Homélie du 15ème dimanche du temps ordinaire - Année B
« Mon Père,
pourquoi allez-vous à Lourdes (ou aux JMJ) ? Est-ce bien utile, cela
porte-t-il réellement des fruits ? »
A cette question,
je réponds toujours que, à mon sens c’est une « occasion de grâce » …
« Ob, cadere » signifie « tomber devant » : l’occasion,
c’est lorsque quelque chose tombe, alors qu’on ne l’avait pas forcément prévu. Mais
comme on dit, on peut créer des occasions, et donc favoriser la
« tombée » de la grâce. Elle est fameuse, la plaisanterie qui met en
scène cet homme qui n’avait gagné aucun lot dans une kermesse, mais qui en fait
s’aperçoit à la fin qu’il n’avait jamais joué …
Les communautés
du Renouveau ont, au sujet de la grâce, une qualité et peut-être un défaut :
leur qualité, c’est de demander souvent la grâce, le défaut, c’est de donner
l’impression à ceux qui les regardent de loin que Dieu va forcément donner la
grâce au moment où on prie avec ferveur …
Je dis « donner
l’impression », car ils savent bien,
de l’intérieur, que cela ne fonctionne pas comme ça …
Les camps, les
retraites, les sessions, les pèlerinages, les vacances … sont des « occasions
de grâce », ce qui veut dire :
1) Qu’il
faut créer les occasions
2) Qu’il
faut laisser Dieu décider de ce qu’il va nous donner
Créer les
occasions, c’est relativement simple. De même, répondre à une invitation,
s’inscrire à une session … mais se pose alors la question : quelle grâce
demander ? Et d’ailleurs, faut-il demander une grâce précise ?
En 50 ans on a
connu pratiquement trois « cultures » :
Une culture de la
grâce qui vient naturellement à la
bouche (« l’an de grâce » était une expression à la mode il n’y a
encore pas si longtemps) ; une culture de l’ignorance de la grâce (la liturgie continuait à prononcer ce mot,
mais il a disparu du vocabulaire courant, par crainte de la désincarnation de
la religion) ; une culture du temps
fort (que nous connaissons actuellement), de l’extraordinaire palpable, des
témoins exceptionnels, qui focalise sur l’exception et dédaigne un peu le
quotidien qui apparaît comme terne.
Il faudrait
retrouver un équilibre, d’où la question : quelle grâce demander ? Et
d’ailleurs, faut-il demander une grâce précise ?
On aura profit à
interroger La parole de Dieu et la liturgie. Dieu, vous le savez, se révèle de
trois manières : par l’Ecriture, la Tradition et le Magistère.
L’Ecriture, aujourd’hui,
parle davantage de la façon de recevoir la grâce
Amos nous
rappelle que la grâce de Dieu sait mieux que nous ce qui est bon pour nous
(notre Evêque nous disait lors de l’ordination d’Emmanuel que Dieu avait
l’air de manquer de discernement de nous choisir nous, avec nos défauts et nos
péchés !)
Le psaume nous
intime l’ordre d’écouter Dieu, il serait bon que le XXIème siècle nous fasse
passer du besoin psychologique d’écoute à une attitude proprement spirituelle
du besoin de l’écoute de Dieu !
La deuxième lecture,
quant à elle, nous dit que la grâce, c’est Jésus lui-même, c’est ce qu’il
apporte en venant lui-même, comme le rappelle la formule de saint Paul passée
dans la liturgie : « la grâce de Jésus notre Seigneur, l’amour de Dieu le
Père … »
L’Evangile nous
dit qu’il faut se dépouiller de ce qui donne sécurité ici-bas, afin de pouvoir
se reposer sur la grâce et non sur nous-même (et on retrouve ainsi Amos !!!)
La liturgie, véhiculant par
là la Tradition nous fait dire ceci : « Dieu qui
montres aux égarés la lumière de ta vérité pour qu'ils puissent reprendre le
bon chemin ; donne à tous ceux qui se déclarent chrétiens de rejeter ce qui est
indigne de ce nom, et de rechercher ce qui lui fait honneur. »
Du côté de la
nature, la démarche est simple : rechercher ce qui fait honneur à notre
nom, rejeter ce qui en est indigne, et pour couronner le tout demander à Dieu
de nous donner la grâce qu’il veut … chacun son job !
Nous avons
beaucoup de retard dans l’application de ce passage de l’Evangile (Matthieu 6) :
« Ne vous
faites donc pas tant de souci ; ne dites pas : 'Qu'allons-nous manger ?' ou
bien : 'Qu'allons-nous boire ?' ou encore : 'Avec quoi nous habiller ?'Tout
cela, les païens le recherchent. Mais votre Père céleste sait que vous en avez
besoin. Cherchez d'abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera
donné par-dessus le marché. Ne vous faites pas tant de souci pour demain :
demain se souciera de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine. »
La grâce ne sera pas forcément celle qu’on aura
voulue, mais qui sera certainement excellente, puisqu’elle vient de Dieu, et
que Dieu sait ce qui est bon pour nous !
P. Emmanuel d'Andigné
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