Homélie du Jeudi saint 2010, année C
Chaque année pour le jeudi saint, dans la paroisse, nous faisons le « lavement des pieds », belle coutume liturgique qui nous rappelle que nous sommes faits pour servir et non pour être servis …
Dès l’année prochaine nous reprendrons cette bonne habitude, mais en cette année, sacerdotale, je voudrais me concentrer sur l’institution de l’Eucharistie et du sacerdoce, au moyen de l’économie du lavement des pieds.
Comment vais-je m’y prendre ? Je voudrais vous faire profiter d’une conversation que j’ai eue avec quelqu’un il y a quelques jours et qui me posait la question suivante : pourquoi ne pas installer de table dans l’église, comme ça s’est fait il y a quelques années ? Merci ! Cette excellente question va nous permettre d’approfondir le sens de l’Eucharistie
A cette question que vous posez, les évêques répondent : « Dresser une table dans la nef et ne pas célébrer sur l’autel consacré serait porter atteinte au symbolisme de l’autel (Calendrier liturgique officiel des 12 diocèse de l’Ouest de la France) »
Pourquoi nos évêques réagissent-ils ainsi ? Je voudrais répondre en trois temps :
1) il y a eu ces derniers temps beaucoup de recherches liturgiques, et c’est certainement une bonne chose que de ne pas laisser la poussière s’installer sur nos rites et sur nos cœurs surtout … il ne s’agit donc pas du tout, jamais, de discréditer ceux qui ont eut cette pratique ou qui l’ont encore, mais simplement de savoir, de comprendre, et de toujours mieux faire.
2) Il est dans la nature de la liturgie que d’évaluer, avec un peu de retard, si une pratique qui naît spontanément tient ou ne tient pas la route, avec le discernement des évêques et du Pape. Il est donc légitime que de semblables « expériences » se produisent à toutes les époques.
3) mais surtout, notons que, au temps de Jésus, il y avait des tables et des autels. Les autels permettaient d’offrir des sacrifices d’animaux pour se concilier le pardon et la bienveillance de Dieu. Les tables, quand à elles, ne servaient qu’à manger, et, chaque vendredi, faire mémoire des merveilles de Dieu (notons que l’ancêtre de notre bénédicité est une bénédiction prononcée par le chef de famille, le « kiddouch » et dont la fonction est de ne pas oublier ce que Dieu fit pour son Peuple)
Le premier « Jeudi saint », Jésus prononce la bénédiction, comme à son habitude, et il dit « ceci est mon corps … ceci est mon sang » : en disant cela, IL TRANSFORME LA TABLE EN AUTEL ; SI NOUS TRANSFORMONS L’AUTEL EN TABLE, nous faisons un RETOUR EN ARRIERE …
Nous ne pouvons plus célébrer la messe sur une table : Jésus a fait du jeudi saint et du vendredi saint deux facettes d’un seul mystère, la messe rend présent le sacrifice de Jésus sur la croix. La messe a toutes les allures d’un repas, avec son pain, son vin, sa joie, et pourtant elle rend présent le sacrifice du vendredi (ceci est mon corps livré, ceci mon sang versé). Tout ceci nous indique que la religion est une question de vie ou de mort, et non une affaire de convivialité.
De nos jours (cela s’explique bien par l’histoire), le sacrifice est mal vu, le confort est devenu un dieu, et nous voudrions peut-être que notre Dieu soit lui aussi confortable …
La messe nous fait revivre en une heure les trois jours saints, renouvellement non sanglant du sacrifice de Jésus sur la croix et mise en présence du Ressuscité.
Dans la célébration de l’Eucharistie, il faut de l’équilibre en toute chose : le sacrifice rédempteur, du beau, de l’attention fraternelle, de la joie, de l’enseignement aussi
A propos d’enseignement, j’attire votre attention sur un détail du rite du kiddouch, bénédiction prononcée sur une coupe de vin au moment de l’entrée en shabbat : cette coupe, en principe, doit être remplie à raz bord, et même déborder un peu, il y a toujours une coupelle sous la coupe, qui permet de récolter le vin qui est en trop. De ce détail je voudrais tirer un enseignement très simple : lorsque Dieu nous fait un don, il en donne toujours un peu trop, il ne sait pas donner simplement assez, de façon à ce que nous puissions partager le trésor avec d’autres. Notre grand trésor, c’est la messe, de la connaissance de Jésus, qui nous sauve du péché et de la mort. Ne le gardons pas pour nous, faisons déborder tout ce que nous recevons sur nos proches, dans l’évangélisation.
P. Emmanuel d’Andigné
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