13 avril 2010

Homélie du 11 avril 2010 (Divine miséricorde)-richesse insondable de la miséricorde divine

Homélie du 2ème dimanche de Pâques - Année C
Lorsque Jean-Paul II a désigné officiellement le 2ème dimanche de Pâques comme celui « de la miséricorde », il honorait une demande faite par le Christ à Soeur Faustine : « Je désire que le premier dimanche après Pâques soit le dimanche de la miséricorde"

Mais à vrai dire, il honorait surtout et d’abord un des accents de la liturgie, lié à l’Evangile de ce jour (j’y reviendrai), puisque dans la prière d’ouverture, ou collecte, il est fait explicitement mention de la miséricorde « Dieu de miséricorde infinie … »

Autrement dit, il appuie sur le mystère de la miséricorde et nous donne en même temps l’adresse d’un professeur de miséricorde, qu’on n’est pas obligé de consulter ! Le professeur principal, c’est le Christ lui-même, écouté dans sa parole, mais il se peut qu’on souhaite avoir des cours particuliers et sœur Faustine est sans doute un excellent professeur : elle a compté parmi ses élèves un certain Karol Wojtila …

Pour suivre l’exemple de Jean-Paul II, je voudrais commencer par un regard liturgique sur ce dimanche de la miséricorde, ce qui va me conduire à considérer la chose du point de vue de l’homme. Dans un second temps, je souhaite me plonger dans l’Ecriture, ce qui va me conduire à considérer la chose du point de vue de Dieu.

Tout d’abord, très simplement : ce que vient faire la miséricorde au 2ème dimanche de Pâques …
Les huit jours qui suivent Pâques sont appelés « octave de Pâques » ; le principe est simple : chaque jour, c’est Pâques, de sorte que par exemple, le bréviaire pour les prêtres et diacres est presque identique tous les jours, on chante le gloria pendant la messe, et autre exemple, je n’ai pas fait pénitence vendredi ! Vous non plus j’espère …

Mais justement, célébrer la Pâque un vendredi, c’est contempler la miséricorde ! La miséricorde, en effet, est l’ensemble des moyens que Dieu déploie pour se pencher sur l’homme, l’accompagner dans ses souffrances, lui prodiguer son pardon, lui donner la résurrection et la vie éternelle. C’est l’ensemble de ce que Dieu fait pour nous, tandis que nous, nous ne faisons pas grand’ chose pour lui …

La lutte violente que le Christ a menée le jour de sa Passion et de sa mort : les larmes du Christ, le sang du Christ, la visite du Christ au séjour des morts qu’on appelle « les enfers », la victoire de Pâques sur la mort et le péché : voilà la miséricorde ! Voilà l’octave de Pâques, qui se termine aujourd’hui, où l’on embrasse d’un même regard tout ce que Dieu fait pour nous parce qu’il nous aime.

Liturgie encore : après le Notre Père, on récite cette magnifique prière que l’on appelle l’embolisme. «Délivre-nous de tout mal, Seigneur, et donne la paix à notre temps, par ta miséricorde, libère-nous du péché, rassure-nous devant les épreuves »

Tout le mystère de Pâques est une œuvre de miséricorde et il concerne toute la condition humaine, embrassant d’un même élan souffrance et péché … Voilà pour ce qui est de notre point de vue à nous.

Mais il est beau de voir la miséricorde aussi du point de vue de Dieu. Il s’est exprimé en Hébreu et en Grec, il sera donc profitable de regarder quels mots furent utilisés à ces différentes époques.

Lorsque l’on ouvre l’Ecriture, on constate quelque chose d’étonnant, que vous allez percevoir tout de suite. Psaume 88 : « je chanterai les miséricordes de Dieu ». Ou alors, Jérémie, dans les lamentations (3, 22) : « les bontés du Seigneur ne sont pas épuisées, ses miséricordes ne sont pas finies » ; dans les deux cas, il s’agit d’un pluriel ! Le mot que l’on traduit par miséricorde désigne en hébreu les entrailles et plus précisément les entrailles d’une mère. Ceci nous révèle que dans le cœur de Dieu, il y a quelque chose d’analogue à cette immédiateté et cet empressement maternels qui parfois agace les enfants ou les adolescents, ce lien charnel qui veut prendre soin de l’enfant d’une manière trop tendre et trop attentive … Il y a d’une certaine manière une impatience de Dieu que le fruit de ses entrailles( l’humanité toute entière) soit relevé, soigné, guéri, soutenu, changé. En hébreu, miséricorde se dit donc au pluriel, surtout.

