Homélie du dimanche 22 février 2009
La lecture de l'Évangile selon St Marc que nous lisons chaque dimanche ainsi quependant la semaine a ceci de particulier que la personne de Jésus se découvre peu àpeu et comme dans le secret. Les premiers chapitres de l'évangile selon St Marc nous présentent Jésus comme quelqu'un qui donne un enseignement nouveau et qui a une autorité même sur lesdémons. Il guérit de nombreux malades si bien que sa renommée se répand partout etqu'une foule nombreuse le suit.
Qui est-il en vérité ? Dès le premier chapitre on constate que ce sont les démons quirévèlent son nom : " Je sais qui tu es, Jésus de Nazareth. Tu es le Saint de Dieu ".On a entendu à l'instant dans la lecture de l'évangile que les scribes se posent la mêmequestion et donnent une réponse sous la forme d'une autre question : " Qui peutremettre les péchés sinon Dieu seul " ?
Les apôtres qui suivent Jésus se poseront eux aussi des questions. Au chapitrequatrième qui nous décrit l'épisode de la tempête apaisée par Jésus sur le lac deTibériade, les disciples constatent sa puissance et se disent entre eux : " Qui est-il doncpour que même le vent et la mer lui obéissent ?
Face à toutes ces interrogations l'attitude de Jésus prend diverses formes. Elle peutêtre violente : Silence ! dit-il aux démons. Vis à vis des scribes il ne répond pas maisleur montre sa puissance en guérissant le paralytique. Quant aux disciples il se contentede s'étonner de leur peu de foi face à tout ce qu'ils ont déjà vu et de leur rappeler ce qu'ila fait avec les pains en nourrissant plusieurs milliers de personnes.C'est plus tard, au chapitre huit que Jésus va se révéler. En chemin vers la ville deCésarée de Philippe, c'est lui qui va questionner ses disciples. Qui suis-je aux yeuxdes hommes... Et vous que dites-vous que-je suis ? On connaît la réponse de Pierre :" Tu es le Christ ".
C'est alors que Jésus, au grand scandale de Pierre, va annoncer sa mort et sarésurrection. Cette annonce il la répétera encore deux fois. Le fils de l'homme est venupour donner sa vie. On est donc loin du personnage extraordinaire qui guérit lesmalades et calme la tempête. Jésus a une autre mission qui est liée au regard qu'il portesur l'homme et sur le monde.
Les textes de ce dimanche sont importants car, à la veille de cette entrée dans le tempsdu carême et du temps pascal qui vont nous amener à revivre la mort et la résurrectiondu Christ, ils nous disent ce projet de Dieu sur le monde et sur l'homme.Quel est ce projet de Dieu ?
Concernant le monde, la réponse nous a été donnée par le prophète Isaïe : " Voici queje fais un monde nouveau. Il germe déjà. Ne le voyez-vous pas " ?
Concernant l'homme, c'est encore Isaïe qui nous parle : " Je pardonne tes révoltes àcause de moi-même et je ne veux plus me souvenir de tes péchés ".L'épisode de l'évangile d'aujourd'hui sur la guérison du paralytique est révélateur de cemonde nouveau que veut instaurer Jésus dans ses relations avec l'homme.Comme toujours, la foule attentive au sensationnel attend encore une fois un miracle.Or Jésus va surprendre tout le monde. Il commence par s'adresser à cet homme surson brancard et, au lieu de lui parler de guérison physique, il lui annonce quelque chosede nouveau : " Mon fils, tes péchés sont pardonnés ". Constatons que ce qui étaitannoncé par Isaïe se réalise aujourd'hui. Le germe dont il a parlé donne aujourd'hui dufruit. La foule s'attendait à tout autre chose et les scribes qui sont présents, tout prêts peut êtreà saisir l'occasion d'accuser Jésus et de le condamner vont dire la phrase essentiellequi révèle ce qu'est vraiment Jésus. " Qui donc peut pardonner les péchés sinon Dieuseul " ?
La réponse de Jésus se fera dans l'acte de guérison : " Qu'est-ce qui est le plus facile,de dire au paralysé, tes péchés sont pardonnés, ou bien de dire : " Lève-toi, prends tonbrancard et marche ? Eh bien pour que vous sachiez que le fils de l'homme a le pouvoirde remettre les péchés sur la terre, je te l'ordonne, dit-il au paralytique, prends tonbrancard et rentre chez toi ". L'homme se leva et sortit. Tous étaient stupéfaits etrendaient gloire à Dieu. C'est bien ce qu'avait écrit le prophète Isaïe : " Ce peuple quej'ai formé pour moi, dit Dieu, redira ma louange ". On pourrait s'arrêter là et chanter alleluia.
Et pourtant le texte de l'évangile nous invite à aller encore plus loin.Avez-vous remarqué la façon dont Jésus s'adresse au paralytique ? Il ne lui dit passeulement : " Tes péchés sont pardonnés ", mais : " Mon fils, (en réalité mon enfant) tespéchés sont pardonnés ". Voilà donc quelque chose de nouveau. Comment Jésus peut-il dire à cet homme, mon fils, alors qu'il n'a aucun lien de parenté avec lui et qu'il ne le connaît pas ?La réponse est merveilleuse. Elle nous fait découvrir deux réalités : d'abord que Jésusest intimement lié à son père. C'est ce qu'il dira à Philippe : " Philippe qui m'a vu a vu lePère. Mon Père et moi nous sommes un ".
La deuxième réalité est que le regard que Dieu porte sur chaque être humain est d'abord un regard de père. Cet homme est pécheur au regard de la société qui l'entoure et le juge. Pour Jésus ce n'est pas cela l'essentiel. Jésus voit en lui l'image d'un fils et d'un fils de son Père. Certes cette imageest ternie. Eh bien Jésus va purifier cet homme et le faire redevenir une vraie image deDieu comme au premier jour de la création.
Chaque personne humaine est un être saint, un être sacré. C'est ce que nous a ditl'apôtre Paul dans ce fragment de sa lettre aux Corinthiens : " Celui qui nous rend solidespour le Christ, celui qui nous a consacrés, c'est Dieu ". Ainsi depuis la création del'homme, depuis surtout la mort et la résurrection du Christ, nous sommes des fils, desfils consacrés ; nous sommes des êtres qui portent en eux une présence sacrée, uneprésence divine, celle de l'Esprit Saint qui habite en nos coeurs.
Que dire encore sinon que face à ce langage de Jésus, nous ne pouvons que vivredans l'espérance et dans l'espérance d'une rencontre d'amour avec Dieu.Et c'est sur cet aspect de notre fin de vie que je voudrais conclure, en reprenantquelques lignes de la récente encyclique de Benoît XVI : " Sauvés dans l'espérance ".Dans la dernière partie de son encyclique Benoît XVI a tout un passage qui a pour titre :" Le jugement final du monde par Dieu est encore un lieu d'exercice de l'espérance "Benoît XVI commence par rappeler que si Dieu est justice et qu'il exerce la justice, onconstate aussi que dans sa justice il y a aussi la grâce. La grâce n'exclut pas la justice etne change pas le péché en excuse. Ce n'est pas une éponge qui efface tout. Il citealors saint Paul qui, dans sa première épître aux Corinthiens, dit que l'expériencechrétienne est basée sur un fondement commun : Jésus-Christ. Si nous sommesdemeurés fermes sur ce fondement et que nous avons construit sur lui notre vie, cefondement ne peut plus être enlevé même dans la mort. Paul dit ensuite : "Si sur cefondement on bâtit avec de l'or de l'argent, des pierres précieuses, du bois, du foin, dela paille, l'oeuvre de chacun sera mise en pleine lumière. Le jour du jugement c'est le feuqui permettra d'apprécier l'oeuvre de chacun. Si l'oeuvre bâtie sur le fondementsubsiste, l'ouvrier recevra sa récompense. Si son oeuvre est consumée il en subira laperte. Quant à lui, il sera sauvé, mais comme à travers le feu ". En d'autres termes onpeut dire que l'essentiel de notre être, le fondement, c'est Jésus-Christ.
Sur la terre nous construisons notre vie avec des oeuvres bonnes. Ce sont : l'or, l'argent, les pierres précieuses dont parle l'apôtre Paul. Ce sont aussi des oeuvres mauvaises (le bois, le foin, la paille, dont parle Paul. Les théologiens, poursuit Benoît XVI, sont de l'avis que le feu qui brûle et en même temps sauve est le Christ lui-même juge et Sauveur. Tout ce qui a été édifié dans la vie en dehors du fondement qu'est Jésus-Christ est brûlé au feu de l'amour de Jésus. Les oeuvres bonnes demeureront, les oeuvres mauvaises disparaîtront, il ne restera de nous que le fondement, à savoir Jésus-Christ. Cette transformation sera certainement douloureuse, mais ce sera une heureuse souffrance carle saint pouvoir de l'amour de Jésus, après nous avoir pénétrés comme une flamme,nous permettra, à la fin, d'être totalement nous-mêmes et totalement reçus en Dieu. Il n'est pas interdit de voir dans ces mots la doctrine de l'Église sur le Purgatoire.
Et nous voici ramenés à l'évangile du jour. Le regard de Jésus sur cet homme est unregard de justice. En cet homme, Jésus reconnaît l'existence du péché. Il ne le nie pas.Mais son regard est en même temps un regard de grâce. " Mon fils, tes péchés sontpardonnés ". C'est la résurrection morale de cet homme qui physiquement aussi estressuscité puisqu'il va se lever de ce brancard qui était comme un tombeau.Ne peut-on penser qu'il en sera de même pour nous lorsque nous rencontrerons Dieuau jour du jugement ? A ce moment nous entendrons sans doute comme le paralytiquede l'évangile : " Mon enfant tes péchés sont pardonnés. Entre dans la joie de tonSeigneur ".
A la fin du livre de Bernanos " Journal d'un curé de Campagne ", le prêtre faisait cetteconstatation : ici-bas tout est grâce.
Dès ici-bas, ne nous faut-il pas vivre dans l'espérance qu'au jour du jugement il en serade même pour nous ? Là-haut, aussi, tout est grâce.
Jean Grelon
03 mars 2009
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