30 avril 2010

Homélie du 25 avril 2010-Les trois "conseils évangéliques"

Homélie du 4ème dimanche de Pâques - Année C
Connaissez-vous bien les trois conseils évangéliques ? Oui, sûrement, même si l’expression ne vous est pas familière … Pauvreté, Chasteté, Obéissance. Elles sont, (cela tombe bien aujourd’hui !) les trois conditions de la réussite d’une vocation …

Ce sont des conseils … évidemment, quand on demande des conseils dans la vie courante, c’est du genre : « tu me conseilles d’acheter une dacia ou une clio ? … une imprimante hp ou une epson ?… » et ce style de conseil est fait pour être suivi ou non. Quand il s’agit de conseils donnés par Jésus, on est censé les suivre, toujours !

On appelle ces conseils des conseils évangéliques : ils viennent de l’Evangile, et donc, ils s’adressent à tous ! A tous ??? oui, à tous : nous sommes tous appelés à la pauvreté, la chasteté et l’obéissance. La question est de savoir comment, précisément

En tous les cas, éliminons la pire des choses : laisser les conseils évangéliques aux consacrés, aux religieux et aux prêtres, et puis se dire que tous les autres ne sont pas appelés à grand chose, mais que ça n’est pas grave ; la perfection, en matière de foi, serait réservé à ceux qui sont « à fond dedans (pardon pour l’expression) ». Il y a dans cette conception des choses une exaltation malsaine de la consécration religieuse et une forme de mépris pour les baptisés que je vous demande d’écarter avec fermeté. Dieu a confiance en nous, Il a déposé en nous une certaine noblesse (son Image et sa ressemblance), des capacités énormes, et ce serait faire injure à la créature et tout autant au Créateur que de croire que ces nobles choses sont réservées à un tout petit nombre …

Je pense beaucoup à la jeunesse, qui grandit dans un monde qui ne les encourage pas du tout à la pauvreté, à la chasteté et à l’obéissance, simplement parce que les faiseurs d’opinion ne vivent aucun des trois et voudraient bien que tout le monde soit comme eux, afin que leur vie leur paraisse normale et en ordre.

Moi je voudrais leur dire et je voudrais qu’on leur dise : oui, le Christ a formulé pour vous trois conseils dans l’Evangile, « soyez pauvres, soyez chastes, soyez obéissants ; non seulement vous en êtes capables, mais c’est ainsi que vous pourrez réaliser votre vocation ».

Qu’est-ce que la pauvreté ? En tous les cas, elle ne consiste pas à n’avoir rien sur son compte en banque ! La pauvreté consiste à ne pas être esclave de la richesse. « Heureux les pauvres de cœur », dit Jésus (Mt 5) ; « si vous accumulez des richesses, n’y mettez pas votre cœur », dit le psaume 61. Nous sommes tous appelés à la pauvreté de cœur

Qu’est-ce que la chasteté ? Elle ne se situe pas dans le corps, mais dans le cœur. La chasteté consiste à faire un choix d’amour définitif et à s’y tenir, à mettre de l’ordre dans l’amour par un choix : nous sommes tous appelés à la chasteté de cœur .

Qu’est-ce que l’obéissance ? Elle ne consiste pas à dire amen à tout sans réfléchir dans une négation de soi. Elle consiste à écouter les autres (obéir vient de ob audire, c’est-à-dire écouter en se mettant en position d’infériorité par rapport à celui que l’on écoute) et à se soumettre avec les autres ou par les autres à la vérité et au bien : nous sommes tous appelés à l’obéissance de cœur.
Beaucoup de problèmes viennent de la grossièreté des points de vue sur ces trois sujets.

Mais nous pouvons être plus précis, pour éclairer les différentes vocations : quelle est la différence entre la pauvreté d’un moine et celle d’un prêtre ? Et la différence avec la pauvreté vécue par tout chrétien ? Et pareillement pour la chasteté … l’obéissance … ?

Tout le monde le sait, les religieux font vœu de pauvreté, chasteté et obéissance … pour le religieux, être pauvre, chaste et obéissant est la route de sainteté, c’est dans les conseils évangéliques eux-mêmes qu’ils réalisent leur vocation. Lorsque l’un des trois conseils vient à ne pas être observés, c’est la vocation elle-même qui est atteinte, c’est le sens de sa vie qui vacille, non pas que les conseils évangéliques soient des buts en eux-mêmes, mais c’est le lieu dans lequel la vocation s’épanouit …

Tandis que pour le prêtre diocésain, par exemple, la pauvreté, la chasteté et l’obéissance ne sont que des moyens, des conditions indispensables certes, mais la vocation se trouve ailleurs : la vocation des prêtres diocésains c’est de prendre soin des autres, c’est de prendre soin de la vocation des autres (d’où la lecture de l’Evangile du Bon Pasteur).

C’est pour cela que les prêtres diocésains ne font pas de vœux : faire des vœux, ce serait dire : ce qui compte, c’est que je sois pauvre chaste et obéissant, alors qu’en réalité, par son absence de vœux, le prêtre dit : « bien sûr, je m’engage à la suite du Christ, donc je décide d’être pauvre, chaste et obéissant, mais ma vie consiste à me servir de ces trois armes pour faire mon vrai travail : prendre soin des âmes.

La vocation des prêtres ne s’explique pas par eux-mêmes, elle s’explique par les autres. Pas de berger sans brebis, par de père sans fils, c’est la raison pour laquelle on rapporte que St Augustin disait (et le mot important est « pour ») : « avec vous, je suis chrétien, pour vous, je suis évêque »

Dans la vie de tous les jours, il n’y a guère de différence, dans la façon de vivre les conseils évangéliques « du prêtre au moine » : cela revient à des actes ou des absences d’actes identiques. Mais il s’agit avant tout de réaliser sa vocation. La chasteté se traduit pour les prêtres et les religieux par la continence, qui quant à elle, c’est vrai est une attitude du corps

Quant aux fidèles laïcs, leur pauvreté consistera à mettre leurs richesse au service de leurs familles ou au service des autres. Leur chasteté consistera à être fidèles à leurs engagements et à faire en sorte que l’amour soit vécu noblement. Leur obéissance consistera –comme dirait saint Paul- « à estimer les autres supérieurs à eux-mêmes » et à se soumettre les uns aux autres.

Je crois vraiment que si nous agissons ainsi, chacun selon notre grâce propre, nous nous comporterons comme ces fragiles lumières qui ornent le coin-prière, qu’on ne remarque pas forcément en entrant dans l’église, mais qui représentent la permanence de la confiance en Dieu, de la part de ceux qui sont si petits, en eux-mêmes, qu’ils tiennent sans problème dans la main du Père, « et personne ne les arrachera de la main du Père », amen

P. Emmanuel d'Andigné

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