25 avril 2008

Homélies

Homélie du 4ème dimanche de Pâques - année A-13 avril 2008
Vous avez mis au courant, sans doute, du double évènement de cette semaine (08 avril dernier, le décès du Père Antoine Dubois, jeune prêtre de 34 ans en paroisse à Saumur et l’assassinat du frère Joseph Douet en Guinée Konakry) : c’est l’occasion de faire le point sur toutes les morts révoltantes, comme la mort d’un enfant, d’un jeune homme ou une jeune femme … Cette lecture spirituelle des évènements s’articule autour de trois mots-clé.

La prière
Je commence par vous signaler le phénomène qu’a connu la ville de Saumur : celle-ci s’est transformée en véritable chapelle ! Des enfants préféraient dire le chapelet pendant la récréationplutôt que de jouer, la chapelle de la rue du Temple ne désemplissait pas … Il s’est produit ce que l’on pourrait appeler un « miracle de la prière ».

Fallait-il et faut-il encore maintenant prier pour le Père Antoine ?

Je commence par un aveu : j’ai prié pour sa guérison, tout en me préparant à sa mort. Les deux à la fois. Car le miracle est un signe, ce n’est pas automatique. Le miracle n’est pas rendu nécessaire parce que c’est un jeune, ou parce c’est un jeune prêtre et que les prêtres se font plus rares … il est accordé par Dieu, mystérieusement, dans le but de susciter la foi. Faut-il prier pour le Père Antoine, encore aujourd’hui ? Oui, sûrement ! Pour attirer sur lui la miséricorde divine, et pour que Dieu accorde aux siens la force et la paix.

Le mystère
Un jeune prêtre de 34 ans meurt en trois semaines, quel mystère ! Dieu ne « s’amuse » pas à faire mourir les gens, c’est entendu, mais pourquoi a-t-il permis une telle chose ?

Là encore, je commence par un aveu : je ne comprends pas tout de ce qui vient de se passer. Un prêtre étranger m’a envoyé le mail suivant : « On avait tant besoin de lui ici-bas, mais on est sûr que Dieu sache mieux que nous. S'Il l'a permit, c'est parce qu'Il sait déjà quels seront les fruits. » Je partage volontiers ce point de vue, mais cette explication n’est pas encore suffisante et la frustration intellectuelle est presque intacte … il faut accepter de naviguer à vue, avec confiance et avec foi, en attendant d’y voir plus clair. Ce n’est qu’au Ciel que nous comprendrons tout parfaitement.

Ce qui augmente notre douleur, c’est que nous avons aujourd’hui l’illusion de la toute-puissance et de l’immortalité, en raison des progrès de la technologie … les médecins en font les frais, on finit par leur reprocher injustement une toute-puissance qu’ils n’ont pas, évidemment … cet événement nous rappelle notre condition de créatures, fragiles, mortelles, que même la plus haute technologie ne changera pas fondamentalement.

Ensuite, pour y voir plus clair, je regarde Jésus, et voici ce que je vois :

Premièrement, la grande réponse de Jésus au mystère de la souffrance et de la mort est, me semble-t-il, d’avoir d’abord expérimenté lui-même la souffrance et la mort …
Ensuite, je contemple ce que l’on pourrait appeler la réussite de l’amour dans le mystère de la croix. La croix a passé pour un échec, alors que la réussite, c’est justement d’aimer : si le Père Antoine a aimé, à chaque fois qu’en vérité il a aimé (tel le Bon Pasteur de l’Evangile) pendant ces quatre années de ministère, il a réussi sa vie, même si celle-ci fut courte ! Le passage de Jésus sur la terre ne fut-il pas de 33 ans, dont 3 années seulement de vie publique ? …
Ensuite encore, il nous faut redire cette phrase qui a peut-être une nouvelle résonance pour nous aujourd’hui : Jésus est ressuscité d’entre les morts ! Ce fut l’œuvre de l’Esprit-Saint, et l’Esprit-Saint habite dans nos cœurs, de sorte que nous espérons et nous croyons que la mort du Père Antoine, comme la mort de tous nos frères et sœurs dans le Christ, est une entrée dans la joie, la paix et la lumière définitives.

Enfin, je constate avec vous que le ministère de Jésus a été plus important encore dans le Ciel qu’il ne le fut sur la terre, et il en est de même pour le ministère du prêtre : le Père Antoine demeure prêtre pour l’Eternité et nous devons plus que jamais nous appuyer sur son sacerdoce (qui est en fait celui de Jésus à travers lui).

Les vocations (c’est la journée mondiale de prière pour les vocations )

Je commence par un troisième aveu : une réflexion m’a bien plu, de la part d’une personne que j’ai eu au bout du fil : « du coup, il faut demander 10 nouveaux prêtres à Dieu » … ce qui me plaît dans cette réaction à la mort du Père Antoine, c’est ce mélange de foi et d’audace : la foi ne se décourage jamais, qui espère contre tout espérance ; ça a quelque chose de surhumain, et c’est pourquoi nous demandons à Dieu d’augmenter en nous et la foi et l’audace. Audace que je sens chez des saints comme sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, qui s’adressait à Dieu comme une petite fille intrépide qui n’a pas peur de grand’chose et qui a une totale confiance dans la puissance de Dieu.

Oui, nous demandons à Dieu qu’il suscite des vocations ! Mais je vois trois raisons à cela :
1) Nous avons la conviction que en répondant à cet appel, les hommes en question seront heureux, nous ne recherchons pas simplement à ce qu’ils rassurent nos esprits en gonflant les statistiques.
2) nous sommes sûrs que Dieu nous exaucera (Jérémie 33,18 « jamais les prêtres lévites ne manqueront de descendants qui se tiennent devant moi pour offrir l'holocauste, faire fumer l'oblation et offrir tous les jours le sacrifice. »)
3) et enfin la troisième raison est que, en effet, nous manquons de prêtres, nous en avons besoin et cela aussi fait partie des raisons pour lesquelles quelqu’un pourra s’avancer en disant : « eh bien moi, je suis disponible ! Me voici ! »

Cette journée mondiale de prière pour les vocations nous permet aussi d’élargir notre regard : toute vie chrétienne est une réponse à une vocation, et il est nécessaire et premier de se concentrer sur la foi ; il n’est pas d'abord indispensable de se focaliser sur la vocation sacerdotale (et de céder ainsi à la panique de la diminution). Pour « faire » un prêtre ou une religieuse ou un laïc consacré, il faut d’abord un chrétien, tâchons d’être nous-mêmes, et des vocations vont éclore, comme naturellement.

P. Emmanuel d'Andigné

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