Homélie du jeudi saint - Année A
En ce jour du jeudi saint, que l’on appelle souvent « fête du sacerdoce », on s’attend à entendre le récit de l’institution de l’Eucharistie. C’est ce que nous a donné la première lettre de Saint Paul aux Corinthiens. On y associe volontiers le rappel de l’agneau pascal immolé, depuis le temps de Moïse. Et le psaume 115 convient bien : « bénis soient la coupe le pain, où ton peuple prends corps »
II peut paraître plus surprenant que l’Evangile porte, non pas sur l’Eucharistie, mais sur un geste secondaire, inhabituel et peu pratique à renouveler : le lavement des pieds. Sans doute faut-il le remettre dans le contexte de l’époque, où les chemins étaient poussiéreux, les sandales peu protectrices et la chaleur pénible pour les pieds. L’eau fraîche devenait un réel bienfait pour le marcheur et un signe d’accueil très apprécié.
Mais Jésus a voulu signifier beaucoup plus que cela à ses disciples. Il leur rend « le service de l’esclave », dit Benoît XVI, « il s’anéantit lui-même », selon l’expression de Saint Paul aux Philippiens. Le Pape y voit un geste contraire à celui d’Adam, qui avait essayé par ses propres forces de tendre vers le divin, se laissant séduire, comme Eve, par le mensonge du serpent satanique : « si vous mangez du fruit de l’arbre, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux, possédant la connaissance du bien et du mal ». Le Christ, à l’inverse, est descendu de sa divinité au point de devenir homme, « prenant la condition d’esclave », et il s’est fait obéissant jusqu’à la mort sur une croix. Tout cela est rendu visible à travers un seul geste, dit Benoît XVI, dans son dernier livre « Jésus de Nazareth », que je cite : « « Par un acte symbolique, Jésus manifeste l’ensemble de son service salvifique. Il se dépouille de sa splendeur divine, il s’agenouille, pour ainsi dire, devant nous, il lave et sèche nos pieds sales pour nous rendre capables de participer au banquet nuptial de Dieu.
Si dans l’Apocalypse – poursuit le Pape- nous trouvons l’affirmation paradoxale selon laquelle ceux qui sont sauvés « ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau », cela veut dire que c’est l’amour de Jésus jusqu’à la fin qui nous purifie, nous lave. Le geste du lavement des pieds exprime précisément cela : l’amour serviable de Jésus est ce qui nous rend capables de Dieu, nous rends « purs ».
L’apôtre Pierre n’a pas compris cela aussitôt. Dans sa spontanéité, il s’insurge contre ce que Jésus s’apprête à faire, et qui lui paraît indigne du maître si vénéré : « tu ne me laveras pas les pieds, non, jamais ! ». Mais quand il saisit que c’est la condition pour rester en union avec le Christ, il est aussi prompt à répondre : « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! »
Jésus ajoute : « vous-mêmes, vous êtes purs … mais non pas tous. »
Dans le passage du lavement des pieds, remarque Benoît XVI, le mot « pur » revient trois fois. « Pour pouvoir comparaître devant Dieu, pour entrer en communion avec Dieu, l’homme doit être « pur ». Mais plus il entre dans la lumière, plus il se sent sale et plus il éprouve le besoin de purification.
Le pape pose alors la question : « Comment le cœur de l’homme devient-il pur ? Qui sont les hommes au cœur pur, qui peuvent voir Dieu ? »
Dans les Actes des Apôtres, Pierre donne un élément de réponse au sujet des pharisiens convertis à la foi au Christ. Faut-il leur imposer la circoncision ? « Dieu n’a pas fait de distinction entre eux et nous, répond Pierre, puisqu’il a purifié leur cœur par la foi. » « La foi purifie le cœur. Elle vient de Dieu qui se tourne vers l’homme. La foi naît parce que les hommes sont touchés intérieurement par l’Esprit de Dieu, qui ouvre leur cœur et le purifie. »
L’Evangile était introduit par cette parole du Christ, ce commandement nouveau : « aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ». C’est un exemple que je vous ai donné, conclut Jésus, afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous »
Que ce soir du jeudi saint nous fasse entrer davantage dans les perspectives du Seigneur, qui nous ouvrent au service des autres, dans un amour fraternel.
P. Jean Rouillard
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire