25 avril 2008

Homélies

Homélie du 5ème dimanche de Pâques-Année A-20 avril 2008
Les Actes des Apôtres, dont l’auteur est l’évangéliste saint Luc, comme vous savez sans doute, nous racontent la conversion de nombreux juifs au christianisme parmi lesquels beaucoup de prêtres. Il faut préciser deux choses :

d’abord que la conversion dont il s’agit n’est pas un passage de l’incroyance à la foi, comme on le vivrait aujourd’hui, mais l’accueil de Jésus comme Messie, la conviction qu’il est le fils de Dieu et non pas simplement un prophète ou un sage …

Ensuite le mot « prêtre » n’a pas exactement la même signification que dans l’Eglise aujourd’hui : les prêtres juifs (cohen) faisaient monter vers Dieu des prières, mais le lien qu’ils établissaient avec Dieu était extérieur à eux : tandis que depuis le Christ, les prêtres reçoivent un sacerdoce qui est à la fois humain et divin : le seul prêtre au sens fort du terme c’est le Christ et le sacerdoce chrétien c’est le sacerdoce de Jésus qui fait son entrée dans un être humain. Cet unique sacerdoce de Jésus établit un contact parfait entre Dieu et l’homme.

Vous vous souvenez peut-être que j’avais fait une distinction entre la conversion « type carême » et la conversion « type-pâques » (le carême nous aide à reconnaître ses péchés et à s’en détourner ; Pâques, lui, comme c’est visible à Emmaüs, fait passer de la tristesse à la joie) …

Eh bien, il existe aussi une conversion « type Saint Jean », ou plus exactement un troisième aspect de cette conversion permanente que nous vivons, et il s’agit d’une conversion par l’illumination de l’intelligence. D’une manière magnifique (et parfois difficile), saint Jean nous fait part de son émerveillement face au mystère du Christ, qui a fait qu’il est passé du judaïsme au christianisme (nous avons d’autres exemples d’illumination de l’intelligence, dont le plus célèbre est sans doute saint Augustin). Avec saint Jean, nous explorons le mystère de Dieu, mystère personnel profond, qui me fait penser à une histoire vraie.

Un jour de pèlerinage, une dame s’approche de l’un de mes confrères et lui dit : « elle est compliquée votre religion, un seul Dieu et trois personnes en même temps ! … ». Et mon confrère de répondre : « et votre vie, Madame, est-elle simple ? … ». « Oh vous savez, mon Père, c’est compliqué… ». « Eh bien, Madame, ma religion n’est pas plus compliquée que votre vie … »

Au fond, quand on rencontre une personne, il y a toujours une part de mystère, et donc, face au mystère de Dieu, il nous faut accepter la personne et son mystère, sans vouloir posséder entièrement par notre intelligence le mystère de cette personne, c’est ce que nous pouvons faire pour Dieu …

Cependant, une fois que nous avons fait preuve d’humilité en face du mystère de Dieu et que nous continuerons à le faire, nous pouvons dire des choses sur Dieu, grâce à saint Jean :

Nous savons déjà, évidemment, du Père, qu’il est l’origine de toutes choses, mais Jésus suggère aujourd’hui dans l’Evangile qu’il est également la destination de toutes choses : à la fin de notre existence, nous entrerons dans la demeure du Père où une place spécifique nous attend (« réjouissez-vous, dit Jésus, de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux » : chacun de nos noms est inscrit en lettres d’or dans le cœur de Dieu, et nous prendrons notre place dans cet endroit qui est le plus doux qui soit).

Quant au Fils, Jésus, il est en fait inséparable du Père : « je suis dans le Père et le Père est en moi », ce qui est une autre façon de dire qu’il n’y a qu’un seul Dieu, bien qu’il y ait plusieurs personnes ; Jésus fait comprendre, dans cet évangile, qu’il y a une distinction en Dieu, de la même façon que, dans un être humain, on peut distinguer plusieurs parties et pourtant il y a un seul être.

Jésus dit qu’il est le Chemin, il s’agit du chemin qui va de Dieu vers l’homme et de l’homme vers Dieu, les deux ! Jésus est aussi, on l’oublie souvent, celui par lequel Dieu s’est habitué à être un homme. Jésus est lui-même le chemin puisqu’il est à la fois homme et Dieu. Par l’image de la porte (dimanche dernier, Jn 14), Jésus nous fait comprendre qu’il a comme deux côtés, deux « battants » : un battant côté humain, un battant côté divin …

Jésus dit qu’il est la Vérité, ce qui signifie sans doute qu’il dit toujours la vérité, mais c’est quelque chose de plus : il était là, en quelque sorte, lorsque le monde fut créé, c’est même par lui que tout a été créé, par son entremise (c’est par la Parole, par le Verbe, seconde personne de la sainte trinité, que Dieu a créé toutes choses ; « Dieu dit … et ce fut ainsi »). Par conséquent, celui qui le connaît et qui le reçoit, reçoit en lui la vérité sur toutes choses, il se met à comprendre l’origine de toutes les choses. La Vérité, pour un chrétien, ce n’est pas quelque chose, c’est quelqu’un qui contient en lui tous les tenants et tous les aboutissants de la réalité

Jésus dit qu’il est la Vie, car si nous passons de la vie à la Vie, c’est bien sûr par lui, le premier ressuscité ; celui qui reçoit Jésus en lui reçoit une Vie qui ne passe pas, qui n’est autre que la vie divine elle-même. Il fallait que cette communication de la vie divine soit faite à l’humanité et ce fut par un homme, Jésus, que cette merveille fut réalisée.

Et alors, me direz-vous, que devient l’Esprit ? Jésus en parlera dimanche prochain, il dévoile le mystère de Dieu petit à petit, afin que nous puissions supporter le poids de la découverte et nous familiariser peu à peu avec le mystère de Dieu, Père, Fils, saint-Esprit …

La question est : tandis que Dieu se dévoile à nous, sommes-nous prêts à nous dévoiler à lui ? A nous exposer à son regard ?

P. Emmanuel d'Andigné

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