En grec, dans l’Evangile, dans un autre passage que celui-ci, saint Mathieu et saint Marc traduisent mot à mot l’hébreu d’une façon peu élégante, ils disent de Jésus, je cite (Marc 6) : « En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de pitié envers eux, parce qu'ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les instruire longuement. »

Ce que nous entendons sous la forme « il fut saisi de pitié » en français est un euphémisme pour dire : « Il fut pris jusque dans ses entrailles (esplanknistè) » ; « Plankna » désigne en grec les entrailles de la mère …

Ancien et Nouveau Testament utilisent donc la même image pour rendre la chaleur et la force de l’amour de Dieu lorsqu’il se dépose sur l’humanité …

Le latin, lui, comme le français, son fils se contente de juxtaposer deux termes, l’un désignant la misère et l’autre le cœur (cor, cordis en latin). Le cœur de Dieu se dépose sur la misère de l’homme.

Il faut bien, vous le voyez, que nous trouvions des mots pour approcher le mystère de la réalité de l’amour de Dieu pour nous ! Et j’en viens à l’Evangile d’aujourd’hui, qui illustre l’effet de la miséricorde sur nous. Par deux fois Jésus dit « la paix soit avec vous » : il y a un lien très fort entre la paix et la miséricorde. Juste après cette salutation, Jésus évoque la question des péchés, car ceux-ci sèment le trouble en l’homme, qui retrouve la paix avec le pardon, événement de miséricorde.

Dans la formule d’absolution, le prêtre ne dit-il pas : « Que Dieu notre Père vous montre sa miséricorde : par la mort et la résurrection de son Fils (mystère de Pâques), il a réconcilié le monde avec lui, et il a envoyé l’Esprit saint (mystère de la pentecôte) pour la rémission des péchés ; par le ministère de l’Eglise qu’il vous donne le pardon et la paix ». La miséricorde de Dieu, qu’elle se dépose sur la souffrance ou sur le péché, donne la paix, c’est la source de la paix. « Jésus a fait la paix par le sang de sa croix », il est l’Agneau de Dieu à qui nous dire « donne-nous la paix ! ».

Mais tout le monde n’a pas un besoin vital de réconfort et de pardon. Je pense par exemple, à des jeunes privilégiés qui par ennui se perdent dans l’alcool ou qui tout simplement ont un itinéraire qui leur donne peut-être l’illusion qu’il n’ont pas besoin de miséricorde ou qu’ils ne sont pas l’objet de la miséricorde. Voilà pourquoi, pour terminer, je vous propose d’entendre un autre professeur de miséricorde, s’il en est, Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus de la Sainte Face :

« Je suppose que le fils d'un habile docteur rencontre sur son chemin une pierre qui le fasse tomber et que dans cette chute il se casse un membre, aussitôt son père vient à lui, le relève avec amour, soigne ses blessures, employant à cela toutes les ressources de son art et bientôt son fils complètement guéri lui témoigne sa reconnaissance. Sans doute cet enfant a bien raison d'aimer son père! Mais je vais encore faire une autre supposition. - Le père ayant su que sur la route de son fils se trouvait une pierre, s'empresse d'aller devant lui et la retire (sans être vu de personne). Certainement, ce fils, objet de sa prévoyante tendresse, ne SACHANT pas le malheur dont il est délivré par son père ne lui témoignera pas sa reconnaissance et l'aimera moins que s'il eût été guéri par lui... mais s'il vient à connaître le danger auquel il vient d'échapper, ne l'aimera-t-il pas davantage? Eh bien, c'est moi qui suis cette enfant, objet de l'amour prévoyant d'un Père qui n'a pas envoyé son Verbe pour racheter les justes mais les pécheurs."Mt 9,13 Il veut que je l'aime parce qu'il m'a remis, non pas beaucoup, mais tout. Lc 7,47 Il n'a pas attendu que je l'aime beaucoup comme Ste Madeleine, mais il a voulu que JE SACHE comment il m'avait aimée d'un amour d'ineffable prévoyance, afin que maintenant je l'aime à la folie!... (manuscrit A, folio 39) »

J’invite les jeunes de la paroisse à faire cet itinéraire de découverte de la miséricorde qui les entoure, puisse Dieu leur faire la grâce d’aimer Dieu à la folie, à leur tour !

P. Emmanuel d'Andigné

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