Homélie de la Pentecôte 2011- Année A
La Pentecôte est pour nous aujourd’hui un grand appel adressé à Dieu : viens, Esprit Saint ! Juste après la Pentecôte (Actes 2), saint Pierre fait un certain nombre de discours et il termine l’un d’eux de cette façon : « Quant à nous, nous sommes les témoins de tout cela, avec l'Esprit Saint, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent (Actes 5, 32). » Quand Saint Pierre prononce ces mots, il vient de recevoir l’Esprit Saint. Il est certain que le Saint Esprit agit en tous les hommes, faisant ce qu’il veut et ce qu’il peut, mais ce qui aussi certain, c’est que celui qui obéit à Dieu aura une destinée semblable à celle des Apôtres, ce qui ne sera pas le cas de ceux qui désobéissent à Dieu …
Cela signifie que notre grand appel à Dieu –viens, Esprit Saint !- ne pourra réellement avoir de l’effet, que si nous sommes humbles et obéissants. A ce sujet, nous avons tous besoin de conversion : il faut la demander à Dieu (le sacrement du pardon, à cet égard, joue un rôle important). D’ailleurs, dans la liturgie du baptême, on pratique un « exorcisme » et la « renonciation à Satan », avant l’effusion de l’Esprit qu’est le baptême … c’est bien le signe que l’Esprit « s’installe » durablement en quelqu’un qui a été purifié ou qui se purifie !
Depuis le 4ème siècle dans l’Eglise (grâce à Saint Ambroise), on a établi la doctrine des « sept dons » à partir de la prophétie d’Isaïe (chapitre 11), que voici -il s’agit du Messie- :
« Sur lui reposera l'esprit du Seigneur : esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur, qui lui inspirera la crainte du Seigneur. »
Isaïe 11, dans l’hébreu (c’est souvent ce texte auquel vous avez accès) : mentionne deux fois la crainte de Dieu, tandis que la LXX et la vulgate (versions respectivement grecque et latine) dédoublent et interprètent la deuxième mention de la crainte comme « piété » : on a ici une nouvelle fois l’illustration du lien qu’il y a entre Ecriture et Tradition ; la source de la révélation se trouve dans l’Ecriture, mais nous avons besoin de la Tradition pour mieux saisir ce que Dieu nous donne. Dieu se révèle dans l’Ecriture la Tradition et le Magistère … nous recevons bien sept dons de l’Esprit.
Bien sûr, le chiffre 7 évoque la plénitude, la marque de Dieu, même si, dans le même temps, cette liste exprime aussi la profusion : Isaïe, dans ce mouvement d’inspiration qui le fait parler de l’Esprit, ne peut s’empêcher de faire une liste suffisamment longue pour exprimer la richesse du don.
Car on peut dire tranquillement que l’Esprit Saint donne sans doute encore beaucoup plus, mais en tous les cas, certainement et parfaitement -7- ces dons-là.
Dans le petit jeu de traduction entre l’hébreu, le grec et le latin, nous avons déjà la distinction entre crainte de Dieu et piété. La crainte que nous éprouvons en rencontrant la puissance et la majesté de Dieu mesure la distance entre Dieu et nous (Dieu n’est pas un copain, c’est Dieu, il est normal de tomber à genoux devant lui). Mais cette distance est comblée par la piété, qui est ce lien fervent et tendre entre Dieu et nous
Saint Thomas d’Aquin, au Moyen-Age, précisera que la piété concerne autant le prochain que Dieu : avoir de la piété pour Dieu sans avoir un minimum de piété (c'est-à-dire de crainte d’offenser, de respect, d’amour révérend) est incohérent.
A titre d’exemple, j’ai rencontré un jour une petite fille de deux ans et demie qui m’a demandé à faire sa première communion. Croyez-moi, elle avait parfaitement compris que Jésus était présent dans l’hostie consacrée –elle était prête intellectuellement-, mais ses parents et moi-même avons estimé devoir attendre, non pas à cause de son âge, mais surtout parce que du côté de la piété filiale et fraternelle, de nombreux progrès se faisaient encore attendre …
Je vous ai déjà parlé du don de Sagesse, dont le mot latin nous éclaire beaucoup -« sapientia » de sapor, la saveur, l’art de goûter-, qui consiste à savoir reconnaître le bon goût et le mauvais goût, le bien du mal, le vrai du faux …
C’est encore le latin qui nous éclaire pour le don d’intelligence : « intus » « legere » « lire à l’intérieur », signifie ne pas se fier aux apparences, ni en ce qui concerne Dieu, ni en ce qui concerne les hommes, mais au contraire comprendre des choses sur Dieu, comme si on lisait à l’intérieur de Lui.
