11 juin 2012

homélie du 10 juin 2012-la messe et le cosmos


Homélie du jour de la fête-Dieu (Corpus Domini) - Année B

En méditant sur ces textes, il m’a été difficile de ne pas penser au livre de l’Apocalypse, et je vais vous expliquer pourquoi

Ce livre consiste essentiellement en une vision (étrange au premier abord, c’est le moins que l’on puisse dire), dont le style (apocalyptique) était très en vogue à l’époque de saint Jean. Au cours de ladite vision se déroule une liturgie et on peut même carrément dire une messe, mais cette messe se déroule sur le monde et même sur tout l’univers : c’est une messe cosmique !

Car Saint Jean avait l’expérience de la messe, tout comme nous, et il a visiblement pensé à la liturgie dans certains de ses passages.

1) Cela signifie deux choses, je crois : d’abord que même la plus simple des messes a une dimension cosmique, en ce sens qu’elle relie le cosmos tout entier à son créateur (on ne fait pas une « prière universelle » simplement parce que c’est marqué comme ça dans le rituel ! On porte vraiment, spirituellement, le monde et même le cosmos dans notre prière). C’est si vrai que, à la messe, nous n’apportons pas seulement nos personnes, mais aussi, du pain, du vin, de l’eau, des fleurs, de la musique, des chants, nos familles, nos pays … ça fait beaucoup de choses !!!

Et là, il faut donner une précision : les adeptes du New Age prononcent beaucoup ce mot « cosmique », mais ce qui est comique, plutôt que cosmique, c’est qu’ils ont ce mot à la bouche sans arrêt, alors que la réalité est inverse : dans les rites et les discours, tout est centré sur le petit groupe fermé ou sur le gourou ou la personne seule, de sorte que cela n’a plus rien de cosmique ; à l’inverse, les messes catholiques sont économes dans l’emploi de ce mot, mais portent une réalité réellement cosmique !

Ainsi, la plus simple et la plus petite des messes a, malgré ses apparences, des dimensions incalculables et démesurées, parce nous présentons à Dieu la louange de toute l’humanité et de toute la création, un peu comme lorsqu’une grand-mère prie pour toute sa famille, y compris les nourrissons qui ne savent pas encore prier, ou les adultes qui ont cessé de le faire. D’ailleurs, il y a pas mal de grands-mères dans des messes toutes simples, partout dans le monde.

2) cependant, il y a une deuxième chose : je vous ferais remarquer que, en ce moment-même, au décalage horaire près, le monde entier se prosterne devant l’Agneau de Dieu, partout en France et dans le monde, des chrétiens aujourd’hui réalisent la vision de Saint Jean !

A l’époque où il écrit, combien y avait-il de chrétiens ? Quelques milliers ? Saint Jean ignorait l’existence des Amériques et des Indes, il n’avait aucune idée du globe terrestre, il ne pouvait pas imaginer avec des moyens humains qu’il puisse y avoir des esquimaux ou des malgaches … aujourd’hui, nous savons que sa vision s’est réalisée !

Par ailleurs, nous avons tous plus ou moins le souvenir que ce livre de l’Apocalypse est rempli de scènes assez terrifiantes, de combats, la vie et la mort s’y entrechoquent assez durement …

Eh bien tout cela est vrai ! Quand quelqu’un est entre la vie et la mort, quand un père de famille lutte contre un cancer, quand une société envisage de se débarrasser des personnes trop dépendantes par le moyen de l’Euthanasie, quand une société se débarrasse déjà depuis un certain temps des enfants handicapés … n’est-ce pas violent et grave ? Ils sont nombreux, hélas, les exemples qui montrent le réalisme des visions de Saint Jean …

Cette réalité est offerte à Dieu durant l’offertoire : « tu es béni, Dieu de l’univers, toi qui nous donnes ce pain, fruit de la terre et du travail des hommes » ; nous n’offrons pas que du pain et du vin, c’est toute la création, avec ce que cela comporte de très beau et de très dur aussi parfois, afin que Dieu transforme non seulement le pain et le vin en corps et sang du christ, mais toute la création en une réalité transfigurée, restaurée, rétablie dans sa dignité.

Et puis, plus simplement, nous savons que nous sommes mortels, et nous nous tournons vers l’Agneau qui a été immolé sur la croix et qui est maintenant vivant, ressuscité et qui nous entraîne avec lui dans la vie éternelle …

En fait,  le livre de l’Apocalypse décrit assez bien le mystère de la venue du Christ dans la liturgie !

Les trois évangiles « synoptiques (saint Matthieu, saint Marc et saint Luc) » ont décrit de quelle manière et avec quels mots Jésus a institué l’Eucharistie –et c’est précieux ! Saint Jean, lui, montre le caractère mystérieux et grandiose de cet « exercice » familier qu’est la messe : avons-nous bien conscience que ce que nous célébrons maintenant est grandiose et mystérieux ?

Autrefois, une publicité pour une eau de toilette (Darling) mettait en scène des hommes qui bafouillaient pour décrire l’effet que faisait sur eux cette nouvelle eau de toilette portée par leurs femmes, pour conclure que « ce sont les hommes qui en parlent le mieux » … eh bien ce qui est vrai d’un parfum l’est encore bien plus de la Messe ! Il est vraiment difficile d’enfermer la messe dans des mots, même pour mieux la comprendre ; alors on raconte comment elle est née (Mt, Mc, Lc), et puis on bafouille, tout en sentant que quelque chose de très grand est en train de se passer (Jn).

La prière eucharistique (III) dit ceci : « C'est pourquoi nous te supplions de consacrer toi-même les offrandes que nous apportons. Sanctifie-les par ton Esprit pour qu'elles deviennent le corps et le sang de ton Fils, Jésus-Christ, notre Seigneur, qui nous a dit de célébrer ce mystère. »

Entrons dans le mystère !

P. Emmanuel d'Andigné

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