaume, si ce n’est qu’aujourd’hui le brigand y sera avec Jésus. Il a ce pouvoir d’accueillir auprès de lui le dernier des derniers, celui qui s’abandonne à lui totalement.

Sa royauté est vraiment mystérieuse.

Elle ne domine pas les hommes, elle ne leur impose rien, elle les laisse libres. Elle ne répond pas aux attaques, aux coups, aux blessures. Elle donne une raison d’être, une raison de vivre à ceux qui vont passer la mort.

Saint Paul nous en dit un peu plus dans sa lettre aux Colossiens.

Si Jésus est roi, c’est parce que, avec son Père et l’Esprit qui les anime, il est à l’origine de tout ce qui a été créé dans les cieux et sur la terre, les êtres visibles et les puissances invisibles : tout est créé par lui et pour lui.

Il est ce roi qui s’est fait chair pour vivre notre condition, pour nous sauver et nous accueillir dans son Paradis, dans son Royaume.

Seigneur, au terme de cette année liturgique, aide-moi à mieux te connaître, et de ce fait à mieux me connaître et à mieux comprendre à quelle vie tu m’appelles auprès de toi. Seigneur, aide-moi à m’abandonner à toi, à vivre avec toi en toute confiance, dès aujourd’hui, sans attendre le terme de ma vie. Ainsi soit-il.