04 janvier 2007

Catéchèse du 20 novembre 2006
l’exposé

1) L’Eglise expose sa foi

La dernière fois, nous avons eu l’occasion d’évoquer le « parcours » qui fut celui de la, première annonce de la Foi, du kérygme au Credo (de 33 à 381). L’Eglise a donc été en position d’exposer avec de plus en plus de précision ce en quoi elle croit, et plus exactement Celui en qui elle croit, le Christ …

2) « Je crois en un seul Dieu, créateur du Ciel et de la terre »

Prononcer cette phrase, aujourd’hui, n’est pas sans difficulté, y compris pour les chrétiens eux-mêmes. Nous sommes tellement rationalistes et matérialistes –baignés que nous sommes dans une pensée dominante, que l’exposé « brut » de la Foi n’est plus capable de nous convaincre intérieurement, d’une façon inébranlable : nous avons besoin, plus encore que nos anciens, de revenir à la source de l’acte de foi, de savoir exactement ce que signifie le mot « croire », et si cette foi est compatible avec la science (celle-ci représente, même pour nos esprits de croyants, une référence vraiment solide et fiable !). Je propose d’aborder cette question de la « compatibilité » entre foi et science au moyen de cinq « couples », couples de mots qui sont éclairants à ce sujet …

1er couple : Vérité et exactitude

Tout ce qui est dans la Bible est vrai, car ce livre est inspiré par Dieu (Lui qui ne peut pas inspirer du faux). Mais tout ce qui est dans la Bible n’est pas forcément exact, car ce livre fut écrit par des gens qui ignoraient beaucoup de choses encore en matière de science physique.
NB. C’est une grande différence avec le Coran, dont les musulmans disent qu’il fut dicté mot à mot à Mahomet par Dieu et que on ne peut pas lire autre chose que ce qui est strictement écrit. L’Islam est selon ses propres termes une « religion du livre », le Christianisme, lui est une religion de la Parole, pas du livre !

A l’inverse, tout ce que nous dit la science physique est exact (ou du moins tend à l’exactitude), mais pas forcément vrai (le Big Bang est une hypothèse, sérieuse, certes, mais notre approche de ce phénomène est très mythique, nous utilisons des images et des descriptions qui permettent de fixer notre esprit sans pour autant être ni vérifié ni vérifiable) !!!

Prenons deux exemples :
La création de la femme, telle qu ‘elle est décrite par la Genèse, nous donne l’impression que Dieu a pris une côte à l’homme pour former, comme par magie une femme … sans pouvoir le vérifier absolument, il est tout de même difficile d’admettre que ce texte est exact ; cependant, il dit certainement la vérité, et voici comment nous pouvons détailler cette vérité :
La femme est de la même chair que l’homme (il y a entre eux une égalité de dignité)
Elle forme avec l’homme une unité (il y a entre eux une besoin réciproque et une parfaite complémentarité)
Avec l’homme elle est image de Dieu (« homme et femme il les créa, à son image…)

Ajoutons, pour notre nourriture spirituelle, l’interprétation mystique que fait Saint Augustin de ce passage de la Genèse : la côte, élément du corps le proche du cœur, nous indique que la femme a un rôle particulier à jouer pour l’éducation du cœur de l’homme, du petit d’homme comme de son homme ; si la femme avait été tirée de la tête de l’homme elle aurait eu pour vocation de diriger l’homme, si elle avait été tirée d’un membre inférieur, elle aurait eu pour vocation d’être l’esclave de l’homme… Rien de tout cela, ce fut la côte qui fut choisie.

