30 août 2012

Homélie du 05 août 2012-abolition des privilèges ?


Homélie du 18ème dimanche du Temps Ordinaire - Année B

Nous sommes dans le week-end du 04 au 05 août … Dans la nuit du 04 au 05 août 1789, y a-t-il eu « abolition des privilèges » ? Abolition ? Sûrement pas ! Déplacement, oui, certainement, il est bien rare qu’on les supprime complètement…

En 1789, Saint Jean-Marie Baptiste Vianney avait 3 ans : il aura beaucoup à souffrir de la révolution … et il fit, à vrai, dire, bien des années plus tard, le contraire de ce que firent les révolutionnaires !!!

Tandis que ceux-ci prétendaient abolir les privilèges, le Curé d’ars, lui, que l’on fête le 04 août chaque année, a produit une « extension des privilèges », et ce de deux manières.

D’abord en devenant saint lui-même, ce qui veut dire qu’il est entré dans le cercle des saints, qui n’est ni une secte ni une loge maçonnique, mais une grande maison toute pleine d’ouvertures, de toutes les tailles, où peuvent entrer des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux, des puissants et des gens simples … bref, rigoureusement tout le monde !

Finalement, ces privilégiés de Dieu que l’on appelle les saints nous disent par leur seule vie : « vous aussi, vous pouvez être des nôtres, il suffit d’aimer », comme disait une certaine sainte Bernadette …

Seriez-vous ni quelqu’un de simple ni quelqu’un de puissant ? Ni jeune, ni vieux ? Ni un homme ni une femme ?

Et puis le saint Curé d’Ars a aussi travaillé à « l’extension des privilèges » par sa prédication constante sur la sainteté : « là où les saints passent, Dieu passe avec eux », aimait-il répéter, c’est sans doute la plus fameuse de ses citations.

Cela veut dire que nous sommes appelés à devenir des saints, à la fois en acceptant l’idée de faire partie de ce « cercle » en fait pas du tout fermé, et aussi en prêchant, en témoignant, car c’est en partageant sa foi que celle-ci a le plus de chances de se développer.

C’est tout le sens de l’évangélisation, qui est en fait un débordement naturel de celui qui connaît Dieu et jouit de sa présence et de son amour, et qui par ailleurs préconise un nouveau genre de privilège, « façon divine », où finalement tous les membres sont privilégiés, ce qui sur la terre avec nos forces humaines serait plutôt utopique …

Nous qui croyons en Dieu, croyons aussi en nous-mêmes, c’est à nous que fut confiée « l’extension des privilèges » !

P. Emmanuel d'Andigné

28 août 2012

Homélie du 29 juillet : multiplication des pains


17ème dimanche du Temps Ordinaire

Dans nos pays civilisés, lorsque quelqu’un dit « j’ai faim », cela signifie qu’il a de l’appétit… Cela n’a rien à voir avec la faim dont parle le prophète Elisée dans la première Lecture. Il s’agit là d’une famine qui a duré 7 ans, d’après le Livre des Rois, et la recette donnée par le prophète à son serviteur ne nous satisfait guère : « Prépare la grande marmite et fais cuire un bouillon pour les fils de prophètes… L’un d’eux sortit dans la campagne pour ramasser des herbes. Il trouva une vigne sauvage où il ramassa des concombres sauvages plein son vêtement. Il rentra et les coupa en morceaux dans la marmite du bouillon. » Et ce brouet se révéla immangeable !
L’offrande à Elisée des vingt pains d’orge et du grain frais était particulièrement bienvenue. Mais l’homme de Dieu, obéissant au Seigneur, a réalisé ce qu’il n’avait pas prévu : rassasier largement 100 personnes. « Ils mangèrent et il en resta. »

La foi chrétienne a vu dans cet événement comme une annonce d’une autre multiplication des pains, montrant la libéralité, la générosité du Seigneur, et préfigurant déjà la multiplication du pain eucharistique.

Les circonstances sont très différentes en ce qui concerne la scène rapportée par saint Jean dans son Evangile. Jésus a opéré des prodiges, notamment à Cana. Sa réputation se propage. Il excite la curiosité des gens intrigués par tout ce qu’ils entendent raconter. « Une grande foule le suivait, parce qu’elle avait vu les signes qu’il accomplissait en guérissant les malades », écrit l’évangéliste, qui précise « que c’était un peu avant la Pâque, qui est la grande fête des Juifs. »

Il ne s’agit pas ici de famine. C’est Jésus lui-même qui provoque ses disciples en disant à Philippe : « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? » Et il y a une disproportion manifeste entre le peu de nourriture disponible _ cinq pains d’orge et deux poissons _ et une foule de cinq mille hommes.
Les paroles et les actes de Jésus comportent toujours une part de symbolisme. Le Maître suggère que tous ces gens qui le suivent ont faim, faim de pain sans doute, mais aussi faim de plus que cela… et qu’il est capable de leur apporter cette nourriture qui leur manque, nourriture matérielle, mais surtout spirituelle.
Et il demande à ses disciples de s’impliquer dans cette mission qui les dépasse, mais qui supposera leur totale confiance en celui qui les envoie.
Plus encore que du temps d’Elisée, la réponse dépasse tout ce que les apôtres pouvaient imaginer. La puissance et la générosité de l’Envoyé du Ciel n’ont pas de limite.

On comprend d’autant mieux la réaction des gens déclarant : « C’est vraiment lui le grand Prophète… Et ils étaient sur le point de venir le prendre de force et faire de lui leur roi. » Mais Jésus « se retira, tout seul, dans la montagne », car son royaume n’est pas de ce monde.

Saint Paul exhorte les Ephésiens à se reconnaître comme sujets de ce royaume. « Il n’y a qu’un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui règne au-dessus de tous, par tous, et en tous. »
« Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il n’y a qu’un seul Corps et un seul esprit. »
En quelques lignes, l’apôtre résume l’essentiel de la manière d’être de véritables disciples du Christ : « Ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour ; ayez à cœur de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix. »

En ces jours où commencent les jeux olympiques à Londres, rendons grâce pour tout ce qui s’exprime dans le sens de la fraternité, de l’accueil, de l’unité du genre humain, au-delà des religions, des races, des couleurs de peau, des orientations politiques, et même des conflits en cours. Tous les habitants de la planète se retrouvent dans des valeurs essentielles, telles que la recherche de la paix. On peut admirer aussi le travail accompli par les athlètes, au prix d’une grande persévérance et de nombreux sacrifices pour se surpasser.
Sans doute ne faut-il pas idéaliser, car rien de ce qui est humain n’est parfait. Et rappelons-nous ce que saint Paul écrivait aux Corinthiens : Ne savez-vous pas que les coureurs dans le stade courent tous, mais qu’un seul gagne le prix ? Courez donc de manière à le remporter. »
Tous les athlètes s’imposent une ascèse rigoureuse ; eux, c’est pour une couronne périssable, nous, pour une couronne impérissable. »

Prions pour que ces sportifs ne se contentent pas d’exploits éphémères et qu’ils découvrent le sens profond de leur vie : la recherche de la couronne impérissable que seul peut leur remettre le Maître de la vie.
Amen.
Père Jean Rouillard

homélie du 22 juillet-les bons bergers


 Homélie du 16ème dimanche du temps ordinaire - Année B

Comme souvent, l’Evangile et la première lecture, de Jérémie aujourd’hui, se répondent. Il y est question des bergers, des bons, des mauvais, et des absents… « Ils étaient comme des brebis sans berger ! » Pourtant, six siècles environ séparent ces deux écrits. C’est dire que les problèmes et les difficultés ne varient guère. Quelles que soient les circonstances, la nature humaine ne change pas.

« Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » dit Jésus aux Apôtres rentrant de leur première mission. On pourrait penser que cette page a été choisie en raison des vacances, mais sa perspective est plus large. Il semble même qu’il y ait eu beaucoup d’agitation : « les arrivants et les partants étaient si nombreux qu’on n’avait même pas le temps de manger. » Ces gens viennent de partout, en courant. Ils ont sans doute entendu parler des miracles accomplis par Jésus et des guérisons merveilleuses. Sa réputation se propageait largement. Si bien que, « débarquant sur l’autre rive », Jésus vit une grande foule et « il fut saisi de pitié envers eux. »

Qu’attendaient-ils, tous ces gens ? Ils semblent avides d’entendre ces personnages surprenants dont ils ont eu des échos, et surtout leur maître. Est-ce de la simple curiosité ? Toujours est-il que Jésus en profite pour « les instruire longuement. » A cette époque, on ne craignait pas les longs discours…

Cet épisode montre qu’on a toujours besoin de guides, de chefs, de responsables. Encore faut-il qu’ils soient à la hauteur de leur mission ! Ce n’était apparemment pas le cas du temps de Jérémie : « Misérables bergers, dit le Seigneur, misérables bergers qui laissent périr et se disperser les brebis de mon pâturage… A cause de vous, mes brebis se sont égarées et dispersées, et vous ne vous êtes pas occupés d’elles. »

Nous ne sommes pas en peine pour trouver à toute époque et de nos jours de bien mauvais bergers. Nous pourrions aligner toute une liste de noms tristement célèbres.
Mais le plus souvent notre responsabilité est en cause. Ces mauvais bergers, nous nous les sommes donnés. S’ils sont arrivés au pouvoir, c’est parce que nous les y avons portés, par élection ou par tout autre manière ; c’est parce que nous n’avons pas su les écarter, par négligence ou aveuglement.

Les lectures de ce dimanche nous invitent à tourner notre regard vers Celui qui set le Bon Pasteur, et qui nous dit, par la bouche du prophète : « Eh bien moi je vais m’occuper de vous, à cause de vos méfaits… je rassemblerai moi-même le reste de vos brebis… je les ramènerai dans leurs pâturages, elles seront fécondes et se multiplieront. Je leur donnerai des pasteurs qui les conduiront. »

Le Prophète n’es reste pas là. Il laisse entrevoir la venue d’un Sauveur : « Voici venir des jours où je donnerai à David un Germe juste : il règnera en vrai roi, il agira avec intelligence, il exercera dans le pays le droit et la justice. »

C’est lui que Saint Paul a trouvé, et dont il parle avec enthousiasme aux Ephésiens : « Frères, vous qui autrefois étiez loin du Dieu de l’Alliance, vous êtes maintenant devenus proches par le Sang du Christ. C’est lui, le Christ, qui est devenu notre paix. »

« La Paix ! » Voilà un mot que l’apôtre reprend avec insistance : « Le Christ voulait ainsi rassembler les uns et les autres en faisant la paix, et créer en lui un seul homme nouveau… 
Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour ceux qui étaient proches… En sa personne, il a tué la haine. »

Paul n’était pas un rêveur… Qui plus que lui a payé de sa personne, a combattu, a souffert pour le nom du Christ ? Après tant de luttes, il conclut : « Par le Christ en effet, les uns et les autres, nous avons accès auprès du Père, dans un seul Esprit. »

Puissions-nous avec lui partager cette confiance : « Le Seigneur est mon berger : rien ne saurait me manquer », et prier pour que le monde se laisse guider par Celui qui seul peut donner la paix.
Amen.

Père Jean Rouillard
Père Jean Rouillard

16 août 2012

Homélie du 15 juillet 2012 - Vive la grâce, en matinée !