Les comprendre et les savoir, cela va de pair : le don de science (scio, savoir) est inséparable du don d’intelligence.
Le don de conseil, lui, découle du don d’intelligence : il s’agit de savoir quoi faire au bon moment, après qu’on a compris …
Je voudrais vous faire remarquer que ce qu’il y a de plus intéressant dans le don de conseil est le singulier : Dieu nous donne Le conseil, autrement dit la grande direction, l’objectif réel, la volonté de Dieu, à l’intérieur de laquelle plusieurs voies sont bonnes. Des jeunes, par exemple, se demandent s’ils vont devenir prêtre, père de famille, religieux … il n’y a pas un grand livre là-haut qui l’a décidé pour toi, pose-toi la question suivante, plutôt : moi qui ferai de ma vie ce que Dieu veut -c’est-à-dire une page d’Evangile-, quelle est la meilleure voie pour moi et pour les autres, au regard de ce que Dieu m’a donné ?
Mais évidemment, une fois identifié le bien, une fois le bien compris et aimé, et désiré, sans la force que Dieu communique, comment le réaliser ? Dieu nous la donne comme pour couronner ses efforts et les nôtres …
Cependant, une fois faites ces distinctions, empressons-nous d’unir tous les dons de Dieu qui sont en effet distincts les uns des autres, parce que notre être est complexe et que Dieu s’adapte à la complexité de notre constitution intérieure : tous ces dons ne sont en fait qu’un seul don, un seul « effort » : « sois marqué de l’Esprit Saint, le don de Dieu », dit le rituel de la confirmation.
L’autre jour, une collégienne est venue me voir pour me faire part de son problème : on lui avait dit d’écrire une lettre à l’Evêque, au cours de laquelle elle devait dire quel don en particulier elle voulait recevoir ; or, elle hésitait, me disait-elle, entre deux dons. Je lui ai alors conseillé de demander les deux dans la lettre et que de toutes façons, Dieu lui donnerait les sept !
Pourquoi ne pas en faire autant, nous qui sommes déjà confirmés ? Pourquoi cela serait-il réservé aux futurs confirmands ? Je vous encourage à le faire aujourd’hui et peut-être même maintenant …
Bonus : prière de saint Alphonse-Marie de Liguori, pour demander l’Esprit et ses dons.
Esprit Saint, divin Consolateur, je vous adore comme mon Dieu véritable, ainsi que Dieu le Père et Dieu le Fils. Je vous bénis et je m'unis aux bénédictions que vous recevez des Anges et des Saints.
Je vous donne mon cœur et je vous offre de vives actions de grâces pour tous les bienfaits que vous avez répandus et que vous ne cessez de répandre dans le monde.
Auteur de tous les dons surnaturels, qui avez comblé d'immenses faveurs l'âme de la bienheureuse Marie, Mère de Dieu, je vous prie de me visiter par votre grâce et par votre amour et de m'accorder :
le don de votre Crainte, afin qu'il me serve de frein pour ne jamais retomber dans mes fautes passées, dont je vous demande mille fois pardon,
le don de Piété, afin que je puisse à l'avenir vous servir avec plus de ferveur, suivre avec plus de promptitude vos saintes inspirations, observer plus exactement vos divins préceptes,
le don de Science, afin que je puisse bien connaître les choses de Dieu et, éclairé par vos saintes instructions, marcher sans jamais dévier dans la voie du salut éternel,
le don de Force, afin que je puisse surmonter courageusement toutes les attaques du démon et tous les dangers du monde qui s'opposent au salut de mon âme,
le don de Conseil, afin que je puisse bien choisir tout ce qui est le plus convenable à mon avancement spirituel, et découvrir tous les pièges et les ruses de l'esprit tentateur,
le don d'Intelligence, afin que je puisse bien entendre les divins mystères et, par la contemplation des choses célestes, détacher mes pensées et mes affections de toutes les vanités de ce misérable monde,
le don de Sagesse, afin que je puisse bien diriger toutes mes actions, en les rapportant à Dieu comme à ma fin dernière, afin qu'après L'avoir aimé et servi comme je le dois en cette vie, j'aie le bonheur d'aller le posséder éternellement en l'autre.
St Alphonse-Marie de Liguori
P. Emmanuel d'Andigné
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