26 décembre 2009

Homélie du 27 décembre 2009

Homélie de la fête de la sainte famille 2009 - année C

Imaginez un homme dans le désert … il fait chaud, il a soif, il marche avec peine le long d’une citerne remplie d’eau, mais comme il n’ouvre pas le robinet, il ne parvient pas à boire …

Nous avons, aujourd’hui, une citerne remplie de Sagesse : le magistère de l’Eglise, l’enseignement des Papes, de quoi désaltérer intelligence et cœur … Avez-vous lu « familiaris Consortio ? » (1981)

Elle s’adresse aux familles, bien sûr, celles qui vont bien, mais aussi à celles qui vont mal, ou à tous c’eux qui s’interrogent … tout le monde a soif !

« Elle s'adresse en particulier aux jeunes qui s'apprêtent à s'engager sur le chemin du mariage et de la famille, afin de leur ouvrir de nouveaux horizons en les aidant à découvrir la beauté et la grandeur de la vocation à l'amour et au service de la vie. »

L’exhortation Familiaris Consortio de Jean-Paul II, malgré ses 28 ans n’a pas vieilli du tout. Réalisme, bonté, courage, ouverture d’esprit, c’est le cocktail que nous goûtons avec délice, lorsque nous la lisons …

Comme une invitation à la lecture, et en prolongement de l’Evangile que nous venons d’entendre, je souligne avec vous trois aspects importants :

Familiaris Consortio fut écrit un an après le synode des évêques sur la famille (1980) : pour répondre à une question concernant le mariage et la famille, il est recommandé par les évêques, au cours de ce synode, de «revenir au commencement», attitude fondamentale de Jésus (attitude fondamentale de l’Eglise) qui consiste à tojours partir de la création pour résoudre une difficulté.

Le premier enseignement de Jésus sur la famille est sa propre vie de famille, nous ne venons de l’entendre, et puis, lorsqu’on lui demande si l’on peut répudier sa femme, il répond (Mt 19) « au commencement, il n’en était pas ainsi »

« Au commencement » , premier mot de la Genèse, premier « mot » du Credo (« créateur du Ciel et de la terre ») est donc pour Jésus et pour l’Eglise la base de tout raisonnement

C’est une leçon que nous pouvons retenir pour bien d’autre sujets que l’amour, le mariage et la famille, mais qui convient particulièrement pour ces trois réalités qui furent présentes dès la création et auxquelles le Christ a donné une dimension tout autre, c’est le deuxième aspect.

Il y a deux mystères spécifiques au christianisme qui éclairent merveilleusement l’amour le mariage et la famille, ce sont la Trinité et la Croix !

la Trinité est une « famille », dans laquelle se vit une communion, c’est-à-dire une distinction entre les personnes et une parfaite égalité entre elles. On dit du Fils : « il est Dieu, né de Dieu, lumière né de la lumière … ; on dit de l’Esprit : « avec le Père et le Fils il reçoit même adoration et même gloire ». Distinction des personnes, égalité parfaite puisqu’il n’y a qu’un seul Dieu … et de même « ils ne sont plus deux, mais ils ne font qu’un », dit Jésus sur les époux, montrant la ressemblance entre famille et Trinité.

C’est la raison pour laquelle Dieu a voulu la famille, comme un miroir de son propre mystère et la Trinité un enseignement vivant sur ce à quoi doit ressembler la famille. A cela, il faut ajouter que la Trinité n’est pas seulement un modèle, mais aussi une source de force, de bénédiction, de protection

Avec la Trinité, la croix est un mystère très éclairant. Pourquoi ?
A vrai dire, c’est de la crèche à la croix que Jésus montre à quel point l’amour est un don, et non seulement une attirance mutuelle ; « aimer c’est tout donner et se donner soi-même » disait Sainte Thérèse de Lisieux. Dieu se donne à l’humanité en se faisant homme et il se donne jusqu’au bout sur la croix

Jean-Paul II continue : « la charité conjugale (…) est la façon propre et spécifique dont les époux participent à la charité du Christ se donnant lui-même sur la croix, et sont appelés à la vivre. »

Se donner l’un à l’autre, se donner à leur enfants, se donner à tous leurs frères, dans des cercles de plus en plus larges, voilà le programme de la vie des époux, à l’imitation de Jésus.

Je termine avec le troisième aspect, après le fameux « retour au commencement » et l’originalité du christianisme en matière familiale, je veux parler de la question de la liberté.

Un “tube” des années 80 disait : « t’es OK t’es bat’, t’es in ... tu me dis que je suis une fille super, et tu m’as l’air sincère, tu me dis que tu voudrais m épouser, mais j’veux ma liberté ». Y a-t-il opposition entre liberté et mariage ? C’est tout le contraire ! Quelle est la racine, l’origine des problèmes que rencontrent les familles aujourd’hui ? Bonne question ! Voici la réponse du magistère de l’Eglise :

« A la racine de ces phénomènes négatifs, il y a souvent une corruption du concept et de l'expérience de la liberté, celle-ci étant comprise non comme la capacité de réaliser la vérité du projet de Dieu sur le mariage et la famille, mais comme une force autonome d'affirmation de soi, assez souvent contre les autres, pour son bien-être égoïste. »

La liberté a besoin de la vérité pour conserver sa dignité. La liberté est comme l’être humain : il n’est pas bon qu’elle soit seule. Etre libre, c’est faire le bien, sans se laisser influencer par son égoïsme ou par autrui. « La vérité vous rendra libres », disait Jésus. Rendons grâce à Dieu pour la sagesse de l’Eglise, et écoutons quelques uns des derniers mots de l’exhortation du vénérable Jean-Paul II :

« Que saint Joseph, «homme juste», travailleur infatigable, gardien absolument intègre de ce qui lui avait été confié, garde ces familles, les protège, les éclaire toujours!

Que la Vierge Marie, qui est Mère de l'Eglise, soit également la Mère de l'«Eglise domestique»! Que grâce à son aide maternelle, toute famille chrétienne puisse devenir vraiment une «petite Eglise» dans laquelle se reflète et revive le mystère de l'Eglise du Christ ! »


P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 25 décembre 2009

Homélie du jour de Noël 2009 - année C
Vous souvenez-vous de cette rencontre un peu mystérieuse entre Nicodème et Jésus au chapitre 3 de l’Evangile selon saint Jean ? Elle est éclairante pour commenter l’Evangile de d’aujourd’hui (chapitre 1) : l’évangéliste précise que Nicodème vint voir Jésus « nuktos », « de nuit » … il est vrai que la nuit tombe à 17h là-bas, mais ce détail est en réalité très important ! Les ténèbres lui permettent de ne pas se faire repérer mais il y a aussi d’autres ténèbres : le terrorisme intellectuel des opposants à Jésus, qui procède des ténèbres du péché, et c’est malgré les ténèbres que la conversation s’engage entre Jésus et Nicodème, conversation où Jésus annonce que le baptême est une renaissance, une nouvelle naissance.

Eh bien c’est également dans les ténèbres, entouré de ténèbres, que Jésus est né : des ténèbres matérielles (les mages sont guidés par les étoiles ; les bergers font une veille de nuit) et les ténèbres spirituelles (jalousie d’Hérode ; le rejet des différentes hôtelleries).

Vous savez bien, par ailleurs, que Jésus est ressuscité de nuit ! ça n’est que le lendemain matin que les femmes s’aperçoivent qu’il n’est plus au tombeau …

Jésus est vraiment la lumière qui vient au milieu des ténèbres : les ténèbres matérielles (c’est une manie, chez lui, de faire les choses les plus importantes la nuit) et les ténèbres spirituelles. Et là, il faut ajouter un détail : il y a ténèbres non seulement lorsque les hommes rejettent Dieu mais aussi lorsque les hommes attendent ou ignorent Dieu, comme lorsqu’on a besoin d’une lumière pour avancer dans la nuit ou en sortir …

Jésus vient, aujourd’hui encore, pour briller dans les ténèbres : « le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière », dit le prophète Isaïe

Les ténèbres sont de trois ordres, aujourd’hui : d’ordre matériel, comme toujours ; d’ordre spirituel, comme toujours ; d’ordre psychologique, comme toujours mais d’une façon beaucoup plus accentuée de nos jours.

Psychologiquement, on peut avoir le sentiment d’être dans le noir, et il est certain, bien que cela ne soit pas central, je l’ai vu maintes et maintes fois, que la présence de Jésus est excellente pour le moral : il est un confident, un ami sûr …

Spirituellement, être dans les ténèbres peut signifier « être dans l’ignorance de Dieu, ne pas savoir d’où vient la vie et où elle mène » c’est un aspect très répandu aujourd’hui !

Etre dans les ténèbres n’épargne pas les chrétiens, qui peuvent s’habituer au mal, comme font nos yeux dans l’obscurité, en s’habituant à certains péchés de sorte qu’ils finissent pas ne plus voir le mal. J’ai eu en effet un jour une conversation hallucinante avec une personne qui me disait tranquillement que selon elle « le vol n’était pas un péché » ! Elle s’était tellement habituée à « se servir » dans le cadre de son travail qu’elle avait fini par rayer le vole de « sa » liste de péchés …

Le saint Curé d’Ars disait : « l’Esprit Saint est une lumière et une force. Grâce à lui, on peut distinguer le vrai du faux, le bien du mal. » La conception de Jésus, la naissance virginale, la résurrection sont l’œuvre de l’Esprit Saint, et donc, notre renaissance spirituelle, qui dépend de tous ces évènements, sera l’œuvre de l’Esprit Saint.

Le saint Curé disait également : « Sans l’Esprit-Saint, tout est froid. Aussi, lorsque l’on sent que notre amour de Dieu diminue, il faut vite faire une prière à l’Esprit-Saint. Alors son souffle passera sur nous et notre âme sera renouvelée comme par ce vent chaud qui fait fondre la glace et qui ramène le printemps »

Le printemps dont il est question est annoncé par Pâques et cet itinéraire de Noël à Pâques, est bien sûr l ‘œuvre de Dieu mais aussi la nôtre : Jésus a dit « vous êtes la lumière du monde », ce qui veut dire que, non seulement nous devons éclairer notre propre ténèbre, mais aussi, tout en ravivant la flamme, sans attendre la perfection angélique, l’exposer aux regards de ceux qui cherchent la lumière. Je connais quelqu’un qui a invité quelques personnes pour Noël en leur disant : « pourquoi ne viendrais-tu pas à la messe de Noël cette année ? » Voilà une manière simple d’évangéliser ! Il ne faudrait pas passer Noël sans trouver un moyen de communiquer la lumière à ceux qui sont dans les différentes ténèbres existantes …

La bonne nouvelle, c’est que, bien malgré elle, la ténèbre fait ressortir la lumière, dont l’éclat brille d’avantage quand elle est baignée de ténèbre : sa puissance est limitée, et Dieu est tout-puissant !

P. Emmanuel d'Andigné

25 décembre 2009

Bonus pour Noël 2009 !

Reconnaissance des Juifs envers Pie XII

Quelques faits historiques rappelant la gratitude des Juifs à l'égard de Pie XII.

• 13 février 1945, Israële Zolli (1881-1956), Grand Rabbin de Rome, se converti au catholicisme et prend pour nom de baptême Eugène, en hommage à Eugène Pacelli, alias Pie XII.

• 7 septembre 1945. Giuseppe Nathan, commissaire de l’Union des communautés israélites, rend grâce « au souverain Pontife, aux religieux et aux religieuses qui n’ont vu dans les persécutés que des frères, selon les indications du Saint-Père" (L’ Osservatore Romano, 8-9-1945) ».

• 21 septembre 1945. Le docteur Leo Kubowitski, secrétaire du Congrès Juif Mondial, est reçu par Pie XII afin de lui présenter ses remerciements pour l’oeuvre effectuée par l’Eglise Catholique dans toute l’Europe en défense du peuple juif. (L’ Osservatore Romano, 23-9-1945).

• 11 octobre 1945. Le Congrès juif mondial offre 20 000 dollars au Vatican en reconnaissance des efforts de la Sainte Eglise catholique romaine dans le sauvetage des Juifs persécutés par le nazisme et le fascisme (New-York Times, 11 octobre 1945).

• 29 novembre 1945. Le pape reçoit 80 délégués des réfugiés juifs, provenant de camps de concentration allemands, « très honorés de pouvoir remercier personnellement le Saint-Père, pour la générosité qu’il leur a démontrée pendant la terrible période nazie ».

• 26 mai 1955. 94 musiciens juifs, de l'orchestre philharmonique d'Israël, sous la direction de Paul Kletzki, ont joué sous les fenêtres du Vatican « en reconnaissance de l’œuvre humanitaire grandiose accomplie par le Pape pour sauver un grand nombre de juifs pendant la seconde guerre mondiale ».

• 9 Octobre 1958. A la mort de Pie XII, le Premier Ministre Israélien Golda Meir déclare : « Pendant la décennie de terreur nazie, quand notre peuple a subi un martyre terrible, la voix du pape s’est élevée pour condamner les persécuteurs… Nous pleurons un grand serviteur de la paix ».

• 10 Octobre 1958. Le Dr. Elio Toaff, Grand Rabbin de Rome, déclare : « Les juifs se souviendront toujours de ce que l’Eglise catholique a fait pour eux sur l’ordre du Pape au moment des persécutions raciales ». Il ajouta : « de nombreux prêtres ont été emprisonnés et ont sacrifié leur vie pour aider les juifs ». (Le Monde 10.10.1958).

• 1963. M. Pinchas Lapide, consul d’Israël à Milan du vivant de Pie XII, déclare au journal Le Monde : « Je peux affirmer que le pape, le Saint-Siège, les nonces et toute l’Eglise catholique ont sauvé de 150.000 à 400.00 juifs d’une mort certaine… L’église catholique sauva davantage de vies juives pendant la guerre que toutes les autres églises, institutions religieuses et organisations de sauvetage réunis ». (Le Monde le 13.12.1963).

• 1975. Le Dr Safran, Grand Rabbin de Roumanie, a estimé à 400.000, les juifs de Roumanie sauvés de la déportation par l’œuvre de St Raphaël organisée par Pie XII. « La médiation du Pape sauva les juifs du désastre, à l’heure où la déportation des Roumains était décidée » (Pie XII face aux nazis, Charles Klein - S.O.S. 1975).

• 16 Février 2001. Le grand rabbin de New York, David Dalin, déclare que Pie XII était injustement attaqué alors qu’il peut être considéré comme “un juste”, aux yeux des Juifs. « Il fut un grand ami des Juifs et mérite d’être proclamé “Juste parmi les Nations” parce qu’il a sauvé beaucoup de mes coreligionnaires, bien plus même que Schindler… Selon certaines statistiques, au moins 800.000". Il rend hommage à l’écrivain Antonio GASPARI pour son ouvrage "Les juifs sauvés par Pie XII" et rappelle qu’"au cours des mois où Rome a été occupée par les nazis, Pie XII a donné pour instruction au clergé de sauver des juifs par tous les moyens". Lorsqu’on a remis au cardinal Palazzini la médaille des "justes" pour avoir sauvé des juifs, il affirmait : "le mérite en revient entièrement à Pie XII" ». Le Grand Rabbin Dalin conclut : « Jamais un pape n’a été autant félicité par les Juifs. Immédiatement après la Seconde Guerre Mondiale et durant les années qui ont suivi, des centaines de manifestations d’estime envers Pie XII ont été apportées à son égard de la part des plus hautes autorités d’Israël depuis Mme Golda Meir et le Grand Rabbin de Jérusalem, jusqu’au Grand Rabbin de Rome, Elio Toaff » (Interview au Weekly Standard).

• 13 Octobre 2008 : Plusieurs Juifs italiens témoignent devant les caméras avoir été sauvés par des membres de l'Eglise, avec le soutien de Pie XII, lors des persécutions nazies. Parmi eux, Emanuele Pacifici, le fils de Riccardo Pacifici, rabbin de Gênes durant la guerre.

source : http://www.pie12.com/index.php

Homélie du 24 décembre 2009

Homélie de la nuit de Noël 2009
lettre à St Jean-Marie Vianney, curé d’Ars
Angers, le 24 décembre 2009

Mon Cher Confrère,
Permettez-moi de vous appeler ainsi, bien que je mesure, comme vous l’avez éprouvé vous-même en votre temps, tous les obstacles qu’il y a en moi à la très belle grâce du sacerdoce. C’est bien la même grâce, pourtant, que nous avons reçue, vous et moi, et nos deux confrères Jean, ici : le sacerdoce unique de Jésus, qui se manifeste, tant bien que mal, dans tous les prêtres du monde. Si nous avons confié cette année sacerdotale à votre bienveillante protection, c’est bien pour que nous prenions confiance en nous et en fait confiance en Dieu, qui veut que chacun de ses enfants devienne saint et soit par conséquent parfaitement heureux.

Un jour, vous avez dit :
« Sans le Saint-Esprit nous sommes comme une pierre du chemin. Prenez dans une main une éponge imbibée d'eau, et dans l'autre un petit caillou; pressez-les tous les deux. Il ne sortira rien du caillou, et de l'éponge vous ferez sortir de l'eau en abondance. L'éponge, c'est l'âme remplie du Saint-Esprit, et le caillou, c'est le coeur froid et dur où le Saint-Esprit n'habite pas. »

Avec votre permission, je voudrais continuer sur l’image … nous disposons aujourd’hui d’un outil extraordinaire –Internet-, et vous devez sourire, de là-haut, en voyant nos yeux hypnotisés et nos dos qui se courbent de plus en plus devant la boîte magique … mais vous conviendrez avec moi, qu’on y apprend plein de choses : on y apprend, tout d’abord, que l’éponge, au départ, est un animal, dont on prélève le squelette pour réaliser les bonnes vieilles éponges ; c’est un organisme vivant, ce qui fait une première ressemblance avec l’homme ;

mais vous sourirez, là franchement, en apprenant qu’il y a une autre ressemblance, et des plus intéressantes : en effet, les éponges sont des organismes hétérotrophes, ce qui veut dire, je le précise pour vous qui n’aimiez pas les mots compliqués, qu’ils ne peuvent pas se nourrir tout seuls, sans matière organique préexistante (et pourtant la plupart des plantes qui peuplent l’océan sont autotrophes, c’est-à-dire qu’elles se débrouillent pratiquement toutes seules pour manger) ; aucun être humain ne peut se passer des autres pour manger, nous avons besoin les uns des autres, et c’est pour cela que, astucieusement, en cette période de Noël, beaucoup de gens aujourd’hui se préoccupent de ceux qui n’ont rien à manger : c’est comme cela que l’humanité est digne d’elle-même, car nous ne sommes pas des plantes ;
et puis il y a autre chose : tout le monde sait bien qu’une éponge a finalement trois états :
L’état neuf, le bon état de celle qui sert régulièrement et la dureté, là encore, de l’éponge qui n’a pas servi depuis longtemps. Lorsque Dieu nous a créés, notre cœur était bon, puis très vite dur, comme une éponge qui avait été comme « asséchée » par le péché originel ; lorsque Dieu nous a recréés, le jour du baptême, notre cœur a été rempli de son amour qu’on appelle l’Esprit Saint. Mais il est si facile, hélas, vous le savez bien, de laisser l’éponge sur un coin ou dans un placard, en supposant étrangement que le ménage se fera tout seul. Il me semble, voyez-vous, que la dureté de l’éponge qui ne sert pas assez, je veux dire le cœur de l’homme qui ne se remplit pas de Dieu, n’a pas grand’chose à envier au caillou, et je préfère cette image, car on pourra toujours faire repartir une éponge et la faire servir encore un peu si on l’avait abandonnée, tandis qu’un caillou ne peut plus jamais servir une fois qu’il a durci.
Je comprends votre image à vous, elle est là pour secouer, réveiller celui qui dort. Mais je suis tellement persuadé que la cause d’un être humain n’est jamais désespérée que j’ose croire qu’il peut renouveler sa vie en recevant la grâce de Dieu et devenir vraiment nouveau ! Ne l’avez-vous pas prouvé dans le beau ministère de la confession ?
Aujourd’hui, c’est Noël. Cela veut dire qu’un fille d’Israël a bien voulu que l’Esprit descende en elle et qu’elle donne naissance au Messie. Il suffit donc que nos cœurs fassent la même chose : nous laisser remplir de cette eau divine qu’on appelle l’amour pour en quelque sorte « mettre au monde » Jésus. Avec vous, dans la communion des saints, je demande à Dieu pour ma paroisse la grâce de la conversion, que nos cœurs soient de plus en plus mouillés de l’amour divin, afin que le monde soit lavé de ses péchés et que l’humanité puisse redonner leur dignité aux pauvres.
Aujourd’hui, c’est Noël, et tout le monde sait bien que les enfants aiment cette fête. Et on dit -le disait-on à votre époque ?- que les enfants sont comme des éponges, ils apprennent beaucoup et très vite, ils absorbent toute eau qui se présente. Avec vous, dans la communion des saints je demande à Dieu qu’il nous donne à tous ce soir un cœur d’enfant, qui reçoit l’eau de l’amour de Dieu en toute simplicité.
Et ainsi, tout au long de notre vie, et même un peu après, en pressant sur nos cœurs, on pourra voir jaillir l’amour de Dieu, sans lequel, en vérité, on ne peut pas vivre. Et puis à quoi bon une éponge qui garderait l’eau pour elle ?
Je vous remercie, Cher Confrère, d’avoir vécu comme vous l’avez fait et de veiller sur nous depuis le Ciel, et je vous demande nous bénir.

P. Emmanuel d'Andigné

19 décembre 2009

Homélie du 20 décembre 2009

Homélie du 4ème dimanche de l'Avent - année C
Les gestes de la messe, suite et fin
Nous avons exploré une bonne partie des gestes de la messe, et nous allons bientôt être à cours d’explication, et ce pour trois raisons : la première, c’est que la somme des gestes n’est pas infinie, la seconde et la troisième touchent à la nature même de la liturgie :

Par nature, la liturgie donne naissance à des gestes sans qu’il y ait toujours une explication claire et avérée historiquement,car elle est l’expression de la foi, et qu’on ne peut pas enfermer dans un code unique et immobile le culte public que nous rendons à Dieu (pas plus, d’ailleurs, qu’on ne peut le faire dans le culte privé, personnel ou familial, la vie de prière, qui ne peut pas rester toute une vie figée). Nous allons en avoir une illustration dans un instant.

Et puis, troisième et dernière raison : par nature, la liturgie a quelque chose d’artistique, de « dramatique », au sens théâtral du terme. La liturgie, c’est le chef d’œuvre de la prière, elle est faite pour être belle, et comme toutes les œuvres d’art, une fois réalisée, elle se prête à l’interprétation et échappe bien vite à ceux-mêmes qui l’ont conçue, de sorte qu’elle devient (pardon pour le gros mot) "polysémique" : un même geste peut avoir plusieurs sens, pourvu que tous les sens qu’on ajoute et qu’on peut légitimement ajouter soient conformes à la règle de foi.

Ce principe bien connu est celui selon lequel tout ce que nous pensons soit compatible parfaitement avec l’ensemble de la Révélation que Dieu nous a faite, et c’est l’œuvre des Papes, surtout, que d’avoir veillé à cette règle de foi, pour faire le tri, en quelque sorte, entre les opinions passagères, les erreurs, les intuitions excellentes et les progrès dans la compréhension du dogme chrétien. Il faut toujours soumettre ses intuitions au magistère de l’Eglise

Juste avant de proclamer l’évangile, on se signe sur le front, la bouche et le cœur : pourquoi ?

L’histoire de ces petites croix est très compliquée, l’Orient et l’Occident ont évolué tous les deux dans plusieurs directions, toutes complémentaires) signant d’abord uniquement le front, puis progressivement en plus, la bouche et le cœur. Personne ne sait avec précision à quand remonte cette pratique, ni ce qu’elle pouvait signifier exactement au moment où elle fit son apparition …

Ce qui est très probable, c’est son lien avec le baptême, car depuis toujours on signe le front du baptisé : ce geste rappelle donc le baptême, et le fait que le mystère de la croix est fondamental pour l’efficacité d’un baptême vécu et assumé toute la vie.

Quant à sa signification pour nous aujourd’hui, je vous propose cette interprétation : tout d’abord, je constate avec vous que notre corps est vraiment concerné par la religion, c’est bien lui que nous marquons à trois reprises de la croix ; une religion que ne serait que du cœur, que de l’intelligence ou que du discours serait en danger de disparition ou d’idéologisation. Un homme est fait de corps autant que d’âme, son corps est donc un acteur respectable de la liturgie
(des gens s’affligent de n’être à la messe que de corps : à ceux-là, je voudrais dire que en attendant que le cœur et l’intelligence s’y mettent, si le corps est là, c’est déjà pas mal, et c’est une belle prière ! Bravo d’avoir déplacé vos corps jusqu’ici, recommencez dimanche prochain !)

Ensuite, pour ce qui est de l’intelligence, nous devons la nourrir, et pas seulement pendant l’homélie : la catéchèse adulte commence cette année le 12 janvier. Il faut nourrir sa foi, et demander à Dieu qu’il apporte, au moment de l’Evangile, un éclairage à notre intelligence.

Pour ce qui est du cœur, il est bon de faire un signe de croix dessus, pour éviter que notre élan spirituel se borne à des sentiments, même s’ils sont bons : la croix ajoutée au cœur donne à celui-ci une vraie profondeur.

Enfin, pour ce qui est de la croix sur les lèvres, j’y vois deux intérêts : que toutes nos paroles soient dignes de Jésus, et que nous ayons la simplicité et l’audace de répandre l’évangile dans cette paroisse, pour ne pas garder pour nous cette parole qui donne la vie.

L’Evangile d’aujourd’hui, et je termine par là, donne confiance à celui qui partira évangéliser : en effet, Marie s’est déplacée « en hâte », « rapidement », pour aller rendre visite à sa cousine et Jean-Baptiste, dans le sein de sa mère, a tressailli d’allégresse en présence de Marie qui lui portait Jésus …

Les personnes qui habitent tout près de chez nous sont comme Elisabeth, ils portent une espérance et une attente de Dieu, ils tressailliront d’allégresse si nous leur portons Jésus, ils verront enfin ce qu’ils espèrent au fond d’eux-mêmes. Que l’Esprit Saint nous communique sa hâte, et suscite de nombreuses visitations !

P. Emmanuel d'Andigné

15 décembre 2009

Homélie du 06 décembre 2009

Homélie du 2ème dimanche de l'Avent - année C
Qui arrive en premier ? La poule ou l’oeuf ? En liturgie, un problème analogue se pose : qui arrive en premier ? Le geste ou le cœur ? Les gestes nous permettent d’exprimer ce que nous avons dans le cœur ou dans la tête, c’est vrai … mais ils sont aussi à l’origine de ce que nous mûrissons dans notre tête ou notre cœur, d’où l’intérêt de cette méditation que nous allons faire pendant l’Avent sur les gestes de la messe.
le geste de l’Orant
Dom Guéranger, le fameux bénédictin du XIXème siècle qui restaura l’ordre des bénédictins et fonda l’abbaye de Solesmes , grand spécialiste de la liturgie, relie ce geste directement à la croix, en déclarant : « Le Prêtre doit avoir les bras étendus pour dire la Collecte (entendez la prière d’ouverture, au tout début de la messe). II observe en cela l’ancienne manière de prier des premiers Chrétiens. De même que Notre Seigneur a prié sur la Croix, les bras étendus, de même les premiers Chrétiens s’adressaient-ils à Dieu en étendant les bras. Cet usage des premiers Chrétiens nous est transmis en particulier par les peintures des Catacombes, qui représentent toujours ainsi la prière : d’où le nom d’Orantes donné à ces représentations. »

L’origine de ce geste est donc avant tout traditionnelle, c’est-à-dire reposant sur le fait que les premiers chrétiens l’ont fait avant nous, ça n’est que dans un second temps que l’on a pu rattacher ce geste à la croix. St Jean-Marie Vianney, à titre d’illustration, célébrait la messe selon le rite lyonnais, c’est-à-dire notamment les bras en forme de croix, considérant donc clairement que cette coutume se rattache à la croix.

Bien sûr on ne peut s’empêcher de penser que c’est une façon de tourner son corps vers le ciel, car en levant les bras, on touche le ciel. Selon vous, où commence le ciel ? Il commence là où s’arrêtent nos cheveux (je suis donc plus proche du ciel qu’un certain nombre d’entre vous…).
Progressivement, en Occident, les fidèles ont cessé de lever les bras pendant la prière, et ce geste n’est obligatoire dans le rite romain que pour le prêtre ; l’histoire dira si la reprise de ce geste en particulier dans le renouveau charismatique est un épisode ou un prélude à une reprise : la liturgie a besoin de temps pour éprouver les gestes et les canoniser. Wait and see …

Mais le prêtre n’a pas seulement les bras levés vers le ciel, il les abaisse aussi au moment de l’épiclèse (l'imposition des mains) : c’est le moment où les offrandes, le pain et le vin, sont couvertes par l’Esprit-Saint et deviennent le corps et le sang du Christ.

Ce geste de l’imposition des mains remonte à l’Ancien Testament et consistait précisément en ceci : le prêtre qui offrait un sacrifice d’animal se voyait présenter la bête et imposait les mains à celle-ci pour la séparer de l’usage profane, elle devenait en quelque sorte « sacrée » et ne pouvait plus servir qu’à cet usage. La victime, en hébreu «olah » en latin, se dit « hostia » : si on appelle l’hostie ainsi, c’est pour rappeler que nous recevons en nous la victime, l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde, Jésus, qui s’est offert en sacrifice sur la croix. Encore une fois le sacrifice, décidément …

Par ce geste, donc, le prêtre sépare ce pain et ce vin de l’usage profane, pour qu’ils soient consacrés. Et que faut-il faire au moment de la consécration ? Si l’on s’en tient au texte officiel (Présentation Générale du Missel Romain, n°43), il est demandé aux fidèles de se mettre à genoux, de l’épiclèse à l’anamnèse… si l’on s’en tient à l’histoire récente, en France, du moins, c’est un peu plus compliqué que cela.

Je vous propose donc de considérer cette question avec humour et décontraction. Pour l’humour, je fais appel à Voltaire, pour la décontraction à notre bon sens !

Zadig, chapitre 7. « Il y avait une grande querelle dans Babylone qui durait depuis quinze cents années, et qui partageait l'empire en deux sectes opiniâtres : l'une prétendait qu'il ne fallait jamais entrer dans le temple de Mithra que du pied gauche ; l'autre avait cette coutume en abomination, et n'entrait jamais que du pied droit. On attendait le jour de la fête solennelle du feu sacré pour savoir quelle secte serait favorisée par Zadig. L'univers avait les yeux sur ses deux pieds, et toute la ville était en agitation et en suspens. Zadig entra dans le temple en sautant à pieds joints, et il prouva ensuite, par un discours éloquent, que le Dieu du ciel et de la terre, qui n'a acception de personne, ne fait pas plus de cas de la jambe gauche que de la jambe droite."

Je sais fort bien que cette question est délicate, et qu’elle correspond, dans le cœur d’un certain nombre d’entre vous à une histoire, à des principes, à une éducation et finalement aujourd’hui à la sensibilité religieuse comme on dit. Mais je sais aussi que beaucoup de gens (et je pense en particulier aux jeunes) n’ont jamais eu d’information à ce sujet et aimerait bien savoir, tout simplement. Il faut éviter, en tous les cas, je crois, de durcir la question, et d’en faire un combat, pour ou contre.

Pour plagier notre chère Sainte Bernadette, je vous dirais bien : « je ne suis pas chargé de vous le faire faire, je suis chargé de vous le dire ». Ce geste existe dans toutes les religions depuis que l’homme est homme, pour signifier l’abaissement devant la majesté divine. Pourvu que nous retenions de Voltaire (qui justement était distant par rapport à la religion !) un certain détachement, un certain humour, qui fasse que le geste n’étouffe pas le cœur, mais le serve et l’aide à grandir. C’est d’ailleurs pour cette raison que la réforme liturgique a réduit au minimum ce geste, afin qu’il garde son sens.

Et à propos de sens, c’est le bon sens aussi qui doit nous guider : si l’âge ou la maladie ou le handicap ou un problème de genoux nous en empêche, la question ne se pose même pas.

Et enfin, je puis donner, toujours dans le « chapitre » du bon sens, la suite de la citation qui concerne l’agenouillement : « Ils s´agenouilleront pour la consécration, à moins que leur état de santé, l´exiguïté des lieux ou le grand nombre des participants ou d´autres justes raisons ne s´y opposent. Ceux qui ne s’agenouillent pas pour la consécration feront une inclination profonde pendant que le prêtre fait la génuflexion après la consécration ». Ce texte est remarquable de précision et d’humanité.

Le geste de paix, à qui je donne le dernier mot, est un beau moyen de nous relier à l’ambiance des premiers chrétiens, telle que la décrivent les Actes des Apôtres, auxquels nous avons été initiés le 24 novembre dernier, simplicité de cœur, attention fraternelle, partage … c’est un geste très ancien, là encore, qui mérite d’être souligné : je cite encore une fois la PGMR :« Tous se manifestent la paix, la communion et la charité mutuelle ».

N’est-ce pas là le programme fondamental d’une paroisse ?

P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 29 novembre 2009

Homélie du 1er dimanche de l'Avent - année C
A la demande des catéchistes de la paroisse, je vais inaugurer aujourd’hui une méditation sur les gestes de la messe : gestes que nous faisons peut-être mécaniquement, et dont nous voudrions parfois connaître le sens, si c’est possible …
Faisons, tout d’abord, un peu d’histoire : le 08 décembre 1965, le Pape Paul VI confiait à l’Immaculée le devenir de l’Eglise, en clôture du Concile Vatican II. Quatre ans plus tard, une réforme liturgique était mise en place, pour tenir compte, dans la liturgie, des grandes intuitions du Concile. Cette réforme, naturellement, contenait des éléments traditionnels, car la liturgie est toujours fondamentalement la même « action du peuple » (leitourgia) par laquelle elle reçoit de Dieu tout ce dont les hommes ont besoin pour trouver nourriture, pardon, force, vie éternelle. Cependant, des « modernisations » semblaient nécessaires, qui allèrent, en général, dans le sens de la simplification.
Le signe de croix, geste fondamental s’il en est, a deux sens : tout d’abord il rappelle la foi en la Trinité (Dieu est unique en trois personnes), car c’est ainsi que Dieu s’est révélé à nous par Jésus-Christ ; si ce point nous ennuie, intellectuellement, sachons tout simplement recevoir Dieu comme il est, même si cela nous échappe en grande partie, de même qu’un mari reçoit sa femme comme elle est ou sa femme son mari, sans qu’il toujours possible de tout saisir, n’est-ce pas ? …
Le signe de croix rappelle également, bien sûr, et c’est le deuxième aspect, la mort de Jésus, de sorte que nous pouvons redire ce qu’est la messe : le renouvellement non-sanglant du sacrifice de Jésus sur la croix, plutôt qu’un simple « rassemblement des chrétiens », comme je l’entends souvent, définition juste au plan sociologique, mais un peu insuffisante au plan spirituel. Si nous pouvons fêter le dimanche la résurrection du Christ, c’est bien parce que la messe nous met en présence de la passion et de la mort de Jésus.
Vous connaissez peut-être Jacqueline, la voyante encore vivante de l’Ile Bouchard, qui raconte comment la Vierge lui a en quelque sorte « dicté » le signe de croix, avec une extrême lenteur … il est bien sûr impossible que nous fassions de même au quotidien et dans la liturgie, mais tout au moins, de temps en temps, dans le secret de notre chambre, c’est sûrement excellent de pratiquer cette extrême lenteur, afin « d’habiter » ce geste et lui donne un peu de profondeur, y compris dans la liturgie, où il doit être fait plus vite. Nous faisons le signe de croix au moins à trois reprises dans la messe : au début de celle-ci, pour nous mettre en présence du sacrifice de Jésus, au moment de l’épiclèse pour bénir pain et vin qui deviendront corps et sang de Jésus, à la fin de la messe, pour nous inviter à demeurer en présence de la croix, source de toute sagesse. De la croix jaillissent toutes les grâces, tous les sacrements puisent leur force du côté ouvert de Jésus : c’est ce qui a fait dire au Concile que l’Eucharistie est « la source et le sommet » de toute la vie chrétienne ».
Il est donc bien naturel, une fois ceci dit, que en présence du crucifié, nous prenions conscience de nos péchés et de notre indignité : c’est la raison pour laquelle nous nous frappons la poitrine –autre geste !- au moins une fois par messe, et souvent deux. « Oui, j’ai vraiment péché », dit-on en se frappant la poitrine durant le je confesse à Dieu, et de toutes façons juste avant de communier, « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri ». C’est un geste purement conventionnel que celui-ci, car d’autres peuvent exprimer la pénitence ; cependant, profitons de ce que ce geste touche le muscle cardiaque -qu’on appelle cœur aussi- pour reconnaître que la religion est avant tout une affaire du cœur et ensuite seulement un stimulant et une lumière pour l’intelligence ; « tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur qui se tourne vers toi », dit le psaume 50.
Le violet dont sont revêtus diacres et prêtres pendant l’Avent témoignent de cet esprit de pénitence et de conversion qu’exprime la « coulpe », se frapper la poitrine ; car pour préparer la venue de Jésus, « l’Avent » de Jésus, il est bon de contempler le jugement dernier et de s’y préparer. L’Evangile aujourd’hui remplit cette fonction. Face à cette perspective du jugement, il y a deux écueils à éviter : la niaiserie du « on ira tous au Paradis » et la dureté d’un dieu qui n’a pas l’air de se rendre compte qu’on peut avoir du mal à le suivre. Au milieu de ces deux écueils, se dresse un mot magnifique : Justice ! Il est juste, n’est-ce pas, que mère Teresa et Ben Laden ne soient pas « reçus » de la même façon au Ciel …Nous ne sommes ni Mère Teresa ni Ben Laden, et donc notre jugement sera proportionné à ce que nous sommes, mais sur la même échelle de l’amour. La crainte en face du jugement est due à nos compromissions avec le péché, celui qui se convertit, par conséquent n’a rien à craindre du jugement, au contraire, il l’attend, il y trouvera sa récompense.
Nous continuerons cette méditation sur les principaux gestes de la messe pendant l’Avent, afin de progresser en profondeur dans notre relation avec Dieu, Source de notre Salut et de notre joie !

P. Emmanuel d'Andigné

01 décembre 2009

Homélie du 22 novembre 2009

Homélie du 34ème dimanche du Temps ordinaire (Christ Roi) - Année B
« Alors ? Es-tu vraiment le roi des Juifs ? ».

Jésus n’est pas roi comme les rois de la terre, mais il est roi, il vient de le dire, parce qu’il est porteur de vérité, parce qu’il est venu parmi nous la révéler et qu’il est lui-même la Vérité.

La royauté de Jésus n’est pas une royauté d’appartenance à un groupe ou une royauté d’autorité. C’est une royauté d’amour qui n’écrase personne. Jésus n’oblige personne à le suivre. C’est une royauté spirituelle tournée vers la promesse de la vie éternelle.

Un amour qui appelle et qui ne contraint pas. Au jeune homme riche il dit : « Viens et suis-moi ». Il lui propose de le suivre et de laisser tous ses biens. Dans un premier temps le jeune homme riche décline l’offre. Jésus le laisse libre. L’évangile ne nous dit pas s’il changera d’avis. Jésus nous laisse libres de faire un chemin à l’intérieur de nous-mêmes.

C’est une royauté d’amour dont le roi se laisse livrer sans défense à ses ennemis, un chef sans gardes du corps, sans services secrets, un roi sans armes, un roi d’amour qui ne force personne ni à le suivre ni à croire en lui.

Il chasse les démons, il guérit les malades, il domine la mer en furie, mais il ne demande rien en retour. C’est un amour totalement gratuit. Il nous laisse libres.

Son royaume ? On ne peut pas le saisir, vous auriez du mal à le trouver sur une carte. Son royaume ? On ne le voit pas mais il ne demande qu’à grandir au fond de nos cœurs. Jésus est roi mais à la manière de Dieu.

Dieu son Père n’écrase personne pas même ses ennemis. Aucune obligation, aucune intimidation. Jésus nous dit que « (son Père) … fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes » (Mt 5, 45), car nous sommes tous enfants de Dieu. Dieu aime même ceux qui ne l’aiment pas. Il nous demande de le suivre en faisant de même.

Est-ce que vous connaissez un chef politique qui tiendrait le même langage ?

Non vraiment la royauté de Jésus ne vient pas de ce monde, sa royauté ne vient pas d’ici. La royauté de l’amour est aussi une royauté de service. Jésus est Roi, mais il est venu non pas pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude des hommes croyants et incroyants réunis. Jésus n’a pas d’autre ambition que le service.

Jésus disait à ses disciples « Si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur. Et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous » (Mc 10, 43-44). Je pense avoir déjà cité cette phrase, mais étant diacre, il est normal qu’elle résonne profondément au fond de moi.

Et cela me permet de faire une parenthèse au sujet de mon habit liturgique. On m’a quelquefois posé la question. Ce n’est pas la chasuble du prêtre mais une dalmatique. Elle est en forme de croix avec des manches courtes et revêt les couleurs du temps liturgique. Ce vêtement est dérivé d’un vêtement civil romain originaire de Dalmatie et dont l’usage liturgique remonte au IVème siècle. Blanche à l’origine, la dalmatique prendra ensuite les couleurs de la chasuble avec deux bandes verticales devant et dans le dos. On dit que ce vêtement symbolise la joie, et aussi le service des frères.

Il y a bien un paradoxe à fêter un Roi qui a vaincu non pas une armée mais le péché et la mort par sa résurrection. Nous osons dire que le Christ est déjà Roi. Seule la foi nous permet de célébrer une telle fête.

Les Hébreux eux aussi fêtaient un Roi sans armées. Au psaume 92 le psalmiste chante : « Le Seigneur est roi, il a revêtu sa force. Notre Dieu nous a libérés, il nous a proposé une alliance et son trône tient bon depuis l’origine du monde ». Les Hébreux étaient dans l’attente du Messie qui allait les délivrer.

Dans une semaine, la liturgie va nous faire revivre l’attente de la venue du Messie. L’attente du Christ Roi à la fin des temps est du même ordre que l’attente de l’enfant Roi venu en notre monde pour nous sauver. L’Eglise nous propose dans les deux cas une démarche nous aidant à mieux comprendre quelle est la royauté de Jésus.

Seigneur, ouvre nos cœurs à l’intelligence de ta Parole. Ainsi soit-il.

Jean-Paul Rousseau, diacre

17 novembre 2009

Homélie du 15 novembre 2009

33ème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – ANNEE B


15 novembre 2009


Dans quinze jours, le dimanche 29 novembre, nous célébrerons le premier dimanche de l’Avent. Ce sera le début de la nouvelle année liturgique. Ce qui veut dire que nous approchons de la fin d’une année liturgique. Nous sommes donc dans le temps où l’Eglise, chaque année, nous fait relire des textes concernant la fin des temps, la fin du monde, et de ce fait la fin de notre vie personnelle.

Ces chapitres des Ecritures sont bien différents des paraboles, souvent pittoresques, employées par Jésus pour faire comprendre par des images simples et un langage familier les réalités de la vie spirituelle et le comportement que nous devons corriger pour devenir de meilleurs chrétiens.

Même s’il y a une comparaison avec le figuier et ses nouvelles feuilles, qui donnent une image concrète et fraiche, reconnaissons que ces chapitres sont particulièrement austères et sévères. Et pourtant ils annoncent la venue du Fils de l’Homme, vainqueur du péché et de la mort.

Comme le plus souvent, la première lecture et l’Evangile se répondent assez précisément. Entre les deux, la lettre aux Hébreux fait le lien entre l’Ancien et le Nouveau Testaments. Dans l’Ancienne Alliance, les prêtres offraient chaque jour, debout, avec respect, les mêmes sacrifices « qui n’ont jamais pu enlever les péchés. » Jésus-Christ au contraire s’offrant lui-même, par son unique sacrifice supprime tous les péchés. Il a accompli sa mission sur terre. Et, comme nous le redisons chaque dimanche dans notre Profession de Foi, le Symbole des Apôtres, « il s’est assis à la droite de Dieu le Père tout puissant », expression imagée qui signifie la divinité du Fils.

« Il a mené pour toujours à leur perfection ceux qui reçoivent de lui sa sainteté. » C’est au passé car le sacrifice du Christ est accompli. Mais il appartient à chacun d’actualiser en lui-même ce sacrifice, de s’y associer pleinement. C’est la raison d’être de la messe, qui rend présent ce sacrifice, et des sacrements qui en découlent.

Revenons au Livre de Daniel, qui met en jeu Michel le chef de l’armée céleste, qui va présider à la délivrance finale. Les textes prophétiques sont toujours difficiles à interpréter, car ils superposent le temps présent et l’au-delà, qui échappe à la chronologie. Il ne faut donc pas chercher une annonce datée de la fin du monde.

Les termes utilisés par Daniel correspondent à la représentation imagée de son époque. C’est ainsi que pour lui dans le ciel sont tenus à jour les registres qui contiennent les noms des vivants, destinés à devenir les membres de la Nouvelle Jérusalem.

« Beaucoup de gens qui dormaient dans la poussière de la terre s’éveilleront. » C’est déjà une annonce de la résurrection. Dieu triomphe du dernier ennemi, la mort personnifiée, et il lui arrache les fidèles qu’elle avait indûment engloutis.

Dans les textes les plus anciens, nous disent les spécialistes, le thème de la résurrection était compris d’une façon symbolique et collective. La promesse de la résurrection individuelle est la réponse prophétique au problème posé par la mort des martyrs.

Ces paroles transmises par Daniel sont empreintes d’une grande espérance. La promesse de la résurrection, pour lui, vise en premier lieu les chefs spirituels du peuple, les « sages » qui l’ont maintenu dans la vraie foi : Dieu seul justifie, mais par leur enseignement ils ont conduit la multitude vers la justice, et vers la vie éternelle, qui n’est pas directement décrite. Mais la lumière du firmament et des étoiles sert de symbole pour évoquer la transfiguration des ressuscités.

« Restez éveillés et priez en tout temps – nous disait le verset de l’Alléluia – ainsi vous serez jugés dignes de paraître debout devant le Fils de l’homme.

C’est la leçon que nous avons à retenir de ce dimanche, qui nous invite à partager les sentiments exprimés par le psaume : « Mon cœur exulte, mon âme est en fête… Tu ne peux m’abandonner à la mort… Tu m’apprends le chemin de la vie… Devant ta face, Seigneur, débordement de joie ! »

Amen
Père Jean Rouillard

09 novembre 2009

Homélie du 08 novembre 2009

Homélie du 32ème dimanche du Temps Ordinaire - Année B
Connaissez-vous la luminothérapie ? On l’utilise dans le traitement de la dépression saisonnière et des troubles du sommeil ; il s’agit d’une projection de lumière censée stopper la production de mélatonine (l’hormone qui nous fait dormir) et stimuler la production de sérotonine (l’hormone qui nous donne la pêche !). Je ne me lance pas dans le débat médical, je souligne simplement le principe, qui est simple et qui se repose sur l’expérience : vous conviendrez avec moi que ces jours-ci, les jours raccourcissent, il pleut, les feuilles tombent … tous les ingrédients sont là pour que nous ayons le moral dans les chaussettes …ajoutez à cela un ou deux journaux télévisés et une épreuve dans votre famille, et le tour est joué ! Et donc, il est bien vrai que quand il fait froid, quand il pleut, quand il fait sombre, il est plus difficile d’être joyeux !

Or, il y a deux sortes de froid, il y a deux sortes de pluies, il y a deux sortes d’obscurité : le froid matériel, la pluie matérielle, l’obscurité matérielle et le « froid » spirituel, incarné par la « sorcière blanche » de « Narnia », cette « obscurité » spirituelle, où nous ne savons plus ce qui est bien vrai, beau, et enfin cette « pluie » du cœur que Verlaine a si bien décrite …

Je propose donc, en ce mois de novembre, une « luminothérapie spirituelle » : elle consiste à s’exposer au soleil de la présence de Dieu, par la prière. Je pense à l’événement désormais régulier des 24h d’adoration (le 28 novembre prochain), mais je pense aussi à quelque chose de régulier, sans quoi on ne pourrait pas parler de « thérapie » …

De la sorte, nous pourrions produire (pardon pour le terme) de la « Dieutonine », qui serait en nous le principe de la joie, non pas une joie superficielle, qui dépende du temps ou des aléas de la vie, mais une joie profonde, une lumière permanente, qui nous fait traverser l’hiver victorieusement, l’hiver matériel et les hivers spirituels …

Dieu est une richesse que personne ne peut prendre, celui qui a Dieu a tout, il n’a besoin de rien d’autre (« que rien ne te trouble, que rien ne t’effraie, celui qui a Dieu possède tout, seul Dieu suffit », disait Sainte Thérèse de Jésus )

Jean 16 "La femme qui enfante est dans la peine parce que son heure est arrivée. Mais, quand l'enfant est né, elle ne se souvient plus de son angoisse, dans la joie qu'elle éprouve du fait qu'un être humain est né dans le monde. Vous aussi, maintenant, vous êtes dans la peine, mais je vous reverrai, et votre coeur se réjouira ; et votre joie, personne ne vous l'enlèvera."

Je ne saurais décrire avec précision ce que j’éprouvais à chaque fois que, à Rome, j’entrais dans le réfectoire des petites sœurs de l’Agneau (communauté nouvelle née en France d’inspiration dominicaine), réfectoire qui respirait à la fois la pauvreté et la joie. Je sentais bien qu’il y avait ce cocktail de joie et de pauvreté, mais je ne me l’expliquais pas bien, pendant le temps de mon séminaire. Aujourd’hui, je le comprends mieux : la pauvreté sans Dieu est une misère double, la pauvreté avec Dieu pour richesse est plus puissante que la richesse même et elle provoque une joie indestructible. Jean 15 : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que vous soyez comblés de joie ! »

Si nous pouvions quitter cette vie en connaissant cette joie et en la portant autour de nous, alors nous nous aurions réussi notre vie, et c’est bien ce que les saints ont fait : le mois de novembre est le mois des saints, il commence par la Toussaint et il est une invitation à la joie en compagnie de Dieu.

Mais la luminothérapie spirituelle ne suffit pas, il est bon de connaître ce que St Ambroise appelait « les trois morts » : en étudiant la Bible, il en déduit qu'il existe trois types de mort :
- la séparation de l’âme et du corps

- la mort au péché, qui consiste à faire mourir dès cette vie tout ce qui a goût de mort, tout ce qui s’oppose à Dieu, formalisé dans les dix commandements

- la mort spirituelle, celle qui consiste, au contraire, tandis qu’on est encore vivant, à être mort à l’intérieur, par l’abandon volontaire de Dieu. C’est de cette mort-là que Jésus parlait lorsqu’il disait « laisse les morts enterrer leurs morts ».

St Paul enseigne en effet que c’est le péché qui fit entrer la mort dans le monde, voilà pourquoi aujourd’hui, la mort fait partie de la nature, de la nature blessée de l’homme et les deux autres morts s’annulent l’une l’autre dans une vie qui sera conforme au Christ

Tous saints !!! C’est le cri de la Toussaint, puissant appel à devenir des êtres lumineux ! Invoquons la Vierge Marie, sainte entre tous, pour qu’elle nous guide sur ce chemin de lumière.

P. Emmanuel d'Andigné

04 novembre 2009

Homélie du 1er Novembre - Toussaint 2009

Homélie de la fête de tous les saints

Avant de vous faire un rapport de voyage de mon escapade à Taizé, je voudrais vous signaler un mot grec que la traduction liturgique a choisi de rendre par le mot « pleurer », penthéo, mais il est bon de savoir que ce mot, dans le Nouveau Testament désigne dans 9 cas sur 14 (tout de même …) la situation précise du deuil ; les 5 autres cas parlent de tristesse sans précision, tout en sachant qu’il pourrait s’agir du deuil …

Cela signifie que l’on aurait pu traduire la fameuse béatitude (certains l’ont fait) par « heureux ceux qui prennent le deuil, ils seront consolés … »

On sait bien, en effet, que la Toussaint fait penser tout le monde à la question de la mort, eh bien l’Evangile de la Toussaint n’est pas seulement là pour nous montrer que la sainteté consiste à vivre conformément aux Béatitudes (c’est une bonne chose de le savoir …), mais aussi une puissante annonce de la résurrection, et que toutes les peines d’ici-bas, dont la mort est sans doute la reine, je cite « sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous » (Rm 8,18)

Mais je ne quitte pas la fête de tous les saints, en vous faisant un premier rapport de voyage de mon court séjour à Taizé, avec quelques centaines de lycéens, cette semaine : je ne m’attarderai que sur deux toutes petites choses

Cette semaine à Taizé, il y a eu une canonisation ! En effet, au cours d’une conversation entre jeunes, l’une d’eux déclara : « Frère Roger, puisqu’il est saint, … »

On sait bien que, objectivement, il est impossible de le canoniser, puisqu’il n’était pas catholique, mais je retiens de cette « canonisation du cœur » une certaine définition de la sainteté et cette définition s’inspire de la vie de cet homme : la sainteté, c’est de l’œcuménisme intérieur. Le saint, c’est sans doute quelqu’un d’unifié, il n’y a pas deux personnages en lui, il n’y en a qu’un. Cela produit deux effets en lui : une grande paix intérieure, et un rayonnement spirituel qui n’échappe à personne.

Comme vous le savez, comme vous l’avez compris, le pontificat du Pape Benoît XVI est très fortement marqué par l’œcuménisme . En effet, le jour de son élection, il prononça une parole qui passa pratiquement inaperçue, mais que certains ont saisi comme une allusion, en fait très claire, à l’œcuménisme : « Andiamo avanti ! » Quelques années auparavant, le Cardinal Ratzinger avait expliqué, dans son livre « voici quel est notre Dieu » que cette expression convenait particulièrement aux grands oecuménistes …

L’histoire a donné raison à ceux qui avait saisi l’allusion, puisque le Saint-Père multiplie, depuis 2005, les gestes dans toutes directions possibles, afin de surmonter les divisions de l’unique Eglise du Christ. Et voici ce qu’il déclara dès 1982 : « mon diagnostic sur les rapports entre l’Orient et l’Occident dans l’Eglise est le suivant : une unité ecclésiale est théologiquement possible en principe entre l’Orient et l’Occident, mais elle n’est pas encore assez préparée spirituellement, et donc, pratiquement, pas encore mûre »

Cela signifie que la recherche de l’unité doit être préparée par « l’œcuménisme intérieur », à savoir la sainteté !

Et lorsque les jeunes se penchent un peu sur eux-mêmes, en particulier dans la préparation du sacrement du pardon, ils finissent par découvrir que leur être est comme « éclaté » par mille désirs, mille directions contradictoires, mille gadgets électroniques et découvrent l’extraordinaire simplicité de Dieu dans une communauté comme Taizé ou dans n’importe quel monastère.

Les divisions dans l’Eglise ne sont que le reflet de nos divisions intérieures, que la fréquentation de Dieu contribue à éliminer.

Je me souviendrai toute ma vie de la question que le cardinal Lustiger nous avait posée, en 1997, sur le champ de Mars, pour l’ouverture des JMJ de Paris : « quel est votre désir ? ». « Quel est votre désir ? » au singulier ! Il faisait appel à ce qu’il y a de plus profond en nous et non aux mille sollicitations qui dispersent notre être. Et ceci n’est pas réservé à la jeunesse …

A tous ceux qui, comme nous, pourraient être découragés à l’idée de se lancer dans cette unifcation un peu exceptionnelle que l’on voit chez les saints, le curé d’Ars disait : « les saints n’ont pas toujours bien commencé, mais ils ont toujours bien terminé »

Parole encourageante, pour que nous recommencions, aujourd’hui, à unifier notre être pour l’orienter vers Dieu.

A propos de parole encourageante, j’ai relevé une partie de l’enseignement d’un frère de Taizé qui parlait des béatitudes, justement, et qui faisait remarquer aux jeunes que le tout début de l’enseignement de Jésus (les béatitudes) était un encouragement, suivi d’ailleurs par un autre encouragement : « vous êtes le sel de la Terre »

Le curé, d’Ars, encore lui, disait à l’envi qu’il fallait passer plus de temps à encourager le bien qu’à dénoncer le mal : mal qu’il dénonçait abondamment, bien qu’il soulignait encore plus …
Nous avons là une indication sur la pédagogie de Dieu à notre égard et donc sur celle que nous devons avoir dans nos relations avec les jeunes et les enfants avec, donc, ce léger déséquilibre en faveur de l’encouragement.

Heureux sommes-nous, en effet, de préparer un bonheur éternel avec Dieu et d’éprouver déjà un peu ce bonheur, dans la foi, dans l’Espérance et dans la charité !
P. Emmanuel d'Andigné

21 octobre 2009

Homélie du 18 Octobre 2009

Homélie du 29ème dimanche du temps ordinaire - Année B
Mercredi, j’ai eu la chance de faire un pèlerinage au Mont Saint-Michel avec des lycéens. Nous avons parlé de l’appel à la vie religieuse et à la vie sacerdotale et j’ai tenu à aborder les deux questions qui souvent posent problème à notre époque, à savoir : le célibat des prêtres et l’ordination réservée aux hommes (j’espère qu’on prendra le temps de traiter ces questions au cours de l’année sacerdotale !!!)

Après mon intervention, j’ai eu une longue conversation avec quelques lycéens, et en creusant avec eux, j’ai eu l’occasion de débusquer ce qui me paraît une des origines du problèmes, et l’origine est tellement lointaine
qu’on ne voit plus où cela remonte …

Une fois de plus, l’Evangile nous donne la clé : le pouvoir, c’est la question du pouvoir qui finalement installe en nous une façon qui n’est pas juste d’aborder le problème de savoir qui a droit ou non à l’ordination ( « accorde-nous de siéger, l’un à ta droite … »).

On considère spontanément, et c’est un peu normal puisque c’est ainsi dans de nombreux autres domaines, le sacerdoce comme un instrument de pouvoir, et il est vrai que, comme son nom l’indique le prêtre peut faire des choses, il a donc un pouvoir, et que celui qui ne peut pas faire les mêmes choses n’a pas le même pouvoir …

Il y a donc comme deux niveaux dans le pouvoir : le premier niveau qui est la capacité de faire quelque chose, et les devoirs qui y sont liés, et l’autre qui l’utilisation de cette capacité pour un usage personnel, comme une arme de domination. On franchit la frontière entre ces deux régions de l’âme en raison du péché fondamental : l’orgueil. Le livre de la Genèse a décrit admirablement cette maladie spirituelle, « vous serez comme des dieux », comme Dieu qui est tout-puissant … Il peut tout, il a tous les pouvoirs, ne voudriez-vous pas être comme Dieu ?

Dieu ne manque pas d’humour, d’avoir fait en sorte que le modèle des prêtres, l’un des meilleurs prêtres que l’histoire ait porté, le Curé d’Ars, soit un ignorant, qui parlait mal et le français et le latin, car sa langue était plutôt le patois, et d’ailleurs la patronne de notre paroisse, par exemple, partage avec lui cette caractéristique de mieux parler patois que français …

A propos du pouvoir des prêtres, il me semble que l’on peut dire trois choses :
la première, c’est que lorsque Jésus inventa les prêtres (si vous me passez l’expression), il prit soin d’en faire d’abord des diacres, en leur lavant les pieds pour leur faire comprendre que le douanier qui empêche l’homme de franchir la frontière entre le simple pouvoir (celui qui consiste à pouvoir faire quelque chose) et le pouvoir orgueilleux, c’est le service. Nous devons faire en sorte que le sens du service purifie la soif de domination que le péché met dans notre cœur.

En toute logique, donc, lorsque l’Eglise ordonne un prêtre, elle prend toujours soin, d’abord, d’en faire un diacre, un serviteur, comme pour le prévenir et le soumettre à un test : es-tu capable de servir, ou veux-tu te servir ? …

La seconde chose, c’est que Jésus prévient ses disciples que ceux qui le suivront de près sur le chemin de sa gloire (ceux-là même qui demandaient de siéger à sa droite et à sa gauche !) devront lui emboîter le pas dans sa passion auparavant : la « coupe » dont Jésus parle est la même que celle dont il parlera un peu plus tard le jeudi saint, et c’est bien sûr la passion et la croix. Celui qui suit Jésus et qui s’en trouve honoré doit savoir qu’i n’est pas plus grand que son maître et qu’il connaîtra des tourments semblables.

Enfin, pour revenir à la question des hommes et des femmes quant à l’ordination, le Pape Jean-Paul II, dans une magnifique note sur ce sujet (« ordinatio sacerdotalis ») rappelle que personne n’a le droit à l’ordination, pas plus un homme qu’une femme, ce n’est jamais un droit, ou une revendication, c’est un appel, dont les règles ont été fixées par Jésus, et dont Jésus reste le maître encore aujourd’hui.

Jésus n’a réuni que des hommes autour de lui, ce jour-là, lorsqu’il inventa les prêtres, faisant un choix très clair et aussi très libre : on pense facilement aujourd’hui, un peu naïvement, que si Jésus avait vécu à notre époque, il aurait agi différemment, mais ça ne résiste pas à l’analyse : il n’a cessé, pendant trois ans, de s’asseoir sur toutes les conventions étriquées de son époque… on imagine mal comment, la veille de sa mort, il aurait pu craindre une convention de plus, et n’appeler que des hommes pour avoir la paix avec son entourage (ça ne tient pas debout) …

En outre, nous sommes en train de parler du Fils de Dieu, libre s’il en est, parfaitement libre, y compris libre par rapport à la façon dont le pouvoir s’exerçait à l’époque, de sorte que son choix avait des profondeurs que nous ne connaîtrons jamais bien ici-bas car nous considérons inconsciemment le sacerdoce comme une façon de dominer et non comme un lieu de service …

Lorsque le Pape Jean-Paul abordait cette question, il terminait son intervention en adressant aux femmes une interpellation, que je résume ainsi : quelle est l’originalité de votre vocation ? Qu’avez-vous que les hommes n’ont pas ? Quel est votre pouvoir, dans le sens : quelles sont les capacités que Dieu a déposées en vous et quel est votre génie propre ?

Il ne faudrait pas que orgueil nous oblige à faire de l’homme un modèle pour la femme, un modèle qu’il faudrait égaler, car homme et femme ont tous deux même modèle, Dieu, qui n’est ni un homme ni une femme. Et ce que Dieu veut, c’est l’épanouissement de chacun de ses enfants, plutôt qu’une équation sociale.

Tournons vers la Vierge Marie, accomplissement éminent d’une vocation, avec les mots du même Jean-Paul II dans Redemptoris Missio :

Toute l'Eglise est invitée à vivre plus intensément le mystère du Christ, en collaborant dans l'action de grâce à l'œuvre du salut. Elle le fait avec Marie et comme Marie, sa mère et son modèle. Marie est le modèle de l'amour maternel dont doivent être animés tous ceux qui, associés à la mission apostolique de l'Eglise, travaillent à la régénération des hommes. C'est pourquoi, « soutenue par la présence du Christ [...], l'Eglise marche au cours du temps vers la consommation des siècles et va à la rencontre du Seigneur qui vient; mais sur ce chemin [...], elle progresse en suivant l'itinéraire accompli par la Vierge Marie »177.

C'est à la « médiation de Marie, tout orientée vers le Christ et tendue vers la révélation de sa puissance salvifique »178, que je confie l'Eglise et en particulier ceux qui se consacrent à la mise en œuvre du précepte missionnaire dans le monde d'aujourd'hui"

P. Emmanuel d'Andigné

BONUS ! Voici le texte intégral du texte de Jean-Paul II sur l'ordination réservée aux hommes

LETTRE APOSTOLIQUEORDINATIO SACERDOTALIS DU PAPE JEAN-PAUL IISUR L'ORDINATION SACERDOTALEEXCLUSIVEMENT RÉSERVÉEAUX HOMMES
Vénérables Frères dans l'épiscopat,
1. L'ordination sacerdotale, par laquelle est transmise la charge, confiée par le Christ à ses Apôtres, d'enseigner, de sanctifier et de gouverner les fidèles, a toujours été, dans l'Église catholique depuis l'origine, exclusivement réservée à des hommes. Les Églises d'Orient ont, elles aussi, fidèlement conservé cette tradition.
Lorsque, dans la Communion anglicane, fut soulevée la question de l'ordination des femmes, le Pape Paul VI, fidèle à sa charge de gardien de la Tradition apostolique et désireux de lever un nouvel obstacle placé sur le chemin qui mène à l'unité des chrétiens, rappela à ses frères anglicans la position de l'Église catholique: «Celle-ci tient que l'ordination sacerdotale des femmes ne saurait être acceptée, pour des raisons tout à fait fondamentales. Ces raisons sont notamment: l'exemple, rapporté par la Sainte Écriture, du Christ qui a choisi ses Apôtres uniquement parmi les hommes; la pratique constante de l'Église qui a imité le Christ en ne choisissant que des hommes; et son magistère vivant qui, de manière continue, a soutenu que l'exclusion des femmes du sacerdoce est en accord avec le plan de Dieu sur l'Église»(1).
Mais, la question ayant été débattue même parmi les théologiens et dans certains milieux catholiques, le Pape Paul VI demanda à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi d'exposer et de clarifier la doctrine de l'Église sur ce point. Ce fut l'objet de la Déclaration Inter insigniores, que le Pape lui-même approuva et ordonna de publier(2).
2. La Déclaration reprend et développe les fondements de cette doctrine, exposés par Paul VI, et conclut que l'Église «ne se considère pas autorisée à admettre les femmes à l'ordination sacerdotale»(3). À ces raisons fondamentales, le même document ajoute d'autres raisons théologiques qui mettent en lumière la convenance de cette disposition divine et il montre clairement que la pratique suivie par le Christ n'obéissait pas à des motivations sociologiques ou culturelles propres à son temps. Comme le précisa plus tard le Pape Paul VI, «la véritable raison est que le Christ en a disposé ainsi lorsqu'il a donné à l'Église sa constitution fondamentale et l'anthropologie théologique qui a toujours été observée ensuite par la Tradition de cette même Église»(4).
Dans la Lettre apostolique Mulieris dignitatem, j'ai moi-même écrit à ce sujet: «En n'appelant que des hommes à être ses Apôtres, le Christ a agi d'une manière totalement libre et souveraine. Il l'a fait dans la liberté même avec laquelle il a mis en valeur la dignité et la vocation de la femme par tout son comportement, sans se conformer aux usages qui prévalaient ni aux traditions que sanctionnait la législation de son époque»(5).
En effet, les Évangiles et les Actes des Apôtres montrent bien que cet appel s'est fait selon le dessein éternel de Dieu: le Christ a choisi ceux qu'il voulait (cf. Mc 3,13-14; Jn 6,70) et il l'a fait en union avec le Père, «par l'Esprit Saint» (Ac 1,2), après avoir passé la nuit en prière (cf. Lc 6,12). C'est pourquoi, pour l'admission au sacerdoce ministériel(6), l'Église a toujours reconnu comme norme constante la manière d'agir de son Seigneur dans le choix des douze hommes dont il a fait le fondement de son Église (cf. Ap 21,14). Et ceux-ci n'ont pas seulement reçu une fonction qui aurait pu ensuite être exercée par n'importe quel membre de l'Église, mais ils ont été spécialement et intimement associés à la mission du Verbe incarné lui-même (cf. Mt 10,1.7-8; 28,16-20; Mc 3,13-16; 16,14-15). Les Apôtres ont fait de même lorsqu'ils ont choisi leurs collaborateurs(7), qui devaient leur succéder dans le ministère(8). Dans ce choix se trouvaient inclus ceux qui, dans le temps de l'Église, continueraient la mission confiée aux Apôtres de représenter le Christ Seigneur et Rédempteur(9).
3. D'autre part, le fait que la très sainte Vierge Marie, Mère de Dieu et Mère de l'Église, n'ait reçu ni la mission spécifique des Apôtres ni le sacerdoce ministériel montre clairement que la non-admission des femmes à l'ordination sacerdotale ne peut pas signifier qu'elles auraient une dignité moindre ni qu'elles seraient l'objet d'une discrimination; mais c'est l'observance fidèle d'une disposition qu'il faut attribuer à la sagesse du Seigneur de l'univers.
La présence et le rôle de la femme dans la vie et dans la mission de l'Église, bien que non liés au sacerdoce ministériel, demeurent absolument nécessaires et irremplaçables. Comme l'a observé la Déclaration Inter insigniores, «l'Église souhaite que les femmes chrétiennes prennent pleinement conscience de la grandeur de leur mission: leur rôle sera capital aujourd'hui, aussi bien pour le renouvellement et l'humanisation de la société que pour la redécouverte, parmi les croyants, du vrai visage de l'Église»(10). Le Nouveau Testament et l'ensemble de l'histoire de l'Église montre abondamment la présence, dans l'Église, de femmes qui furent de véritables disciples et témoins du Christ, dans leurs familles et dans leurs professions civiles, ainsi que dans la consécration totale au service de Dieu et de l'Évangile. «L'Église, en effet, en défendant la dignité de la femme et sa vocation, a manifesté de la gratitude à celles qui, fidèles à l'Évangile, ont participé en tout temps à la mission apostolique de tout le Peuple de Dieu, et elle les a honorées. Il s'agit de saintes martyres, de vierges, de mères de famille qui ont témoigné de leur foi avec courage et qui, par l'éducation de leurs enfants dans l'esprit de l'Évangile, ont transmis la foi et la tradition de l'Église»(11).
D'autre part, c'est à la sainteté des fidèles que se trouve totalement ordonnée la structure hiérarchique de l'Église. Voilà pourquoi, rappelle la Déclaration Inter insigniores, «le seul charisme supérieur, qui peut et doit être désiré, c'est la charité (cf. 1 Co 12-13). Les plus grands dans le Royaume des Cieux, ce ne sont pas les ministres, mais les saints»(12).
4. Bien que la doctrine sur l'ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes ait été conservée par la Tradition constante et universelle de l'Église et qu'elle soit fermement enseignée par le Magistère dans les documents les plus récents, de nos jours, elle est toutefois considérée de différents côtés comme ouverte au débat, ou même on attribue une valeur purement disciplinaire à la position prise par l'Église de ne pas admettre les femmes à l'ordination sacerdotale.
C'est pourquoi, afin qu'il ne subsiste aucun doute sur une question de grande importance qui concerne la constitution divine elle-même de l'Église, je déclare, en vertu de ma mission de confirmer mes frères (cf. Lc 22,32), que l'Église n'a en aucune manière le pouvoir de conférer l'ordination sacerdotale à des femmes et que cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l'Église.
Priant pour vous, Vénérables Frères, et pour tout le peuple chrétien, afin que vous receviez constamment l'aide divine, j'accorde à tous la Bénédiction apostolique.
Du Vatican, le 22 mai 1994, solennité de la Pentecôte, en la seizième année de mon pontificat.
(1) Cf. PAUL VI, Réponse à la lettre de Sa Grâce le Très Révérend Dr Frederick Donald Coggan, Archevêque de Cantorbery, sur le ministère sacerdotal des femmes, 30 novembre 1975: AAS 68 (1976), pp. 599-600: «Your Grace is of course well aware of the Catholic Church's position on this question. She holds that it is not admissible to ordain women to the priesthood, for very fundamental reasons. These reasons include: the example recorded in the Sacred Scriptures of Christ choosing his Apostles only from among men; the constant practice of the Church, which has imitated Christ in choosing only men; and her living teaching authority which has consistently held that the exclusion of women from the priesthood is in accordance with God's plan for his Church» (p. 599).
(2) Cf. CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Déclaration Inter insigniores sur la question de l'admission des femmes au sacerdoce ministériel, 15 octobre 1976: AAS 69 (1977), pp. 98-116.
(3) Ibid., p. 100.
(4) PAUL VI, Allocution Il ruolo della donna nel disegno di Dio, 30 janvier 1977: Insegnamenti, vol. XV, 1977, p. 111. Cf. aussi JEAN-PAUL II, Exhortation apostolique Christifideles laici, 30 décembre 1988, n. 51: AAS 81 (1989), pp. 393-521; Catéchisme de l'Église catholique, n. 1577.
(5) Lettre apostolique Mulieris dignitatem, 15 août 1988, n. 26: AAS 80 (1988), p. 1715
(6) Cf. Const. dogm. Lumen gentium, n. 28; Décret Presbyterorum ordinis, n. 2.
(7) Cf. 1 Tm 3,1-13; 2 Tm 1,6; Tt 1,5-9.
(8) Cf. Catéchisme de l'Église catholique, n. 1577.
(9) Cf. Const. dogm. Lumen gentium, nn. 20-21.
(10) CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Déclaration Inter insigniores, n. 6: AAS 69 (1977), pp. 115-116
(11) Lettre apostolique Mulieris dignitatem, n. 27: AAS 80 (1988), p. 1719
(12) CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Déclaration Inter insigniores, n. 6: AAS 69 (1977), p. 115

18 octobre 2009

Homélie du 11 octobre 2009

Homélie du 28ème dimanche du Temps ordinaire - Année B
Tout d’abord, je souhaiterais vous faire part d’une initiative fort intéressante pour laquelle j’ai été sollicité : il s’agit du « week-end des parrains ». Le principe est simple : on invite pendant un week-end les parrains et marraines des enfants, et au cours de ce week-end, qui est fait surtout de retrouvailles et de détente, on demande à un prêtre de nourrir la conversation du déjeuner du dimanche !!! Avis aux amateurs …

De loin, les lectures d’aujourd’hui donnent l’impression de n’être qu’une « charge » contre la richesse ou les riches … nous sommes en effet assez idéologues, et nous sommes tentés de faire à propos de ces textes une lecture de droite (c’est pas ce qu’il a voulu dire, rassurez-vous), ou alors « de gauche » (on vous exploite, les pauvres ! Révoltez-vous !) ; je souhaiterais, plutôt faire un commentaire spirituel, c’est à dire selon l’Esprit de Dieu. « Spirituel » ne signifie pas désincarné, car les conséquences pratiques ne tardent pas à venir après un tel commentaire. Laissons-nous donc enseigner par Dieu et l’Eglise.

De plus près, donc, le livre de la Sagesse et la Bible en général présentent plutôt l’argent et la réussite comme un signe de bénédiction … c’est la raison pour laquelle les apôtre sont si surpris quand Jésus parle de la difficulté des riches à entrer dans le Royaume !!!

En fait, le livre de la Sagesse se livre à une remise en ordre des priorités, à partir de l’argent que tout le monde considère avec respect et dont tout le monde perçoit l’importance, avec la santé la lumière et la beauté qui sont aussi de bonnes choses pourvu qu’on ne les divinise pas. Nous sommes évidemment en présence d’une provocation, très efficace en raison des « ressorts » choisis.

Provocation, aussi, dans l’Evangile, à la manière d’un « si ta main te conduit au péché, coupe-la !.. Car il est fort probable que vous n’allez pas appliquer l’Evangile d’aujourd’hui à la lettre, en vendant tout ce que vous avez, quoi que si vous y tenez, souvenez-vous qu’on peut toujours faire un don ou un legs à une paroisse …

Cette provocation n’est pas inutile, car il est en effet très difficile de posséder de l’argent sans que celui-ci vous possède. C’est donc purifiant pour le rapport à l’argent et efficace comme dans le livre de la Sagesse, afin de remettre en ordre sa vie.

C’est la preuve du réalisme de Jésus, qui connaît bien la nature humaine et traite de toutes les questions avec liberté, sans se dire « aië, aïe aïe, je vais me fait mal voir par cette catégorie de gens »

« Je veille à ne choquer personne en rien afin de ne pas exposer mon ministère à la critique », disait simplement St Paul (2 cor 6), puisque ni lui ni nous ne sommes Jésus.

De tout cela je voudrais tirer deux suggestions, sous forme d’une invitation à la lecture … avez-vous lu ces deux ouvrages ?

Le Manuel de survie de la mère de famille, qui fut écrit par l’une d’elles et qui invite à hiérarchiser les priorités pour rechercher la sainteté, en s’inspirant de ceux qui quittent tout. Et cela donne à titre d’exemple : Dieu, moi, mon mari, mes enfants et le reste …

L’Encyclique Veritatis Splendor de Jean-Paul II, dont la base est Mt 19, le parallèle de l’Evangile d’aujourd’hui : vous y trouverez un commentaire plus complet de cette rencontre lumineuse entre Jésus et « le jeune homme riche ».
Pour vous mettre en appétit, voici deux ou trois remarques du pape.
- l’homme n’est pas nommé dans cette rencontre, nous pouvons tous nous reconnaître en lui.

- « L'interlocuteur de Jésus pressent qu'il existe un lien entre le bien moral et le plein accomplissement de sa destinée personnelle », ce qui donne immédiatement une profondeur et un intérêt à la morale catholique.

- Tout se base sur la rencontre avec Dieu par le Christ

En fait, ce passage est proposé par Jean-Paul II comme la base de tout le discours moral de l’Eglise. Nous en avons pas mal parlé en prédication et en catéchèse adulte, je n’insiste pas … Voici simplement comment se termine l’encyclique, emplie non seulement d’un véritable enseignement, mais aussi d’un vrai souffle spirituel, voyez plutôt :
La Sagesse, c'est Jésus Christ lui-même, le Verbe éternel de Dieu, qui révèle et accomplit parfaitement la volonté du Père (cf. He 10, 5-10). Marie invite tout homme à accueillir cette Sagesse. C'est à nous aussi qu'elle adresse l'ordre donné aux serviteurs, à Cana de Galilée, durant le repas de noces : « Faites tout ce qu'il vous dira » (Jn 2, 5).

Marie partage notre condition humaine, mais dans une transparence totale à la grâce de Dieu. N'ayant pas connu le péché, elle est en mesure de compatir à toute faiblesse. Elle comprend l'homme pécheur et elle l'aime d'un amour maternel. Voilà pourquoi elle est du côté de la vérité et partage le fardeau de l'Eglise dans son rappel des exigences morales à tous et en tout temps. Pour la même raison, elle n'accepte pas que l'homme pécheur soit trompé par quiconque prétendrait l'aimer en justifiant son péché, car elle sait qu'ainsi le sacrifice du Christ, son Fils, serait rendu inutile. Aucun acquittement, fût-il prononcé par des doctrines philosophiques ou théologiques complaisantes, ne peut rendre l'homme véritablement heureux : seules la Croix et la gloire du Christ ressuscité peuvent pacifier sa conscience et sauver sa vie.
P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 04 octobre 2009

Homélie du 27ème dimanche du temps Ordinaire - Année B
Toutes les lectures de cette messe ont un rapport avec la famille, sa grandeur et sa dignité. « L’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un », nous disait le livre de la Genèse. « Ta femme sera dans ta maison comme une vigne généreuse, et tes fils, autour de la table, comme des plants d’olivier », poursuivait le psaume 127. « Jésus, qui sanctifie les hommes, n’a pas honte de les appeler ses frères », ajoute la lettre aux hébreux. Et l’Evangile selon saint Marc, après avoir rappelé le texte de la genèse, nous parle des enfants : « laissez venir à moi les petites enfants, répond vivement Jésus à ses disciples.
Il est donc aujourd’hui tout d’abord indiqué de rendre grâce au Seigneur pour la création. « Le Seigneur Dieu façonna toutes les bêtes de champs et tous les oiseaux du ciel … c’était des êtres vivants ».
Puis il créa l’homme et la femme. Il mit un grand amour de l’un pour l’autre. On a tellement tendance à s’arrêter à tout ce qui contrarie le dessein de Dieu qu’on peut le louer pour la grandeur et la beauté de son œuvre.
Bien sûr, le récit des premières pages de la Bible n’est pas à prendre au sens scientifique et historique, tel qu’on l’entend aujourd’hui. Mais dans son apparente naïveté, il renferme des vérités fondamentales.
Le monde est l’œuvre d’un Dieu bon qui a créé de la beauté, qui a voulu que des êtres, à son image, vivent dans l’amour, dans le bonheur, dans la liberté guidée par l’amour.
Disons notre reconnaissance à Dieu pour tous ceux et celles qui nous ont transmis la vie et les valeurs essentielles d’une existence harmonieuse et paisible, nos parents en premier lieu, nos ancêtres et toutes les personnes qui d’une manière ou d’une autre ont contribué à notre bien. On se réjouit de voir des jeunes qui s’aiment s’orienter vers le mariage. La lettre aux hébreux nous ouvre à des horizons beaucoup plus vastes, quoique mystérieux : celui qui est le Fils de Dieu, Dieu lui-même, a été abaissé un peu au-dessous des anges. Lui qui est à l’origine du salut de tous, il a accepté de connaître la souffrance, la passion très douloureuse et la mort, et cela pour conduire une multitude de fils jusqu’à la gloire.
Ainsi, « Jésus qui sanctifie, et les hommes qui sont sanctifiés, sont de la même race. » Jésus confie à l’homme une dignité incroyable, au point de l’appeler « son frère ». L’homme doit donc répondre à cet immense privilège. C’est ce que chante le psaume : « heureux qui craint le Seigneur et marche selon ses voies ».
Il aura à se nourrir du travail de ses mains. Sa femme collaborera activement dans la maison pour réunir ses fils autour d’une table généreuse. « Voilà comment sera béni celui qui craint le Seigneur ». L’idéal est ainsi exprimé. Et le verset de l’alleluia l’explicite : « « Si nous demeurons dans l’amour, nous demeurons en Dieu : Dieu est amour ».
Mais l’Evangile aborde tout de suite les difficultés. L’harmonie du couple peut se détériorer. La tentation de rupture guette ceux qui s’aimaient sincèrement. Jésus rappelle que, si Moïse a consenti certaines permissions, c’est à cause de l’endurcissement du cœur. Mais au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme… ils ne sont plus deux, mais ils ne font qu’un. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! ». L’Evangile se poursuit avec la scène concernant les enfants que l’on présentait à Jésus, alors que les disciples les écartaient sans ménagement.
Il se trouve que ces jours-ci, la liturgie est revenue à plusieurs reprise sur les enfants. Jeudi, en la fête de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, l’Evangile selon saint Matthieu répondait à la question : « qui donc est le plus grand dans le royaume des cieux ? ». Jésus plaça un petit enfant au milieu de ses disciples et il déclara : « « si vous ne changez pas pour devenir comme des petits enfants, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux … Et celui qui accueillera un enfant comme celui-ci en mon nom, c’est moi qu’il accueille. »
Le lendemain, 02 octobre, en la fête des saints Anges Gardiens, Jésus nous redisait : « Celui qui se fera petit comme cet enfant, c’est celui-là qui est le plus grand dans le royaume des cieux … gardez-vous de mépriser u seul de ces petits, car, je vous le dis, leurs anges dans les cieux voient sans cesse la face de mon père qui est au cieux. »
Ces remarques de Jésus devraient avoir d’autant plus de relief que la société de l’époque n’accordait guère d’importance aux enfants et les maintenait dans un état de complète dépendance.
Ce que Jésus nous donne en exemple ici, c’est la disponibilité, la confiance, l’obéissance simple et spontanée de l’enfant qui se sent aimé.
En la fête de Saint François d’Assise, demandons-lui de nous faire partager son esprit d’admiration pour la nature et de louange à son Créateur. Amen.

P. Jean Rouillard

06 octobre 2009

homélie du 27 septembre 2009

homélie du 26ème dimanche du temps de l’Eglise - Année B


Vous avez bien entendu la première lecture et l’évangile : l’Esprit souffle là où il veut.

Du temps de Moïse, les soixante-dix anciens du peuple reçoivent l’Esprit et ils se mettent à prophétiser. Cela ne pose problème à personne car ils étaient reconnus. Mais scandale : deux hommes, Eldad et Médad, qui étaient restés à l’écart dans le camp reçoivent également l’Esprit et se mettent eux aussi à prophétiser. Pour Josué, c’en est trop : il faut les arrêter, mais de quel droit font-ils cela !

Le passage de l’évangile de Marc de ce jour fait suite à celui de dimanche dernier. Jésus vient d’annoncer sa passion où il se fera le dernier et le serviteur de tous. Il vient de conseiller à ses disciples de se mettre en état de service, de se considérer comme des serviteurs et de ne pas chercher les premières places, alors que sur la route ils discutent pour savoir qui est le plus grand.

Et voilà que juste après l’un des douze, Jean, vient se plaindre au Maître que quelqu’un a osé chasser les esprits mauvais en son nom. Ce quelqu’un personne ne le connaît, il ne fait pas partie de ceux qui suivent Jésus. Il faut l’en empêcher, mais de quel droit fait-il cela !

Josué est serviteur de Moïse depuis sa jeunesse. Autrement dit il connaît bien son désir de rassembler tout le peuple, de ne laisser personne sur le bord du chemin. Alors pourquoi cette réaction de jalousie ?

Jean est l’un des meilleurs disciples de Jésus et pour autant il a la même réaction de jalousie et d’exclusion.

Il est vrai que quelque temps avant, dans le même chapitre au verset 18, les disciples ont essayé d’expulser un esprit mauvais d’un enfant et n’y sont pas parvenus. Et là maintenant, quelqu’un y est arrivé et sous-entendu « ce n’est pas nous ! ». Ce quelqu’un : un exorciste étranger en quelque sorte. Mais de quoi il se mêle ?

Les disciples sont pris dans le piège des jalousies, des mesquineries, de qui-a-le-droit-de-faire-quoi. La réaction de Jean est une réaction de domination, de volonté de puissance, alors que Jésus vient de leur demander de se considérer comme des serviteurs et de ne pas chercher les premières places.

Jésus répond à Jean : « Ne l’empêchez pas, … celui qui n’est pas contre nous est pour nous ». Autrement dit, vous êtes mes disciples, je vous aime, mais vous n’êtes pas les seuls dépositaires de l’Esprit de Dieu. Jésus intervient fermement et il a confiance en quelqu’un qu’il ne connaît même pas. Il invite ses disciples et Jean le premier à faire de même.

Mais attention leur dit Jésus à celui qui fait obstacle à ceux qui font du bien, à ceux qui sont faibles et sans défense, à ces petits qui croient en moi. Le ton change, il est sévère. C’est très imagé, mais ce n’est sûrement pas à prendre à la légère. Autant Jésus accepte que le bien se fasse en dehors des disciples, autant il ne supporte pas qu’on puisse laisser se développer le mal. Ce mal dont il nous a délivrés une fois pour toutes en mourrant sur la croix.

L’Esprit souffle là où il veut. Personne n’a le monopole de l’Esprit si ce n’est Dieu lui-même. Est-ce que l’Esprit ne soufflerait que dans des limites bien précises ? Est-ce que la grâce n’agirait que dans un périmètre bien précis ?

Il y a sans doute des gens qui sont des nôtres mais qui ne sont pas sur nos listes, dans nos carnets d’adresses, qui ne sont pas de notre sensibilité, de notre famille spirituelle. Il y a des gens qui font le bien sans être de la communauté. Et si le mal agit à l’extérieur de la communauté, il agit également à l’intérieur. Ce qui est en jeu et vous l’aurez compris, c’est de vivre ensemble une même passion pour le Royaume et de vivre fraternellement les uns avec les autres.

Le concile Vatican II nous le rappelle : « En vertu de la mission qui est la sienne … de réunir en un seul Esprit tous les hommes, l’Eglise apparaît comme le signe de cette fraternité qui rend possible un dialogue loyal et le renforce. Cela exige en premier lieu qu’au sein même de l’Eglise, nous fassions progresser l’estime, le respect et la concorde mutuels, dans la reconnaissance de toutes les diversités légitimes … » (GS 92, 1-2).

Seigneur, nous te le demandons en ce début d’année, aide-nous à vivre pleinement cette fraternité que tu nous proposes.

Ainsi soit-il.
Jean-Paul Rousseau, diacre

homélie du 20 septembre 2009

Homélie du 25ème dimanche du temps ordinaire - Année B
Quelle définition donneriez-vous de la Bible, spontanément ? Je vous propose deux définitions
1
« c’est la Trace écrite de l’histoire d’amour en entre Dieu et les hommes », façon simple de parler de l’Alliance …nous parlons d’Ancien et de Nouveau Testament, mais ça n’a rien a voir avec les dernières volontés de quelqu’un ! Testamentum essaie de traduire « berit », en hébreu, qui signifie « Alliance ».
C’est pourquoi Jésus parle du « sang de l’alliance, nouvelle et éternelle » dans l’institution de l’Eucharistie. La Bible est la trace écrite de l’alliance amoureuse entre Dieu et les hommes

2
La seconde définition complète la première, et va dans le même sens, mais plus profondément, et elle est illustrée par les textes que nous avons reçu aujourd’hui …

La Bible est une révélation sur Dieu et sur l’homme : Dieu révèle qui il est et nous révèle qui nous sommes. Un chant dit « Que vive mon âme à te louer, tu as posé une lampe, une lumière sur ma route, ta parole Seigneur !

Savoir qui est Dieu nous fait sortir de la ténèbre, et projette sur le cœur de l’homme une lumière, de sorte qu’il se connaît mieux lui-même. Vous avez entendu parler de l’inscription qui figurait sur le fronton de Delphes et dont Socrate a fait ses « choux gras », si vous me passez l’expression qui n’est pas utilisée à ma connaissance dans l’œuvre de Platon …

Gnoti séauton : connais-toi toi-même ! Socrate disait justement, contrairement à cette expression, que l’homme pouvait très difficilement se connaître, et que c’était sans doute même impossible. Et au stade où il en était, lui qui n’avait pas reçu la révélation juive puis chrétienne manquait de cette lumière qu’apporte l’Ecriture. Sans la lumière de la présence de Dieu, sans la révélation de Dieu, il est extrêmement difficile, voire impossible, à l’homme, de se connaître lui-même …

Les textes d’aujourd’hui nous apportent une lumière dont on se serait bien passée, il faut l’admettre, sur la réalité de nos cœurs humains : le drame intime de la jalousie, qui apparaît dans le complot contre le juste et qui se manifeste très tôt dans les écoles par la méfiance qui entoure les premiers de classe, par exemple … Les réflexions légères du Petit Nicolas sur Agnan, « Le chouchou de la maîtresse », sont une parabole moderne de cette maladie du cœur humain.

Et puis la recherche du pouvoir, de la première place, qui apparaît chez les apôtres, pour nous être révélée à nous-mêmes.

Dieu nous éclaire aujourd’hui sur ces deux maladies qui ne touchent pas que les autres, reconnaissons-le avec courage ! Nous avons là une révélation purifiante, la question est : « comment allons- nous guérir ?

Après nous avoir révélé les méandres inavouables de notre cœur, le Christ nous montre le chemin de la guérison : c’est par l’offrande de la souffrance, par la manière dont la croix a été vécue puis vaincue (les deux !) que Jésus fait reprendre à l’humanité un chemin droit ; « la sagesse qui vient de Dieu est d’abord droiture », dit Saint Jacques.

C’est la passion du Christ qui a été en quelque sorte le point de départ du renouvellement de l’humanité et cela signifie que nous devons prendre le même chemin : « En effet, puisque le créateur et maître de tout voulait avoir une multitude de fils à conduire jusqu’à la gloire, il était normal qu’il mène à sa perfection, par la souffrance, celui qui est à l’origine du salut de tous », dit la lettre aux hébreux.

Et nous-mêmes, après avoir constaté que notre cœur était impur, nous devons passer par la croix pour reprendre un « chemin de droiture ». Ce ne sera pas la peine de rechercher les croix, elles vont venir toutes seules, elles font partie de la vie. Mais si au moins nous ne fuyons pas la croix, alors nous faisons un grand pas en avant, pour notre propre rédemption et la beauté de notre existence.

Voici ce que disait St Jean-Marie Vianney, à qui fut confiée cette année sacerdotale : « la croix est l’échelle du ciel. Il est consolant de souffrir sous le regard de Dieu, et de pouvoir se dire à la prière du soir : -j’ai eu aujourd’hui deux ou trois heures de ressemblance avec Jésus : j’ai été flagellé, couronné d’épines, crucifié avec lui »

Si la croix a été le moyen pour Dieu de faire mourir le péché, alors pour nous aussi, c’est le moyen par lequel nous ferons mourir les nôtres, avec la grâce de Dieu. Les catholiques ont subi une nouvelle fois une attaque, dimanche dernier : le sacrilège par lequel on singeait la messe durant les accroche-cœurs

A l’extérieur, il nous faut réagir, et nous l’avons fait, mais à l’intérieur il faut en faire un chemin de conversion et une occasion supplémentaire de s’attacher à la croix ; ça n’est que sur un autre plan que nous pouvons légitimement nous émouvoir de la pornographie infligée aux enfants ce même jour et lutter contre aussi. Car dès le plus jeune âge, un arbre doit pousser droit, d’où la présence d’un tuteur, afin que d’une belle enfance jaillisse une belle vie.

P. Emmanuel d'Andigné

Homélie du 13 septembre 2009

Homélie du 24ème dimanche du temps ordinaire - Année B
Isaïe, dans la première lecture, nous fait don de ce que l’on a fini par appeler le « chants du Serviteur », on en compte quatre en tout dans l’œuvre toute entière, où Isaïe décrit avec une précision redoutable la Passion du Christ par exemple, mais aussi d’autres traits de sa personne ou de sa mission …

La Liturgie de la parole (c’est un bon rappel), fonctionne de la même façon que les disciples du temps de Jésus : il faut déterminer si oui ou non Jésus est bien le Messie, c’est l’un des objets principaux de l’Evangile. Le psaume fonctionne comme un écho de la première lecture, et la seconde lecture est une lecture suivie, pour la « nourriture » et l’édification de la communauté chrétienne, qui puise dans ces textes de quoi vivre encore aujourd’hui.

Cette affirmation « Jésus est le Messie » vaut aujourd’hui pour les juifs, dont les rabbins, ces temps-ci, ont tendance à dire que la venue du messie aura lieu à la fin des temps !!! Nous sommes d’accord, finalement, bien que pour nous, ce soit un retour …

Cette affirmation est valable aussi pour les chrétiens d’aujourd’hui, pour qu’ils réactivent leur foi en Jésus, pour qu’ils la « réinitialisent » diraient les informaticiens. En effet, pour qu’une mise à jour d’un logiciel soit opérationnelle, il faut « redémarrer le système » : il en va de même pour nos cœurs et nos intelligences, lorsqu’ils « téléchargent » la Parole de Dieu !

Cette affirmation est valable pour tous les hommes, tous les autres ! Ils ont essentiellement deux types d’attente :

Une attente intellectuelle (Dieu existe-t-il , mais aussi une attente psychologique (la souffrance et la mort ont-elles un sens ?). Et cette attente psychologique se transforme en attente spirituelle, lorsque quelqu’un se demande si Dieu fait quelque chose, quand il souffre …

Moi je connais deux réponses à cette question : la principale réponse de Jésus à la question de la souffrance, c’est la croix ! Jésus semble nous dire « je souffre avec toi, quand tu souffres ». Dans un seconde temps, il me semble, Dieu répond parfois par la guérison du cœur et parfois du corps. Claudel disait "Jésus n'est pas venu pour expliquer la souffrance, il n'est même pas venu pour la soulager, il est venu pour l'emplir de sa présence"

L’Evangile se révèle donc très moderne, et c’est normal puisqu’il est éternel, nous n’avons plus qu’à transposer ce que nous entendons à l’époque d’aujourd’hui. Faisons l’exercice !

Jésus parle à la cantonade et demande ce que les gens pensent sur lui, et ce que les disciples, eux pensent …tous les disciples prennent la parole pour le sondage d’opinion, mais seul Pierre parle pour la définition de foi et c’est la même chose aujourd’hui : le successeur de Pierre, le Saint-Père, a la charge de donner la doctrine officielle parce que, immanquablement, des opinions circulent, y compris à l’intérieur du groupe des disciples et c’est à celui qui occupe le siège de Pierre de dire ce qui est vrai, finalement … nous devons donc toujours l’écouter avec intérêt, et avec docilité, même si ce n’est pas la mode.

J’ai connu un monsieur qui ne changeait jamais de cravate. Au moment de l’achat de celle-ci, sans doute correspondait-elle à la mode en cours … mais lorsque la mode a changé, il a continué à porter toujours la même cravate ! Est arrivé ce qui devait arriver : il fut démodé, un temps, pour devenir quelques années plus tard à la pointe de la mode, qui avait encore changé … Dieu nous a donné une belle cravate dans le trésor de la foi, n’en changeons pas au gré des modes !!!

Objection votre honneur ! On voit dans l’Evangile que Pierre dérape … le successeur de Pierre ne peut-il pas déraper (sans compter qu’il a abandonné son maître …) ?

Réponse à l’objection :

1) tous les successeurs de Pierre, jusqu’à aujourd’hui connaissent l’ensemble de l’Evangile, avec les erreurs et les formidables définitions de foi. Ils connaissent donc parfaitement cette erreur fondamentale qu’il a faite à l’époque de vouloir fabriquer un Dieu ou un Messie qui ne dérange personne et qui bêle avec le troupeau et qui ne connaît pas de difficulté telle que la passion.

Notre pape actuel, comme le précédent, est donc dans la situation inverse de celle de l’Evangile d’aujourd’hui : c’est au contraire par fidélité à l’Evangile et au Christ qu’il reçoit la désapprobation des faiseurs d’opinion. Il y en avait à l’époque de Jésus, des faiseurs d’opinion : « pour les gens, qui suis-je ? Jean-Baptiste, pour d’autres, Elie, pour d’autres, un des prophètes… »

2) deuxième réponse à l’objection, et c’est plus fondamental encore.

Jésus a dit : « Simon, Simon, Satan vous a réclamés pour vous passer au crible comme le froment. Mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu sera revenu, affermis tes frères. »

Jésus prie pour le pape !!! Nous aussi, remarquez, mais quand Jésus fait une prière, elle est forcément exaucée. Et c’est si vrai, d’ailleurs, que Saint-Pierre le couard qui a lâché Jésus au moment de la Passion, ne l’a plus lâché, ensuite, une fois ressuscité, il est même mort martyr pour lui. Il existe des formes modernes de martyrs, bien que la brutalité n’ai jamais vraiment disparue.

Concrètement, nous devons être à l’écoute de nos contemporains et de leurs souffrances pour déposer le Messie dans leur cœur et prier pour demander le courage (après la sagesse et l’intelligence).

P. Emmanuel d'Andigné