Homélie du 15ème dimanche du temps ordinaire - Année B

« Mon Père, pourquoi allez-vous à Lourdes (ou aux JMJ) ? Est-ce bien utile, cela porte-t-il réellement des fruits ? »

A cette question, je réponds toujours que, à mon sens c’est une « occasion de grâce » … « Ob, cadere » signifie « tomber devant » : l’occasion, c’est lorsque quelque chose tombe, alors qu’on ne l’avait pas forcément prévu. Mais comme on dit, on peut créer des occasions, et donc favoriser la « tombée » de la grâce. Elle est fameuse, la plaisanterie qui met en scène cet homme qui n’avait gagné aucun lot dans une kermesse, mais qui en fait s’aperçoit à la fin qu’il n’avait jamais joué …

Les communautés du Renouveau ont, au sujet de la grâce, une qualité et peut-être un défaut : leur qualité, c’est de demander souvent la grâce, le défaut, c’est de donner l’impression à ceux qui les regardent de loin que Dieu va forcément donner la grâce au moment où on prie avec ferveur …

Je dis « donner l’impression »,  car ils savent bien, de l’intérieur, que cela ne fonctionne pas comme ça …

Les camps, les retraites, les sessions, les pèlerinages, les vacances … sont des « occasions de grâce », ce qui veut dire :
1)      Qu’il faut créer les occasions
2)      Qu’il faut laisser Dieu décider de ce qu’il va nous donner

Créer les occasions, c’est relativement simple. De même, répondre à une invitation, s’inscrire à une session … mais se pose alors la question : quelle grâce demander ? Et d’ailleurs, faut-il demander une grâce précise ?

En 50 ans on a connu pratiquement trois « cultures » :

Une culture de la grâce qui vient naturellement à la bouche (« l’an de grâce » était une expression à la mode il n’y a encore pas si longtemps) ; une culture de l’ignorance de la grâce (la liturgie continuait à prononcer ce mot, mais il a disparu du vocabulaire courant, par crainte de la désincarnation de la religion) ; une culture du temps fort (que nous connaissons actuellement), de l’extraordinaire palpable, des témoins exceptionnels, qui focalise sur l’exception et dédaigne un peu le quotidien qui apparaît comme terne.

Il faudrait retrouver un équilibre, d’où la question : quelle grâce demander ? Et d’ailleurs, faut-il demander une grâce précise ?

On aura profit à interroger La parole de Dieu et la liturgie. Dieu, vous le savez, se révèle de trois manières : par l’Ecriture, la Tradition et le Magistère.

L’Ecriture, aujourd’hui, parle davantage de la façon de recevoir la grâce

Amos nous rappelle que la grâce de Dieu sait mieux que nous ce qui est bon pour nous (notre Evêque nous disait lors de l’ordination d’Emmanuel que Dieu avait l’air de manquer de discernement de nous choisir nous, avec nos défauts et nos péchés !)

Le psaume nous intime l’ordre d’écouter Dieu, il serait bon que le XXIème siècle nous fasse passer du besoin psychologique d’écoute à une attitude proprement spirituelle du besoin de l’écoute de Dieu !

La deuxième lecture, quant à elle, nous dit que la grâce, c’est Jésus lui-même, c’est ce qu’il apporte en venant lui-même, comme le rappelle la formule de saint Paul passée dans la liturgie : « la grâce de Jésus notre Seigneur, l’amour de Dieu le Père … »

L’Evangile nous dit qu’il faut se dépouiller de ce qui donne sécurité ici-bas, afin de pouvoir se reposer sur la grâce et non sur nous-même (et on retrouve ainsi Amos !!!)

La liturgie, véhiculant par là la Tradition nous fait dire ceci : « Dieu qui montres aux égarés la lumière de ta vérité pour qu'ils puissent reprendre le bon chemin ; donne à tous ceux qui se déclarent chrétiens de rejeter ce qui est indigne de ce nom, et de rechercher ce qui lui fait honneur. »

Du côté de la nature, la démarche est simple : rechercher ce qui fait honneur à notre nom, rejeter ce qui en est indigne, et pour couronner le tout demander à Dieu de nous donner la grâce qu’il veut … chacun son job !

Nous avons beaucoup de retard dans l’application de ce passage de l’Evangile (Matthieu 6) :
« Ne vous faites donc pas tant de souci ; ne dites pas : 'Qu'allons-nous manger ?' ou bien : 'Qu'allons-nous boire ?' ou encore : 'Avec quoi nous habiller ?'Tout cela, les païens le recherchent. Mais votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez d'abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par-dessus le marché. Ne vous faites pas tant de souci pour demain : demain se souciera de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine. »

La  grâce ne sera pas forcément celle qu’on aura voulue, mais qui sera certainement excellente, puisqu’elle vient de Dieu, et que Dieu sait ce qui est bon pour nous !

P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 08 juillet 2012 - se reposer est une preuve d'humilité

Homélie du 14ème dimanche du Temps Ordinaire - Année B


Juste après cet Evangile, une précision s’impose tout d’abord : non, Jésus n’a pas eu de frères et sœurs au sens moderne du terme ; la notion orientale de frère et de sœur est beaucoup plus large que celle que nous avons généralement aujourd’hui, du moins dans le langage courant, car nous disons des moines et des moniales ainsi que de tout religieux que ce sont des « frères » et des « sœurs » ; les « frères » et « sœurs » de l’Evangile sont donc des gens de la famille de Joseph ou de Marie, mais en aucun cas de la « fratrie » de Jésus.

Regardez l’icône de la Vierge qui se trouve dans l’église (sur ce blog, en-haut à droite, "Vierge de tendresse") : trois étoiles ornent chacun de ses épaules et sa tête (la troisième étoile est masquée par Jésus) ; il s’agit de la virginité de Marie, « avant, pendant et après l’enfantement » de Jésus, celui-ci est « fils unique », aussi bien sur la terre que dans le Ciel, d’ailleurs. C’est la manière dont la tradition iconographique a relayé cette certitude de la tradition selon laquelle Jésus n’a jamais eu de frères et de sœurs au sens moderne du terme.

Par ailleurs, il est intéressant de signaler que Jésus lui-même a commenté cet Evangile :

Mt 12, 47 et suivants :
« 47 Quelqu'un lui dit : « Ta mère et tes frères sont là dehors, qui cherchent à te parler. » 48 Jésus répondit à cet homme : « Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? » 49 Puis, tendant la main vers ses disciples, il dit : « Voici ma mère et mes frères. 50 Celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une sœur et une mère. »

Nous sommes vraiment, selon les paroles mêmes de Jésus, ses frères et ses sœurs, puisque, malgré tout, nous écoutons les volontés de Dieu et qu’il nous arrive tout de même de nous y conformer de temps à autre ! Le baptême est un sacrement (qui nous rend frères et sœurs de Jésus), pas une analogie : Philomène, que nous baptisons aujourd’hui, va très réellement devenir sœur de Jésus-Christ !

Et puis, Jésus fait par là un grand compliment à sa mère, car s’il y a bien quelqu’un qui a fait la volonté du Père, c’est bien elle.

Par ailleurs, Marie a prononcé dans le Magnificat ce qui pourrait servir de commentaire aux autres lectures : « Il s’est penché sur son humble servante. »

Les lectures, en effet, sont dominées par une tension entre l’humilité et l’orgueil, et ceci tombe très bien pour cette période dite « de vacances », car à bien y regarder, l’humilité est très reposante, tandis que l’orgueil est finalement très fatigant … Il est beaucoup plus reposant de faire la volonté de celui dont on reconnaît l’autorité, plutôt que de vouloir tout faire soi-même, sans être sûr qu’on est sur le bon chemin.

Je vous livre une anecdote : lors d’un rassemblement où je confessais des jeunes, je me suis retrouvé par hasard à l’infirmerie, pour saluer le médecin que je connaissais bien. Arrive un prêtre franciscain, visiblement extenué, qui demande à profiter du lit de l’infirmerie, afin de se reposer. Cinq minutes montre en main après s’être allongé, il se relève et déclare vouloir repartir !!! Je lui dis : « pardon, mais si tu veux vraiment de te reposer, c’est minimum vingt minutes, cinq minutes, ça ne sert à rien ... » eh bien, savez-vous ce qu’il fit ? Il retourna se coucher quelques minutes, sentant que ce qu’il venait d’entendre était juste, bien qu’il soit bien plus expérimenté et plus âgé que moi …

Pour ma part, je rêve d’avoir une humilité comme celle-là, qui d’ailleurs, en l’occurrence, s’est avérée reposante dans tous les sens du terme …

Il faut savoir être lucides aussi sur notre époque : l’orgueil s’est installé partout, nous sommes des insoumis. Quelle jeune fille aujourd’hui se dit spontanément : « moi, quand je me marierai, je serai soumise à mon mari … » ?

Saint Paul, qui a dit « femmes, soyez soumises à vos maris», a dit aussi (Ep 5, 21) « Par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres ») ; il faut donc également que les hommes soient soumis à leurs femmes, et ensuite, à chaque ménage de voir, dans quel domaine, dans quelles circonstances il est bon pour le foyer ou la famille que l’un se soumette à l’autre. « Rivalisez de respect les uns pour les autres », a dit aussi saint Paul (Rm 12, 10).

J’ai pris le sujet délicat des relations entre maris et femmes, mais ceci peut s’étendre à toute la relation à l’autorité, dans tous les domaines.

Une autre anecdote : des guides, pendant un camp, décident de faire cuire des pâtes à la bolognaise ; celles qui sont chargées de la cuisine trouvent un moyen –peu importe  lequel- pour que la sauce bolognaise ne refroidisse pas l’ensemble des pâtes ; à deux reprises, j’entends deux autres personnes dire, sans se concerter : « mais, ce n’est pas comme ça qu’on fait ! » … pour ensuite dire « bon, fais comme tu veux, après tout »...  On voit bien que nous avons du mal à ne pas contrôler tout, notre orgueil est toujours prêt à se réveiller.

La période des vacances est une occasion idéale pour faire des prises de conscience, mais spécialement sur l’humilité, puisque nous devons reconnaître, et c’est plus humiliant que flatteur, que nous avons besoin de nous reposer, de temps à autre.

Heureux êtes-vous, vous qui êtes venus ici vous reposer, dans les deux sens du terme, faire une pause dans votre semaine et re-poser votre vie sous le regard de Dieu, en plaçant sous vos yeux ce qui est vraiment important et ce qui l’est moins.

P. Emmanuel d'Andigné

homélie du 1er juillet 2012-les cathos prennent des vacances !

Homélie du 13ème dimanche du temps ordinaire - Année B


Il est toujours intéressant de comparer les différents mots qui sont utilisées par les différentes langues pour signifier la même réalité. Prenons le mot « vacances (ou «vacaciones » en espagnol, « vacanze » en ialien) : ce mot vient de « vacuus », en latin, qui signifie « vide » ; cela veut dire que le français considère donc que les vacances permettent de faire le vide, et qu’il faut une coupure nette, c’est ce qu’il recherche, selon la culture française.

« Urlaub », en allemand, désigne ce qui est permis : l’allemand considère spontanément qu’on ne peut partir en vacances que si cela est permis par les évènements ou par l’autorité ( ce qui n’est manifestement pas le cas en France …)

« Holiday » signifie littéralement « jour saint », en anglais : c’est parce qu’il y a une fête religieuse que l’on ne doit pas travailler pour honorer Dieu et la religion ; c’est donc l’élément juridique qui est déterminant dans cette mentalité.

Je reviens donc au français « vacances », qui est à la fois très intéressant et un peu dangereux …

Très intéressant, car en effet, le vide permet de remplir autrement l’espace du temps. Sainte Jeanne d’Arc disait : « Messire Dieu premier servi » ; voilà un bon repère pour les vacances, elles dont le vide permet de remplir mieux et plus ses journées de choses importantes.

Profitons-en pour lire des livres : une personne m’a dit hier qu’elle lisait beaucoup pendant les vacances, tant mieux ! Parmi nos livres, y aura-t-il une lecture spirituelle ?

Autre chose sur le vide : je me souviens d’une belle homélie du diacre sur l’église qui est vide pour que Dieu puisse y habiter ; il est parfois bon de « faire le vide » pour que Dieu trouve enfin un espace (en nous).

Mais je suis bien obligé de parler du danger du vide

la sagesse populaire dit « la nature a horreur du vide » : en effet, ce vide se remplit, évidemment d’autre chose, et je pense aux nombreux témoignages de gens qui me disent que le changement de rythme pendant les vacances évacue la prière (et je suis bien pareil …).

Ça, ce n’est pas difficile, car il suffit de prendre un nouveau rythme, avec un peu de volonté. Mais il y a plus subtil et plus important :

Dans la première lecture, on nous dit que Dieu a créé, qu’il fait naître, qu’Il a fait de l’homme une image de ce qu’il est en lui-même …

Cela veut dire que Dieu est du côté de l’être, du côté de la réalité, alors que Satan serait plutôt du côté du non-être ou de l’illusion. Le grand défi du XXIème siècle a commencé au XXème : cette civilisation de l’image et du virtuel n’est ni bonne ni mauvaise en soi, mais elle comporte le danger de l’irréel, de la fuite de la réalité, du choix des chimères par opposition à la réalité.

L’accompagnement spirituel me montre que facilement, on se laisse charmer ou abattre par les impressions, par la motivation que l’on a ou que l’on n’a pas … alors que Dieu se trouve du côté de l’être, de la chose, et non du côté des apparences.

En Matthieu 25, Jésus dit : « j’avais faim et vous m’avez donné à manger, soif et vous m’avez donné à boire … », ce qui nous dit une fois de plus que ce sont les actes qui comptent, et non seulement les paroles ou les intentions. Si Jésus fait des guérisons, c’est pour rétablir la dignité de la création, pour qu’elle soit à nouveau.

Dieu guérit-il aujourd’hui ? Se demande-t-on à Alpha … bien sûr que oui ! Si vous êtes malades, demandez la guérison ! Dites lentement un « Notre Père », lentement pour ne pas « zapper » les trois premières demandes, qu’elles soient toujours premières et purifient la demande de guérison.

L’Eté, les vacances, sont l’occasion de faire le point sur l’année prochaine : puisque la vie spirituelle consiste bien à faire des choses, profitons-en pour nous demander ce que nous faisons avec Dieu, une fois par an, une fois par semaine, une fois par jour …

Car en attendant de savoir si on a eu des grands transports spirituels lors d’une messe ou lors d’un camp, on aura été constants et fidèles, et la fidélité, ça « paye », il y a une récompense pour les fidèles !

P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 24 juin 2012-qui donne de la joie sera plus heureux que celui qui la garde pour lui

Homélie du 12ème dimanche du Temps Ordinaire - Année B - Nativité de Saint-Jean-Baptiste


Saint Jean-Baptiste, il me semble, est un modèle pour les évangélisateurs : il annonce plus grand que lui ! Samedi prochain, à 10h, nous tenterons une évangélisation place Lafayette, afin de rencontrer des gens qui ne viennent pas dans l’église, mais qui pourraient bien chercher Dieu …

Saint Jean-Baptiste est aussi un modèle pour les prêtres : il annonce plus grand que lui ! Dimanche prochain, l’ordination d’Emmanuel Bouchaud fera l’objet de nos prières spéciales à saint Jean-Baptiste !

Pour une fois, plutôt que de commenter les textes de l’Ecriture, j’attire votre attention sur la préface, cette prière qui précède la consécration, juste avant le sanctus, à la manière juive qui consiste à bénir Dieu (car certes, c’est lui qui nous bénit le premier, mais nous pouvons le bénir, à notre manière, de là où nous sommes, en contemplant ce qu’il a fait dans l’histoire et dans notre histoire).

« Nous chantons les merveilles que tu as accomplies pour le plus grand des enfants des hommes, Jean Baptiste, le Précurseur : avant même de naître, il tressaillit d'allégresse à l'approche du Sauveur; en venant au monde il apportait une grande joie; il fut, de tous les prophètes, celui qui désigna le Messie, l'Agneau de Dieu; Dans les eaux qui devaient en être sanctifiées, il baptisa l'auteur du baptême; enfin, il rendit au Christ le plus beau témoignage, le témoignage du martyre. »

Simplement deux remarques :

1ère remarque :  Nous chantons les merveilles que tu as accomplies pour le plus grand des enfants des hommes, Jean Baptiste, le Précurseur

On ne peut pas ne pas noter une ressemblance avec le magnificat (le puissant fit pour moi des merveilles), et donc cela veut dire que l’Eglise raisonne et prie à la manière de la Vierge Marie : qui veut connaître l’Eglise et la comprendre doit passer par Marie.

Regardez ce pot de fleurs dans le chœur : il est évidemment –on le fait spontanément- proportionné au bouquet, de sorte que l’ensemble est harmonieux ; ce n’est qu’une image, mais il y a une certaine correspondance, d’une façon analogue, entre la connaissance de Marie et celle de Jésus, la prière mariale forme en nous la prière à Jésus.

Le sein maternel est parfois comparé à un moule : eh bien en effet, la présence mariale dans l’Eglise donne une certaine forme à la prière dont Dieu est le centre (je suis toujours un peu étonné que l’on semble croire que la prier elle va nous éloigner de lui, alors que c’est l’inverse…)

2ème remarque :
avant même de naître, il tressaillit d'allégresse à l'approche du Sauveur; en venant au monde il apportait une grande joie;

et de même l’oraison d’ouverture (ou collecte) :
Tu as voulu, Seigneur, que saint Jean Baptiste prépare ton peuple à la venue du Messie ; accorde à ton Église le don de la joie spirituelle, et guide l'esprit de tous les croyants dans la voie du salut et de la paix.


Voici ce qu’écrivait Mère Teresa : « Nous devons être sûrs que les malades, ceux qui souffrent, trouvent en nous d'authentiques anges de consolation et de réconfort. Pourquoi notre travail dans les bidonvilles a-t-il été béni par Dieu ? Pas à cause de nos qualités personnelles, mais de la gaieté que montrent certaines religieuses. Notre joie est le plus sûr moyen d'annoncer le Christ au monde. »

Ce doit être une recherche constante pour nous que de savoir quel est le Messie que les gens d’aujourd’hui attendent …

A l’époque de Jésus, ils attendaient un homme politique providentiel qui chasserait les romains et rétablirait la royauté sur Israël … quelle est donc l’attente fondamentale des gens d’aujourd’hui ?

Chaque époque, chaque pays, chaque personne attend un aspect du messie : par rapport à la mort, par rapport à la souffrance, par rapport au sens de la vie, au surnaturel, à la pauvreté ou la misère, et du coup  -c’est saint Jean-Baptiste qui nous y fait penser- par rapport à la joie !

Un jeune homme disait à l’un des évangélisateurs de la Pentecôte dans la rue « je n’ai besoin de rien, Monsieur, tout va bien dans ma vie (votre religion ne m’est d’aucune utilité)… » : si tout va bien dans ta vie, sache que je m’en réjouis pour toi, et je te souhaite que ça continue, mais qu’en est-il de la joie ???

« Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » dit Jésus (cité par Saint Luc dans les Actes des apôtres – Actes 20,35) : eh bien, nous qui avons la joie de connaître Dieu, nous aurons une joie bien plus grande encore si nous avons la simplicité et l’audace de la partager !

P. Emmanuel d'Andigné