Autre exemple : le passage de la mer rouge
Il est raisonnable de penser que ce texte comporte des inexactitudes, cependant, en conformité avec ce qui est écrit et que nous tenons pour parfaitement vrai, nous pouvons ajouter :
Que le peuple hébreu est bien passé à travers la mer
Que les égyptiens ont bien péri dans la mer
mais comment exactement, en combien de jours, d’heures ?? Mystère…


2ème couple : Mythe et réalité

Lorsqu’une réalité nous échappe, et que nous voulons la décrire quand même car elle donne sens à notre vie, nous pouvons avoir recours au mythe

Voici deux exemples de mythes :
le mythe de Prométhée, qui vola aux dieux les arts et l’art du feu en particulier, dont le but est de nous expliquer l’étincelle divine qui est en l’homme et son incapacité politique
le mythe de Frankenstein (Mary Shelley), ce savant dépassé par sa créature dont le but est de nous expliquer le caractère incontrôlable des progrès de la science

Qu’est-ce qu’un mythe ? Il s’agit d’une histoire inventée, composée, même, pour faire comprendre une théorie ou approcher un mystère
histoire, c’est-à-dire quelque chose que l’on raconte, qui intéresse forcément, on aime les histoires
inventée, ça n’a jamais existé
pour faire comprendre ou approcher un mystère, car sa compréhension est vitale.

Une question se pose alors : la Genèse est-elle un mythe ?
C’est une histoire, en effet, mais une histoire vraie qui emprunte des éléments à des mythes déjà connus à cette époque (des mythes babyloniens) pour nous faire approcher le mystère de la Création. Cependant, la Genèse n’est pas un mythe, elle est même un « anti-mythe », dans la mesure où, utilisant ces éléments de la mythologie babyloniennes, les désacralisent en ne sacralisant que la personne de Dieu. Celui-ci est placé, en tant que Créateur, bien au-dessus de tous les éléments créés.

A l’inverse, la science nous propose
Une histoire (la soupe originelle, la chaleur, l’explosion, le refroidissement et le mouvement)
Une histoire qui se repose sur des données exactes (mais à vérifier !)
Pour nous expliquer le mystère de nos origines, car cela vital pour nous.
En somme, le Big Bang est beaucoup plus mythologique que la Genèse !!!

3ème couple : Physique et métaphysique

La science physique a pour but d’étudie le réel.
Dans l’espace : il va de plus en plus profondément dans la connaissance de la matière (dans le sens de l’infiniment petit et dans le sens de l’infiniment grand)
Dans le temps : il remonte celui-ci grâce à des instruments de mesure et par déduction à partir du présent ; il remonte le temps sans pouvoir en établir l’origine !!!

La métaphysique (mot à mot « après la physique ») est une opération de l’intelligence humaine qui consiste à remonter plus loin encore dans l’explication de l’espace et du temps, dans des explications qui ne sont plus le fruit direct de l’observation du réel, mais qui interprètent celui-ci pour avoir le dernier mot sur l’être, le monde, l’homme … ; la métaphysique est une partie de cette grande œuvre de connaissance et de réflexion qu’on appelle la philosophie.

La tentation permanente de la science physique est de ne pas travailler humblement dans sa sphère de compétence, et de se servir du crédit qu’on apporte à cette science pour faire passer un « message » sur le monde et sur l’homme, message qui est d’ordre métaphysique. On peut constater alors ici ou là une certaine malhonnêteté qui part de présupposés métaphysiques (ex : « Dieu n’existe pas » !) et utilisent des données physiques brutes pour appuyer la thèse de départ …

A l’inverse, la métaphysique a tout intérêt à ce que ses interprétations du réel ne viennent pas contredire ce que la science physique établit de manière solide. De part et d’autre, il ne doit y avoir ni mépris, ni méfiance, car en fait, ces deux tâches sont complémentaires et même successives.

Le scientisme est l’ensemble des courants d’idées qui consiste à ne faire crédit qu’à la science physique, lui attribuant des pouvoirs métaphysiques (ex : « le monde est éternel, la « science » nous le prouve »).

4ème couple : Foi et Raison

« La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité »(fides et ratio – Jean Paul II) L’une et l’autre ont besoin l’une de l’autre.

La foi sans la raison produit le « fidéisme », on croit sans réfléchir, on se rend incapable de communiquer avec l’extérieur, on finit même par faiblir dans la foi, car celle-ci a besoin de se structurer dans le cœur et l’intelligence.

La raison sans la foi produit le « rationalisme », on refuse de croire quoi que ce soit en dehors de ce que la raison nous présente.

Le divorce entre foi et raison s’est produit environ à la fin du mal nommé « Moyen-Age », en particulier sous l’impulsion de Descartes et dans une certaine mesure Galilée (qui n’a pas été condamné pour ses découvertes, mais parce qu’il a cru que celles-ci mettaient fin à la pertinence et à la vérité du texte biblique, ce qui va contre la foi et même –et donc- contre la vérité).

Pour revenir à l’union harmonieuse entre foi et raison, l’Eglise a retenu deux formules inséparables :
fides quaerens intellectum : la foi qui recherche l’intelligence, la foi qui cherche sans cesse à comprendre, à se comprendre et à comprendre les autres.
intellectus quaerens fidem : l’intelligence qui recherche la foi, c’est-à-dire l’intelligence –qui par nature cherche à comprendre- cherche ce qui va « couronner » sa recherche, la foi, explication dernière et totale de tout l’univers.

5ème couple : Création et Rédemption (l’enseignement du CEC)

Le CEC commence par dire que l’affirmation de la Création est inséparable de celle de la rédemption, c’est-à-dire la création nouvelle dans le Christ. Il est insuffisant pour un chrétien de dire que Dieu a créé au « début » le ciel et la terre, il est indispensable d’ajouter que si Dieu a créé au début, il continue en fait de créer, il ne cesse jamais de créer, dans le but de faire partager à sa création et en particulier à l’homme sa gloire et sa béatitude (c’est un des signes très sûrs de l’amour que de ne pas garder pour nous ce qui fait notre joie, n’est-ce pas ?) ; or, il se trouve que l’homme s’est détourné de Dieu après avoir eu pourtant la révélation de son amour, voilà pourquoi le Christ, le Fils éternel de Dieu le Père, apporte à l’humanité la Rédemption (il nous a « rachetés »), et cette rédemption, ce rachat, est une véritable re-création, une restauration de la Création initiale.

On le constate aussi, la création est l’œuvre de la Trinité, et non du Père « seul » … St Irénée dit que le Fils et l’Esprit sont comme les deux bras du Père (la comparaison est faible mais parlante).

Lorsque l’on dit « du ciel et de la terre », on veut dire que Dieu a créé la totalité de l’univers (on appelle cette figure de style un mérisme), mais aussi que Dieu n’a pas créé que le visible mais aussi l’invisible (on pense aux anges en particulier).

C’est à partir de rien que Dieu a tout créé : on appelle cela la « création ex nihilo » … Alors Dieu a-t-il fait le Big Bang ? Si cette hypothèse s’avère juste, alors, oui, car cette explosion primitive a réorganisé une matière préexistante, laquelle fut créée par Dieu ; et c’est encore Dieu qui, mystérieusement, a présidé à cette réorganisation de la matière, et à tous les stades de la « construction » de l’univers, jusqu’à l’homme.

La création est « en état de cheminement », dit le CEC, vers sa perfection. A aucun moment cette affirmation n’est reliée explicitement aux théories de l’évolution et ce pour 2 raisons : d’abord parce que ces théories n’entrent pas dans la doctrine de la création (dont le but est de dire que Dieu a créé l’univers et non comment exactement il le fait), et ensuite parce que les théories de l’évolution ne commentent pas un plan préétabli de création et d’entretien de celle-ci (point de vue théologique), mais tente de comprendre un phénomène qu’elle finit par qualifier de « aléatoire ».
Ce n’est qu’à la fin que nous aurons le fin mot de l’histoire de la Création, de la Providence, et puisqu’il est question de celle-ci, il faut bien se garder de décréter catégoriquement que Dieu ne fait rien, qu’il laisse tout faire, ou au contraire qu’il empêche le pot de fleur de tomber sur ma tête, nous ne savons pas comment Dieu agit, pas plus que nous ne savons comment exactement il a créé ; ce qui est sûr, c’est qu’il a créé, qu’il agit, et surtout qu’il nous aime et veut nous conduire à la Béatitude.

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