Homélie du jour de la fête-Dieu (Corpus Domini) - Année B
En méditant sur
ces textes, il m’a été difficile de ne pas penser au livre de l’Apocalypse, et je
vais vous expliquer pourquoi
Ce livre consiste
essentiellement en une vision (étrange au premier abord, c’est le moins que l’on
puisse dire), dont le style (apocalyptique) était très en vogue à l’époque de
saint Jean. Au cours de ladite vision se déroule une liturgie et on peut même
carrément dire une messe, mais cette messe se déroule sur le monde et même sur
tout l’univers : c’est une messe cosmique !
Car Saint Jean avait
l’expérience de la messe, tout comme nous, et il a visiblement pensé à la
liturgie dans certains de ses passages.
1) Cela signifie
deux choses, je crois : d’abord que même
la plus simple des messes a une dimension cosmique, en ce sens qu’elle
relie le cosmos tout entier à son créateur (on ne fait pas une « prière universelle »
simplement parce que c’est marqué comme ça dans le rituel ! On porte
vraiment, spirituellement, le monde et même le cosmos dans notre prière). C’est
si vrai que, à la messe, nous n’apportons pas seulement nos personnes, mais
aussi, du pain, du vin, de l’eau, des fleurs, de la musique, des chants, nos
familles, nos pays … ça fait beaucoup de choses !!!
Et là, il faut
donner une précision : les adeptes du New Age prononcent beaucoup ce mot « cosmique »,
mais ce qui est comique, plutôt que cosmique, c’est qu’ils ont ce mot à la
bouche sans arrêt, alors que la réalité est inverse : dans les rites et les
discours, tout est centré sur le petit groupe fermé ou sur le gourou ou la
personne seule, de sorte que cela n’a plus rien de cosmique ; à l’inverse,
les messes catholiques sont économes dans l’emploi de ce mot, mais portent une
réalité réellement cosmique !
Ainsi, la plus
simple et la plus petite des messes a, malgré ses apparences, des dimensions
incalculables et démesurées, parce nous présentons à Dieu la louange de toute l’humanité
et de toute la création, un peu comme lorsqu’une grand-mère prie pour toute sa
famille, y compris les nourrissons qui ne savent pas encore prier, ou les
adultes qui ont cessé de le faire. D’ailleurs, il y a pas mal de grands-mères dans
des messes toutes simples, partout dans le monde.
2) cependant, il
y a une deuxième chose : je vous ferais remarquer que, en ce moment-même,
au décalage horaire près, le monde
entier se prosterne devant l’Agneau de Dieu, partout en France et dans le
monde, des chrétiens aujourd’hui réalisent la vision de Saint Jean !
A l’époque où il
écrit, combien y avait-il de chrétiens ? Quelques milliers ? Saint
Jean ignorait l’existence des Amériques et des Indes, il n’avait aucune idée du
globe terrestre, il ne pouvait pas imaginer avec des moyens humains qu’il
puisse y avoir des esquimaux ou des malgaches … aujourd’hui, nous savons que sa
vision s’est réalisée !
Par ailleurs, nous
avons tous plus ou moins le souvenir que ce livre de l’Apocalypse est rempli de
scènes assez terrifiantes, de combats, la vie et la mort s’y entrechoquent
assez durement …
Eh bien tout cela
est vrai ! Quand quelqu’un est entre la vie et la mort, quand un père de
famille lutte contre un cancer, quand une société envisage de se débarrasser
des personnes trop dépendantes par le moyen de l’Euthanasie, quand une société
se débarrasse déjà depuis un certain temps des enfants handicapés … n’est-ce
pas violent et grave ? Ils sont nombreux, hélas, les exemples qui montrent
le réalisme des visions de Saint Jean …
Cette réalité est
offerte à Dieu durant l’offertoire : « tu
es béni, Dieu de l’univers, toi qui nous donnes ce pain, fruit de la terre et
du travail des hommes » ; nous n’offrons pas que du pain et du
vin, c’est toute la création, avec ce que cela comporte de très beau et de très
dur aussi parfois, afin que Dieu transforme non seulement le pain et le vin en
corps et sang du christ, mais toute la création en une réalité transfigurée,
restaurée, rétablie dans sa dignité.
Et puis, plus
simplement, nous savons que nous sommes mortels, et nous nous tournons vers l’Agneau
qui a été immolé sur la croix et qui est maintenant vivant, ressuscité et qui
nous entraîne avec lui dans la vie éternelle …
En fait, le livre de l’Apocalypse décrit assez bien le
mystère de la venue du Christ dans la liturgie !
Les trois
évangiles « synoptiques (saint Matthieu, saint Marc et saint Luc) » ont
décrit de quelle manière et avec quels mots Jésus a institué l’Eucharistie –et c’est
précieux ! Saint Jean, lui, montre le caractère mystérieux et grandiose de
cet « exercice » familier qu’est la messe : avons-nous bien
conscience que ce que nous célébrons maintenant est grandiose et mystérieux ?
Autrefois, une
publicité pour une eau de toilette (Darling) mettait en scène des hommes qui
bafouillaient pour décrire l’effet que faisait sur eux cette nouvelle eau de
toilette portée par leurs femmes, pour conclure que « ce sont les hommes
qui en parlent le mieux » … eh bien ce qui est vrai d’un parfum l’est
encore bien plus de la Messe ! Il est vraiment difficile d’enfermer la
messe dans des mots, même pour mieux la comprendre ; alors on raconte
comment elle est née (Mt, Mc, Lc), et puis on bafouille, tout en sentant que
quelque chose de très grand est en train de se passer (Jn).
La prière
eucharistique (III) dit ceci : « C'est
pourquoi nous te supplions de consacrer toi-même les offrandes que nous
apportons. Sanctifie-les par ton Esprit pour qu'elles deviennent le corps et le
sang de ton Fils, Jésus-Christ, notre Seigneur, qui nous a dit de célébrer ce
mystère. »
Entrons dans le
mystère !
P. Emmanuel d'Andigné
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire